DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

jeudi 15 avril 2010

3283

JOURNAL DES DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

39e législature, 1re session

(début : 13 janvier 2009)

Le mardi 13 avril 2010 –

Vol. 41 N° 103

http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100413/14563.html

(…)

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales. Je cède la parole à Mme la chef de l'opposition.

Enquêtes sur le processus de nomination des juges et sur le financement du Parti libéral du Québec

Mme Pauline Marois: Merci, M. le Président. Le système démocratique et nos institutions sont ébranlés. Les allégations de M. Marc Bellemare, un ancien ministre de la Justice et Procureur général du gouvernement libéral, sont d'une extrême gravité.

Il est question de trafic d'influence dans le processus de nomination des juges. On apprend que des collecteurs de fonds du Parti libéral auraient eu accès à la liste des candidats potentiels dans le but d'influencer le ministre de la Justice et qu'ils seraient intervenus dans le processus. La crédibilité du système judiciaire est ici remise en cause.

On apprend également que le processus de nomination au plus haut échelon de la machine gouvernementale ferait l'objet de trafic d'influence. On parle ici du secrétaire général du gouvernement, le patron des patrons au sein de l'appareil gouvernemental. L'ex-ministre de la Justice de ce gouvernement affirme avoir été témoin, à au moins deux reprises, de financement occulte, et on apprend que tout cela aurait été porté à la connaissance du premier ministre et qu'il a refusé d'agir.

En fait, le premier ministre est au coeur des allégations de son ex-ministre de la Justice. Il y a bris de confiance, la population est ébranlée, nos institutions sont attaquées dans leur crédibilité. Demain, quand le premier ministre va proposer la création d'une commission d'enquête sur la nomination des juges, il sera en parfait conflit d'intérêts. Il devra définir un mandat, choisir une personne qui enquêtera pour savoir qui dit vrai, son ex-ministre de la Justice ou lui-même.

Comment le premier ministre va-t-il résoudre ce conflit d'intérêts évident, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Jean Charest: D'abord, je veux vous dire, M. le Président, que je regrette que la chef de l'opposition officielle emploie le langage qu'elle emploie, de dramatiser, puis de gonfler, puis de faire de l'inflation verbale sur un sujet qui est très important. Et nous reconnaissons évidemment le fait que M. Bellemare, qui est un ancien ministre de la Justice, fait des affirmations qui sont sérieuses.

Et, compte tenu de l'importance du judiciaire dans notre vie, du système judiciaire, le gouvernement a annoncé aujourd'hui sa décision de mettre sur pied une commission d'enquête qui aura pour mandat justement de se pencher sur les affirmations de M. Bellemare sur la nomination des juges.

Alors, c'est l'intégrité du système judiciaire qui est remise en question par M. Bellemare. Et, oui, ça touche aussi ceux et celles qui ont la responsabilité de faire ces nominations. Alors, à notre avis, c'est très important, très important qu'on aille au fond des choses, d'autant plus qu'il y a un lien direct entre celui qui était ministre de la Justice puis les allégations qu'il fait. Alors, pour cette raison-là, nous allons mettre sur pied une commission d'enquête.

Par ailleurs, je vais, moi, personnellement, protéger mes droits aussi parce qu'on a beau être premier ministre du Québec, M. le Président, quand on fait l'objet d'accusations de la part d'un ancien ministre du gouvernement, je pense qu'à un moment donné les gens s'attendent aussi à ce qu'on prenne des mesures pour protéger nos droits. Alors, j'ai l'intention de faire ça aussi.

Cela étant dit, M. le Président, on s'attend à ce que les partis d'opposition collaborent dans ce que nous allons entreprendre...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En conclusion, M. le premier ministre.

M. Charest: ...et qu'on aille au fond des choses le plus rapidement possible.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Première complémentaire, Mme la chef de l'opposition.

Mme Marois: M. le Président, le premier ministre continue de faire de la diversion. C'est grave, ce qui se passe, et il n'a pas répondu à ma question. Il est en parfait conflit d'intérêts quand viendra le temps de nommer les personnes qui seront responsables de cette commission d'enquête. Et, M. le Président, le premier ministre le sait très bien. Ce n'est pas de ça dont il s'agit. C'est sur l'ensemble de l'industrie de la construction, de la collusion et du fait que le Parti libéral et son financement sont associés à ces collusions, M. le Président.

Que répond le premier ministre à ces questions?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Charest: J'ai eu l'occasion de réitérer à plusieurs reprises, M. le Président, que ces affirmations-là sont fausses. Et justement, sur la question, là, de la nomination des juges, M. Bellemare aura l'occasion d'aller dire ce qu'il a à dire. Et, sur le financement, M. Bellemare, comme tous les autres citoyens du Québec, tous les autres citoyens du Québec, devrait rencontrer le Directeur général des élections pour rendre compte de ce qu'il a à dire. Si c'est bon pour tous les autres citoyens du Québec, pourquoi ce ne serait pas bon pour lui? D'autant plus que le Directeur général des élections, il est nommé aux deux tiers des députés de l'Assemblée nationale du Québec. C'est un officier de l'Assemblée nationale du Québec.

Le Vice-Président (M. Chagnon): En conclusion, M. le premier ministre.

M. Charest: Alors, là-dessus, M. le Président, je pense que la chef de l'opposition officielle devrait encourager M. Bellemare à poser le bon geste.

•(14 h 20)•

Le Vice-Président (M. Chagnon): Deuxième complémentaire, Mme la chef de l'opposition.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Si les allégations de l'ex-Procureur général sont suffisamment sérieuses pour déclencher une enquête publique sur le processus de nomination des juges, pourquoi les autres allégations sur le financement du Parti libéral ne le sont-elles pas autant et ne sont-elles pas prises au sérieux, M. le Président?

Pendant combien de temps le premier ministre va refuser une enquête sur la construction et le financement du Parti libéral, M. le Président? C'est la vérité que les Québécois veulent, pas de la diversion.

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Charest: M. Bellemare devrait aller rencontrer le Directeur général des élections, et la chef de l'opposition officielle devrait demander à M. Bellemare de poser ce geste. C'est la chose responsable à faire, comme la chose responsable à faire, ce n'est pas de faire de la politique partisane, c'est... de faire en sorte qu'on assume nos responsabilités...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! Il n'y a qu'une personne ici qui a le droit de parole à la fois, et c'est M. le premier ministre.

M. Charest: ...d'autant plus que la chef de l'opposition officielle semble faire siennes les propos de M. Bellemare. Je comprends qu'elle adopte et qu'elle défend et qu'elle dit que ce que M. Bellemare... est vrai. Si c'est ça, qu'elle l'affirme, qu'elle le dise.

M. le Président, par ailleurs, dans le domaine de la construction, le gouvernement a pris toute une série de gestes qui ont un effet pour s'assurer que les choses se passent correctement.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Troisième complémentaire, Mme la chef de l'opposition.

Mme Marois: Le premier ministre est en parfait conflit d'intérêts et voudrait que tout se passe derrière les portes closes, M. le Président. Les quotas de financement des ministres, les contrats du ministère des Transports, le salaire du premier ministre, les nominations des juges, le scandale des garderies, ça nous amène au financement du Parti libéral.

Le vrai problème, M. le Président, c'est le financement du Parti libéral. Pourquoi donc refuser une enquête sur le financement du Parti libéral? Est-ce que le premier ministre a peur de la vérité, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Charest: M. le Président, le Parti libéral du Québec fait son financement en fonction des règles qui sont prévues dans la loi. Il y a des milliers de personnes qui, à chaque année, font des contributions au Parti libéral du Québec parce qu'ils croient aux mêmes choses que nous, ils ont les mêmes convictions. Il y a des milliers de bénévoles qui justement travaillent pour le Parti libéral du Québec parce qu'ils croient aux mêmes choses que nous pour l'avenir du Québec. Alors, on ne reprochera pas à des citoyens de croire en la démocratie et de se dévouer sur le plan politique.

On respecte les règles, puis, quand ce n'est pas le cas, bien, on corrige le tir puis on le fait très rapidement. Mais il y a des institutions chez nous qui existent, que nous avons créées à l'Assemblée nationale justement pour s'assurer qu'il y a un respect des règles, ça s'appelle le Directeur général des élections. Si c'est bon pour tous les autres citoyens du Québec...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En terminant, monsieur...

M. Charest: ...je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas bon pour vous aussi et monsieur...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En principale, M. le député de Richelieu.

Processus de nomination du secrétaire général du Conseil exécutif, M. Gérard Bibeau

M. Simard (Richelieu): M. le Président, au sommet de l'État, le premier des sous-ministres, le chef de l'administration publique et du Conseil exécutif, le sous-ministre du premier ministre, M. Gérard Bibeau, a été nommé sur recommandation du collecteur de fonds libéral Franco Fava. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le principal intéressé, dans LeJournal de Québec ce matin, et il en est fier.

Comment le premier ministre peut-il justifier ce mode de nomination du plus haut fonctionnaire, celui qui est imputable de l'éthique de l'ensemble des fonctionnaires du Québec, à la suite de l'intervention d'un collecteur de fonds du Parti libéral?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Charest: M. le Président, depuis que je suis premier ministre du Québec, j'ai eu l'occasion de choisir à deux reprises un secrétaire exécutif. Le premier que j'ai choisi, en 2003, c'est M. André Dicaire, qui a servi l'État québécois de manière exemplaire, et M. Dicaire a été suivi par M. Gérard Bibeau. Je travaille avec M. Bibeau maintenant depuis plusieurs années.

M. Bibeau, pour ceux qui sont moins familiers avec la responsabilité qu'il a, c'est effectivement celui qui est le sous-ministre, en quelque sorte, du premier ministre, celui qui travaille directement avec moi. Je tiens à vous dire, M. le Président, que c'est un homme exceptionnel, de très grand talent, de très grand dévouement, parfaitement intègre, M. le Président, parfaitement honnête, et c'est moi qui ai choisi M. Bibeau. Je peux même vous dire, M. le Président, qu'il était le candidat recommandé par son prédécesseur, André Dicaire.

Que M. Fava connaisse M. Bibeau, il l'a connu à la CSST les années où M. Fava était sur le conseil d'administration, incluant les années où il était là pendant le règne péquiste. Si M. Fava était assez bon pour rester sur le conseil d'administration de la CSST le temps que vous étiez au gouvernement, c'est parce que vous deviez avoir une bonne opinion de lui. Alors, M. Fava, lui, a de l'estime pour M. Bibeau puis il pense que c'est une bonne personne.

Mais trompons-nous pas, quand il s'agit du fonctionnaire le plus important pour l'État québécois, c'est le premier ministre qui le choisit. C'est moi qui l'ai choisi, j'en suis fier. C'est un homme intègre et c'est un homme qui est irréprochable.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Première complémentaire, M. le député de Richelieu.

M. Simard (Richelieu): Si je comprends bien, M. le Président, M. Fava est aussi un menteur. Combien de fois M. Fava...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Monsieur... Monsieur... M. le député de Richelieu, vous qui avez une connaissance de cette Chambre...

M. Bédard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui, je vous écoute.

M. Bédard: Excusez-moi, ce qu'on conclut des propos du premier ministre, c'est que M. Fava est un autre menteur, c'est tout...

Des voix: ...

M. Bédard: ...et M. Fava se défendra lui-même. C'est tout simplement ça, il n'a pas à retirer ses propos.

Le Vice-Président (M. Chagnon): D'abord...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): D'abord, d'abord... S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Richelieu... M. le député de Richelieu, il faut faire attention, ne pas prendre évidemment aucun... aucun motif... ne pas imputer de motifs à personne.

M. Simard (Richelieu): M. le Président, combien de fois M. Fava ou d'autres collecteurs de fonds libéraux sont-ils intervenus auprès du premier ministre, du bureau du premier ministre ou d'autres ministres pour influencer de façon déterminante des nominations partisanes?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Charest: Les nominations du gouvernement sont faites par le Conseil des ministres. Ils sont faits en fonction de la compétence des gens, M. le Président, ils sont faits dans l'intérêt supérieur du Québec. Et ce n'est pas les leveurs de fonds ou d'autres personnes qui prennent les décisions, c'est nous qui prenons les décisions et qui les assumons.

Cela étant dit, je regrette que le député de Richelieu, qui est un député d'expérience, choisisse de s'attaquer au plus haut fonctionnaire de l'État, alors qu'il sait très bien qu'il n'est pas à l'Assemblée nationale, ici, lui, pour se défendre. Lui, il n'est pas ici pour se défendre. C'est facile, s'attaquer aux gens qui ne sont pas ici. M. Bibeau, il le sait très bien, c'est un homme intègre, irréprochable, qui se dévoue pour le Québec, qui le fait de manière exceptionnelle...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En terminant.

M. Charest: ...et je suis très fier de travailler avec lui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Dernière complémentaire, M. le député de Richelieu.

M. Simard (Richelieu): M. le Président, le premier ministre peut bien tourner autour du pot, la déclaration de M. Fava est claire, il ne dément pas cette déclaration, et c'est lui qui a influencé cette nomination. Combien y a-t-il d'autres Fava... Marc... Franco Fava, Marc Bibeau qui ont des influences, des entrées partout au Parti libéral et qui... et dans les organismes et sociétés d'État, qui attribuent des centaines de milliers et des millions en contrats? Combien y en a-t-il qui ont ces entrées privilégiées grâce au fait qu'ils cueillent des fonds pour le Parti libéral?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Charest: Ce n'est pas parce que le député de Richelieu, dans une autre vie, quand il était, lui, au gouvernement du Parti québécois, envoyait des gens rencontrer des firmes de lobbyistes qu'ils devaient payer pour transiger avec le gouvernement que le gouvernement qui a suivi a fait la même chose. Ça a été prouvé, M. le Président, que le député de Richelieu encourageait la corruption lorsqu'il était au gouvernement du Parti québécois en référant des gens pour se faire... pour payer pour obtenir des contrats...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader.

M. Bédard: Que le premier ministre parle de corruption à un moment aussi inquiétant...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bédard: ...ça fait rire les députés libéraux, M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Il n'y a qu'une personne ici qui a...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! À l'ordre!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition, nous vous écoutons.

M. Bédard: Je pense que les citoyens du Québec ne seraient pas très contents de voir les députés libéraux rire d'eux actuellement. Ce qu'ils veulent savoir... Le premier ministre ne peut pas employer le terme «corruption», surtout dans la situation comme on vit actuellement où la corruption libérale est au coeur des questions qui se posent actuellement.

•(14 h 30)•

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader.

M. Dupuis: Ce qui est extraordinairement ironique dans la remarque du leader de l'opposition officielle, c'est que c'est l'arroseur arrosé, hein? On se rappelle très bien l'épisode d'Oxygène 9, c'est ça qu'il est en train d'essayer de défendre.

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre, je vous invite évidemment à la plus grande prudence sur ces questions, d'un côté comme de l'autre. M. le premier ministre.

M. Charest: En quelques secondes, je veux juste rappeler que le député de Richelieu, lorsqu'il était au gouvernement du Parti québécois, a été approché par des gens qui voulaient des subventions du gouvernement du Québec. Il a dit à ces gens-là d'aller rencontrer des firmes de lobbyistes qu'ils devaient payer pour obtenir des subventions du gouvernement du Québec. C'est un fait. C'est le père de la loi actuelle sur le lobbyisme. C'est ce qu'on appelle ne pas avoir d'exemple à donner à quiconque, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Chagnon): En principale, M. le député de Marie-Victorin.

Rôle de collecteurs de fonds du Parti libéral du Québec dans des décisions du gouvernement

M. Bernard Drainville: M. le Président, c'est parce qu'il est un collecteur de fonds libéral que Franco Fava a le pouvoir de nommer des dirigeants d'organismes gouvernementaux comme Hydro-Québec ou la Caisse de dépôt, par exemple. Voici comment M. Fava a décrit ça, ce matin, dans les journaux: «Souvent ils cherchent un candidat pour siéger sur un conseil d'administration ou un commissaire [...] quelque part et [on me demande] connais-tu quelqu'un qui peut y aller? Ou on a une liste de candidats et [on me demande] les connais-tu, pourrais-tu nous donner quelques idées sur les personnes que tu connais?»

Fava n'est pas compétent là-dedans, M. le Président, il est juste collecteur de fonds. Mais ça n'empêche pas M. Fava de s'exclamer: «C'est quoi, le problème?»

M. le Président, est-ce que le premier ministre le voit, lui, le problème? Est-ce qu'il peut expliquer aux Québécois s'il trouve ça normal que ce soient ses collecteurs de fonds du Parti libéral qui décident des nominations à la place du gouvernement?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Jean Charest : C'était une bonne idée de changer de porte-parole, M. le Président, dans ce dossier-là.

Mais je veux juste être très clair, c'est le gouvernement qui décide qui est nommé à certains postes. On le fait en fonction de la compétence des individus, et ce n'est pas personne d'autre qui le décide à notre place. Et c'est fait lorsque, par exemple, on a changé la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État pour que les conseils d'administration puissent faire des recommandations également. Alors, ça se fait en fonction des intérêts supérieurs du Québec, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le député de Marie-Victorin, première complémentaire.

M. Bernard Drainville : M. le Président, les collecteurs de fonds du Parti libéral ont non seulement le pouvoir de nommer des dirigeants aux sociétés d'État, ils ont également le pouvoir d'influencer les législations, de bloquer des lois.

Est-ce que le premier ministre peut nous dire qui décide des lois au Québec, l'argent ou l'intérêt public?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Jean Charest : Alors, si on se fie à la question du député, donc tout ce qui se passe à l'Assemblée nationale, c'est de la fiction, ça n'arrive pas. Les commissions parlementaires, les groupes, tout ça, c'est de la fiction, M. le Président. Je comprends aussi que le député de Marie-Victorin fait siennes les déclarations de Marc Bellemare, comme son chef. Alors, on en prend bonne note, M. le Président. Dorénavant, on saura que tout ce que M. Bellemare affirme, le Parti québécois en fait son argument et le considère comme étant un fait, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Deuxième et dernière complémentaire, M. le député de Marie-Victorin.

M. Bernard Drainville: M. le Président, est-ce que le premier ministre est conscient que MM. Franco Fava et Marc Bibeau sont tous les deux liés au secteur de la construction? Est-ce que c'est pour protéger ces collecteurs de fonds que le premier ministre refuse de mettre sur pied une commission d'enquête sur l'industrie de la construction? Il y en a combien, de collecteurs de fonds au Parti libéral, qui bloquent la tenue d'une commission d'enquête sur l'industrie de la construction?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader de l'opposition...

M. Jacques P. Dupuis: M. le Président... M. le Président, les allégations de Marc Bellemare au sujet du système judiciaire sont extraordinairement, extraordinairement, extraordinairement préoccupantes, pour la raison suivante: le système judiciaire est au coeur de notre démocratie. C'est la raison pour laquelle...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît. Une personne, une personne parle ici, une à la fois. M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: C'est la raison pour laquelle... c'est la raison pour laquelle, M. le Président, le premier ministre a annoncé qu'il y aurait une enquête publique sur les allégations de M. Bellemare qui concernent le processus de nomination des juges, d'une part.

D'autre part, pour ce qui concerne les allégations relatives au domaine de la construction, vous le savez très bien, M. le Président, ces allégations-là font l'objet d'une enquête de la Sûreté du Québec, une autre institution... une autre institution...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En conclusion.

M. Dupuis: ...de notre société démocratique qui...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En principale, M. le chef de la deuxième opposition officielle.

Portée du mandat d'enquête sur le processus de nomination des juges

M. Gérard Deltell: Merci infiniment, M. le Président. M. le Président, le Québec vit des heures très graves, une grave crise de confiance, et la réputation du Québec à l'étranger est en jeu. Les propos de Me Marc Bellemare, ancien ministre de la Justice, sont extrêmement graves et inquiétants, car ils ébranlent les institutions fondamentales de notre démocratie, soit le poste de premier ministre et également les postes de juge.

Quelle a été la première réaction du premier ministre à ces déclarations? Toé, tais-toé! Il lui a mis une mise en demeure en vue d'une poursuite. Quelle a été la deuxième réaction du premier ministre? Annonce d'une commission d'enquête sur la nomination des juges.

Quand même curieux de constater, M. le Président, que le premier ministre fasse preuve d'aveuglement sélectif. Il y a un an, ici même, en cette Chambre, la députée de Lotbinière réclamait la tenue d'une enquête publique sur la construction; depuis, tout le Québec est avec nous, mais le premier ministre continue de fermer les yeux sur cette demande d'enquête. Le coeur du problème, c'est l'influence qu'ont les personnes qui recueillent de l'argent pour le Parti libéral sur l'exercice du pouvoir, tant exécutif, législatif que judiciaire. C'est extrêmement grave, M. le Président, et c'est pourquoi la réputation du Québec à l'étranger est en jeu actuellement.

Est-ce que le premier ministre peut s'engager à ce que cette nouvelle commission d'enquête qu'il veut instituer demain porte essentiellement sur l'influence qu'ont les «bagmen» du Parti libéral sur l'exercice du pouvoir au Québec?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader du gouvernement.

M. Jacques P. Dupuis: D'abord, M. le Président, je... je... le gouvernement ne peut qu'être en désaccord avec la façon dont le député de Chauveau formule sa question. Il dit dans sa question, en ce qui concerne les allégations sur le domaine de la construction... il dit: Le gouvernement ferme les yeux, alors qu'au contraire, M. le Président, 40 policiers, huit procureurs de la couronne qui travaillent d'arrache-pied sur ces allégations-là. Vous avez vu déjà dans le public, M. le Président, c'est public, des perquisitions qui ont eu lieu. Les enquêtes se font sérieusement, et les policiers travaillent de façon indépendante et impartiale sur ces allégations. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, le premier ministre aussi et le gouvernement: Personne n'est à l'abri de ces enquêtes, d'une part.

D'autre part, d'autre part, nous sommes d'accord avec une des affirmations du député de Chauveau aujourd'hui, que les allégations que M. Bellemare fait sur le mode de sélection des juges sont extraordinairement préoccupantes. Il n'y a pas de doute là-dessus. C'est la raison pour laquelle il y aura une enquête publique, indépendante, impartiale, transparente, sur ces allégations-là.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Première complémentaire au chef du deuxième groupe de l'opposition.

M. Gérard Deltell : M. le Président, ce matin, dans LeJournal de Québec et LeJournal de Montréal, on apprend qu'un «bagman» du Parti libéral, M. Fava, en a parlé au premier ministre pour la nomination de M. Gérard Bibeau.

Est-ce que M. Fava, lors de sa rencontre ou de ses discussions avec le premier ministre, a dit au premier ministre que M. Bibeau est à l'origine d'un des grands naufrages informatiques, à la CSST, qui coûte aux Québécois des dizaines de millions de dollars? Est-ce que M. Fava a fait état de cette dérive qui coûte de l'argent aux contribuables ou, au contraire, il a vanté ses propres mérites d'avoir ramassé des milliers de dollars pour le Parti libéral?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Jean Charest : Je peux tout de suite d'abord rassurer le député de Chauveau sur la réputation du Québec: je pense qu'il n'a pas à craindre sur la réputation du Québec. Ici, à l'Assemblée nationale, c'est une chose, là, c'est... je comprends qu'il peut être inquiet, mais franchement il n'a pas besoin de s'alerter là-dessus. On est parfaitement capables, M. le Président, de gérer nos affaires, puis notre réputation à l'extérieur du Québec, elle est excellente. Et, comme Québécois, il devrait la défendre plutôt que de chercher à la miner, en passant.

M. le Président, je peux rassurer le deuxième chef de l'opposition que je n'ai pas eu de conversation avec M. Fava au sujet de Gérard Bibeau. J'ai pris la décision de nommer Gérard Bibeau. Il avait été recommandé, entre autres, par André Dicaire...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En terminant.

M. Charest: ...c'est un homme qui sert très bien le Québec, et je suis très heureux de travailler avec lui.

Le Vice-Président (M. Chagnon): En deuxième complémentaire, M. le chef du deuxième groupe de l'opposition.

M. Gérard Deltell : Merci, M. le Président. M. le Président, malheureusement, j'ai eu beau chercher dans ma mémoire, je n'ai pas trouvé encore un cas à travers le monde où un chef de gouvernement a mis en demeure son ancien ministre de la Justice pour des propos le concernant. Je m'excuse, je n'en ai pas trouvé. Et, si ce n'est pas salir la réputation du Québec, si ce n'est pas entacher la réputation du Québec, je ne sais pas c'est quoi.

Mais, parlant justement de la réputation du Québec, est-ce que le premier ministre pourrait enfin nous expliquer pourquoi les membres du Conseil exécutif, les ministres, doivent, eux, recueillir 100 000 $, alors que les simples députés n'ont pas cette obligation? Quel est le nombre d'influences, quel est le mandat d'influence que peuvent avoir un ministre et que peuvent avoir les «bagmen» du...

•(14 h 40)•

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le premier ministre.

M. Jean Charest : M. le Président, ce n'est pas parce qu'on devient premier ministre du Québec qu'on accepte la diffamation ou qu'on renonce à ses droits. Alors, j'ai l'intention, comme citoyen, de défendre mes droits.

D'ailleurs, ça ne doit pas être étranger, ça, au chef de l'ADQ. Son prédécesseur, qui était chef de son parti, est poursuivi actuellement par la chef de l'opposition officielle en diffamation. Alors, ce n'est pas très original comme formule. Même plus que ça, son ancien chef a annoncé, en quittant, qu'il s'en allait à la Sûreté du Québec pour dénoncer son propre parti sur le financement. Ça non plus, je n'ai pas vu ça ailleurs dans le monde, M. le Président. Je pense que je n'ai pas vu ça nulle part.

Je peux vous dire une chose, par contre: j'ai vu des députés, comme le député de Chauveau...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En terminant, en conclusion.

M. Charest: ...se lever puis faire des insinuations, M. le Président, mais je n'ai pas vu...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci. Merci. En principale, Mme la députée de Joliette.

Mise en place d'une commission d'enquête sur le processus de nomination des juges

Mme Véronique Hivon : Merci, M. le Président. Hier, dans ses allégations, Marc Bellemare indiquait avoir fait l'objet de pressions indues l'ayant contraint à nommer au moins deux juges. Pire encore, il en aurait informé le premier ministre, mais ce dernier n'aurait rien fait. Selon les dires de l'ancien Procureur général, cette façon semblait même cautionnée par le premier ministre.

Aujourd'hui, le même premier ministre annonce une enquête publique portant uniquement sur les allégations de son ancien ministre ayant trait à la nomination des juges spécifiquement. Or, le problème, M. le Président, c'est que le premier ministre est au coeur même de ces allégations, Me Bellemare ayant dit du même souffle qu'il a informé le premier ministre et que ce dernier n'a pas agi.

Dans un tel contexte, la ministre de la Justice devient le dernier rempart de la protection du système de justice, pilier de notre démocratie, comme le disait lui-même le leader du gouvernement. Si c'est si important, est-ce que la ministre peut convenir qu'en vertu des règles de justice naturelle les plus élémentaires le premier ministre doit être exclu de toute décision quant à cette enquête et qu'elle doit nommer un...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Mme la ministre de la Justice.

Mme Kathleen Weil : Écoutez, je ne suis pas sûre que j'ai entendu la fin de la question, mais, si je comprends bien, on parle du processus de nomination. Moi, je peux confirmer... Je suis en poste depuis 16 mois, M. le Président, et jamais, jamais qui que ce soit n'a mis de pression sur moi personnellement quant au processus de sélection.

J'ai eu l'occasion d'échanger avec mes deux collègues qui m'ont précédée lorsque je suis arrivée en poste. On m'a expliqué le processus, j'ai lu le règlement. Et le processus assure l'intégrité, l'impartialité de... du processus de sélection des personnes qui sont nommées aptes. Les gens... Et je pense que c'est... ça vaut la peine de lire l'article en cause: «Le comité détermine l'aptitude du candidat à être nommé [...] il évalue les qualités personnelles et intellectuelles du candidat ainsi que son expérience.

«Il évalue notamment le degré de connaissance juridique de cette personne dans les domaines [de] droit...»

Des voix: ...

Mme Weil: Non, mais je pense qu'il est important pour le public d'être assuré que le système est intègre, indépendant, et que les gens qui...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En terminant, madame.

Mme Weil: ...pour en effet faire en sorte que le système de justice est le... un des meilleurs systèmes de justice.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Dernière complémentaire, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: En principale.

Le Vice-Président (M. Chagnon): En principale? En principale, Mme la députée de Joliette.

Responsabilité de la mise en place d'une commission d'enquête sur le processus de nomination des juges

Mme Véronique Hivon : Alors, je vais répéter ma question, parce que ce n'était pas ça du tout, ma question. Ma question, c'était qu'on est face à un processus où le premier ministre est au coeur des allégations. Or, ce matin, c'est le premier ministre qui annonce la mise en place d'une commission, excessivement limitée, sur les allégations de son ancien Procureur général, mais uniquement sur celles qui ont trait à la nomination des juges.

Ce que je demande à la ministre de la Justice, responsable de la justice au Québec, jurisconsulte du gouvernement: Est-ce qu'elle cautionne cette manière de faire ou est-ce qu'elle va prendre ses responsabilités et nommer quelqu'un d'indépendant pour mettre en place la commission, déterminer son mandat et sa composition?

Le Vice-Président (M. Chagnon): Mme la ministre de la Justice.

Mme Kathleen Weil : Évidemment, M. le Président, que je cautionne cette façon de faire. Évidemment que je cautionne. Ce sera une commission d'enquête indépendante. Alors, je ne vois pas... je ne vois aucun problème, du tout. Je pense que le premier ministre a expliqué très clairement tantôt sa réponse, c'est de faire la lumière sur des allégations qui évidemment nous surprennent tous, hein? Je peux dire que j'ai eu l'occasion de parler avec des... mes collègues qui ont été ministres de la Justice avant moi, on est tous très surpris des déclarations parce que ce n'est pas du tout l'expérience qu'on a.

Alors, je pense qu'une commission d'enquête, c'est la façon de faire, et je cautionne, absolument.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Première complémentaire, Mme la députée de Joliette.

Mme Véronique Hivon : Alors, moi, à mon tour, je suis excessivement surprise des déclarations de la ministre de la Justice, qui est la caution de la justice au Québec. Ce qui est en cause, ce n'est pas le processus de nomination, mais c'est l'influence qu'exercent des collecteurs de fonds libéraux sur les personnes nommées par le gouvernement dans toutes les sphères d'activité, dont apparemment des juges.

Comment la première responsable de la justice au Québec peut-elle accepter que le premier ministre, je le répète, lui-même au coeur des allégations, soit celui qui mette en place, nomme et fasse la...

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader du gouvernement.

M. Jacques P. Dupuis : D'abord... D'abord, vous aurez noté... vous aurez noté, M. le Président... vous aurez noté que la députée de Joliette, dans sa question, endosse les propos de Marc Bellemare. Ils ont été niés, d'une part. D'autre part, il est bien évident, M. le Président, et tout le Québec va le voir, il est bien évident que la commission d'enquête qui va être mise sur pied sera indépendante, sera impartiale, sera transparente, et c'est bien évident que la personne qui le... la personne qui la présidera aura ce même caractère d'indépendance, d'impartialité et de transparence. Voyons donc!

Le Vice-Président (M. Chagnon): Deuxième complémentaire, Mme la députée de Joliette.

Mme Véronique Hivon : Est-ce que la ministre de la Justice, Procureur général et jurisconsulte du gouvernement pourrait prendre ses responsabilités, à l'heure même où la crédibilité de l'institution judiciaire est sérieusement mise en doute, et s'assurer qu'on ne l'entache pas davantage en mettant en place une commission qui est viciée au départ parce qu'elle serait instituée par quelqu'un qui est au coeur même des allégations, par le premier ministre? Est-ce que la ministre peut prendre ses responsabilités?

Le Vice-Président (M. Chagnon): Mme la ministre de la Justice.

Mme Kathleen Weil : La réponse, elle est très simple, elle est très courte: C'est une commission d'enquête indépendante. Le mot a son sens: «indépendante». On peut faire confiance. On...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît, madame... Juste qu'on puisse au moins entendre la réponse. On a bien entendu la question, c'était parfait. Mais j'aimerais aussi entendre la réponse. Mme la ministre.

Des voix: ...

Mme Weil: Écoutez, la réponse, elle est... elle est... elle est simple, elle est courte: Oui, j'ai confiance dans une commission d'enquête indépendante.

Le Vice-Président (M. Chagnon): En principale?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En principale? En principale, M. le député de Chicoutimi.

Composition et mandat d'une commission d'enquête sur le processus de nomination des juges

M. Stéphane Bédard : M. le Président, encore une fois la ministre de la Justice n'occupe pas sa fonction tel qu'elle le devrait. Actuellement, la commission d'enquête va porter sur quoi? Qui dit vrai entre Marc Bellemare et le premier ministre? Qui a menti aux Québécois? Et, deuxièmement, on va savoir pourquoi le premier ministre, lorsqu'il a été informé des actes posés par les collecteurs du Parti libéral, pourquoi il n'a pas agi.

Alors, au coeur de cette enquête, qui s'y retrouve? Le premier ministre actuel. Or, c'est lui qui détermine le mandat de la commission, c'est lui qui va recommander... qui va recommander qui va siéger à cette commission.

M. le Président, nous avons proposé un mode qui, lui, va avoir toutes les apparences du respect des règles de justice naturelle, dont ne semble pas se préoccuper la ministre de la Justice. C'est simple: confier le mandat au juge Gomery et au Vérificateur général...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Il y a une...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): ...une personne à la fois a un droit de parole ici. C'est assez clair. Une personne à la fois a un droit de parole ici, et c'était le leader de l'opposition qui parlait. On va le laisser compléter sa question, ensuite on répondra. M. le leader de l'opposition.

M. Bédard: ... — merci — afin que ceux-ci déterminent le mandat de cette commission d'enquête — le mandat, et pas le premier ministre — le mandat et qui va siéger sur cette commission.

•(14 h 50)•

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader du gouvernement.

M. Jacques P. Dupuis : Je veux rassurer le leader de l'opposition officielle, M. le Président: le mandat sera connu, public. La personne qui présidera cette commission d'enquête, évidemment, sera connue, et tout le monde reconnaîtra qu'il s'agit d'une autorité indépendante, impartiale. La commission d'enquête sera transparente parce qu'elle sera publique.

D'autre part, M. le Président, j'invite le leader de l'opposition officielle à lire la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale au sujet du juge Gomery, que je respecte par ailleurs mais au sujet duquel la Cour d'appel fédérale a dit... et qu'elle a blâmé d'avoir lui-même dit qu'il était aux meilleures... aux meilleures chaises d'un spectacle pendant la commission Gomery. Le gouvernement ne veut pas de spectacle... le gouvernement ne veut pas de spectacle sur les allégations de Marc Bellemare, il veut la vérité, et on va l'avoir.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Première complémentaire, M. le leader de l'opposition.

M. Stéphane Bédard : Je tiens à faire remarquer que les députés libéraux se sont levés sur une attaque sur l'intégrité de l'ancien juge Gomery, à la retraite, peut-être l'homme le plus respecté au Québec en matière d'éthique, pas mal plus que le premier ministre du Québec, en tout cas.

Ce que les Québécois s'attendent actuellement...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader... M. le leader, je vous demande d'être... de faire attention à vos paroles, de mesurer vos paroles. Vous avez... vous avez évidemment toute la parole... tout l'espace où vous voulez, au moins évitez des attaques ad hominem à d'autres.

M. Bédard: Très clairement, sur l'éthique, entre le juge Gomery puis le premier ministre, je choisis le juge Gomery et le Vérificateur général. Alors, si le premier ministre et au moins la ministre de la Justice se réveillent, est-ce qu'on va donner ce mandat au moins au juge Gomery ou au Vérificateur général du Québec? Voilà.

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader du gouvernement.

M. Jacques P. Dupuis : M. le Président, j'ai beaucoup de respect pour les... j'ai beaucoup de respect pour les juges et j'ai toujours démontré ça devant les tribunaux, d'une part. Beaucoup de... Le juge Gomery... Le juge Gomery, M. le Président, pour lequel j'avais du respect quand il était juge de la Cour supérieure, qui est un être humain pour lequel j'ai du respect également, est tout de même... est tout de même, et le chef... le leader de l'opposition officielle le sait, est tout de même descendu dans l'arène politique depuis un certain nombre de mois, a fait des déclarations, s'est associé à des partis politiques. C'est une réalité.

D'autre part, je n'attaque pas... d'autre part...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Une chose qui est... On ne sera jamais capables de faire quoi que ce soit ici tant qu'on s'interpellera les uns les autres. S'il vous plaît! Et à ma droite et à ma gauche!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: La seule chose que je dise aujourd'hui, M. le Président, c'est que le juge Gomery a fait l'objet d'un jugement de la Cour d'appel fédérale sur une déclaration qu'il a faite...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Dernière additionnelle? Principale, madame... En principale, Mme la députée de Taschereau.

Tenue d'une enquête publique sur l'industrie de la construction et le financement du Parti libéral du Québec

Mme Agnès Maltais : Merci. Je m'attendais à tout, sauf à voir attaquer le juge Gomery.

Il y a plusieurs dossiers qui sont l'objet de nos débats qui ont comme tronc commun le financement du Parti libéral: on sait qu'il y a trois ministres qui sont sous enquête; ça coûte 100 000 $ pour siéger au Conseil des ministres par année; dans le cas des FIER, on a découvert l'emprise des gros donateurs du parti; les compagnies de construction de ministres qui reçoivent des contrats sans appel d'offres; un système d'attribution de places en garderie; une entente secrète entre le Parti libéral et le premier ministre; et, maintenant, des nominations sous l'influence d'un gouvernement parallèle. Alors, de la nomination du plus haut fonctionnaire de l'État jusqu'à l'attribution d'une place en garderie, au Parti libéral, tout se monnaie.

Est-ce que le refus entêté du gouvernement de déclencher une enquête sur l'industrie de la construction et le financement du Parti libéral est l'objet d'obstruction des grands collecteurs du Parti libéral, notre nouveau gouvernement parallèle?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader du gouvernement.

M. Jacques P. Dupuis : Il y a une chose... un certain nombre de choses qu'il faut dire. D'abord, M. le Président, on comprend mieux pourquoi la députée de Taschereau a été poursuivie pour libelle diffamatoire. On comprend mieux.

Deuxièmement, deuxièmement, le seul...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader de l'opposition.

M. Bédard: D'abord, M. le Président, ce n'est pas pour libelle diffamatoire, et, deuxièmement, il y a eu désistement sans frais.

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Alors... alors, nous accepterons qu'elle dépose le résultat de la poursuite, M. le Président, elle ne l'a jamais fait.

Deuxièmement... Deuxièmement... Deuxièmement, le seul cas documenté, hein, au sujet du financement occulte d'un parti politique, c'est la commission Moisan qui l'a déterminé, c'est le cas du Parti québécois, de M. Brault, hein, qui a collecté 100 000 $ de contributions illégales pour le Parti québécois. Ça, là, ça, c'est une chose qui est certaine.

Finalement, troisièmement, M. le Président, troisièmement, quelle meilleure preuve, M. le Président, que personne n'est à l'abri d'actes illégaux ou immoraux, quand on a 40 policiers de la Sûreté du Québec, neuf procureurs de la couronne qui enquêtent sur toutes les allégations, et personne n'est à l'abri de ces... personne n'est à l'abri de ces enquêtes policières.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Dernière complémentaire? En principale? En principale, M. le leader de l'opposition.

Règles de financement des partis politiques

M. Stéphane Bédard: On s'attendait, M. le Président, qu'on nous parle du rapport Moisan, puis effectivement on l'a relu, le rapport Moisan. Ça va intéresser nos amis...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! Une personne à la fois ici, le leader de l'opposition.

M. Bédard: On y apprend d'ailleurs que... à la page 8, que le juge conclut que le Parti libéral du Québec a aussi bénéficié des dons en argent des commandites, M. le Président. On y apprend même, à la page 9, que la vice-première ministre, celle qui défend le premier ministre actuel, aurait eu de l'argent des commandites, M. le Président. À la page 9, on parle... une contribution de 3 000 $, sous le nom de madame D., qui aurait été versée à la campagne de la ministre, qui voulait se faire mieux connaître à Montréal. Par qui, M. le Président? Par M. Brault lui-même. Elle aurait confié ce mandat à M. Brault. Pages 8 et 9 du rapport Moisan.

Ce que les Québécois veulent savoir aujourd'hui, ce n'est pas ce qu'a fait la vice-première ministre à l'époque, bien que ça nous intéresse, ce qu'on veut savoir, c'est qui dicte les décisions, qu'est-ce qui est monnayable au Québec. Est-ce que le Parti libéral a un prix? C'est ça que les Québécois veulent savoir. Pourquoi le premier ministre s'entête à refuser une commission d'enquête, alors que tout le monde le veut, quand on voit que les deux principaux bailleurs sont comme par hasard des gens liés à la construction?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader du gouvernement.

M. Jacques P. Dupuis : Le leader de l'opposition officielle aimant citer le rapport Moisan, M. le Président, je vais suivre, je vais suivre... moi aussi, je vais aimer ça, le citer, puis vous allez aimer ça, vous aussi. Page 21 du rapport Moisan — prenez-la, la page 21, M. le leader: «Par l'entremise de dons ou d'achat de billets par ses employés, Groupaction a versé des contributions au Parti québécois, à hauteur de 96 400 $. Le parti connaissait cette situation et il fermait les yeux.» Je continue: «Par l'entremise de dons ou d'achat de billets par ses employés, Groupaction a versé des contributions au Parti libéral du Québec, à [la] hauteur de 8 325 $. Rien ne permet d'établir que le parti connaissait cette situation.» Et voilà! Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Première complémentaire, M. le leader de l'opposition.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader de l'opposition.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En principale? Principale.

Demande d'enquête sur le financement du Parti libéral du Québec

M. Stéphane Bédard: J'imagine que le ministre va demander des explications à la vice-première ministre après la période des questions. Mais ce que les Québécois veulent savoir, M. le Président, et ce que... ils n'ont pas eu de réponse aujourd'hui, et c'est bien malheureux, c'est que le premier ministre, il a choisi, lui, un thème très particulier pour déterminer ce qui va être enquêté. Mais, en ce qui concerne tout le système, où le premier ministre, en plus, est au coeur, soit celui des collecteurs de fonds du Parti libéral du Québec, qui vont jusqu'à se vanter en public de nommer le plus haut fonctionnaire du Québec, jusqu'à être les responsables de l'attribution des places de garderie sur le territoire du Québec, ces gens-là, qui détiennent maintenant le pouvoir au Québec, le premier ministre refuse de les enquêter. Et pourquoi il refuse? Est-ce que c'est parce qu'il reçoit un salaire d'eux? Est-ce que c'est parce que justement la plupart de ses ministres ont été contaminés, la plupart des ministres ont fait l'objet de pressions?

Des voix: ...

•(15 heures)•

Le Vice-Président (M. Chagnon): À l'ordre! À l'ordre! Chacun de son côté!

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui, oui! Mme la députée de Rosemont, Mme la ministre de l'Éducation...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît, mesdames, messieurs! La parole est à une personne ici, et c'est au député de Chicoutimi, leader de l'opposition. C'est lui que je veux écouter.

M. Bédard: Merci. Est-ce que je dois rappeler au premier ministre en plus que c'est son Procureur général qu'il va poursuivre demain? Son Procureur général qu'il a nommé, lui. Pourquoi les Québécois n'ont pas droit à la vérité en ce qui concerne le financement du Parti libéral?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le leader de l'opposition.

M. Jacques P. Dupuis : Bien, je veux d'abord dire que le leader...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Excusez, M. le leader du gouvernement.

M. Dupuis: Merci. Je veux d'abord dire que le leader de l'opposition officielle est fidèle à lui-même: il nous avait promis il y a quelques jours qu'il continuerait de salir des réputations impunément et il le fait. Et il le fait.

Deuxièmement, M. le Président, deuxièmement, M. le Président, comment peut-il affirmer ce qu'il affirme, alors que le premier ministre du Québec annonce, ce matin, qu'il y aura une commission d'enquête indépendante et impartiale sur les allégations de M. Bellemare relatives au mode de sélection des juges? Pourquoi, mais pourquoi une enquête sur ce sujet-là précis? Le système judiciaire, l'institution judiciaire, les juges sont au coeur de notre société démocratique, M. le Président, et il faut absolument qu'il y ait cette enquête indépendante et impartiale pour conserver la crédibilité à l'institution qui est la plus fondamentale dans notre société démocratique, la fonction des juges.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, cela met fin à la période de questions et de réponses orales.