DOUTEUR ET UNE PAGE INTÉRESSANTE

vendredi 16 avril 2010

3352

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, la motion est déposée.

Nous vous remercions. Alors, M. le député de Blainville, c'est maintenant à vous la parole.

M. Daniel Ratthé

M. Ratthé: Merci, M. le Président. M. le Président, au lendemain du dépôt du budget, la population du Québec avait l'impression d'être dans un cauchemar. Effectivement, M. le Président, je vous ramène en novembre 2008, le premier ministre avait alors annoncé que le Parti libéral était le parti de l'économie, qu'il n'y aurait pas de déficit, qu'il y avait suffisamment d'argent dans la sacoche, qu'il n'y aurait pas de pertes à la Caisse de dépôt, qu'il n'y aurait pas de hausses de tarifs, pas de hausses de taxes, que tout allait bien dans le meilleur des mondes et que, malgré une situation difficile, la population du Québec ne pouvait pas s'en faire. Tout allait très bien.

La réalité, un an plus tard, est tout autre, M. le Président: une dette historique de plus de 42 milliards depuis 2003, et en plus 20 milliards qui vont s'ajouter dans les deux prochaines années. Un déficit annoncé de plus de 4 milliards par année pour les deux prochaines années. En fait, M. le Président, le premier ministre et son gouvernement aura été celui qui aura été... qui aura endetté le Québec le plus dans toute l'histoire du Québec.

En fait, les Québécoises et les Québécois font aujourd'hui les frais de cette mauvaise gestion libérale, M. le Président. Et d'ailleurs le Vérificateur général l'affirmait dans son rapport, l'an dernier, en commission parlementaire: Le gouvernement a fait des déficits au cours des dernières années, mais, par la méthode de calcul choisie par ce gouvernement, une méthode qui à l'époque, le VG nous le disait, était non reconnue par les normes comptables généralement acceptées, le déficit avait réussi à être caché.

Donc, aujourd'hui, le gouvernement fait une espèce de mea-culpa et nous dit qu'à partir de maintenant il va réduire ses dépenses, hein? Il va se fixer des objectifs de réduction de croissance de 2,8 %. Pourtant, c'est le même gouvernement, M. le Président, qui n'a pas atteint les cibles de réduction de croissance de dépenses au cours des sept dernières années. Le gouvernement Charest n'est jamais parvenu à cet objectif. On prend l'exemple de l'année qui s'est terminée au 31 mars 2009. La croissance des dépenses de programmes a été de 6,8 %, M. le Président. On parle de 2,8 % aujourd'hui. Pour les deux années précédentes, la croissance fut respectivement de 6 % et de 5,1 %. Au cours des dernières années, le gouvernement a systématiquement raté ses cibles de croissance de dépenses. Par exemple, le budget 2007-2008 prévoit une hausse de dépenses de 3,9 % et de 3,0 % en 2008-2009. Le résultat fut plutôt 6,0 % et 6,8 %: des erreurs importantes.

Et aujourd'hui ce gouvernement, qui nous avait dit que tout allait bien, nous fait croire qu'on va maintenant réduire les dépenses à 2,8 %. C'est très normal que la population du Québec, que les 50 000 personnes qui étaient ici, en fin de semaine, ne croient pas ce que le gouvernement et son premier ministre annoncent. C'est un gouvernement qui n'a plus la confiance de la population. Les gens ne sont pas dupes. Ils l'ont clairement expliqué. Ils ne croient pas que ce gouvernement respectera sa part du contrat, donc de réduire ses dépenses et de trouver 62 % de l'argent manquant.

M. le Président, la population du Québec en a assez de se faire berner et elle n'a plus donc confiance à ce gouvernement qui n'a plus aucune crédibilité. Mais une chose est certaine cependant, M. le Président: malheureusement, la portion du 31 % qui appartient à la population du Québec, elle, cette part de contrat-là, va être remplie. Vous pouvez être sûr que la population du Québec va, de son côté, mettre l'argent nécessaire, parce que le gouvernement a pris les moyens pour faire en sorte que les familles du Québec, hein, paient leur part de cette mauvaise gestion libérale. Pour la famille moyenne, parlons de 1 312 $ par année, pour une famille moyenne au Québec. C'est ce que va coûter cette mauvaise gestion, des taxes sans égard à la capacité de payer des familles, sans égard aux revenus, des taxes qui ressemblent drôlement à la «poll tax» qui avait été mise en place par Mme Thatcher et qui... un impôt forfaitaire à la tête des citoyens sans égard à leurs revenus et qui a été jugé très inégalitaire par les couches les plus modestes de la population d'Angleterre.

Non, M. le Président, ce n'est pas normal qu'une famille de deux adultes et deux enfants ayant un revenu de 28 000 $ paie le même montant, la même taxe sur la santé, de 200 $, que quelqu'un qui a un revenu de 100 000 $ ou qu'une famille qui a un revenu de 200 000 $. C'est tout à fait injuste. Et c'est une taxe qui est régressive. Comme la taxe sur l'essence d'ailleurs, M. le Président, taxe sur l'essence qui ne fait aussi aucun... ne prend en considération ni le salaire des individus ni le revenu de personne, hein? Que quelqu'un soit à un revenu très faible, eh bien, cette personne-là devra payer le même montant, la même taxe que la personne qui a un revenu très élevé, et encore une fois il faut se le dire, parce que ce gouvernement ne sait pas gérer les finances publiques, parce que ce gouvernement accumule déficit par-dessus déficit.

M. le Président, ce qui est aussi inquiétant quand on regarde le budget, c'est qu'il n'y a rien pour la relance économique, rien pour les PME du Québec. Le gouvernement annonce une prolongation du programme Renfort, hein? Beau programme, M. le Président, effectivement, qui a bien fonctionné mais qui ne convient pas du tout aux PME, M. le Président. Et ce sont les propriétaires des PME eux-mêmes qui nous le disent. Quand on se promène et qu'on les rencontre, ces gens-là nous disent que les programmes mis en place par le gouvernement ne sont pas adaptés aux PME.

M. le Président, je voulais juste vous rappeler que 51,5 % des entreprises au Québec ont de un à quatre employés, que 43 %, 44 % des entreprises comptent entre cinq et 50 employés, ce qui signifie que 95 % des entreprises au Québec emploient moins de 50 travailleurs. Et la plupart de ces PME là évoluent dans le secteur tertiaire, donc c'est-à-dire le commerce, vente et le service au détail. Pensez-vous vraiment, M. le Président, que des entreprises de cette taille sont en mesure de débourser 250 000 $ afin de se qualifier pour le programme Renfort? Mais on nous dit, justement à grand renfort, qu'on a des choses intéressantes pour les petites et moyennes entreprises au Québec.

Pensez-vous vraiment, M. le Président, qu'un très grand nombre de ces PME vont pouvoir se prévaloir de la subvention à l'exportation, une autre mesure pour relancer l'économie au Québec? Non, M. le Président, et pas plus que le Fonds Élan entreprises, un fonds qu'on avait annoncé l'an dernier pour 500 millions de dollars et que le gouvernement se targuait d'injecter dans l'économie du Québec. En réalité, M. le Président, seulement 10 % des fonds ont été utilisés par les PME. Pourquoi? Bien, c'est simple, encore une fois parce que les programmes ne sont pas bien adaptés, parce que c'est compliqué d'obtenir les programmes, parce que... une lourdeur administrative, et surtout, hein, que cette lourdeur administrative empêche le bon développement économique de nos petites, moyennes entreprises, ces entreprises qui ne comprennent pas le gouvernement qui prétend vouloir relancer l'économie, créer des emplois et de la richesse, mais qui n'est même pas en mesure de répondre adéquatement aux besoins des petites et moyennes entreprises.

D'ailleurs, on nous le disait encore hier en commission parlementaire. Les gens de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes sont venus nous entretenir pendant 15 minutes, M. le Président, sur la lourdeur administrative, sur le frein à la productivité, sur le frein à la compétitivité des mesures qui sont mises en place par ce gouvernement. Pourtant, je le rappelle, les PME génèrent 75 % des emplois des Québécois, et on ne se donne même pas la peine de supporter ces entreprises adéquatement.

D'ailleurs, il n'y a pas que les entrepreneurs qui dénoncent la situation. Comme je vous le disais, hein, la fédération canadienne le fait et... La Fédération canadienne des entreprises indépendantes, au téléphone la semaine dernière, à une conversation que j'avais avec ces gens, me disait à quel point ils étaient insatisfaits face au budget et la FCEI, entre autres, déplore que le gouvernement ponctionne les particuliers et les PME avant même de faire de réelles révisions majeures dans leurs dépenses. Déjà, des entrepreneurs s'inquiètent des impacts de la hausse de l'essence sur leurs coûts d'opération, une hausse qui aura sûrement des impacts sur leur compétitivité.

•(11 h 30)•

Pensons aux entreprises en transport, en transport de matériel, transport en commun, aux propriétaires de station d'essence, par exemple, de l'île de Montréal qui vont être obligés d'avoir une taxe supplémentaire que toutes les autres stations d'essence... aux propriétaires de station d'essence près des postes frontaliers, hein, qui devront à leur tour afficher un prix de l'essence qui est plus élevé que leurs compétiteurs soit dans la province d'à côté soit dans l'État d'à côté. En bout de ligne, la taxe sur l'essence affectera le rendement de nos entreprises. Et que pensez-vous qu'il risque d'arriver, M. le Président? Il y a des fortes chances que certaines des entreprises n'ont pas le choix et n'auront pas le choix de transférer, dans leurs coûts de transport, dans leurs coûts d'opération, donc, de transférer cette augmentation à leurs clients. Donc, une double facturation, une double taxation, M. le Président, pour les Québécoises et les Québécois.

L'Association des restaurateurs du Québec déclarait par le biais d'un communiqué suite au dépôt du budget qu'ils sont très déçus «qu'aucune de ses recommandations pour aider les restaurateurs en cette période de crise économique n'apparaisse dans le budget du Québec déposé aujourd'hui». M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, là, ce sont des associations de PME, des associations de restaurateurs qui disent: Il n'y a rien dans ce budget-là pour la relance économique du Québec, pour aider les petites et moyennes entreprises.

«L'annonce des deux hausses prochaines de [...] TVQ — c'est ce que l'Association des restaurateurs nous dit — qui freineront assurément les dépenses de consommation» et qui n'apportera définitivement «rien de bon pour les restaurateurs»...

Et, M. le Président, je pourrais vous parler également de tout l'impact de cette taxe sur l'essence et de cette hausse de TVQ qu'il va y avoir sur le chiffre d'affaires de 10 milliards au niveau de l'industrie de la restauration, un chiffre d'affaires donc de 10 milliards, et qui donne environ 200 000 emplois à des Québécoises et Québécois. Je pourrais parler également de tout l'impact que ça aura sur l'industrie touristique au Québec, hein, des familles qui, à cause de ce budget, pourront probablement et devront malheureusement demeurer à la maison, ne... se déplaceront moins au Québec, visiteront moins d'endroits touristiques, et ça aura un impact économique également. Je pourrais également vous parler du programme d'aide aux entreprises agricoles, M. le Président, 75 millions sur cinq ans. Ça donne à peu près 15 millions par année. Quand on sait qu'une ferme au Québec vaut, au bas mot, 1 million de dollars, on va être à peu près en mesure d'aider une douzaine de fermes au Québec, alors qu'il s'en ferme une presque à tous les jours, M. le Président.

Pas d'investissement non plus dans l'éducation. Pourtant, l'éducation est la base de l'économie, M. le Président. 2,2 % d'investissement dans l'éducation, ça ne compte pas non plus pour ce gouvernement.

M. le Président, je le répète, ce gouvernement du Québec actuel ne prend pas ses responsabilités, les transfère à la population et leur demande de payer pour leur mauvaise gestion au cours des dernières années, et c'est tout à fait inacceptable. Et c'est pour cette raison, M. le Président, que nous ne pourrons pas accepter ce budget. Merci.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Blainville. M. le député de...

Une voix: Laval-des-Rapides.

Le Vice-Président (M. Chagnon): ...Laval-des-Rapides, vous avez quelque chose...

M. Paquet: ...le député de Blainville accepterait de répondre à une question de ma part?

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le député de Blainville, acceptez-vous de répondre à une question?

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Non

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JOURNAL DES DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

39e législature, 1re session
(début : 13 janvier 2009)

Le mercredi 14 avril 2010
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100414/14735.html

- Vol. 41 N° 104