DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

vendredi 15 mai 2009

424

Puis, s'approchant de moi, les deux friponnes, en riant, m'eurent bientôt mise dans le même état qu'elles. Les baisers de Mme Delbène prirent alors un caractère tout différent...

- Qu'elle est jolie, ma Juliette ! s'écria-t-elle avec admiration ; comme sa délicieuse petite gorge commence à bondir ! Euphrosine, elle l'a plus grosse que toi... et cependant à peine treize ans.

Les doigts de notre charmante supérieure chatouillaient les fraises de mon sein, et sa langue frétillait dans ma bouche. Elle s'aperçut bientôt que ses caresses agissaient sur mes sens avec un tel empire que j'étais prête à me trouver mal.

- Oh, foutre ! dit-elle, ne se contenant plus et me surprenant par l'énergie de ses expressions. Sacredieu, quel tempérament ! Mes amies, ne nous gênons plus : au diable tout ce qui voile encore à nos yeux des attraits que la nature ne nous créa point pour être cachés !

Et jetant aussitôt loin d'elle les gazes qui l'enveloppaient, elle parut à nos regards belle comme la Vénus qui fixa l'hommage des Grecs. Il était impossible d'être mieux faite, d'avoir une peau plus blanche... plus douce... des formes plus belles et mieux prononcées. Euphrosine, qui l'imita presque tout de suite, ne m'offrit pas autant de charmes ; elle n'était pas aussi grasse que Mme Delbène ; un peu plus brune, peut-être devait-elle plaire moins généralement ; mais quels yeux ! que d'esprit ! Émue de tant d'attraits, vivement sollicitée, par les deux femmes qui les possédaient, de renoncer comme elles à tous les freins de la pudeur, vous croyez bien que je me rendis. Au sein de la plus tendre ivresse, la Delbène m'emporte sur son lit et me dévore de baisers.

Histoire de Juliette ou les Prospérités du vice. Donatien-Alphonse-François de Sade naît à Paris le 2 juin 1740