DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

lundi 15 février 2010

2320. ÉPITRE DU PROFESSEUR BULLE AUX CANICHES

1. Est-il est tout à fait surprenant qu'un individu entraîné à tuer tue?

Ce n'est pas tout à fait ça, il a été entraîné pour combattre nos ennemies et défendre notre patrie.

Où voyez-vous le mot «tuer» dans cette phrase?

On ne parle que de «combattre» et «défendre».

Et le mot «patrie» est très beau aussi.

2. Est-il tout à fait surprenant que sur des milliers d'individus soigneusement entraînés à tuer lorsque le moment sera venu, un ou un certain nombre tue de leur propre initiative, sans en avoir reçu l'ordre.

Parce que tout à coup, les mécanismes de leur esprit si bien ordonnés se mettent à dérailler ou pour se soulager d'un stress?

3. L'autre chose intéressante est que l'un d'eux à tué une femme ou plusieurs.

4. On aurait pu croire que dans un geste d'extrême virilité, ils veuillent se battre contre un homme. Un à un. Le plus fort gagne. Et il tue le perdant.

On peut le faire dans un bar. Sans être obligé de tuer le perdant, ce qui est, pour le moment, illégal.

Ou, comme dans les films Walking Tall 1,2 ou Death Wish 1, 2, 3, 4. Ou Enter the Dragon avec Bruce Lee. Ou combattre les gangs de rue à Montréal ou Toronto? Ou, pourquoi pas les complices de Rizutto? Je dis ça comme ça.

Où était-il subitement craintif? Et il a cru plus rassurant et aussi satisfaisant émotionnellement de s'en prendre à une femme.

Doit-on croire qu'il ne se sentait pas assez fort pour se battre avec un homme. Ou plusieurs. Disons un!

Et qu'il a préféré entrer dans les maisons par surprise.

5. Qu'est-ce que ça révèle sur l'entraînement reçu?

On peut conclure qu'il s'agit d'une erreur de conditionnement rare au milieu de tous ces entraînements réussis.

Tous ces milliers de braves soldats toujours prêts à nous défendre en tout temps.

Et une malheureuse erreur de fabrication.

6. Rappelons-le, le but d'une armée et d'un soldat est de défendre la population, le peuple, la Nation, la Patrie contre un ennemi capable de tout, un boche, un communiste, un mahométant terroriste ou un chinois sournois.

7. L'entraînement principal d'un soldat est d'arriver à ne plus penser par lui-même et, en toute chose, d'obéir aux ordres.

8. Un jour quelqu'un, quelque part, lui désignera l'ennemi.

Et pendant des mois, des années, il attend ce moment.

Un jour quelqu'un d'en haut lui dit que l'ennemi est là-bas. Il faut attaquer préventivement. Voir ce mot. Car l'ennemi (qui peut même ne pas être au courant qu'il est arrivé à ce stade) peut, pourrait représenter une menace. Ce qui est tout à fait compréhensible, non?

Il se peut que l'ennemi ait des ressources (mines, pétroles) qui nous soient indispensables. On pourrait les acheter. On le fait. Mais on s'est rendu compte que tout ça coûtait cher, trop cher. Et, économiquement, dépendre à ce point d'un pays étranger nous affaiblit. Et, de plus, il pourrait choisir de vendre ces ressources indispensables à quelqu'un d'autre sous prétexte que l'autre les achète plus cher. Ce quelqu'un d'autre pourrait être notre ennemi déclaré. Cette situation complexe ne peut être résolu que simplement. Par un jeu de vocabulaire. Devenu ennemi, notre armée va nous défendre là-bas.

Elle gagne et nous avons une nouvelle colonie. Ou autre nom plus moderne.

Nos soldats ont des médailles. Les généraux encore davantage.

Il y a même des statues.

On parlera des morts qui sont morts bravement. Mot important. Ou qui souffrent car ils sont blessés. On ne parlera pas des morts et des blessés des autres.

Ou notre armée perd. On n'en parlera plus. C'était une mauvaise idée.

Le soldat n'est pas un intellectuel. En tant qu'employé de l'État, il va où on l'envoie. Toujours poru se battre. Pour lui, la personne qui refuse qu'il avance est un ennemi. Il est en terrain intellectuel connu. Il n'y a aucune différence entre un ennemi qui envahit son pays et lui qui envahit un autre. À chaque fois, quelqu'un refuse qu'il avance et tire sur lui.

La géographie est un sujet compliqué d'étude réservé aux enfants.

De même que la morale ou le droit.

Certains esprits critiques pourraient appeler «vol» l'action d'envahir un autre pays pour prendre de force ses richesses. Mais tout ça est compliqué.

Tout ceci sont de belles et bonnes idées. Idées qui ont été utilisées et réétulisées tant de fois avec grande satisfaction.

On oublie que l'armée peut aussi servir localement. Car il y a des «ennemis intérieurs». Risque de «sédition». De SÉPARATION.

Il y a des «terroristes». Pas encore mais il pourrait y en avoir.

Et, encore une fois, une action préventive peut être faite avant que «l'ennemi intérieur» agisse, ce qui limitera les dommages qu'il veut faire.

Qu'est-ce que le passé nous démontre?

Il arrive qu'un citoyen ou une citoyenne découvre qu'il est passé subitement de ce statut à celui d'ennemi. Et traité comme tel. Parce que le soldat en a reçu l'ordre.

Il est arrivé que ceux qui donnaient les ordres précédemment ont changé. On été remplacés par d'autres qui donnent d'autres ordres.

Ordres qui seront suivis.

Et comme il a été entraîné à obéir aux ordres et non à les remettre en question, il agira sur celui ou celle qui était, il y a un moment, son voisin ou sa voisine, comme si c'était les ennemis de la nations.

Parce que quelqu'un qui peut donner les ordres les aura désigné ainsi.

Et l'ennemi sera battu lors d'une manifestation. Ou tué. Ou capturé et torturé. Pour qu'ils dénoncent ses complices. Parce qu'il représente une menace à la sécurité du pays.

Car l'ennemi est toujours nombreux. Et il complote.

Il répand ses idées subversives.

Et on peut passer rapidement du stade de critique social à membre terrorisé d'un troupeau de fuyards paniqués poursuivi par des hommes en noir qui tapent à coups de matraques ou de barres de fer sur tout ce qu'ils voient. Y compris les passants. Tant la chasse à l'homme les excite.

Ils courent aussi parce qu'ils veulent lui casser à tête à coups de matraques.

Ils courent pour ne pas mourir.

Ou prisonner la tête en bas et les pieds suspendus à des chaînes au plafond pendant qu'on vous brûle la peau avec un fer à souder.

Parfois, le passage d'une étape à une autre est très rapide.

Et de nombreuses étudiantes se sont retrouvés dans les caves en train d'être violée en série par tous les gardes de la tanière pour leur donner un bonne leçon.

Et pour les punir d'avoir représenté un danger pour la nation.

Et pour les punir d'avoir été là.

D'avoir vu.

De porter des lunettes.

On peut les relâcher ensuite une fois la mise au pas terminée. Lorsqu'elles auront compris enfin la leçon.

Il va de soi que le soldat d'élite ne prend aucun plaisir à les torturer, il a un devoir - tragique, certes- à faire. La remettre dans le droit chemin.

On peut aussi jeter son corps brisé comme un jouet après usage dans la rue où habite sa famille pour qu'eux aussi profite de la leçon. Elle peut être alors vivante, morte ou entre les deux.

Il se peut qu'elle ne sorte jamais de la cave. Elle et des milliers d'autres comme elles.

Et par respect pour la vie, lorsqu'elles seront enceinte (celle qu'on n'avait pas tué tout de suite ou qui n'étaient pas mortes rapidement suite aux traitements reçues), on ne les fera pas avorter. Parce que l'ordre nouveau ne plaisante pas avec la morale.

Parce que les sudaméricains catholiques sont très pratiquants. Et que le Vatican interdit la contraception et l'avortement.

On attendra qu'elles arrivent au terme de leur grossesse (la religion voulant qu'on protège la vie à venir) pour leur ouvrir le ventre au couteau de chasse (une césarienne rapide et certainement plus rapide qu'un accouchement naturel) pour sortir le bébé qui sera baptisée et donné immédiatement en adoption aux gradés militaires.

Puis on la jette éventrée, sanglante et encore respirante en bas de la table d'autopsie.

Ce qui reste de la femme encore vivante rejoindra les autres empilées dans un hélicoptère qui jettera les corps vivants ou morts au large dans une fosse à requin.

On n'invente rien ici, on ne fait que résumer quelques mois en quelques lignes.

On concluera qu'il est extrêmement dangereux de garder près de chez soi un chien de garde, pire, un chien dressé au combat. Que l'animal, pour une raison ou une autre, peut, un jour s'en prendre à l'enfant de la famille.

Parce qu'il est un animal. Un prédateur. Et qu'il ne sait pas ce qu'il fait.

En est-il si différent lorsqu'il s'agit d'un homme.

Un homme armé au milieu de gens qui ne le sont pas.

Et environné de femmes désarmées.

Le philosophe doit-il se sentir rassurée?