DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

mercredi 2 décembre 2009

1541. VOCABULAIRE. COUPABLE.

CULPABILITÉ.

LE PÉCHÉ. LE PÉCHEUR.

Le frère montra le crucifix au dessus du tableur vert. puis désigna les élèves, parcouru du doigt chaque petite tête, pointa plus particulièrement certains dont il connaissant quelques secrets. ou, peut-être, une honte familiale, une tare, la déchéance d’une sœur.

Puis il montra le grand tableau sanglant. On y voyait Jésus – le même, après sa Résurrection (fondement de la Foi Catholique). Son visage était apaisé, doux, stoïque. Il portait encore sa couronne d’épine dont les pointes perçaient le front. Les gardes romains après l’avoir flagellé avec des fouets aux multiples lanières garnies d’osselet tranchants ou de billes de métal, l’avait tressée puis enfoncée à coups de maillets. Lui accordant le titre et le privilège de roi des Juifs. Des gouttes de sang sortaient des plaies puis coulaient sur son front. Il montrait ses mains avec les trous des clous dans les paumes (on ne voyait pas les clous qui sont conservés précieusement dans une église de Rome). Les plaies étaient encore rougies. Parfois roses ou violettes. Il montrait son cœur que l’on avait représenté symboliquement sorti de sa poitrine. Entouré d’une petite couronne d’épines. D’autres gouttes de sang en sortaient. Une large plaie ouverte dans le cœur gardait la trace du coup de lance fatal. Le cœur souffrait qui s’était offert en sacrifice pour sauver les humains (même les juifs). C’est ainsi que Saint Thomas l’avait vu. Niant d’abord la possibilité de la survie après la mort.

Tous les jours, le Frère montrait la croix et le tableau, racontant la même histoire. Jusqu’à ce que les larmes lui viennent aux yeux et que les élèves les plus sensibles pleurent à leur tour.

_ Voici ce que les hommes lui ont fait. Il a été trahi par ses amis, abandonné de tous. Échangé par les juifs contre un criminel. Et comme si ce n’était pas assez, son supplice continue encore de nos jours.

Il regarda la salle emplie de petits garçons de 6 ans.

_ Tout ceci est de votre faute.

Il attendit la réaction. Les protestations. Personne n’osa rien dire.

_ Dieu sait tout, voit tout, entend tout. Tout ce que vous faites dans le noir. Vos secrets que vous chuchotez. Les lectures malsaines que vous faites en cachette, il les voit par vos yeux et votre esprit. Tout ce que vous pensez, au moment où vous le pensez, il le sait. Et Saint-Pierre note tout. À la fin de vos jours… N’ayez aucune illusion. Vous croyez être jeune. Vous pensez avoir la vie devant vous. Une longue vie. Mais il a dit : Je viendrai comme un voleur! Et lorsque vous vous endormirez cette nuit, il se peut que vous ne vous réveillez pas le lendemain. Il se peut que demain, il manque l’un d’entre vous. Ou plusieurs. Il est très bien possible que dans la seconde, l’un des élèves de cette classe meure.

Il y eut un long silence. Le Frère attendait. Et les 36 élèves se regardaient.

_ Avez-vous l’âme pure? Avez-vous fait votre prière? Avez-vous dit votre chapelet. Votre mère vous dit de vous brossez les dents avant de vous coucher, vous rappelle-t-elle de faire votre prière au pied de votre lit? Car il se peut que cette nuit, ce soir, soit votre dernière. Et vous vous réveillerez en Enfer. Pour l’éternité.

Il sortit alors sa grande Bible illustrée. L’ouvrit précieusement. Et on voyait sur une pleine page, un grand diable noir, les jambes ouvertes, tenant une fourche. Au-dessus de lui, un grande horloge sans chiffre. Seulement des lettres. TOUJOURS. JAMAIS. Toujours souffrir. Jamais mourir. Et à ses pieds, des précipices. Chacun noté pour un type de crime ou de perversion particulières dont le nom n’apprenait rien à ces enfants ignorants.

_ Votre Salut éternel est en jeu. Qui d’entre vous serait prêt à mourir maintenant?

Il fit le tour de la classe, se promenant dans les rangées, sa longue règle de bois vibrant dans son dos. Il aimait la porter comme les anciens lanciers mains jointes dans le dos. Il pouvait l’abattre à tout moment sur un bureau pour réveiller un endormi ou punir un mauvais pensant.

_ Vous faites parti du peuple de Dieu et on ne peut pas dire que votre Salut ne regarde que vous. Même s’il concerne votre âme. Qui est votre bien le plus précieux. Si vous vous perdez, vous errerez dans les flammes de l’Enfer, au milieu des Démons monstrueux. Seuls. Votre mère et votre père, vous ne les reverrez plus jamais. Et ils ne sauront jamais où vous êtes. Pensez que ceci peut vous arriver à l’instant. Un gouffre peut s’ouvrir sous vos pieds. Il se peut que lorsqu’il y a 100 ans, lorsqu’on a construit cette école qui paraît pourtant bien solide, qu’on ait fait une erreur. Qu’on ait ménagé sur la qualité des matériaux. Que la pierre, la brique, les poutres de bois aient tenu le coup pendant 100 ans. Jusqu’à aujourd’hui. Et cette heure, une fissure est en train de s’ouvrir. Sous vos pieds. Au-dessus de votre tête. Et le plancher se creusera ou le plafond tombera sur vous. Et vous finirez écrasé, tordu, empalé, mourant lentement. Dans le noir, la poussière. Seul. L’un d’entre vous subira ce sort qui ressemble à un châtiment. Ou toute la rangée peut tomber à la fois. Parce que l’un d’entre vous a péché. Eu une mauvaise pensée. Fait une mauvaise action.

Mais il y a pire. Comment pourrait-il y avoir chose pire que de mourir le corps broyé, les os brisés, son sang s’écoulant en flot de ses chairs hachées? Qu’y a-t-il de pire que de perdre son âme éternelle. La seule que vous ayez. Car vous n’avez qu’une vie. Il ne faut pas croire ces païens idolâtres qui parlent de réincarnation. Assez innocents pour croire que l’on a plusieurs chances et que si on rate une vie, on pourra se reprendre comme au baseball dans la partie suivante. Non! Vous n’avez qu’une vie. Et le temps de votre mort est beaucoup plus grand que le temps minuscule qu’aura duré votre vie. Ce temps vous le passerez au Ciel. Ou en Enfer. Pour l’Éternité. Nous verrons ce mot demain.

Je disais qu’il y a pire. Je vous montrais la Sainte Croix. La Sainte Image. Je veux que vous la regardiez. Voyez comme Jésus à l’air bon. Aimable. Malgré ses plaies. Ces plaies que les hommes lui ont faites. Ces plaies que vous-mêmes lui faites. Tous les jours. À chaque instant. Une mauvaise pensée et c’est un coup de marteau que vous donnez à sa couronne d’épine. Sentez comme il a mal. Sentez comme vous auriez mal si on vous faisait la même chose. Vous voyez le sang couler. Un péché de votre part et c’est un clou que vous enfoncez dans ses mains saintes ou ses pieds saints. Un coup de fouet à 100 lanières dans son dos. Ou un coup de lance dans son cœur.

Tout ceci est de votre faute. Vous êtes coupable.

Regardez vos mains. Faites bouger vos doigts. Sentez votre peau fragile. Imaginez qu’on vous plante un clou. Un grand clou. Un clou comme celui-ci – il sortit de sa soutane un grand clou-. au milieu de votre petite main. Supposez qu’on prenne un marteau – il alla dans son bureau, ouvrit son tiroir et en sorti un grosse masse de fer-

Il prit le clou, le place droit sur son bureau. Et donna un grand coup de masse de fer sur le clou qui entra d’un pouce dans le bois. Le bruit fit sursauter toute la classe.

_ Dans chacune de vos mains. Dans chacun de vos pieds.

Pensez!

Le mot du jour : culpabilité.