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lundi 19 juillet 2010

4142. AGENCE DE NOTATION.

LES AGENCES DE NOTATION - BONNET D'ÂNE

Serge Truffaut

7 juin 2010
http://www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/290366/les-agences-de-notation-bonnet-d-ane

Un jour, les magiciens de Moody's décotent un pays, mettons l'Espagne,

parce qu'ils jugent l'état de ses finances publiques médiocre.

S'ensuivent l'élaboration et l'imposition d'un plan d'austérité par les politiciens.

Conséquence de cette conséquence, les jongleurs d'une autre agence, disons Fitch, abaissent la note espagnole parce qu'ils estiment le plan d'austérité synonyme de frein à la croissance économique si nécessaire, on s'en doute, au renflouement des caisses espagnoles.

Bref, c'est à se demander si les agences en question ne forment pas le foyer philosophique du sophisme.

Ici et là, des voix s'élèvent pour affirmer qu'il en faut, de ces agences.

Il est vrai qu'elles sont nécessaires. Elles le sont, mais pas comme elles sont présentement. Vraiment pas.

Quand on songe qu'elles ont raté Enron, WorldCom, Tyco, Adelphia, qu'elles ont persisté à accorder le triple A à des subprimes au début de 2008

alors que le FBI avait indiqué en 2004 (2004!) que les États-Unis étaient confrontés à une épidémie de mauvaises hypothèques,

quand on pense qu'elles ont ramené le crédit de la Grèce à un niveau inférieur à celui de la Thaïlande, qui est pourtant au bord de la guerre civile,

il nous semble qu'un minimum de contrition et d'humilité devrait être observé.

La semaine dernière, devant les membres de la commission américaine d'enquête sur la crise financière, Raymond McDaniel, grand patron de Moody's, s'est abstenu de formuler le moindre acte de contrition.

Certes, il a dit que des erreurs avaient été commises, mais en prenant soin de ramener la valeur de ces erreurs, le poids de celles-ci, à... À quoi?

Mettons à un vol de bonbons effectué par un gamin.

Il est vrai que l'on vit à une époque où tout se vaut. Pffff!

Pourtant, au cours des audiences de cette commission, on en a appris des bonnes et des moins bonnes.

Prenons le témoignage de Mark Froeba, ex-vice-président senior de Moody's, donc membre de la haute direction de l'entreprise.

Aux sénateurs, il a confié que les analystes complaisants, soit ceux qui additionnaient les AAA, obtenaient des promotions, des augmentations de salaire, des actions.

En clair, plus on allouait le AAA à des entreprises qui payent pour être étudiées, ce qui constitue en soi un conflit d'intérêts manifeste, plus on récoltait de récompenses.

Les plus pécuniaires s'entend.

Les autres, les non-complaisants? Ils étaient virés, renvoyés.

Dans cette histoire, un épisode mérite d'être souligné deux fois plutôt qu'une parce qu'il met en relief un changement pervers dans la culture de Moody's.

Voilà, en l'an 2000, cette dernière s'est séparée de Dun & Bradstreet, firme réputée pour faire des rapports comptables objectifs, sans commentaires.

Dans la foulée de ce divorce, «l'atmosphère quasi académique de Moody's s'est évanouie», de rappeler l'ex-cadre supérieur.

Elle s'est évanouie pour mieux transformer Moody's en une fabrique de trois A.

Il faut les mettre au piquet avec le bonnet d'âne.

Et vite, car il y a urgence à les réformer.