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vendredi 16 avril 2010

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Le Vice-Président (M. Gendron): Bon, juste une minute, M. le ministre, pour rappeler les temps, là, pour ne pas que vous soyez mal à l'aise. L'opposition officielle avait 41 minutes; il y en a à peu près présentement 17 de prises. Donc, vous ferez la soustraction de 41 moins 17; alors, il reste ça à l'opposition officielle.

Le côté ministériel, il vous reste neuf minutes. Parce qu'on vous a induits en erreur tantôt, là, ce n'est pas 11 ou 13, c'est neuf minutes. Donc, M. le ministre, le temps qui vous est imparti, tel que fixé avant le début du débat, c'est le temps qui reste: neuf minutes pour vous. À vous la parole, M. le ministre de l'Agriculture et du Revenu.

M. Robert Dutil

M. Dutil: Merci, M. le Président. Alors, je vais y aller donc très rapidement. On se rappelle qu'on vient de traverser une année extrêmement difficile, sur le plan économique, avec succès. Le Québec s'en est mieux tiré que toutes les autres économies modernes de l'extérieur du Québec, et je pense que c'est dû au travail que nous avons fait.

Le défi maintenant, et ce sont les objectifs que l'on retrouve dans le budget, c'est de relancer correctement notre économie, d'être prudents. La reprise est plutôt lente, donc il faut le faire avec prudence. Le deuxième défi, c'est de ramener l'équilibre budgétaire. Le troisième défi, c'est de bien gérer la dette. Et le quatrième défi, et il est important, il ne faut pas le négliger, c'est de rendre les services requis par l'État, et plus particulièrement les services de santé et d'éducation.
Et ça, M. le Président, c'est notre choix gouvernemental, qui est différent de celui qui a été fait par l'opposition lorsqu'elle gouvernait, il y a une dizaine d'années, et qui avait décidé d'apporter et d'amener des coupures très sévères, au nom de l'équilibre budgétaire, dans le domaine de la santé. C'est un choix, c'est une décision que nous n'avons pas faits. Nous avons fait... nous avons pris la décision que, nous, nous allions donner les services à la population.

Et ça m'amène à parler de... des lames de fond qui se produisent dans la société moderne, mais plus particulièrement dans la société québécoise. On parle souvent du vieillissement de la population, et ce que l'on retient surtout, dans le thème «vieillissement de la population», c'est l'allongement de la durée de vie, ce qui est une bonne nouvelle, ce qui est exact. Et effectivement l'allongement de la durée de la vie, qui est une bonne nouvelle, qui est exacte, eh bien, ça coûte... ça coûte plus cher au gouvernement.

Mais ce qu'on oublie de noter dans la question du vieillissement de la population, c'est la question de la pyramide d'âges particulièrement... particulière au Québec. Et elle est particulière au Québec parce que le baby-boom au Québec a été plus considérable que dans d'autres sociétés. Et ce baby-boom-là s'est produit jusque vers les années... vers la fin des années cinquante. La conséquence de ça, c'est qu'aujourd'hui on retrouve, à 65 ans, la cohorte des naissances de 1945. Et l'année prochaine, on va retrouver, à 65 ans, la cohorte plus nombreuse des gens qui sont nés en 1946, et ainsi de suite jusqu'en 1957, l'année où il y a eu 147 000 naissances. Alors, je vous fais la proportion, là: 147 000 naissances, on est descendus, par la suite, jusqu'à 75 000 naissances, donc la moitié moins.

Et, ce phénomène-là, bien on le vit aujourd'hui durement et difficilement sur le plan des coûts de la santé dans le domaine public. Pourquoi? Parce qu'à chaque année il se rajoute, au Québec, et ce sera le cas pour les 13 prochaines années, 50 000 personnes de 65 ans et plus. Alors, pourquoi ça se produit comme ça? Bien, c'est... Évidemment, les décès suivent de 15 années derrière, et il y a une différence entre les 15 années derrière pour les 13 prochaines années, il y a une différence de 50 000. 50 000 personnes de 65 ans et plus, quand on regarde les statistiques de coûts de la santé, la moyenne des coûts de la santé pour les gens qui dépassent 65 ans et plus évidemment, c'est encore plus quand on va dans les cohortes plus âgées — est de 6 500 $. Alors, on ne peut pas diviser les coûts de la santé par le nombre de citoyens du Québec. Si on le fait, on fait 27 milliards divisés par 7 millions, on arrive à peu près à 3 000 $ par citoyen, mais c'est une moyenne. On sait que la première année de vie coûte plus cher, on sait que ça coûte beaucoup plus cher à partir de 65 ans, mais qu'entre les deux ça coûte beaucoup moins cher.

Les conséquences de ce que je viens de dire là, là, le calcul est relativement facile à faire, 50 000 personnes par année qui coûtent en moyenne 6 500 $ de plus: 325 millions de dollars. À chaque année, pour les 15 prochaines années, il va y avoir une pression cumulative de 325 millions de dollars sur la santé du Québec à cause de ce phénomène-là, phénomène que... que l'on ne peut pas... que l'on ne peut pas contraindre. Et donc ça nous oblige, au niveau du gouvernement, à trouver des solutions qui nous permettent d'offrir les mêmes services à coûts réduits, avec plus de productivité et d'une façon meilleure.

Ceci dit, M. le Président, il faut se rappeler qu'au Québec le coût de la santé est 11 % du produit intérieur brut. Aux États-Unis, le coût de la santé est de 15 % du produit intérieur brut, dans une société qui est plus riche que nous autres. Si on fait ça au per capita, là, si on fait un calcul rapide, là, ça coûte deux fois plus cher aux États-Unis per capita de donner des services de santé dans une société qui a 40 millions de personnes qui n'ont pas les services et dans une société où les critères de qualité de santé, les mortalités à la naissance, la durée de vie, la durée de vie en bonne santé, sont moins bons que les nôtres.

Alors, il faut... il va falloir finir par se dire que notre système de santé, qui a des difficultés, des défauts sans doute, on le reconnaît, sur lequel il faut travailler continuellement, doit avoir des vertus pour coûter deux fois moins cher que celui des États-Unis et obtenir de meilleurs critères de performance que celui des États-Unis. D'ailleurs, les États-Unis regardent du côté du Canada pour voir de quelle façon on opère en termes de services de santé, pour nous copier, jusqu'à un certain point.

Ça, c'est l'aspect... l'aspect vieillissement de la population, l'aspect démographique, vieillissement de la population. Si on va dans l'autre sens, si on regarde au niveau de la démographie mais dans l'autre sens, c'est-à-dire dans le sens de la dénatalité, on se rend compte que le Québec est passé par des phases extrêmes. On est passé de 147 000 naissances et ça a descendu jusqu'à 75 000, ou aux environs. Et maintenant on est remonté autour de 88 000 naissances, 88 000 naissances, qui n'est pas le taux de renouvellement. Le taux de renouvellement est de 2,1 enfants par famille, on est à 1,75. C'est mieux que 1,50. On a progressé.

Mais, quand on regarde les statistiques, quand on vérifie par sondage combien les jeunes familles du Québec veulent avoir d'enfants... On ne peut pas forcer les gens à avoir des enfants s'ils ne veulent pas en avoir, mais combien veulent-ils en avoir, quand on leur demande, là, le résultat? Ils nous répondent deux enfants, à peu près, par famille. Et pourtant on est à 1,75. Et on était à 1,50.

Pourquoi les jeunes familles n'ont pas ou n'ont pas eu les enfants qu'ils souhaitaient avoir? Bien, il y a peut-être des raisons autres que les valeurs. Et ces raisons-là, à mon sens, et des analyses semblent nous démontrer le cas, sont en bonne partie économiques. Les jeunes familles veulent être supportées pour avoir les enfants qu'ils souhaitent avoir. Et c'est ce que le gouvernement a décidé de faire.

Le gouvernement a décidé de supporter les familles au Québec, et ça coûte de l'argent, M. le Président, mais on a décidé de le faire parce que c'est la meilleure façon d'assurer la pérennité du Québec français pour le futur. C'est la meilleure façon d'assurer la pérennité des régions du Québec, qui, on le sait, sont en... en déficit démographique et qui, elles, ne bénéficient pas de l'immigration au Québec. Alors, ces deux... ces deux contraintes-là, ces deux lames de fond là font partie du portrait qui oblige le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour assurer l'avenir du Québec avec la richesse que nous avons.

•(15 h 50)•

Donc, je conclurai de cette façon-ci: le travail de notre gouvernement est de créer le plus de richesse possible, de travailler le plus fort possible, de telle sorte que le déficit de productivité que nous avons par rapport aux autres sociétés, qui est de l'ordre d'à peu près 15 %... 15 %, c'est important, là. 15 % de différence de productivité sur un produit intérieur brut de 300 millions, ça fait 40 milliards de dollars, 45 milliards de dollars. Si on l'avait, là, le 45 milliards de dollars de richesse de plus, on ne serait pas dans la même situation. Et ce n'est pas une illusion de se dire qu'on est capables d'atteindre ces objectifs-là dans une société où les autres, nos voisins, réussissent à l'atteindre.

Que faut-il faire? Il faut travailler fort, il faut donner priorité à l'économie, il faut donner priorité au développement, de telle sorte que nous pourrons léguer à nos enfants une société plus riche, une société dans un meilleur état, mais également une société qui sera en mesure d'offrir les services requis à la population du Québec dans les domaines de la santé, dans les domaines de l'éducation.

La création de la richesse a pour objectif de donner des services à la population. Ça n'a pas d'autre objectif que ça. L'enrichissement, c'est pour créer un climat, créer une situation économique qui permet de donner des services à la population. Alors, c'est donc notre mandat, c'est ce que le budget prévoit faire, un budget prudent, un budget réaliste qui va nous assurer que, dans toutes les régions du Québec, l'avenir des prochaines générations sera assuré et que la pérennité du Québec français sera quelque chose de véritable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le ministre du Revenu, de votre intervention et de toutes vos autres responsabilités.

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JOURNAL DES DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

39e législature, 1re session
(début : 13 janvier 2009)

Le mercredi 14 avril 2010
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100414/14735.html

- Vol. 41 N° 104