DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

vendredi 16 avril 2010

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Le Vice-Président (M. Chagnon): (...) Est-ce que j'ai un prochain intervenant? M. le député de Bourget, nous vous écoutons.

M. Maka Kotto

M. Kotto: Merci, M. le Président. Avec un tout petit effort de mémoire, je me souviens de la dernière fois que la population du Québec a exprimé avec autant de virulence sa désapprobation, c'était à l'automne 2003, six mois à peine après l'élection du gouvernement libéral. Le murmure de désapprobation s'était alors mué en concert de désenchantement. Du jamais-vu après une si courte période de pouvoir. Un pouvoir arraché à coups de slogans du type Nous sommes prêts. Pourtant, six petits mois plus tard, nous pouvions déjà entendre ici même, aux portes de notre parlement, la voix de celles et ceux qui demandaient de stopper la démolition.

Aujourd'hui, ce n'est plus seulement le monde syndical ou les organismes communautaires qui sont dans la rue. Ce sont de jeunes pères et de jeunes mères de famille, des personnes âgées, des travailleurs, des commerçants, bref des Québécois de la classe moyenne qui sont découragés, voire dégoûtés du sort que leur réserve le gouvernement libéral avec son dernier budget. M. le Président, les lignes ouvertes explosent, les blogues ne blaguent plus, et les courriels carburent frénétiquement à l'indignation.

Au lendemain du budget, le quotidien Le Soleil titrait: Budget du Québec: la classe moyenne écopera. Il ne peut en être autrement lorsque ce sont l'essence, la TVQ, l'électricité, les soins de santé et éventuellement des droits de scolarité qui augmentent ou augmenteront. Pour un couple avec deux enfants d'un revenu annuel de 60 000 $, c'est une ponction instantanée de 1 000 $ dans le budget familial. Pour l'ensemble du Québec, c'est plus de 6 milliards d'ici 2014. Toute la classe moyenne en effet, M. le Président, écopera et elle écopera du premier budget du ministre des Finances et député d'Outremont.

•(12 h 30)•

Les impacts pour les familles du Québec seront bien réels et les affecteront de différentes manières. Reprenons le cas de notre famille avec deux enfants et disposant d'un revenu annuel de 60 000 $ et de la ponction instantanée de 1 000 $ sur le budget consacré aux loisirs, aux divertissements, à la culture en somme. Cela représente assurément des pertes considérables tant pour le milieu culturel que pour l'individu, sa famille et ses enfants. Cela se traduira par ce livre ou ce DVD que l'on n'achètera pas, cette sortie au théâtre, au cinéma ou au musée que l'on ne fera pas ou du moins que l'on fera à une fréquence discontinuée.

Entre les dépenses courantes, incompressibles pour la plupart, comme celle reliée à la facture d'électricité, par exemple, et celle dédiée aux loisirs culturels, plusieurs chefs de famille n'hésiteront pas, à regret, de sacrifier ce bon livre ou cette sortie familiale au musée. Quand il faut se serrer la ceinture dans les familles, c'est généralement les dépenses culturelles qui écopent. Ce sont également les artisans et les artistes du milieu culturel qui font partie de cette classe moyenne, travailleurs autonomes qu'ils sont, dont les revenus annuels sont parmi les plus bas, qui feront également les frais de ce budget brutal. Brutal en raison de la déferlante de taxes, tarifs et impôts déguisés qui s'abat sur eux comme sur la grande majorité des Québécoises et des Québécois.

M. le Président, la voix, celle de la majorité silencieuse, se fait maintenant entendre; elle se déploie et gonfle quotidiennement pour crier son courroux. Guère étonnant de lire en début de semaine que le taux d'insatisfaction du présent gouvernement atteint maintenant 77 %, du jamais-vu selon les exégètes en matière de sondages, car, avec un tel score, c'est maintenant la quasi-totalité de la population, y compris les partisans du Parti libéral du Québec, qui sont mécontents du premier ministre et son gouvernement.

M. le Président, je me souviens, je me souviens qu'à son arrivée à la tête du Parti libéral, en 1998, le premier ministre actuel, alors chef de l'opposition officielle, appuyé par Mme Monique Jérôme-Forget, alors sa critique en matière de finances, répétait ad nauseam, des années durant jusqu'à leur accession au pouvoir en 2003, que les Québécois étaient les plus taxés en Amérique du Nord. Aujourd'hui, on fait bien pire, notamment en taxant la santé.

Je me souviens qu'après le dépôt du budget de l'ancien premier ministre, Bernard Landry, le 9 mars 1999, Mme Jérôme-Forget disait en cette Chambre, et je la cite: «Le ministre des Finances a tenu le cap du déficit zéro. Il avait, à cet égard, reçu l'appui unanime de cette Chambre pour le réussir, et nous le félicitons de l'avoir réussi.» Fin de citation.

Là réside la différence entre les deux approches. L'approche libérale, on l'a bien vu le 30 mars dernier, préconise la confrontation à l'intérieur comme à l'extérieur de ce parlement, et, comme dirait l'autre, qui sème le vent récolte la tempête. De plus, la tempête soulevée par le présent budget prend des airs de mistral; le peuple s'en souviendra et il s'en souviendra longtemps. Et, sa sentence, on peut l'anticiper, sa sentence sera sévère.

Motion formulant un grief

Je souhaiterais, M. le Président, à ce stade-ci, avec votre permission, inscrire une motion de grief. Elle se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme le premier ministre, le ministre des Finances et la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine qui, par la courte vue de leur budget, font preuve d'une impéritie à sauvegarder au Québec la participation culturelle de la classe moyenne.»

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci. Est-ce que vous pourriez déposer votre motion? D'accord. Merci,

*

JOURNAL DES DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

39e législature, 1re session
(début : 13 janvier 2009)

Le mercredi 14 avril 2010
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100414/14735.html

- Vol. 41 N° 104