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dimanche 29 mars 2009

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Dans une large mesure, le discours et l'écriture politique consistent, à notre époque, à défendre l'indéfendable. Certes, des choses comme la perpétuation de la domination anglaise en Inde, l
les purges et les déportations en Russie, le largage de bombes atomiques sur le Japon peuvent être défendues: mais elles ne peuvent l'être que par des arguments si brutaux que peu de gens pourraient les regarder en fac. De toute façon, ces arguments ne cadrent pas avec les objectifs que disent poursuivre les partis politiques. C'est pourquoi le langage politique doit pour l'essentiel être constitué d'emphémismes, de pseudo-banalités et de vaporeuse ambiguités. Des villages sont-ils bombardés depuis les airs, leurs habitants forcés de fuir vers la campagne, leurs troupeaux passés à la mitrailleuse, leurs huttes brûlées avec des balles incendiaires? Cela s'appelle pacification. Vole t-on leurs fermes à des millions de paysans qui doivent dès lors fuir sur les routes en n'emportant avec eux que ce qu'ils pourront porter? Cela s'appelle transfert de la population ou reconfiguration des frontières. Des gens sont-ils emprisonnés des années durant sans avoir subi de procès? D'autres recoivent-ils une balle dans la nuque ou sont-ils envoyés mourir du scorbut dans des camps de planches en Afrique? Cela s'appelle suppression d'éléments indésirables.

George Orwell, Politics and the English Language. Cité dans Petit Cours d'Autodéfense Intellectuelle. p. 23.