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mercredi 5 août 2009

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22 juil. 2009

LE MONDE MODERNE À PORTÉE DE MAIN

UNE FORMATION PARRAINÉE PAR L’OTAN AIDE LES AFGHANS À SE CONNECTER

Mujibudrahman, 31 ans, originaire de Kaboul, et Badam, 30 ans, originaire de Nangarhar, déjeunent à la terrasse d’un restaurant de Bruxelles avec onze autres informaticiens afghans. Une cérémonie en leur honneur est prévue dans l’après-midi au siège de l’OTAN. Ils rentreront ensuite en Afghanistan où un travail important les attend.

Ces trois dernières semaines, les treize Afghans ont participé à un stage de haut niveau sur la gestion d’une infrastructure de réseau universitaire à l’université de Groningue aux Pays-Bas. C’est le programme OTAN pour la science au service de la paix et de la sécurité (SPS) qui a parrainé ce stage.

Lorsqu’ils rentreront en Afghanistan, les stagiaires contribueront à l’extension du projet Route de la soie virtuelle à Kaboul et en province. La Route de la soie virtuelle de l’OTAN procure, à un coût raisonnable, aux milieux universitaires du Caucase et d’Asie centrale un accès Internet à haut débit grâce à des liaisons par satellite. Le projet est en place à l’université de Kaboul depuis 2006.

De la plongée sous-marine et de la reconstruction d’un État
Mujibudrahman – que tout le monde appelle Mujib – est un Tadjik doté d’un grand charisme, qui est directeur du département d’informatique à l’université polytechnique de Kaboul, où il est né. Badam enseigne l’informatique à l’université de Nangarhar.

Mujib a quitté l’Afghanistan quand il avait une vingtaine d’années pour chercher du travail en Turquie. En 2001, il travaillait dans un café Internet à Istanbul tout en suivant des cours du soir en informatique. Ayant appris que la situation économique en Afghanistan s’améliorait, il est rentré à Kaboul en 2002 et s’est inscrit à l’université polytechnique.

« Quand je suis arrivé à l’université polytechnique, il n’y avait pas d’ordinateurs, » raconte-t-il « Seulement des crayons et du papier. » Au fur et à mesure, diverses organisations, et notamment les gouvernements allemand et sud-coréen, ont fait don d’ordinateurs et, à présent, l’université compte 250 terminaux. Un département des sciences informatiques a été créé en 2008.

Le stage était difficile, dit-il, mais le groupe a aussi fait une randonnée à bicyclette sur l’île de Schiermonnikoog et de la plongée sous-marine dans une piscine près de Groningue. « Il est entré dans la piscine deux fois, » raconte Mujib, le sourire aux lèvres, en désignant Badam, qui rit en se cachant le visage dans les mains. « Et il s’est retrouvé à court d’oxygène. »

Badam a vu un ordinateur pour la première fois à l’âge de 22 ans lors d’un voyage à Karachi au Pakistan. « J’étais fasciné, » dit-il, le regard émerveillé. « C’est alors que j’ai décidé d’étudier l’informatique. »

Il a obtenu son diplôme d’informatique à l’université de Nangarhar en 2006. « Quand j’étais étudiant, nous étions tous très amateurs de jeux informatiques. » Un jeu de prédilection ? « Age of Empires » répond-il en riant.

Badam pense que les programmes comme la formation informatique qu’il vient de suivre contribueront à la reconstruction de l’État afghan. « Le gouvernement, et surtout la police et l’armée, doivent se consolider. Ce programme devrait les y aider. »

La communication engendre l’émancipation
Le groupe compte deux jeunes femmes : Roya, coordonnatrice informatique, et Somaia, enseignante en sciences informatiques, toutes deux à l’université de Hérat. Sûres d’elles et loquaces, les deux jeunes femmes portent un foulard aux couleurs vives. Roya fête son anniversaire dans deux jours. « Mais si vous voulez, nous pouvons commencer à faire la fête dès maintenant, » lance-t-en riant.

Somaia est mariée ; Roya est célibataire, ce qui est rare en Afghanistan. À 19 ou 20 ans, la plupart des femmes sont mariées ou fiancées, » explique-t-elle.

« Certaines le sont à 14 ans, » glisse Somaia.

Roya reprend : « Mes amies se sont mariées, moi pas. Si je me marie, je choisirai un homme qui a l’esprit ouvert et qui me laissera poursuivre mes études. »

Originaire de Hérat, la famille de Roya a quitté l’Afghanistan après l’invasion soviétique pour aller vivre en Iran où son père a enseigné à l’université. En Iran cependant, le fait d’être une femme l’a empêchée de suivre les cours à l’université.

En 2004, Roya et sa famille sont rentrées à Hérat, où l’enseignement supérieur était devenu plus accessible aux femmes. Elle a obtenu l’an dernier son diplôme en sciences informatiques à l’université de Hérat. Elle veut poursuivre ses études pour obtenir un doctorat.

« Le stage que nous venons de suivre était intéressant et utile, » précise-t-elle. « Nous pourrons gérer les réseaux de notre université. Nous espérons à l’avenir pouvoir approfondir nos connaissances, car le stage était très général. »

Elle considère qu’il existe un lien évident entre l’accès à l’Internet et les droits de la femme. Grâce à l’Internet, « les femmes peuvent communiquer entre elles dans différents pays. Ce programme contribue à l’extension de la communication. Les déplacements [comme la conférence informatique] changent la perception que les gens ont des femmes.

La voie du progrès
Le déjeuner prend fin et les stagiaires se répartissent dans plusieurs taxis qui les amènent au siège de l’OTAN.

Tandis que les gardes de sécurité de l’OTAN contrôlent les passeports, Salim Saay, chef des services informatiques au ministère afghan de l’Enseignement supérieur, parle du programme. « Nous essayons depuis trois ans de constituer une équipe pour les projets OTAN, » dit-il. « Nous y sommes enfin parvenus cette année. Il y a eu pas mal de problèmes techniques, c’est pourquoi nous avons demandé une formation à l’OTAN. »

Il fait état de l’importance de « l’anneau de fibres optiques » - initiative afghane de télécommunications qui prévoit l’installation d’un anneau de fibres optiques autour des grandes villes afghanes en vue d’améliorer la connectivité. La durée de la mise en place de l’anneau ? « Entre six et sept mois si les conditions de sécurité sont bonnes, sinon le projet sera abandonné. »

Les étudiants sont excités et curieux de savoir en quoi consistera la cérémonie. Ils déambulent près de l’accès au Siège réservé aux piétons et plaisantent. Mujib, lui, est plus pensif. Il considère tristement les obstacles en béton qui entourent l’entrée. « En Afghanistan, c’est partout comme ça, » dit-il.

Après avoir arpenté les couloirs blancs du Siège, les stagiaires prennent place dans une petite salle lumineuse où se trouvent déjà les personnalités. Debout à la tribune, M. Jean-François Bureau, secrétaire général adjoint de l’OTAN pour la diplomatie publique, ouvre la cérémonie. « Avec les professionnels de l’informatique, nous cherchons à défendre les priorités des universités afghanes, » déclare-t-il. M. Bureau fait observer que le stage a pour objectif de raccorder les universités afghanes à d’autres universités du monde entier.

M. Bureau présente Son Excellence le général Wardak, ministre afghan de la Défense. « L’informatique est la voie du progrès au XXIe siècle, » dit le général aux stagiaires. « Le pays a besoin de vous et, pour ma part, en tant qu’ancien soldat de ce pays, je pense que nous pouvons totalement compter sur la jeune génération pour assurer l’avenir de l’Afghanistan. »

Ont également participé à la cérémonie M. Fred Olthof, conseiller à la délégation des Pays-Bas auprès de l’OTAN, M. Mark H. Godlieb de l’université de Groningue, et M. Saay. Debout aux côtés de M. Bureau, le général Wardak remet les certificats aux étudiants, leur serre la main et les félicite en farsi.

Un autre travail attend nos stagiaires
Ensuite, Mujib, Badam et Roya font part de leurs impressions lors d’une petite réception donnée en l’honneur des stagiaires. « Je suis très fier, » déclare Badam tenant en main son certificat. « Mais j’aimerais approfondir le sujet. »

Mujib est encore un peu ébloui après avoir serré la main du ministre de la Défense. « Je n’avais jamais vu le ministre en personne. En Afghanistan, quand on voit un ministre, il est entouré de gardes du corps. » Son visage s’éclaire d’un sourire. « Ce stage a été très intéressant. Maintenant, je peux inscrire ce certificat sur mon CV. »

« La présence du général Wardak m’a fait très plaisir, » dit Roya, qui a aussi pu échanger quelques mots avec M. Bureau.

Quelques jours plus tard, de retour à Hérat, Roya envoie une dernière réflexion par courrier électronique au siège de l’OTAN. « Si elle veut aider davantage les Afghans et surtout les Afghanes, l’OTAN devrait organiser un plus grand nombre de formations, » écrit-elle.