DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

jeudi 15 avril 2010

3298

JOURNAL DES DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

39e législature, 1re session

(début : 13 janvier 2009)

Le mardi 13 avril 2010 –

Vol. 41 N° 103

http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100413/14563.html

(…)

(19 h 50)•

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Rouyn-Noranda—Témiscamingue, pour votre intervention. Et, pour la poursuite du débat sur le discours du budget, je cède maintenant la parole à M. le député de Verchères. M. le député de Verchères, à vous la parole.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Je ne sais pas à quels citoyens le collègue de Rouyn-Noranda— Témiscamingue a pu parler au cours des deux dernières semaines, mais, manifestement, il y a une très grande différence entre la population de Rouyn-Noranda— Témiscamingue et celle de Verchères, puisque les échos que j'ai de ce budget chez moi sont nettement moins positifs que ceux qu'a semblé entendre le collègue de Rouyn-Noranda—Témiscamingue. Peut-être a-t-il entendu ce qu'il souhaitait entendre, mais vous ne vous surprendrez pas, M. le Président, que j'aie une analyse diamétralement opposée de ce budget que celle de notre collègue de Rouyn-Noranda—Témiscamingue.

D'abord, je pense qu'il s'agit d'un budget qui se caractérise par son manque de courage. Il traduit, je crois, le manque de courage de ce gouvernement, qui se présente à la population en disant: Écoutez, nous allons faire l'essentiel de l'effort et une petite partie de l'effort va vous être transférée, là, on va vous mettre ça sur les épaules, mais l'essentiel de l'effort, là, c'est le gouvernement qui va le faire. C'est le gouvernement qui, d'abord, va se serrer la ceinture avant de demander: Est-ce que vous serreriez, de deux, trois petits trous additionnels, la vôtre?

Alors, le gouvernement, pour ce faire, dit qu'il va couper dans les dépenses de l'État. Or, ce qu'on réalise, lorsqu'on analyse plus attentivement le budget, c'est que, dans certains cas, on parle de coupures fictives, on parle de comptabilité créative, on parle de prévisions d'un optimisme débridé tant au niveau des recettes que des dépenses du gouvernement; bref, une contribution de la part de l'État tout à fait hypothétique.

S'il y a une chose qui est certaine, par exemple, M. le Président, c'est que les contribuables, eux, ils vont devoir mettre la main dans la poche. Alors ça, c'est clair. Ça, ça ne fait pas l'ombre d'un doute. S'il y a une certitude dans ce budget, c'est que ça va coûter très cher aux contribuables québécois. Et, ce qu'on constate, c'est que ce budget frappe tout particulièrement les malades et les pauvres.

M. le Président, avec le ticket modérateur puis la taxe sur la santé, on va aller piger dans les poches des malades et des plus démunis, de façon toute particulière. La hausse des tarifs d'électricité au niveau du bloc patrimonial va également affecter de façon toute... de façon toute particulière les plus démunis, M. le Président, et, qui plus est, va priver le gouvernement de revenus au chapitre de la péréquation, sans pour autant améliorer la performance économique du Québec.

Le premier ministre nous disait tout à l'heure: Bien oui, mais, c'est bien surprenant de voir que le PQ souhaite avoir de la péréquation. D'abord, M. le Président, cet argent-là, là, ce n'est pas un cadeau, c'est notre argent, première des choses. Deuxième des choses, si on veut renverser le fardeau puis faire en sorte qu'il n'y ait plus de péréquation, il faut assurer le développement économique. Alors, ce n'est pas en augmentant les tarifs d'hydroélectricité, privant le Québec de la moitié de cette augmentation au niveau du bloc patrimonial des revenus de péréquation, qu'on va nécessairement améliorer la performance budgétaire et économique du Québec, M. le Président.

On parle de gel de la masse salariale des employés de l'État, gel des bonis versés aux employés de l'État, sauf les hauts dirigeants de certains sociétés d'État, M. le Président. On parle de gel des salaires des députés, ministres et du premier ministre. Je n'ai pas de problème avec ça, moi, M. le Président, à ce qu'on gèle le salaire des élus, même si, de fait, ça n'aura pas une grande incidence sur le bilan budgétaire du gouvernement, mais je pense qu'il est important qu'on montre l'exemple. Ceci dit, on s'attend à ce que le premier ministre montre l'exemple au premier chef, mais le premier ministre y tient, lui, à son train de vie. Alors, il continue à recevoir son boni du Parti libéral du Québec, payé en grande partie par les contribuables québécois, mais de façon un peu... un peu nébuleuse, M. le Président.

Pendant ce temps, malgré le fait qu'il en coûte des sommes importantes aux contribuables du Québec, le gouvernement refuse toujours de tenir une commission d'enquête sur l'industrie de la construction, et le ministère des Transports, à cet égard, M. le Président, est au coeur, est dans l'oeil du cyclone. C'est donc dire que les investissements dont la ministre a tendance à se gargariser passent soudainement moins bien dans la gorge des contribuables québécois.

Par exemple, des contrats d'une valeur de 743 millions de dollars prévus pour le développement du réseau routier seront-ils octroyés avec ou sans appels d'offres? Seront-ils donnés aux mêmes firmes qui, traditionnellement, se partagent la job?

C'est ce genre de doute, M. le Président, qui continue de peser sur le ministère des Transports. On aurait été en droit de s'attendre à ce que le ministère des Transports imprime des choix courageux de la part de ce gouvernement pour la mise en place de mesures énergiques en matière de transport, considérant les objectifs de réduction de gaz à effet de serre que s'est donnés ce gouvernement et sachant qu'au Québec les transports sont responsables de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, 60 %, M. le Président, dans la région métropolitaine.

On annonce une politique industrielle pour développer la filière des véhicules électriques. La version préliminaire qui commence tout juste à circuler, M. le Président, et déjà on s'interroge sur la rigueur de l'analyse sur la base de laquelle certains choix ont été faits.

Par exemple, on continue de mettre sur un pied d'égalité, voire de prioriser la technologie du tout-électrique par rapport à celle des hybrides rechargeables. Alors, comme l'offre de véhicules tout électriques est encore embryonnaire et le réseau d'approvisionnement pour les batteries toujours inexistant, il s'agit, M. le Président, d'une mesure essentiellement sans effet. Qui plus est, les véhicules hybrides rechargeables disposent d'un niveau d'autonomie mieux adapté aux grandes distances à parcourir et aux rigueurs du climat québécois, sans compter qu'ils sont moins lourds et moins vulnérables aux effets de pannes majeures et prolongées comme dans le cas de la crise du verglas en 1998.

Parlant de crédit d'impôt, M. le Président, à l'achat de véhicules écoénergétiques, on s'interroge d'ailleurs sur leur maintien puisqu'ils ne semblent pas se retrouver dans le budget. Pour ajouter au doute vis-à-vis du sérieux de la démarche du gouvernement et de sa véritable volonté d'en arriver à des résultats concrets et ambitieux, non seulement ne prévoit-on accorder que 166 millions de dollars sur cinq ans — ça, c'est le plan qui commence à circuler — on ne retrouve pas ces chiffres-là dans le budget cependant, M. le Président, pour réaliser ce plan, mais on ne se donne pratiquement aucun objectif précis ou mesurable ainsi qu'aucun échéancier.

À cela, on ajoute une modeste et nébuleuse aide financière de 24 millions de dollars sur trois ans pour encourager la commercialisation de produits ayant obtenu une certification d'empreinte carbone. Déjà en soi, c'est un petit peu nébuleux comme concept. En comparaison, M. le Président, c'est 4 milliards de dollars sur 10 ans que le Parti québécois, en juin 2008, proposait d'investir dans le développement de la filière des véhicules électriques. On parle de choses tout à fait d'un autre ordre, M. le Président.

Fidèle à ses habitudes, le gouvernement fait des annonces surprises, sans consultation, sans débat public, comme on sort un lapin de son chapeau. On annonce la possibilité que Québec et Montréal puissent augmenter de 1,5... 0,015 $ dis-je, la taxe sur l'essence pour financer le réseau de transport en commun. Le résultat, M. le Président, c'est qu'on sème la zizanie dans nos régions... entre les régions puisque certaines métropoles régionales auraient aussi voulu pouvoir se prévaloir de... auraient voulu se prévaloir d'une telle possibilité. Soulignons qu'à Montréal, par exemple, cette taxe sur l'essence ne permettrait que d'éponger le déficit accumulé du service de transport en commun. Il n'y aura donc pas nécessairement davantage de services pour les usagers du transport en commun.

Par ailleurs, le fonds devant accueillir ces sommes pourtant annoncé dans le budget de l'an dernier n'est même pas encore créé. D'aucuns s'interrogent même sur la transparence du nouveau Fonds des infrastructures routières et de transport en commun créé par la fusion de trois fonds et dont la nature et les objectifs demeurent encore bien vagues. Bien que le gouvernement signale son intention d'accroître ses investissements en matière de transport collectif, il entretient toujours, M. le Président, le déséquilibre par rapport aux investissements plus importants consacrés à l'entretien et au développement du réseau routier. On encourage bien peu finalement les gens à rouler plus vert et même à rouler moins, M. le Président.

•(20 heures)•

Finalement, soulignons que le budget est muet sur un certain nombre de projets pourtant nécessaires pour le Québec. Qu'arrive-t-il avec le projet du complexe Turcot, avec la rue Notre-Dame, avec le remplacement des voitures du métro de Montréal? En fait, ce budget illustre toute l'improvisation qui caractérise ce gouvernement et qui a forcé la ministre à renvoyer ses fonctionnaires à leurs devoirs pour plusieurs des projets que je viens d'énoncer.

Il y a bien sûr plusieurs inquiétudes, M. le Président, ça va donner lieu à bien des questions à ce gouvernement dans le cadre de l'étude des crédits. Tout porte à croire que nous aurons beaucoup de pain sur la planche au cours des prochaines semaines et au cours des prochains mois, M. le Président. Alors, j'invite la ministre des Transports et son collègue le ministre délégué aux Transports à s'atteler parce qu'on aura effectivement beaucoup de questions à leur poser.

Motion formulant un grief

Et je termine, M. le Président, et vous ne m'en voudrez pas, en déposant une motion de grief qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le premier ministre et la ministre des Transports pour leur manque de rigueur dans l'attribution des contrats du ministère.»

Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Je vous remercie, M. le député de Verchères, de votre intervention. Et vous comprenez que votre motion de blâme sera évaluée sur la base de la pertinence, et, si elle est recevable, elle fera partie, à la fin du débat, du vote sur le budget.