DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

lundi 5 octobre 2009

1040.CRITIQUE PHILOSOPHIQUE

La Chronique Mensuelle de Michel Onfray

N° 52 - Septembre 2009

L’INSANE ORELSAN

http://pagesperso-orange.fr/michel.onfray/Chronique_sept09.htm

Ces derniers temps les vigies du politiquement correct en appellent au droit de l’artiste à s’exprimer comme il veut, pour dire ce qu’il veut, quand il veut, comme il veut. Ainsi Orelsan qui, sous prétexte d’être le Rimbaud du XXI° siècle (c’est le ministre de la culture qui le dit…), revendique dans Sale pute le droit de célébrer la beauté du passage à tabac de sa copine.

Notre poète trouve sa « pétasse » juste bonne à se « faire péter le rectum », rêve de la tabasser, de la frapper au visage, de lui casser la jambe, de lui briser la mâchoire. Il la considère comme une truie tout juste bonne à l’abattoir, aimerait tant qu’elle crève dans un attentat, qu’elle tombe enceinte et qu’elle perde l’enfant ou qu’il « l’avorte à l’opinel ». Juste une chanson que notre rimeur regretterait depuis que son tour de chant risque de lui rapporter moins d’argent ?

Non. Car il y en a au moins deux : dans Saint Valentin, l’auteur du Bateau ivre post moderne crée même un néologisme et aspire à « Marietrintigner » ( !) sa « tass-pé » si elle n’apprécie pas de se faire faire « la rondelle à la margarine ».

Ils nous dit sa dilection toute particulière pour « les sneks avec un QI en déficit (qui se ressemble s’assemble – note du rédacteur…)/ Celles qui encaissent jusqu’à finir handicapées physiques », celles qu’après un remplissage on peut envoyer au tri sélectif, celles qui n’ont pas le Bac, celles qui sniffent son sperme comme une ligne de coke, celles qui acceptent sa proposition de « tester (ses) nouvelles MST »… On sait juste que le garçon aime la bière et le foot à la télé.

La misogynie, un droit ? La phallocratie, un droit ? Le machisme, un droit ? L’invitation à la haine, un droit ? Le sexisme, un droit ? L’incitation à la violence, un droit ?

Si oui, il faut en tirer les conclusions et admettre que, sous prétexte de droit de l’artiste à se tenir au-dessus des lois, ou au-delà du droit, sinon à s’installer par-delà la morale la plus élémentaire, et sous prétexte d’évoluer dans le monde de l’art, il puisse, licence poétique oblige, en appeler à la réouverture des chambres à gaz dans un film, à la persécution des juifs dans un roman, à l’abattage des intellectuels dans un poème, au lynchage des homosexuels dans une série télé, à la déportation des tziganes dans un essai, à la haine raciale dans un opéra, à la pendaison des noirs dans une peinture, et à tout ce qui fit les riches heures des fascismes, totalitarismes et autres joyeusetés du XX° siècle !

L’artiste n’a pas tous les droits. Il aurait même, à mon avis, un surcroît de devoirs sur l’homme du commun. Je pleure sur la Philosophie des Lumières du XVIII° siècle, un temps où l’artiste, le penseur, l’écrivain, le philosophe ne se revendiquaient pas du droit de se situer au-dessus des lois pour célébrer la pulsion de mort, l’animalité des hommes, flatter la bestialité ou encourager l’inhumanité mais, au nom du devoir d’humanité, d’en appeler à des lois pour faire triompher la pulsion de vie, l’humanité des hommes, et un certain nombre de valeurs par lesquelles se disait un projet : la solidarité et la fraternité entre les races, les peuples, les sexes, les religions, les visions du monde et une liberté définie non pas comme le pouvoir de dire et de faire n’importe quoi, mais de décider, ensemble, d’une règle du jeu susceptible d’empêcher ce que d’aucuns encouragent aujourd’hui : le triomphe du cerveau reptilien sur le néo-cortex…