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Raymond Giroux
10 février 2010
Le Soleil
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/opinions/chroniqueurs/201002/09/01-948009-affaire-russell-williams-la-defense-en-etat-de-choc.php
Cela se passait il y a à peine trois semaines à la base militaire de Trenton, en Ontario. Le colonel Russell Williams, au centre, s'entretenait avec le chef d'état-major canadien, le général Walt Natynczyk, et le ministre de la Défense, Peter MacKay.
(Ottawa) Trenton, Ontario: le commandant de la plus grande base aérienne du pays, le colonel Russell Williams, se retrouve derrière les barreaux depuis dimanche. La nouvelle étonne et choque à la fois.
Ce n'est pas une mince affaire, et peut-être ne connaissons-nous que la pointe de l'iceberg.
C'est l'homme qui jusqu'à la semaine dernière accueillait les soldats morts en Afghanistan, avec la gouverneure générale, Michaëlle Jean, et le ministre de la Défense, Peter MacKay.
C'est l'homme qui a dirigé le camp Mirage, la base secrète de Dubaï où transitent tous les vols canadiens en direction de Kandahar et Kaboul.
C'est l'homme qui assurait la logistique de l'envoi de l'aide humanitaire en Haïti depuis le tremblement de terre du 12 janvier.
Malheureusement, M. Williams est accusé sur ses activités extra-curriculaires, nommément de deux meurtres et de deux séquestrations au cours des derniers mois.
Bien que présumé innocent, «la gravité des chefs d'accusation», selon l'expression même du communiqué des Forces armées, a forcé son remplacement immédiat.
Les militaires, cette fois, n'ont pas tenté de protéger l'un des leurs et ont offert leur appui entier aux autorités civiles.
Ils pouvaient en outre difficilement ignorer la dure réalité qu'une des victimes, Marie-France Comeau, était l'une des leurs et que son meurtre, en novembre, demeurait toujours inexpliqué.
La question qui se pose, que ses supérieurs se posent, est bien simple : comment ce militaire d'élite membre d'une confrérie de moins d'une centaine de pilotes a-t-il pu se hausser à ce niveau de compétence sans démontrer la moindre faiblesse?
Car Russell Williams, de toute évidence, connaissait un parcours professionnel parfait en droite ligne vers des promotions ultérieures.
De nombreux changements d'affection compliquent l'enquête, mais on sait déjà que quatre meurtres non résolus près de bases militaires, ces dernières années, attirent l'attention des enquêteurs.
Ce professionnel à la réputation inattaquable jusqu'à cette semaine se serait fait prendre comme un enfant d'école grâce à ses traces de pneus dans la neige.
Comme dans un mauvais film, M. Williams s'est présenté à un barrage policier annoncé publiquement devant le domicile d'une femme disparue dans les jours précédents, un coup de chance pour les policiers.
Personne ne le soupçonnait. Sa situation le rendait même insoupçonnable, et ses collègues militaires n'ont rien vu venir.
Les Forces armées confient leurs appareils à leurs meilleurs éléments, pas à des amateurs.
Pendant que les policiers enquêtent et que la justice suit son cours, la Défense nationale, bien qu'elle soit sous le choc, a aussi des devoirs à accomplir.
Et d'abord, celui de revoir en profondeur toute la carrière du suspect, de chercher des indices qui auraient pu permettre, en rétrospective, de voir venir le coup.
A-t-il déjà manifesté des comportements anormaux qui auraient été interprétés comme de simples bravades, par exemple?
A-t-il vécu une situation de crise qui l'aurait marqué,
Sa carrière glorieuse vient de se transformer en histoire d'horreur.
Je n'avance rien, ne propose rien. Mais j'ai hâte de savoir.
Photo. http://jameswhall.blogspot.com/2008_01_01_archive.html