DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

jeudi 15 avril 2010

3301

JOURNAL DES DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

39e législature, 1re session

(début : 13 janvier 2009)

Le mardi 13 avril 2010 –

Vol. 41 N° 103

http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100413/14563.html

(…)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de La Prairie, de votre intervention. Je suis prêt à entendre le prochain intervenant. Et je reconnais Mme la ministre déléguée aux Services sociaux. Mme la ministre déléguée aux Services sociaux, à vous la parole.

Mme Lise Thériault

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. le Président, à mon tour de prendre la parole sur le budget 2010. Évidemment, je suis très fière, comme tous mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, de vous mentionner et dire à la population que j'approuve et que je défends le budget du gouvernement. Nous avons posé... déposé un budget ambitieux, et beaucoup d'intervenants ont dit que ça prenait énormément de courage, de courage — et je pense que c'est important de le répéter — de courage parce que c'est un budget qui effectivement a eu des décisions difficiles.

Vous savez, M. le Président, au Parti libéral, lorsqu'on s'est assis et qu'on a regardé, nous, les ministres, bon, nous savions tous que nous étions pour être mis à contribution. Et nous sommes tous solidairement, conjointement solidaires de notre collègue le ministre des Finances, qui a déposé ce budget-là. Et nous devons tous faire un effort, et nous sommes conscients que ce ne sera pas facile mais qu'on va y arriver.

Vous savez, quand on a beaucoup d'expérience, ça vous le savez, depuis le nombre d'années que vous êtes ici, vous approchez vos 30 ans, moi, j'ai le plaisir d'être ici...

Une voix: ...

Mme Thériault: Ah! vous avez passé vos 30 ans? Excusez-moi, M. le Président. Je pense, 33. 32? 33? Ce n'est pas important? D'accord. La ministre de l'Immigration n'était pas née encore lorsque vous avez été élu la première fois, donc c'est presque dire que vous faites partie des meubles. Je ne sais pas si je me rendrai à un âge aussi avancé et aussi vénérable en expérience, mais j'ai quand même le plaisir de siéger dans cette Chambre depuis maintenant huit ans, puisque j'ai été élue en 2002 et que j'ai fait de l'opposition. Et je comprends très bien, comme le ministre délégué aux Transports l'a dit lui aussi, que, quand on est dans l'opposition, on critique. Puis c'est sûr qu'on n'a pas la même vision, là, c'est clair. On ne peut pas penser pareil, c'est clair, c'est évident. Mais ça ne veut pas dire que toutes les décisions qu'on prend, ce n'est pas des bonnes décisions. On ne peut peut-être pas juste le dire des fois sur la place publique parce qu'on est dans l'opposition puis on est obligé de le dénoncer.

Mais, entre vous et moi, M. le Président, puis entre les collègues puis les gens qui nous écoutent, le choix courageux qu'on fait, c'est décider de ne pas couper dans les budgets de la santé et des services sociaux, c'est décider de ne pas couper dans les budgets de l'éducation, chose qui avait été faite sous le précédent gouvernement. Tout le monde va s'en souvenir qu'on a vécu des années avec les pénuries de professionnels, les médecins qu'on a envoyés à la retraite puis qu'on a payés pour faire sortir du réseau. Ça, c'était un choix courageux du précédent gouvernement, puis on nous dit que ça n'a pas de bon sens, ce qu'on décide. Bien, moi, quand je commence à comparer, les professionnels qui ont été mis dehors, les ergothérapeutes pour les enfants, tous les éducateurs au niveau des écoles, dans les services sociaux, là, savez-vous qu'est-ce que ça a eu comme impact? Les listes d'attente des personnes handicapées, les déficiences intellectuelles, les enfants TED avec les troubles envahissants du développement, je peux vous en parler, M. le Président, parce que, moi, je sais ce qu'on a fait comme effort.

Je regarde le vieillissement de la population. Vous savez, M. le Président, moi, j'ai un fils qui a 19 ans, O.K.? Il me reste encore au moins 25 années à travailler, peut-être plus. Je suis en forme, je ne pense pas que je vais arrêter à 60 ans ou à 65 ans. Moi, je pense que c'est important de se garder actif dans la vie, puis notre expérience de vie continue. Sauf que la réalité du Québec, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui arrivent à 65 ans qui arrêtent de travailler. On est dans une société qui est vieillissante. Nous avons de la pression dans notre système de santé et de services sociaux. Il y a 8 000 personnes âgées supplémentaires qui arrivent à 65 ans, par année, qui ont besoin de services à domicile dans les services sociaux. On coupe? Non, M. le Président, on ne peut pas couper, par respect pour nos aînés.

Mais je pense à mon fils aussi, mon fils qui a 19 ans. Lui, il va se ramasser avec quoi, dans 10 ans puis dans 30 ans, si on ne fait rien aujourd'hui? 19 ans. Il a au moins 40 ans à travailler avant de prendre sa retraite, puis si ce n'est pas plus. Il va faire quoi, lui? Un jour, j'aurai des petits-enfants. J'ai des collègues qui en ont, des petits-enfants. C'est fini, on ne peut plus pelleter par en avant, on ne peut plus décider de remplir le fardeau des prochaines années, des prochaines générations puis d'handicaper... On ne peut plus handicaper l'avenir de nos enfants puis de nos petits-enfants, M. le Président.

Moi, je considère que ce qu'on a fait... Évidemment, il y a eu beaucoup de consultations. C'est important de le rappeler, je pense qu'on a entendu les messages des gens. J'ai vu, moi aussi, les gens qui ont manifesté en fin de semaine, puis je les comprends. Je ne connais pas personne, M. le Président, là, qui va appeler n'importe qui puis qui va dire: All right, moi, je vais payer plus d'impôt! Je n'en connais pas beaucoup. Je n'en connais pas beaucoup. Mais ce que je sais, par exemple, c'est qu'il y a des gens, les générations avant moi, qui ont pu profiter, eux, de beaucoup de choses.

Moi, je suis tout de suite après les baby-boomers, ça fait que, je suis arrivée, toutes les jobs étaient prises, M. le Président. Bien, évidemment, c'est sûr, je me suis placée sur le marché du travail quand même, j'ai bien réussi, pas de problème. Mais il y a eu des générations qui ont pu profiter d'un paquet de choses... ou des choses qu'on a instaurées, comme le régime québécois d'assurance parentale. Mon fils a 19 ans, je ne recommencerai pas à avoir des enfants, c'est bien évident. Les centres à la petite enfance, c'est bien correct aussi, je suis d'accord avec ça. On encourage la natalité, bien je les paie avec mes impôts. À chaque service qu'on donne aux gens du Québec, O.K., notre collègue de Papineau l'a dit... Je vais vous les dire, là, les vrais chiffres, là: «Au fil des ans, le Québec s'est donné le panier de services collectifs le plus étendu en Amérique du Nord. En fait, le gouvernement du Québec finance 26 % plus de services que l'Ontario. Cela représente une somme annuelle de 17,5 millions de dollars, soit en moyenne 2 250 $ par Québécois, homme, femme et enfant. Cet écart a plus que triplé au cours des 20 dernières années, mais notre richesse collective, c'est-à-dire notre capacité de payer ces services est de 14 % moins élevée qu'en Ontario.»

On a fait le choix de ne pas couper, M. le Président. Les gens ne veulent pas qu'on coupe. Est-ce que vous pensez que c'est logique de couper dans le régime québécois d'assurance parentale ou dans les places aux CPE quand tout ce qu'on a mis en place fait qu'on encourage la natalité et qu'on a augmenté le nombre d'enfants qui naissent au Québec? On a réintroduit les allocations familiales, M. le Président, chose qui avait été coupée par le précédent gouvernement, et jusqu'à 18 ans. Pourquoi? Parce qu'on a remis de l'argent dans les poches des Québécois, M. le Président. Quand on a fait le choix de retourner des impôts dans les poches, là... de baisser les impôts, de retourner de l'argent au niveau des citoyens, savez-vous ce que ça a eu comme impact, M. le Président? Les gens ont consommé. Parfait! Ils ont consommé. On a encouragé la consommation, on a encouragé notre propre économie. Et une chance qu'on a fait ça. On est passé au travers de la pire crise économique qu'on n'a pas vécue. On s'en tire mieux qu'ailleurs. On a réinvesti dans nos infrastructures. On a fait travailler notre monde. C'est pour ça qu'on a remis de l'argent dans les poches du monde. Puis c'est correct de faire ça.

Quand j'entends dire, de l'autre côté, qu'on appauvrit, ce qu'on oublie de dire, puis je trouve ça dommage, je comprends, on fait de la politique, on ne voit pas les affaires de la même manière, c'est correct, mais ce qu'on oublie de dire, là, c'est que la contribution volontaire... la contribution pour la santé, qui va commencer à 25 $ cette année, mais que ça va aller juste sur le rapport d'impôt de l'année prochaine; l'année prochaine, 100 $ mais sur l'autre rapport d'impôt; puis, l'autre année d'après, un autre 100 $ supplémentaire, donc on parle de 200 $ mais sur l'autre rapport d'impôt, donc l'autre année fiscale. Évidemment, ça, M. le Président, c'est assorti... pour protéger le pouvoir d'achat des ménages moins nantis, il y a la création d'un crédit d'impôt remboursable pour la solidarité. On oublie de le dire. Mais il faut le dire parce que, ça, c'est de protéger le pouvoir d'achat des plus démunis. Ce n'est pas juste de dire: Eux autres, ils paient encore plus que les autres. Ce n'est pas vrai. Mais on a remis de l'argent dans les poches du monde.

Puis, moi, je suis solidaire de ce budget-là. Puis je vais vous dire bien honnêtement que, moi aussi, j'en ai entendu parler. Puis j'ai parlé avec beaucoup de gens. Puis les gens, là, quand tu commences à leur expliquer: Pour tes enfants, pour tes petits-enfants, pour les services qu'on a de besoin, c'est normal qu'on contribue... Vous ne voulez pas qu'on coupe? Vous voulez qu'on coupe où? Les gens ne veulent pas qu'on coupe dans les services.

•(20 h 30)•

Nous, on a fait le choix courageux de ne pas couper dans les services à la population comme le précédent gouvernement avait décidé de faire. Des exemples? Il y en a. Mon collègue l'a dit, puis je pense que je vais le répéter, c'est important, parce qu'il y a 62 % de l'effort, c'est le gouvernement qui va le faire. J'ai commencé avec ça puis je pense que c'est important de le répéter.

On va geler les salaires de tous les députés pour deux ans. Bien, moi, je trouve que ça, c'est vraiment donner l'exemple, puis c'est correct aussi.

Nous suspendons les primes au rendement pour les hauts dirigeants du secteur public pour deux ans. Nous demandons des efforts comparables aux dirigeants des sociétés d'État commerciales. C'est correct aussi. On gèle la masse salariale de la fonction publique jusqu'à 2013-2014. Nous réduisons de 10 % les dépenses de fonctionnement de nature administrative d'ici 2013-2014. On réduit de 25 % les budgets de publicité, de formation et de déplacements. On maintient la règle du remplacement de un départ à la retraite sur deux; on va l'appliquer dans le domaine, maintenant... pour le personnel administratif du réseau de la santé et des services sociaux ainsi que de l'éducation. On va réviser et examiner des programmes gouvernementaux, on va mettre fin au renouvellement automatique. C'est correct qu'on se pose la question quand il y a un programme qui vient à échéance, M. le Président. Est-ce qu'on peut faire mieux, d'une manière différente, avec le même argent? Est-ce qu'on peut faire plus? Je pense que c'est correct qu'on se pose la question. Et, en plus de ça, on va fusionner ou abolir une trentaine d'organismes.

Vous savez, M. le Président, ce que je trouve le plus difficile en politique, là, je vais vous le dire, ce n'est pas de défendre les décisions qu'on prend, parce que c'est bien évident qu'il n'y aura jamais 100 % des personnes qui vont être d'accord. Il y a des gens qui sont d'accord, puis il y a des gens qui ne sont pas d'accord, puis il y en a qui sont un peu indifférents. C'est correct. Il faut respecter ça. Ce que je trouve difficile en politique, c'est... On lit tous la même chose. Écoutez, c'est écrit noir sur blanc dans le budget. On a tous entendu le ministre dire la même chose, mais on regarde ça avec notre bout de lorgnette, et on ne fait pas de nuances, et on tombe dans les extrêmes la plupart du temps, et on fait peur au monde en disant qu'on va instaurer des tickets modérateurs, que ça va coûter 25 $ de la visite, à chaque fois qu'on va au médecin, à l'hôpital, etc. Ce n'est pas ça qu'on a dit. C'est écrit noir sur blanc. J'ai demandé aux gens, moi: L'avez-vous lu, le budget? Non? Bien, vous devriez peut-être le lire. Puis je trouve ça dommage, et ça me déçoit de voir que, même quand il y a des bonnes décisions, parce qu'on est dans l'opposition, on est obligé de dénoncer, parce que c'est de la pure opposition, alors que de l'autre côté ils devraient nous applaudir.

Et, je vais terminer avec ça. Au colloque du Parti québécois, le 22 février, les membres ont proposé: «Je suggère que nous accroissions le poids des taxes les plus efficaces, [les] taxes à la consommation, les taxes vertes, qui sont des taxes sur la pollution, et la tarification.» Le nouveau député de Rousseau disait, évidemment avant de devenir député, hein, il disait: Prenez l'exemple de l'assurance médicaments: à chaque année, on révise le régime. D'ailleurs, c'est prévu même dans la loi, et je crois que ça devrait être prévu lorsqu'il s'agit d'un service qu'on utilise. Il est d'accord avec le principe de l'utilisateur-payeur; il est rendu député, il ne dit plus un mot, il dénonce. Je ne trouve pas ça correct, parce qu'on a droit à nos convictions. C'est sûr qu'on n'est pas le même parti et on ne partage pas les mêmes visions.

De l'autre côté, là, le deuxième parti de l'opposition, là, il fallait vendre la deuxième Mercedes pour se payer des soins de santé. Mais c'est parce qu'il a oublié que ce n'est pas tout le monde qui en a, des Mercedes, puis ce n'est pas tout le monde qui en a deux... qui a deux autos non plus. Puis aujourd'hui on dénonce les décisions qu'on prend. Bien, je regrette, M. le Président, moi, je suis fière du budget qui a été présenté par mon collègue le ministre des Finances, par mon gouvernement, et ça me fera plaisir de voter en faveur de ce budget.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la ministre déléguée aux Services sociaux, de votre intervention. Et je cède maintenant la parole à M. le député de Roberval.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Je le sais, c'est parce qu'il y avait une autre demande, mais ce n'était pas pour moi. Oui. Oui, mais... Alors, je m'excuse. Alors, M. le député de Roberval, pour la poursuite du débat sur le discours du budget.