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jeudi 15 avril 2010

3305

JOURNAL DES DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

39e législature, 1re session

(début : 13 janvier 2009)

Le mardi 13 avril 2010 –

Vol. 41 N° 103

http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100413/14563.html

(…)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Saint-Jean, pour votre intervention. Et nous allons entendre maintenant le prochain intervenant, M. le député de Vimont, pour votre intervention sur le discours du budget. M. le député de Vimont, à vous la parole.

M. Vincent Auclair

M. Auclair: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis content d'entendre que mon collègue a le temps de se consacrer au jeu de Monopoly. Je pense que c'est important d'avoir des loisirs. Et je suis bien heureux de l'entendre aussi demander des investissements à gauche et à droite pour les citoyens, puis c'est normal, je pense que c'est le rôle d'un député de réclamer des droits, de réclamer des sommes d'argent au gouvernement, il faut défendre ses dossiers, c'est correct, sauf qu'il faut regarder l'ensemble de l'oeuvre maintenant.

Lorsqu'on regarde le budget qui a été présenté, il y a eu beaucoup de qualificatifs qui ont été donnés pour ce budget-là. Moi, M. le Président, je peux vous dire une chose, c'est que, quand je regarde l'état des finances du Québec puis je regarde vers quoi on s'enligne, on est arrivés à une situation où on n'avait plus de choix. C'est dommage. Ça aurait été bien plus agréable de continuer puis de dire: Bien, de toute façon, on peut avoir la solution magique, dire: C'est facile, l'argent est à Ottawa; on va aller voir Ottawa, Ottawa va nous donner l'argent.

On a déjà, si ma mémoire est bonne, plus de 15 milliards de dollars qui vient de la péréquation. Péréquation qui vient faire quoi? Parce qu'il faut regarder, il faut expliquer aux citoyens qu'est-ce que ça signifie. Ça signifie que le Québec, pour pouvoir offrir les mêmes services à sa population, doit... Le Canada dans son ensemble permet d'avoir une équité pour les mêmes services. Qu'est-ce que ça prend aux Québécois pour avoir le même service? C'est 15 milliards de dollars. Donc, ça vient de l'ensemble des autres provinces, qui sont, heureusement pour nous, plus riches.

Et ce n'est pas par fierté qu'on dit que le Québec a des défis comme il a. Le Québec se paie les meilleurs services. Le Québec se paie le meilleur service... système de services de garderie. Il n'y a pas une autre province qui a un système de services de garderie comme on a. Ça nous coûte environ 1,8 milliard de dollars, et ce n'est pas fini. Et, à cet égard-là, je suis content de voir que ma collègue de Mirabel dit: C'est grâce à nous autres, c'est grâce à nous autres. C'est un euphémisme, dans le sens que, moi, je suis fier du système de garderie qu'on a, sauf que ce choix-là, il faut être honnête, fait en sorte qu'on est coupés par des subventions indirectes du gouvernement fédéral, tout simplement parce que le fédéral ne contrevient... ne nous supporte pas par des crédits d'impôt comme il le fait à travers tout le reste du Canada. Parce que, si le Québec n'avait pas le système de garderie comme il a, et on ne fonctionnait que par... tout simplement par crédits d'impôt, le fédéral donnerait sa juste part aux citoyens du Québec, qui n'est pas le cas.

Sauf que, quand on regarde l'ensemble des services... Puis c'est drôle, ce matin, j'avais... je prenais le taxi, le chauffeur de taxi de Québec, il me disait: Moi, il dit, je suis assez content. Il dit: Je regarde le budget. Il dit: Oui, il dit, ce n'est pas évident, il dit, ce n'est pas facile, sauf que, il dit, vous savez, il dit, les garderies, là, il dit, moi, je suis content. Il dit: C'est bon. Il dit: Ma fille, avant, elle n'aimait pas ça parce qu'elle disait que justement, il dit, elle payait... Elle a 37 ans. Il dit: Elle paie, elle paie de ses poches un système qu'elle n'utilise pas. Mais là, aujourd'hui, elle est toute heureuse parce qu'elle est enceinte, elle va avoir son petit bonhomme dans trois mois. Donc, lui était très heureux, premier... grand-papa, premier bébé dans la famille. Donc, ils se retrouvaient avec une réalité, une nouvelle réalité, hein, puis il dit à sa fille: Tu vois. Il dit: Là, là, tu t'es plainte pendant tant d'années; maintenant, tu vas pouvoir en profiter. Après que tu vas avoir terminé, quand tu auras... tes enfants seront grandis, dans cinq, six ans, tu vas-tu dire maintenant que tu n'en veux plus, des services de garde subventionnés? Ça, c'est une réalité des services, des choix qu'on a faits au Québec.

Une autre réalité... Et ces choix-là, en passant, M. le Président, on les maintient. Une autre réalité, c'est la santé. La santé représente 45 % du budget du Québec. 0,45 $ de toutes nos piastres s'en vont pour notre service de santé. Il n'y a pas si longtemps, en début des années quatre-vingt, on était à 31 %, donc 0,14 $ qui sont allés directement là de plus. Pourquoi? Parce que, un, ce n'est pas juste le fait qu'on a une population vieillissante. C'est un fait, mais ce n'est pas parce que notre population... C'est vrai qu'elle est plus vieillissante, mais elle est en meilleure santé qu'elle l'était. Elle consomme, oui, en raison de l'âge, peut-être un peu plus de services de santé, mais il y a la modernisation des services, il y a toutes les nouvelles technologies qui permettent justement de maintenir notre population en plus grande santé, les maintenir plus longtemps en vie, mais ça a des coûts, et ça va continuer de croître.

L'ensemble de l'oeuvre est quoi, M. le Président? Que le budget qui nous est présenté est un budget qui assure la pérennité de nos services, mais il doit également faire face à la réalité. La réalité est qu'on est moins de Québécois qui vont être sur le marché du travail dans un avenir rapproché, on a une population qui vieillit, donc on a une démographie qui est en rattrapage, et on est aussi dans une situation où le Québec, dans l'ensemble de ses services, voit le coût augmenter pour maintenir ses infrastructures et des infrastructures qu'on a négligées, tous gouvernements confondus. Donc, on est en rattrapage. Tout ces rattrapages-là, tous ces frais-là font en sorte que, oui, la dette augmente. La bonne dette. Pas la dette du panier d'épicerie. La dette dans nos infrastructures, la dette qui donne des services, la dette qui donne des infrastructures, qui crée une richesse. Mais on va arriver en 2014... Puis on vise, en 2013-2014, dans le budget à venir, de ne plus avoir... de ne plus augmenter la dette. Ça, c'est un défi d'une collectivité, c'est un défi que tous les Québécois doivent être appelés à contribuer. C'est sûr et certain que les citoyens...

Moi, c'est mon huitième budget, M. le Président. Moi, je peux vous dire que, dans les sept premiers budgets, malgré le fait qu'il y a eu des crédits d'impôt, il y a eu des améliorations dans les avantages sociaux, on a... On s'est occupés de nos plus démunis, on a développé les habitations à logement... habitations à loyer modique, on a vraiment développé notre milieu social. Et malgré ça je n'avais pas plus d'appels à mon bureau pour me dire: Félicitations! On a un bon budget. Il y a toujours quelqu'un qui m'envoyait un courriel en disant: C'est ça, il y a... c'est toujours moi qui paie pour vos affaires. Il y a toujours quelqu'un qui paie. C'est ça, la réalité d'un budget, puis c'est ça, la réalité d'une société. On fait... on est dans ce monde-là. On a une social-démocratie, au Québec, et on a... de cette social-démocratie-là, on a des services qu'on se paie.

Maintenant, les choix qu'on a faits, on a fait des choix qui permettent de maintenir ces services-là et d'affecter le moins possible l'économie en... l'économie... ce qu'on appelle l'économie... le développement de notre économie. C'est-à-dire, oui, on a des taxes sur la consommation qui est augmentée, on a des taxes qui sont augmentées sur des services, mais c'est le principe d'utilisateur-payeur, et ça, ça fait très longtemps que les Québécois le réclament. Ça fait très longtemps que les Québécois en parlent. Maintenant, on est devant un fait accompli. C'est une culture, c'est une nouvelle façon de voir les choses. Mais c'est une façon d'aborder aussi l'économie, l'avenir, puis que... Moi, je pense que c'est positif. Parce que, si on continue à juste laisser l'ensemble de l'oeuvre... toujours faire payer l'ensemble de l'oeuvre, les gens ne se responsabilisent pas.

Lorsqu'on a vu, sur l'augmentation des frais d'hydroélectricité... Il y a eu des mesures pour aider les plus démunis, mais en plus qu'est-ce que ça a donné? Les Québécois ont réalisé ou commencent à réaliser que l'électricité qu'on a chez nous, si on l'exporte, on fait plus d'argent, premièrement, avec cette électricité-là, cette hydroélectricité-là, une énergie propre en plus, et on s'assure qu'on a plus d'argent pour s'offrir des services additionnels. C'est ça, l'objectif. C'est ça, la façon de gérer. C'est la façon d'aborder les choses. Si les gens ont la possibilité... Et, encore là, on a prévu, pour... des sommes d'argent additionnelles pour aider nos plus démunis.

Mais, si les gens se responsabilisent au niveau de la consommation, fait plus attention, font des choix en égard de ce qu'ils consomment, bien, c'est un libre choix qu'ils font. Mais ce libre choix là nous permet à maintenir nos services pour ceux qui en ont besoin. Et c'est là... c'est tout simplement là où nous en sommes rendus, M. le Président.

Je sais qu'avec votre grande expérience vous en avez vu couler... vous en avez vu... entendu, des discours, puis vous allez en entendre encore, parce que je suis persuadé que la passion est toujours là et que vous allez être encore là, avec nous, pendant très longtemps. Mais l'objectif, c'est... l'objectif est quoi? C'est que, lorsqu'on quitte... Puis il n'y a pas une personne ici qui rentre en politique en disant: Moi, je vais me... le jour que je vais me retirer de la politique ou la politique va faire en sorte que je me retire, que je vais laisser quelque chose de pire pour les gens qui vont me suivre. Ce n'est pas vrai. Tous les gestes qui sont posés sont posés de bonne foi et dans une intention formelle. Et notre intention, c'est de s'assurer que les générations qui vont suivre — parce que ça, c'est des commentaires, puis on les a entendus — que les gens... les jeunes qui nous suivent n'auront pas à payer pour des choix qu'on a faits, des mauvais choix. Maintenant, on va arriver, on va nettoyer l'ardoise, on va leur donner des possibilités. Les possibilités, ce sera leurs décisions pour l'avenir, et c'est là qu'on est rendus, M. le Président.

Moi, je suis heureux. Je suis heureux qu'on ait eu l'audace de poser des gestes comme on l'a fait. C'est certain que, demain matin, il y a des soubresauts puis il va y avoir des grincements de dents. Mais, dans trois ans, on va reprendre parole dans cette Chambre-ci, M. le Président, puis je suis sûr que, quand on va arriver puis on va faire l'analyse, on va pouvoir dire que les gestes qui ont été posés, c'étaient les bons gestes, puis la population va nous suivre à cet égard-là. Merci.

•(21 h 10)•

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Vimont, de votre intervention.

Et, pour la poursuite du débat sur le discours du budget, je cède maintenant la parole à M. le député de Groulx. M. le député de Groulx, à vous la parole.