Alors, merci à vous, Mme la députée, pour cette intervention. Y a-t-il d'autres intervenants sur le principe du projet de loi n° 70? M. le député de Richelieu, je vous cède la parole.
mardi 1 mars 2016
6790. MUSÉE. EXPOSITION. ART. ART CLASSIQUE. ART ACADÉMIQUE. ART MODERNE .ART CONTEMPORAIN. ART CONCEPTUEL. MADAME LISE THÉRIAULT. LE CONCEPT. MINISTRE RESPONSABLE DE LA CONDITION FÉMININE. LE CONCEPT. LE FÉMINISME. LE CONCEPT
PLACE AU THÉÂTRE
Y A-T-IL D'AUTRES INTERVENANTS SUR LE PRINCIPE
Journal des débats de l'Assemblée - 41e législature, 1re
session - 24 février 2016
Le Vice-Président (Monsieur Ouimet) :
Alors, merci à vous, Mme la députée, pour cette intervention. Y a-t-il d'autres intervenants sur le principe du projet de loi n° 70? M. le député de Richelieu, je vous cède la parole.
Monsieur Sylvain Rochon
M. Rochon : Merci, M. le Président. M. le Président, à
quelques jours du premier anniversaire de mon élection à titre de député de
Richelieu — cette élection-là remonte au 9 mars 2015 — plusieurs souvenirs de
campagne me reviennent à l'esprit, et ce sont quelques-uns de ces souvenirs qui
m'ont convaincu d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 70, ces
souvenirs de campagne, et les entretiens que j'ai eus, depuis que je suis
député, avec plusieurs de mes concitoyens qui ont le malheur de vivre de
maigres, de maigres prestations d'aide sociale.
Ces souvenirs de campagne et ces entretiens m'ont convaincu
qu'un gouvernement qui veut serrer la vis encore davantage aux prestataires ne
peut être que totalement déconnecté de ce qu'ils vivent.
La déconnexion, M. le Président, la perte de contact avec le
terrain, la méconnaissance du drame quotidien que ça constitue, de vivre d'aide
sociale, ça, c'est mon analyse la plus charitable, M. le Président, de la
conduite du gouvernement.
La moins charitable, et je ne me résous pas à m'en
convaincre, ce serait que le gouvernement le fasse exprès, de rendre la vie
encore plus difficile à celles et ceux qui ne l'ont déjà pas facile.
Je ne me résous pas à croire que ça puisse être la volonté
du gouvernement. Il pourra nous montrer que ce ne l'est pas, sa volonté, en se
faisant sensible aux arguments et aux témoignages solides, nombreux, poignants
qu'il a pu entendre en commission parlementaire.
Et je félicite au passage mon collègue le député de
Saint-Jean de savoir être l'oreille attentive et fidèle de ces personnes venues
défendre le peu qu'elles ont pour traverser le difficile et de faire entendre
leur voix dans ce parlement, où il peut être si facile de vivre comme dans une
bulle hermétique, où rien du dehors ne peut nous émouvoir.
M. le Président, je vous disais que j'allais vous partager
des souvenirs de campagne.
Je pense à toutes ces femmes d'enfants en bas âge que j'ai
rencontrées à Sorel-Tracy, à Saint-Joseph-de-Sorel et ailleurs dans ma
circonscription qui les élèvent seules, ces enfants, dans des logements miteux,
avec leur maigre pitance et qui doivent se confronter, comme si leur vie n'était
pas déjà assez dure, au regard de celles et ceux qui croient qu'elles sont des
paresseuses et qu'elles n'ont qu'à se trouver un job.
Comme c'est donc facile, M. le Président, de juger de
l'extérieur quand nous ne sommes pas dans les souliers de l'autre, quand en
particulier la vie a été plutôt bonne pour nous, n'a pas comporté de
déstabilisants drames.
C'est tellement facile de juger ce qui ne fonctionne pas
dans la vie des autres. Penser serrer la vis aux prestataires d'aide sociale et
puis la desserrer aux députés, comme ce doit être difficile pour ces femmes-là
d'assister à un tel spectacle, impuissantes.
Ne juge jamais un homme, au sens générique du terme, avant
d'avoir marché un mille dans ses souliers, dit, à juste titre, le proverbe.
C'est, à l'évidence, sans avoir fait ça, sans avoir marché un mille dans les
souliers de l'autre, que ce projet de loi a été concocté. Les préjugés à l'endroit
des personnes en situation de pauvreté offrent une vision simpliste d'une
réalité compliquée. C'est commode, c'est rapide, ça permet de classer les gens,
mais ça ne tient pas compte de la réalité, M. le Président, des multiples
visages de la pauvreté et des personnes qui la vivent.
Cette réforme, elle est basée sur des préjugés.
Ce n'est pas que mon avis, c'est l'avis d'un groupe
d'experts de l'Université du Québec à Rimouski, puisque cette réforme-là, elle
vise ouvertement les jeunes dont les parents sont sur l'aide sociale.
Or, comme l'explique le professeur et directeur du module en
travail social Jean-Yves Desgagnés, « il n'existe aucune preuve que des gens
sont sur l'aide sociale de génération en génération.
"On laisse sous-entendre à la population qu'on est en
face de jeunes qui font de l'aide sociale leur projet de vie — on a entendu ça.
Le ministre cite ce groupe-là parce qu'il sait — et c'est
toujours M. Desgagnés qui parle — que, dans la population, les gens pensent
qu'il y a de l'aide sociale de génération en génération, ce qui est — dit
Jean-Yves Desgagnés — [complètement] faux."»
«Moi, j'ai travaillé — et je cite quelqu'un d'autre, Marc
Boily, codirecteur du module en travail social à l'Université du Québec à
Rimouski — dans le domaine de la santé mentale.
Je ne pense pas que les gens qui [font] des demandes d'aide
sociale puis qui [ont] des problèmes de santé mentale [veulent] être sur l'aide
sociale. C'est parce qu'ils [ont] certaines limitations ou [qu'ils ont] des
conditions qui [font] qu'ils [ont] besoin de ce soutien-là — pas parce qu'ils
veulent être sur l'aide sociale. Les programmes d'emploi — poursuit Marc Boily
— ne sont pas nécessairement adaptés pour ces personnes-là.»
Jean-Yves Desgagnés craint les conséquences de la réforme
chez les nouveaux demandeurs qui ne se soumettent pas aux prescriptions du
projet de loi : «"Il pourrait y avoir des sanctions et des coupures d'à
peu près la moitié du chèque, donc les gens se retrouveraient encore plus
pauvres", soutient-il. "Alors déjà, avec [623 $] par mois, ce n'est
pas beaucoup pour vivre, c'est même insuffisant, mais là ça veut dire carrément
qu'on pousserait les gens à la rue."»
On pousserait les gens à la rue, si c'est ça qu'on veut
faire.
Jean-Yves Desgagnés souligne que «le taux d'assistance
sociale a diminué de 50 % depuis 20 ans pour atteindre 6,6 %, un niveau jamais
vu depuis 1978, dit-il.
Selon lui, la véritable intention poursuivie par le
programme "Objectif emploi" — la véritable intention — est de faire
une économie de 50 millions de dollars par année dans l'aide financière
accordée aux personnes et aux familles, la principale source de dépenses du
ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale.»
«"Être sur l'aide sociale, ce n'est pas un choix",
[renchérit] la directrice de la Fédération interprofessionnelle de la santé du
Québec[...]. "Le gouvernement, par sa politique, va jeter des enfants et
[va jeter] des familles dans une plus grande pauvreté. C'est ouvrir la route
vers la rue et vers l'itinérance."»
La Coalition Objectif Dignité affirme que «l'unique volonté
du gouvernement est d'économiser 50 millions de dollars grâce à ce programme —
l'unique volonté du gouvernement.
Mario Beauchemin, de la Centrale des syndicats du Québec,
juge que cette approche économique et coercitive n'a jamais fait ses preuves ni
au Québec ni à l'étranger. Il constate que cette mesure vise en premier lieu
les jeunes, qui sont plus nombreux à bénéficier des prestations sociales, et ne
permettra pas aux personnes en difficulté de retrouver un travail stable, mais
favorisera plutôt une succession d'emplois précaires.»
«"Il y a des études comparatives internationales qui
démontrent que ces politiques de ‘workfare' ne fonctionnent pas", clame
Mario Beauchemin.
"Cela permet à l'État de limiter ses dépenses en
matière d'aide sociale, mais cela ne permet pas d'intégrer efficacement les
jeunes sur le marché de l'emploi, puis d'éviter l'exclusion sociale."»
Ce que le gouvernement dit vouloir faire, ça ne marche pas.
Ça ne rend les gens que plus pauvres, eux qui le sont déjà bien assez.
L'économiste britannique Anthony Atkinson a signé l'an
dernier un livre dont la traduction en français vient tout juste de sortir.
Il y indique notamment que le coefficient de Gini... c'est
un indicateur simple des inégalités au sein d'une population qui prend la
valeur de zéro quand l'égalité est parfaite et la valeur de 1 quand l'inégalité
est parfaite, alors, que cet indicateur, pour la Grande-Bretagne, a bondi
durant les années 1980, passant brutalement de 0,29 à 0,37.
La raison, M. le Président? Je vous la demande en mille. Eh
bien, à cette époque-là, le gouvernement Thatcher a sabré dans l'aide sociale,
en particulier dans les prestations qui permettaient aux jeunes d'avoir le
temps nécessaire pour retrouver un bon emploi, et ce sont précisément ces
coupes qui expliquent en grande partie ce bond spectaculaire du coefficient,
dit-il.
Ainsi, ainsi, c'est une leçon. Lorsqu'on s'en prend à l'aide
sociale, les répercussions sur le coefficient de Gini sont immédiates, et les
inégalités s'accroissent.
Moins d'aide sociale, plus d'inégalités, résume M. Atkinson,
ce qui touche en premier lieu, évidemment, les personnes les plus vulnérables
sur le plan économique. Selon plusieurs données de l'Institut de statistique du
Québec, ici ce sont les jeunes et les femmes.
M. le Président, le gouvernement espère pouvoir influencer
les comportements des personnes assistées sociales en modifiant le niveau de
leurs prestations. Or, les personnes assistées sociales aptes au travail vivent
déjà dans une situation de grande pauvreté, certaines n'arrivant pas à couvrir
la moitié de leurs besoins de base.
Je dis «certaines», je pourrais dire «la vaste majorité»,
parce qu'il ne suffit que d'y réfléchir. Essayez de vous loger, de vous loger,
de vous vêtir, de vous nourrir, de chauffer votre logement avec 623 $ par mois.
Je répète, là, essayez de vous loger — il faut réfléchir à ça — de vous vêtir,
de vous nourrir, de chauffer votre logement avec 623 $ par mois.
Ces personnes paient de leur santé les insuffisances de
l'aide financière fournie par l'État.
En prétendant qu'elles sont responsables de leur situation
de pauvreté, l'État fait fi de nombreuses recherches qui identifient au
contraire plusieurs facteurs systémiques qui sont extérieurs aux personnes pour
expliquer les causes de la pauvreté : décroissance économique, nombre d'emplois
disponibles insuffisant et les barrières à l'emploi émanant du marché du
travail.
Pousser les personnes à intégrer le marché du travail par la
coercition et les punitions, c'est une stratégie irrationnelle, irrationnelle,
M. le Président.
Il est inacceptable qu'un programme basé sur des préjugés et
des postulats idéologiques vienne exercer un contrôle et brimer les droits des
personnes les plus pauvres de la société.
Les analyses scientifiques convergent toutes autour de
l'idée que la méthode de la carotte et du bâton est inefficace, inefficace,
puisqu'elle s'acharne, cette méthode-là, à modifier le comportement des
personnes, alors que leur situation de pauvreté est due à des facteurs qui
sont, pour la plupart, hors de leur contrôle.
L'État, il a le devoir de soutenir les personnes dans le
besoin, il n'a pas le devoir de les accabler encore davantage, et c'est ce
qu'il fera si nous adoptons ce projet de loi.
Je vous cite quelques mémoires. Collectif pour un Québec
sans pauvreté : «Le Collectif pour un Québec sans pauvreté recommande l'abandon
de l'approche punitive préconisée par le programme Objectif emploi. Le
collectif encourage plutôt le gouvernement du Québec à conserver une approche
de type volontaire pour tout ce qui concerne le développement de
l'employabilité.»
Réseau des services spécialisés de main-d'oeuvre : «Les
sanctions administratives ne doivent pas conduire à des coupures dans les
prestations de base des bénéficiaires de l'aide sociale. Ces dernières ne
couvrent qu'une fraction des dépenses nécessaires pour vivre dignement.»
J'ai fait le tour tantôt : 623 $ par mois. Logez-vous,
nourrissez-vous, habillez-vous avec ça, payez votre chauffage, votre
électricité. Voyons donc!
Regroupement des Auberges du coeur : «...le programme
Objectif emploi démontre une profonde méconnaissance de la réalité des jeunes
les plus vulnérables de notre société et de la façon de les soutenir pour leur
assurer une participation sociale pleine et entière.»
Front commun des personnes assistées sociales du Québec :
«Il n'est pas inutile de rappeler que la Loi sur l'aide aux personnes et aux
familles, dans sa conception actuelle, oblige les personnes à avoir épuisé
toutes leurs économies avant "d'avoir droit" à l'aide sociale.»
Est-ce que tout le monde sait ça?
La Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, dans sa
conception actuelle, oblige les personnes à avoir épuisé toutes leurs économies
avant d'avoir droit à l'aide sociale.
«Moins de 623 $ par mois, alors qu'on n'a pas d'économies,
place les personnes en situation de précarité injustifiée.»
Commission des droits de la personne et de la jeunesse :
«...la commission "n'a cessé de souligner l'importance d'aborder [...] la
pauvreté dans une perspective systémique."»
Confédération des personnes handicapées du Québec : «La
[confédération] considère que le projet de loi n° 70 dans son ensemble incarne
deux préjugés — des préjugés, M. le Président — le premier étant que la
pauvreté est un choix — facile, ça, pour s'en laver les mains, la pauvreté est
un choix.
LA PAUVRETÉ EST UN CHOIX.
En adoptant une approche coercitive envers les personnes
faisant une demande d'aide de dernier recours, le gouvernement envoie le
message qu'il considère que ces personnes préfèrent vivre de l'aide sociale
plutôt que de travailler — oui, préférer vivre avec 623 $ par mois plutôt que
travailler.»
Coalition des organismes communautaires pour le
développement de la main-d'oeuvre : «La coalition s'est toujours opposée à
établir un lien entre le soutien minimal du revenu des personnes et la
participation à des mesures d'employabilité. Nous sommes d'avis que la
diminution du revenu afin de mobiliser les personnes vers l'emploi est
inefficace et contre-productive.»
Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec —
intéressant, ça : «Nous [...] souhaitons que chaque citoyen ait la liberté de
choisir quel sera son destin professionnel. Nous souhaiterions que le projet de
loi, plutôt que d'être coercitif, face place à l'idée que nous souhaitons
investir dans leur avenir.»
Force Jeunesse : «Préoccupé par le flou relatif qui entoure
certaines dispositions du projet de loi n° 70, si l'organisme reconnaît le
bien-fondé de fixer certaines dispositions pratiques et opérationnelles du
projet de loi par règlement, il constate l'absence complète de balises sur
certains volets importants.»
Protectrice du citoyen — elle a toujours un avis éclairé, la
Protectrice du citoyen, il vaut peut-être la peine d'en prendre connaissance :
La Protectrice du citoyen a exprimé de sérieuses réserves à l'égard du projet
de loi n° 70. Elle croise les doigts afin que «les personnes qui seront admises
au programme Objectif emploi seront véritablement aidées et, à terme, qu'elles
ne seront pas victimes d'exclusion, voire menées au dénuement total».
Elle croise les doigts.
LA PROTECTRICE DU CITOYEN.
ELLE CROISE LES DOIGTS
Nous, on ne croisera pas les bras et on ne laissera pas
faire le gouvernement. Nous espérons que le gouvernement fera marche arrière.
Nous ferons tout pour qu'il fasse marche arrière, parce que nous voulons que le
gouvernement reflète ce qu'est le Québec, ce que sont les valeurs québécoises,
et ces valeurs-là, M. le Président, ce sont des valeurs de justice, de partage,
de solidarité.
L'État, M. le Président, il doit soutenir les plus mal pris
d'entre nous, c'est sa responsabilité, c'est une responsabilité collective. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Ouimet) : Merci. Merci à vous, M. le
député de Richelieu, pour cette intervention. Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques, à vous la parole.
(…)
Le Vice-Président (M. Ouimet) : Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques, à vous la parole.
Madame Manon Massé
(…)
Et d'ailleurs je ne comprends toujours pas comment se
fait-il que le gouvernement du Québec, qui a adopté à l'unanimité en 2002 une
loi pour lutter contre la pauvreté — pas contre les pauvres, M. le Président,
contre la pauvreté
Dans mon comté, vous savez, un des comtés les plus pauvres
au Canada, bien là, mais des gens de classe populaire, des gens qui vivent à la
rue, des gens pour qui le 623 $ mensuel ne permet pas de payer leur chambre,
leur chambre, M. le Président, à 450 $, quand ce n'est pas 500 $ par mois...
Comment vous voulez vivre dignement comme ça?
Et c'est comme si ces gens-là ne dépensaient pas leur argent
dans l'économie réelle.
On permet que les gens qui gagnent 250 000 $ et plus
puissent investir dans de l'économie virtuelle, hein, en faisant de l'argent
avec de l'argent, en n'imposant pas à 100 % le gain de capital
mais les gens qui, eux et elles, prendraient chaque dollar
qu'on leur donne de plus pour vivre dans la dignité, l'utiliseraient pour
l'investir dans l'économie locale...
Ça non plus, je ne le comprends pas, M. le Président.
En fait, je me demande si cette chasse aux assistés sociaux
à laquelle on assiste, depuis, de façon cyclique, là, plus ou moins, aux 7 ans,
au fil des différents gouvernements, cette chasse aux personnes assistées
sociales, qui est entretenue par un langage extrêmement désobligeant envers ces
personnes-là, je me demande si cette chasse-là aux personnes assistées sociales
ne va pas s'arrêter un jour
D'ailleurs, notre présent ministre devrait s'inspirer de ses
propres écrits parce qu'il y a des choses intéressantes. Quand on parle d'un
revenu minimum garanti, on parle d'un revenu qui permet aux gens de vivre dans
la dignité, M. le Président, et ça, qu'il ait 18 ans ou qu'il en ait 50. Et de
vivre dans la dignité, ce n'est pas un privilège des riches.
Vivre dans la dignité, ça devrait être un droit pour tout le
monde, c'est un droit humain, hein, on ne choisit pas de naître dans la
pauvreté.
Les gens, dans mon comté, ils sont des personnes assistées
sociales, ils sont des gens qui ont perdu leur emploi par des fermetures
d'usine.
LES HISTOIRES DERRIÈRE CHAQUE PERSONNE QUI EST À L'AIDE
SOCIALE, C'EST FRAPPANT
Ils et elles sont des hommes et des femmes qui ont eu des
problèmes de santé mentale, de dépression. Elles ont été victimes de violence
et elles ont dû quitter leur conjoint violent.
Les histoires derrière chaque personne qui est à l'aide
sociale, c'est frappant, M. le Président.
MÊME DANS LA RUE, HEIN, ON ENTEND ÇA DANS LA RUE
Et, dans ce sens-là, j'aimerais vraiment que le ministre et
les gens qui n'ont jamais eu cette grande chance de pouvoir côtoyer le courage
et la détermination des gens qui sont à l'aide sociale, je leur souhaite au
moins une fois dans leur vie de pouvoir prendre un café avec une femme ou un
homme qui, à chaque jour, M. le Président, doit relever le défi de vivre avec
ce petit montant de 623 $ par mois, et en plus de vivre avec le déferlement de
préjugés qu'on entend à travers nos propres propos, à travers un certain nombre
de médias, à travers... même dans la rue, hein, on entend ça dans la rue, et je
vous dirais même, M. le Président, que j'ai entendus occasionnellement ici
même, dans la Chambre.
L'AIDE SOCIALE, CE N'EST PAS UN PRIVILÈGE, C'EST UN DROIT.
Ça, il va falloir qu'on se le rentre à un moment donné dans
notre tête. L'aide sociale, ce n'est pas quelque chose qu'on donne ou on enlève
en fonction d'une vision idéologique qu'on a.
L'aide sociale, c'est un droit. Et, dans une société riche
comme la nôtre, je ne comprends pas pourquoi, de façon cyclique, ce droit-là
est remis en questions.
Vous savez, les gens qui sont dans mon comté, les mesures
qui les aident à se trouver un emploi... Bon, attendez. Avant, on va se
rappeler. À l'aide sociale, là, ce n'est pas moi qui le dis, ça, M. le
Président, c'est les recherches, c'est les études, c'est les constats, on parle
d'environ 10 % des personnes qui, dans un certain délai, pas nécessairement un
mois, deux mois, trois mois, six mois, là, dans un certain délai sont aptes à
aller sur le marché du travail. Donc, il faut prendre acte de ça, M. le
Président.
C'EST UN DÉFI
Parce que, dans les faits, si on crée des mesures
supposément pour les soutenir et les aider, il faut bien comprendre ce que
vivent ces gens-là. Et ces gens-là, ce qu'ils vivent — peu importe l'âge —
c'est le défi de vivre avec 623 $ par mois, le défi de vivre dans la pauvreté.
C'est un défi, M. le Président, que je suis certaine que
très peu d'entre nous, ici, et je m'inclus là-dedans, seraient capables de
relever pour plus d'un mois ou deux. Vivre un an, deux ans, trois ans,
présenter des CV, être refusé systématiquement, arriver à l'âge de 50 ans et de
se faire dire : Bien, vous savez, hein, vous n'avez pas de formation, les...
Ah! vous ne parlez pas anglais. Ah! bien, vous savez, votre champ d'expertise
n'est pas vraiment reconnu puisque vous n'avez pas l'informatique. Vous ne
pouvez même pas imaginer comment ces gens-là vivent jour après jour des portes
fermées, M. le Président. Et je mets n'importe qui ici au défi de se faire
fermer autant de portes et de garder une santé mentale saine. C'est dur. C'est
très dur. Il faut être très courageux.
IL FAUT QU'ILS COURENT POUR ALLER CHERCHER LEUR ÉPICERIE
Moi, je dis toujours, M. le Président, ça n'a pas de bon
sens comment ces gens-là sont faits forts. Ils sont faits fort parce qu'il faut
qu'ils courent pour aller chercher leur épicerie.
Bien, généralement, vous le savez comme moi, ils ne sont pas
capables de mettre le 3 $, 4 $ nécessaire pour aller en transport en commun,
alors ils marchent, ils marchent, beau temps, mauvais temps.
LES PAUVRES SONT LES GENS QUI MARCHENT LE PLUS AU QUÉBEC
Moi, j'ai toujours dit : Les pauvres sont les gens qui
marchent le plus au Québec, puis des fois dans des conditions qui ne sont pas
faciles : conditions de santé, conditions météorologiques. Aujourd'hui, là, pas
facile d'aller faire son épicerie pour une personne... son épicerie, on
s'entend, d'aller soit au Magasin Partage, d'aller dans une ressource qui donne
du soutien pour les personnes qui ont des revenus pas suffisants pour subvenir
à leurs propres besoins, donc ils n'ont pas les revenus nécessaires pour
atteindre le seuil du panier de consommation.
DONC ILS N'ONT PAS LES REVENUS NÉCESSAIRES POUR ATTEINDRE LE
SEUIL DU PANIER DE CONSOMMATION
Ces gens-là sont abandonnés quand le gouvernement les pointe
du doigt et dit : Bien, vous autres, là, si vous êtes dans cette situation-là,
là, c'est parce que, dans le fond, vous ne faites pas les efforts nécessaires.
(…)
Le Président : Principale, Monsieur le leader de l'opposition.
Dossiers soumis au Directeur des poursuites criminelles et
pénales concernant le Parti libéral
Monsieur Bernard Drainville
M. Drainville : M. le Président, le 30 mai 2014, le journaliste
Alain Gravel révélait que l'actuel député des Îles-de-la-Madeleine était sous
enquête de l'UPAC.
Cette enquête, JOUG, est terminée, et ce dossier est sur le
bureau du DPCP depuis plus d'un an presque jour pour jour.
Pendant tout ce temps qu'a duré l'enquête, le premier
ministre n'a jamais jugé bon de demander au député des Îles de se retirer du
caucus.
UNE HISTOIRE D'ENVELOPPE D'ARGENT DÉPOSÉE SUR SON PERRON
Pourtant, le député de Rivière-du-Loup et actuel ministre
avait dû se retirer du caucus libéral en 2009, lorsqu'il était sous enquête
pour une histoire d'enveloppe d'argent déposée sur son perron.
Les députés libéraux Tony Tomassi et Daniel Bouchard ont eux
aussi été écartés du caucus libéral par le premier ministre Jean Charest
lorsqu'ils ont été mis sous enquête policière. L'actuel député des Îles, lui,
n'a jamais été inquiété, M. le Président.
Comment le premier ministre peut-il justifier qu'il n'a pas
encore demandé à son député des Îles de se retirer du caucus libéral jusqu'à ce
qu'on ait soit des accusations soit des explications du DPCP?
Des voix : ..
JUSTE UNE RÉFLEXION
Le Président : S'il vous plaît! Juste un... M. le leader,
juste une réflexion pour tenter d'éviter de mettre la conduite d'un député en
question, ce que vous n'avez pas fait, mais juste faire attention à ça. M. le
leader du gouvernement.
Monsieur Jean-Marc Fournier
M. Fournier : Bien, M. le Président, on est toujours dans la
même technique de la part du Parti québécois.
Si je référais mon collègue aux nouvelles récentes,
probablement qu'il se poserait des questions à son propre parti, à ses propres
anciens collègues.
JE NE VEUX PAS RENTRER LÀ-DEDANS, ENFIN PAS TOUT DE SUITE
Je ne veux pas rentrer là-dedans, enfin pas tout de suite.
Je ne pense pas que c'est nécessaire.
Je pense qu'on est capables de réitérer ici ce que ma
collègue disait hier à propos du DPCP et des poursuites, notamment le fait que
la DPCP était ici il y a peu, je crois que c'était en novembre, et que je
m'étonne qu'il n'ait pas profité, à l'occasion, pour poser la question.
Parce que la poser du côté ministériel, c'est plus
difficile, nous ne pouvons pas intervenir dans les affaires de la DPCP. Par
contre, lorsqu'elle vient ici, l'opposition a tout le loisir de le faire.
La bonne nouvelle...
Ça, c'était la mauvaise, ils n'ont pas profité de
l'occasion. La bonne nouvelle, c'est qu'elle va revenir.
CE SERA À EUX, LA CAPACITÉ DE RÉPONDRE À LEURS GRANDES
INTERROGATIONS
La DPCP sera ici lors de l'étude des crédits, et
l'opposition pourra poser toutes les questions qu'ils voudront. Ce sera à eux,
la capacité de répondre à leurs grandes interrogations, le mécanisme est prévu.
De notre part, nous ne pouvons pas intervenir ni à l'égard
des enquêtes policières ni à l'égard des poursuites, le système est ainsi.
S'il fallait qu'on le fasse, il faudrait qu'on démissionne,
ils demanderaient notre démission.
Le Président : En terminant.
POUR L'INTÉRÊT DU QUÉBEC, ON VEUT RESTER ICI.
M. Fournier : On ne peut pas faire ça, on ne veut pas faire
ça. Pour l'intérêt du Québec, on veut rester ici.
Le Président : M. le leader de l'opposition, en
complémentaire.
Monsieur Bernard Drainville
M. Drainville : M. le Président, le premier ministre peut
intervenir pour demander à un député qui est sous enquête de se retirer du
caucus. C'est ce qui est le cas présentement, il est sous enquête depuis de
nombreuses années, son dossier est sur le bureau de l'UPAC depuis plus d'un an.
On attend soit des accusations soit des explications du DPCP.
Alors, je demande, je redemande au premier ministre : Est-ce
qu'il va demander au député des Îles de se retirer du caucus libéral, le temps
qu'on sache s'il y a des accusations...
Le Président : Monsieur le leader du gouvernement.
Des voix : ...
Le Président : S'il vous plaît! Il y a une personne qui a le
droit de parole, là, c'est le leader du gouvernement.
Monsieur Jean-Marc Fournier
À QUELQUE PART
M. Fournier : Merci beaucoup, M. le Président. À quelque
part, nous avons une mécanique qui permet de protéger nos institutions,
notamment d'enquête, je le disais tantôt, pour l'UPAC, les corps policiers, et
notamment le DPCP pour les poursuites qui sont prises par les procureurs.
Et je crois que nous devons protéger l'étanchéité entre le
pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.
DE L'AUTRE CÔTÉ, ON ÉCHAPPE ÇA
Moi, je le crois profondément. Je m'aperçois que, parfois,
de l'autre côté, on échappe ça.
Le député des Îles fait un excellent travail pour sa
population, il remplit son mandat. Il a été élu pour faire ce mandat, il va
continuer de le faire.
Puis ce n'est pas vrai que l'opposition officielle va
décider quel est le résultat des élections. Il a gagné ses élections, il fait
sa job, on devrait être contents.
Le Président : Deuxième...
Des voix : ...
Le Président : S'il vous plaît! Deuxième complémentaire,
monsieur...
Des voix : ...
Le Président : S'il vous plaît, M. le député de
Matapédia-Matane.
Une voix : ...
Le Président : Oui, oui, mais moi, je vous entends trop
bien, là. M. le leader de l'opposition, c'est à vous la parole.
Monsieur Bernard Drainville
M. Drainville : M. le Président, un des membres de cette
Assemblée nationale, un de nos pairs a un dossier, monté par l'UPAC, qui est
actuellement sur le bureau du DPCP depuis plus d'un an presque jour pour jour.
L'usage, l'usage, pour le député de Rivière-du-Loup, pour le député Tomassi et
pour l'autre député que j'ai nommé tout à l'heure, ça a été de lui demander de
se retirer du caucus libéral.
Je redemande au premier ministre : Est-ce qu'il va demander
au député des Îles de se retirer du caucus libéral?
Le Président : M. le leader du gouvernement.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier : M. le Président, je suis un peu étonné que
notre collègue soit maintenant dépositaire de connaissances qui sont au DPCP ou
à l'UPAC.
LUI, IL A DE L'AIR À ÊTRE EN CONJONCTION AVEC LES ENQUÊTES
Lui, il a de l'air à être en conjonction avec les enquêtes,
alors peut-être qu'il pourrait nous exposer comment il réussit à faire ce bris
d'indépendance entre le législatif et le judiciaire.
Ça, ça sera à lui de l'expliquer, et pas au salon bleu, il
ira à l'extérieur pour nous dire comment il fait toutes ces choses-là.
CECI ÉTANT, IL Y A UN DÉPUTÉ QUI FAIT SON TRAVAIL, ET NOUS
ALLONS PERMETTRE À LA POPULATION QU'IL CONTINUE DE LE FAIRE DE LA FAÇON DONT IL
A ÉTÉ CHOISI
Ceci étant, il y a un député qui fait son travail, et nous
allons permettre à la population qu'il continue de le faire de la façon dont il
a été choisi. Je vais laisser au chef de l'opposition le soin de décider qui il
veut expulser dans le sien.
Le Président : En terminant.
M. Fournier : Nous autres, on va donner la voix aux
électeurs qui ont choisi notre député, M. le Président.
Le Président : Principale, Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Recommandations de la Commission des institutions concernant
le changement de nom et de sexe aux registres de l'état civil pour les enfants
transgenres et transsexuels
Madame Manon Massé
Mme Massé : Merci, M. le Président. Depuis octobre dernier,
les personnes trans, au Québec, peuvent enfin changer leur mention de sexe à
l'état civil sans devoir subir de chirurgie. En mai 2015, lors des
consultations particulières et auditions publiques sur le projet de règlement,
plusieurs intervenants ont sensibilisé les parlementaires à l'effet que les
règlements proposés excluaient encore certaines personnes, notamment les
enfants trans.
Suite aux consultations, la Commission des institutions
recommandait à l'unanimité à la ministre de la Justice, et je cite, «à
entreprendre dès maintenant des actions afin de faciliter la vie de ces enfants
et même à envisager la mise en place de mesures transitoires. Qui plus est, les
membres estiment qu'une réflexion sur l'opportunité de modifier ultérieurement
[les règlements] pour y inclure les personnes mineures est nécessaire et
urgente.»
Huit mois ont passé et les enfants trans sont toujours dans
la même situation. Est-ce que la ministre de la Justice compte donner suite à
ces recommandations?
Le Président : Mme la ministre de la Justice.
Madame Stéphanie Vallée
C'EST UN DOSSIER QUI M'INTERPELLE
Mme Vallée : M. le Président, alors, je remercie la collègue
pour sa question, puisque c'est un dossier qui me tient à coeur, c'est un
dossier qui m'interpelle et qui a su interpeler aussi les membres de la
Commission des institutions.
On parle trop peu souvent de cette réalité que vivent les
personnes trans et les enfants trans. Et je tiens à rassurer ma collègue : le
travail est amorcé, les équipes ont analysé les recommandations de la
Commission des institutions. On devrait sous peu me revenir avec des
propositions pour donner suite aux recommandations de la commission.
Vous savez, M. le Président, c'est un enjeu qui interpelle
souvent... qui nous interpelle, qui interpelle ce que nous avons, nos valeurs,
et qui vient toucher de près de nombreux enfants au Québec, qui ont droit aussi
de vivre de façon saine, équilibrée, et surtout de vivre dans une situation
d'égalité. Alors, à cet effet, M. le Président, je tiens à rassurer ma
collègue. Je suis de tout coeur avec elle, je suis de tout coeur avec les
enfants trans, et nous travaillons à pouvoir présenter des pistes de solution
rapidement.
Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Madame Manon Massé
Mme Massé : Merci. La recommandation disait «nécessaire et
urgente», M. le Président. D'ailleurs, une étude, en janvier, nous apprenait
que 73 % des jeunes trans, au Québec, vivent dans la détresse psychologique —
ça n'aide pas à la persévérance scolaire, ça — 53 % ont une faible estime
d'eux-mêmes, et 70 % affirment être victimes de violence.
Est-ce que la ministre s'engage à déposer quelque chose
d'ici la fin de la session?
Le Président : Madame la ministre de la Justice.
DOUTEUR. PROFESSEUR BULLE. HENRY DICKSON
MADAME LISE THÉRIAULT,
MINISTRE RESPONSABLE DE LA CONDITION FÉMININE