DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

jeudi 15 avril 2010

3306

JOURNAL DES DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

39e législature, 1re session

(début : 13 janvier 2009)

Le mardi 13 avril 2010 –

Vol. 41 N° 103

http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100413/14563.html

(…)

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Vimont, de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat sur le discours du budget, je cède maintenant la parole à M. le député de Groulx. M. le député de Groulx, à vous la parole.

M. René Gauvreau

M. Gauvreau: La pire des audaces que j'ai entendue, M. le Président, c'est de prétendre que c'est un budget audacieux. C'est un budget qui, à plusieurs aspects, sont honteux. Je vais vous donner seulement l'aspect de ce que je connais le mieux: les Laurentides, la santé.

Il y a quelques semaines, je recevais une lettre du ministre de la Santé confirmant que les Laurentides, sur le plan de la santé et des services sociaux, se retrouve au 18e rang sur 18 régions administratives au Québec. C'est comme ça depuis un certain nombre d'années. On tente de corriger, mais, depuis 2004, ça ne va pas bien du tout, ça va en s'empirant. Le chiffre du ministre de la Santé nous disait que l'inéquité régionale pour les Laurentides, ça se chiffrait à peu près à 66 millions. J'aurais pu le corriger parce que, 66 millions, c'était en 2009, puis, en 2010, on est rendu à 72 millions.

Dans le budget, on parle d'une limitation des dépenses de 3,2 %. Je devrais être consolé dans un sens parce que, depuis 2004, le Parti libéral, le gouvernement n'a jamais atteint ses cibles. Mais supposons qu'il atteint ces cibles, supposons que ce qui est écrit dans le budget, ils vont le faire. On ne pense pas, mais supposons qu'ils le fassent, combien ça va coûter, pour les Laurentides, en manque à gagner dans les corrections à faire? En prenant pour acquis que, d'ici 2031, la population des Laurentides aura augmenté de 34 % pour la population du Québec qui aura augmenté de 9,8 %, en prenant pour acquis que, d'ici 2021, 50 % de la population des Laurentides sera composée de personnes âgées de 50 ans et plus, donc avec ce que ça amène comme usure corporelle, etc., en prenant les chiffres du gouvernement, en prenant les chiffres du ministère et en les vérifiant, l'exercice du 3,2 % va alourdir le fardeau de l'assiette de santé et services sociaux d'un 20 millions supplémentaires à cause de ce budget-là.

Mais ce n'est pas tout. Dans le budget, il y a des petits détails. On va ramener certains indices populationnels de façon à ce que ça fonctionne. Par exemple, dans les Laurentides, il y a 180 000 personnes qui n'ont pas accès à un médecin de famille. Donc, ça veut dire que, si on appliquait le tableau de la page 27 d'un des cahiers, ça veut dire qu'il y aurait 180 000 personnes, qui n'ont pas accès à un service de première ligne, qui devront payer parce qu'ils n'ont pas accès à un service de première ligne. Moi, dans mon comté, M. le Président, ça prend cinq cliniques d'urgence pour peut-être avoir un rendez-vous. À la fin, on va à l'urgence, puis les gens de l'urgence, qu'est-ce qu'ils nous disent? Ils disent: Allez donc à la clinique. Ça, c'est la réalité des Laurentides.

Mais on va appliquer un peu plus loin que ça. Quand quelqu'un qui habite les Laurentides comme, moi, j'habite dans les Laurentides puis je vais me faire soigner à Montréal — je n'ai pas le choix, il n'y en a pas, de médecins dans les Laurentides, on a la moitié moins de médecins par 1 000 de population qu'ailleurs — ... Quand je vais me faire soigner à Montréal, la RAMQ est payée par l'agence de santé de Montréal, et, normalement, il y a un processus de compensation qui se fait avec l'agence des Laurentides. Dans la réalité, ce processus-là ne se fait pas. Une chance, parce que, si on applique le budget et certaines rationalisations qui sont bien indiquées dans le budget, à partir des données fournies, fournies par des responsables des agences et des ministères — ce ne sont pas mes chiffres, à partir des données que j'ai fait vérifier à plusieurs endroits — le dossier de l'inéquité régionale des Laurentides sera, grâce à ce budget audacieux... va monter à 136 millions. 136 millions.

Je me dis: Ça n'a pas de maudit bon sens! Qu'est-ce qu'on va faire? Dans un discours précédent, M. le Président, je pensais qu'un jour on va avoir des cours de plantes médicinales ou un truc comme ça. Ça n'a pas de bon sens! Quand une urgence comme l'Hôpital Saint-Eustache déborde à 400 %, 400 %, puis on se rend compte qu'au débordement de l'urgence les deux tiers des patients qui sont là ce sont des personnes âgées, atteintes de maladies cognitives comme l'Alzheimer ou d'autres types de démence, qui attendent une place en CHSLD — et il n'y en a pas, on les coupe; on n'augmente pas, on les coupe; il y a un manque patent de places en CHSLD — on les amène au deuxième étage aux soins de courte durée, ils n'ont pas d'affaire là, et ça prend quelqu'un qui s'en occupe.

Alors, les gens des hôpitaux, courageusement, prennent des décisions qui sont à contre-courant parce que, dans ce gouvernement, on veut régler les problèmes dans les urgences. Il faut comprendre que, l'année dernière, pour régler le problème dans les urgences, c'est ce gouvernement qui a engagé 2 000 cadres. Il n'y a pas un mosus de cadre qui a fait un pansement. Il n'y a pas un mosus de cadre qui est allé consoler des gens qui sont dans les urgences pendant sept, huit, neuf heures pour soigner une coupure qui commence à se nécroser après sept heures. Il n'y en pas un. Eux, ils font des structures. 27 paliers de décisions entre l'infirmière à l'urgence et puis le ministre de la Santé. Je mets au défi n'importe qui dans cette Chambre de m'en nommer cinq, paliers de décision. 27. C'est efficace. 400 % d'attente cet été à l'urgence de Saint-Eustache. Ces gens-là, les infirmiers et infirmières des urgences à Saint-Eustache, ce sont des héros nationaux. C'est des gens qui travaillent, plus souvent qu'autrement, 16 heures.

Depuis deux semaines, M. le Président, il y a des citoyens, hein, des Québécois et des Québécoises qui sont sortis dans la rue. 15 000, à Montréal, deux jours après le dépôt du budget. Là, ce n'est pas la coupe Stanley, là, c'est un budget. 50 000 à Québec, avec les chemises rouges et les balais, et ça m'a rappelé quelqu'un. Ça m'a rappelé Nelson Mandela. Nelson Mandela, lui, il disait quelque chose de fort intéressant, fort intéressant. Il disait que les barricades sont la voix de ceux qu'on n'entend pas. Alors, moi, là, j'ai l'intention de dire aux Québécois, aux Québécoises: Faites-vous entendre. Parce qu'actuellement il y a quelqu'un qui est sourd. Il y a quelqu'un qui ne voit pas le piège dans l'audace.

Ce n'est pas un virage. Ce n'est pas un budget audacieux. C'est un budget honteux, honteux comme tous les derniers budgets, et c'est dommage. C'est dommage parce que ceux qui vont payer, c'est encore ceux et celles de la classe moyenne. C'est encore ceux et celles qui craignent actuellement, là, qu'on monte... les hypothèques montent de 1 % à 2 %. Ça, c'est la différence entre réussir et faire faillite. C'est ça, la réalité des gens, au Québec. Ils ne sont pas juste tannés, ils réagissent, ils font des sorties collectives. C'est une grande sagesse quand la population émet sa voix. Et c'est de manquer de sagesse que de vouloir l'interpréter autrement de ce qu'elle dit.

Les gens qui étaient en face du Parlement en fin de semaine, il ne disaient pas: Oh! C'est un budget audacieux, nous sommes bien conscients de ça. Pas du tout. Ils disaient: Vous, le gouvernement, depuis 2004, vous n'avez jamais respecté vos engagements. Vous avez été élus en ne respectant pas vos engagements. Vous avez dit que c'était la faute au PQ. Dans pas grand temps, on va dire que c'était la faute à Duplessis ou Alexandre Taschereau, M. le Président. On va reculer. Puis, moi, je suis bien prêt, dans mon comté — le premier député, c'était Louis-Hippolyte La Fontaine — je suis prêt à entendre ça, aussi. Mais ce que je ne veux pas entendre, ce que je ne veux pas entendre, c'est qu'on me parle d'un budget audacieux, alors que la réalité, c'est que les gens, le petit monde, le petit monde qui paie dur puis qui paie encore dur n'aura pas de vacances cette année. Le petit monde qui paie encore dur, O.K., bon, il ne se fera pas traiter.

Quand on nous parle de la péréquation, M. le Président, là, ce qui me fâche le plus, c'est quand on laisse entendre que la péréquation versée au Québec, c'est de l'aide sociale. 23 % de l'impôt fédéral est payé par le Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Groulx, de votre intervention. Et, pour la poursuite des débats sur le discours du budget, je cède maintenant la parole à M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député des Îles, à vous la parole.