DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

dimanche 8 novembre 2009

1257. LES AVENTURES DES MAÎTRES DU MONDE

AFGHANISTAN : LA PRESSE INTERNATIONALE DÉNONCE "UNE DÉBÂCLE CINQ ÉTOILES"

Le Monde.fr 03.11.09
http://www.lemonde.fr/international/article/2009/11/03/afghanistan-la-presse-internationale-denonce-une-debacle-cinq-etoiles_1262020_3210.html#ens_id=1228393

Au lendemain du retrait de son seul et unique opposant, l'accession d'Hamid Karzaï à la présidence de l'Afghanistan suscite la consternation de la presse internationale.

C'est notamment le cas du côté des Etats-Unis et du Royaume-Uni, qui fournissent une bonne partie des 100 000 soldats actuellement déployés sur le sol afghan.

Dans les pages du Guardian, Simon Tisdall qualifie l'élection d'Hamid Karzaï de "débâcle cinq étoiles". Le journaliste critique violemment la stratégie de Barack Obama et "son incapacité à empêcher une élection sponsorisée par les Etats-Unis de se transformer en fiasco".

Sur ce point, le président américain a échoué, "comme tous les autres". Un échec d'autant plus grave qu'il rend injustifiable toute volonté d'envoyer des troupes supplémentaires, qu'elles soient issues de l'ONU ou de l'OTAN.

Pour Candace Rondeaux, analyste à l'International Crisis Group de Kaboul, citée par le quotidien britannique, "le système est officiellement brisé". "Les Afghans vont devoir endurer encore quatre ans pendant lesquels le pouvoir présidentiel ne sera pas contrôlé et la communauté internationale n'aura que peu de marge de manœuvre pour vérifier les réformes de la Constitution.

A moins que les Etats-Unis et leurs alliés n'aient la volonté de mettre la pression sur Karzaï, je ne vois aucune chance de progrès."

"UNE APPROCHE LAXISTE DE LA CORRUPTION"

Un constat pessimiste partagé par les commentateurs, qui s'inquiètent notamment de la corruption qui gangrène les institutions et l'économie afghanes et que les Occidentaux ne parviennent à endiguer.

Le quotidien The Independent reprend ainsi les propos du premier ministre britannique, Gordon Brown, qui presse Hamid Karzaï de prendre le problème de la corruption à bras-le-corps, seule façon de "mener l'Afghanistan sur le chemin de la prospérité" et surtout de "permettre le départ des troupes étrangères".

Cette position est confortée par un témoignage fort publié sur le site du Times : celui de Nick Horne, fonctionnaire de l'ONU en Afghanistan qui, découragé, a préféré démissionner.

Selon lui, "une des plus grandes erreurs de la communauté internationale en Afghanistan a été de mal appréhender les enjeux politiques qui sous-tendent l'insurrection [des talibans]". La pire des erreurs ayant été "une approche laxiste de la corruption, du copinage et de la vénalité du gouvernement afghan".

Il oppose à ce "laissez-faire" des solutions radicales : "contraindre un gouvernement afghan réticent en utilisant le levier de l'aide financière". Quitte à heurter le sentiment de souveraineté des Afghans :

"Nous payons un prix élevé en terme de sang et d'argent pour maintenir ce gouvernement [...]. Nos soldats se mettent physiquement en danger. Il est temps que nos leaders prennent des risques politiques."

"COMMISSION ANTICORRUPTION"

Pour les journalistes du New York Times, la nomination du président afghan affaiblit considérablement la crédibilité de la stratégie du président américain dans la région.

Embarrassé, Washington a réclamé dès lundi la mise en place d'une "commission anticorruption pour rendre compte de la probité des officiels du gouvernement au niveau local et national".

Mais face à la faiblesse des déclarations d'Hamid Karzaï, qui accepte l'idée d'un plan anticorruption mais reste vague quant à son application, les auteurs de l'article pointent les critiques émanant des adversaires d'Obama :

"Des délais supplémentaires, disent-ils, pourraient mettre en danger les troupes et saper les efforts pour lutter contre Al-Qaida et les talibans en Afghanistan."

Le quotidien espagnol El Pais dresse quant à lui un portrait contrasté d'Hamid Karzaï. L'auteur souligne qu'"il subsiste peu de choses du Karzaï des premières années, celui qui a été élu président en 2004. Encerclé par les talibans, de plus en plus audacieux et efficaces dans leurs attaques, [...] l'homme dont l'Occident pensait qu'il allait instaurer la démocratie en Afghanistan n'a cessé d'islamiser son discours et ses lois pour tenter de survivre."

Des accusations balayées par le principal intéressé, qui dans sa première prise de parole depuis sa reconduction au pouvoir promet de s'attaquer au fléau de la corruption, d'engager des réformes et de constituer un gouvernement "d'union".

Hamid Karzaï a également lancé un appel "à ses frères talibans" pour qu'ils rentrent en Afghanistan et contribuent à rétablir la paix dans le pays.

Un appel aussitôt rejeté par les talibans, qui ont fait savoir par l'intermédiaire d'un porte-parole qu'ils considéraient Hamid Karzaï comme "une marionnette impliquée dans des fraudes massives et inacceptables".

Audrey Fournier