448

Le professeur Bulle et la religion. Conseil simple. Une légère dose est préférable à une brosse. Mais c'est comme l'allergie, un peu suffit à gratter ou à rendre fou. Une éruption cutanée dans un cas, cérébrale dans l'autre. ll n'y a pas de remède dans les cas les plus grave. Éviter si on peut. Ensuite, c'est trop tard. Si on en est délivré, on évite les pélerinages. On se tient loin. On se méfie de la nostalgie. On peut regarder de beaux livres d'images. Lire des textes historiques. S'émerveiller de la complexité et de la poésie que pouvaient imaginer tous ces gens. Avoir une pensée émue. Il arrive souvent au professeur Bulle d'en avoir. Comme lorsqu'on regarde Playboy. Mais on n'est jamais immunisé. C'est comme une substance radioactive. La peau avec le couteau. L'oeil et l'aiguille. Ce n'est pas parce qu'on ne voit pas les rayons et les ondes qu'il n'y en a pas. Si on est dans l'état qu'il faut, la radiation agit. Dans le cas de l'uranium ou du plutonium, ça se fait tout seul sans nécessiter d'état spirituel particulier. Il faut tout simplement être à proximité de la substance instable en déséquilibre. Dans le cas de la religion, le terreau proprice est la pauvreté, le désespoir et la maladie. Le déséquilibre personnel. Ensuite, ça va tout seul. Dès que le cerveau est atteint tout le reste suit. Puisque, désormais, vous voyez d'un oeil différent. Il y a toujours un petit dieu qui attend patiemment son heure. Il est éternel, pas vous. Étant donné la constitution fragile et éphèmère des peaux humaines. Connaissant la brièveté de la vie personnelle. La fragilité des organes. Et le drame inévitable qui amènera leur fin. La dureté des lois physiques et l'indifférence de la matière pour tout ce qui respire. Tous provisoires et insignifiants que nous sommes. Mais incapable de se résigner à cet état qui est celui de tout ce qui existe. Car ce qui est existe est condamné à ne plus exister. Parce que, simplement, ce qui existe est compliqué et ne peut durer, le résultat sera la simplification. Et de qui vit étant le plus compliqué de ce qui existe est donc le plus fragile, le plus délicat, le plus instable. Condamné à ne plus vivre. À redevenir une matière inerte qui sera transformé à son tour en ses éléments de base. La seule question: pourquoi est-ce que ça vivait? Non, pourquoi est-ce que ça a cessé de vivre. Question qui fait parti de toutes celles que nous évitons de nous poser. Parce que, elles aussi, radioactives. Mortelles. Ayant vu la fragilité des sociétés anciennes. Il suffit au petit dieu d'attendre. Il surviendra bien un moment où le malheur arrivera et où le désespoir s'installerra. Le repos, la paix, le bonheur, la joie tous ces petits riens insignifiants et passagers au milieu de la catastrophe qui est l'élément primordial du monde. Éternel, fixe et stable. Si le damné ne se suicide pas pour mettre fin à son supplice, il se mettra à croire. L'esprit qui ne peut changer le monde, rêve. Mais il est impossible de dormir toujours. Alors, il faut rêver encore plus. Halluciner. Voir le monde autrement qu'il est parce que le voir ainsi est insupportable. Le même processus psychologique s'est produit des milliards de fois. Si fréquemment, qu'il est devenu instinctif. Suffit de baisser la tête et de se mettre à espérer. Ça prie alors tout seul.