samedi 19 juin 2010
3930
LES ACHETEURS DE LA CAISSE ÉTAIENT «TOUT MÊLÉS»
Denis Lessard
21 mai 2009
La Presse
http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/economie/services-financiers/200905/21/01-858407-pcaa-les-acheteurs-de-la-caisse-etaient-tout-meles.php
Source: http://gaetanpelletier.wordpress.com/tag/esclavage/
(Québec) Les courtiers de la Banque Nationale se moquaient des employés de la Caisse de dépôt qui, à la veille de la crise des papiers commerciaux, leur achetaient encore de ces créances toxiques.
Alors que le marché des papiers commerciaux menaçait d'imploser, certains courtiers de la Banque Nationale ont porté un jugement sans appel sur les spécialistes de la Caisse dirigés par le vice-président Luc Verville, a appris La Presse, de source sûre: ils les considéraient comme «des acheteurs tout mêlés qu'on ne va sûrement pas démêler», révèlent des bandes magnétiques de conversations tenues dans les jours cruciaux précédant le 13 août 2007, date où les transactions ont été stoppées sur ces produits.
Les maisons de courtage sont tenues d'enregistrer les conversations de leurs employés avec leurs clients, des documents névralgiques en cas de litige. Les acheteurs de la Caisse sont aussi enregistrés par leur organisme lors des transactions, a confié à La Presse un ancien membre du conseil d'administration. Dans le feu de l'action, les gens finissent invariablement par oublier que des traces de leurs conversations subsistent, ont expliqué des sources sans lien avec l'opposition péquiste.
Demande sans réponse
Tant en commission parlementaire qu'à l'Assemblée nationale, le critique péquiste en matière de finances, François Legault, a réclamé en vain pendant deux jours la divulgation de ces enregistrements. Selon lui, on y entendrait des avertissements de la part des courtiers aux gestionnaires de portefeuilles de la Caisse.
M. Legault a évoqué cela, mardi, lors du témoignage en commission de l'ancien président de la Caisse, Henri-Paul Rousseau. Hier, il a demandé au premier ministre Jean Charest de publier, en plus des bandes, les délibérations du conseil en ces jours fatidiques d'août 2007, quand la Caisse s'est retrouvée avec 13 milliards de dollars de créances douteuses - depuis, la Caisse a dû inscrire une provision de 6 milliards pour des pertes anticipées sur ce placement.
Les courtiers qui vendaient les papiers commerciaux faisaient valoir que ceux émis par les institutions internationales seraient plus solides que ceux des institutions canadiennes, plus petites. La Caisse a vendu massivement ses papiers de banques canadiennes et s'est repliée vers ceux d'autres institutions, une stratégie qui s'est révélée désastreuse (finalement, seules les banques canadiennes ont couvert les produits qu'elles ont émis). Entre la fin de juillet et la fin d'août 2007, la Caisse a vendu pour 7 milliards de papiers bancaires et son portefeuille est passé de 10 à 3 milliards. À l'inverse, elle a racheté du papier non bancaire pour près de 1 milliard, portant à 13 milliards la somme de ces produits douteux avec lesquels elle s'est retrouvée coincée. Selon nos sources, les enregistrements démontrent que les courtiers du privé faisaient la différence entre ces deux types de produits, mais pas les acheteurs de la CDP.
Avec les conséquences économiques et politiques de la crise des papiers commerciaux - 32 milliards, dont la CDP détenait le tiers -, les rubans de ces conversations et même les courriels échangés entre les courtiers et la Caisse ont été rassemblés aux fins d'enquête. À la Caisse, l'investigation a fait long feu; l'administration Rousseau, d'abord, puis les successeurs ont fait valoir qu'il ne devrait pas y avoir d'enquête avant la conclusion d'ententes sur la façon de sauver ces créances douteuses. Quand l'entente sur la proposition du comité de Purdy Crawford est survenue, la plupart des membres du conseil n'avaient plus de mandat.
Une autre enquête a été enclenchée par l'Organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières, l'Autorité des marchés financiers du Québec et son équivalent ontarien, sur la conception de ces produits et les transactions qui ont plongé la Caisse dans le pétrin.
Pas de panique...
En commission parlementaire hier, les patrons de tous les organismes qui sont les principaux déposants à la CDP se sont faits rassurants. En début de soirée, le président de la Société de l'assurance automobile, John Harbour, a dit avoir perdu 2,5 milliards des 8 milliards que gérait la caisse pour la SAAQ. Pour l'heure, pas question d'ajouter aux hausses déjà annoncées des permis de conduire et de la prime d'assurance pour 2008, 2009 et 2010, des revenus additionnels de 300 millions. Mais, a admis M. Harbour, si les rendements ne sont pas au rendez-vous dans deux ans, il faudra envisager une hausse. Théoriquement, les pertes de la Caisse en 2008 représentent une augmentation de 22$ des primes d'assurance pendant 15 ans, a-t-il reconnu.
Selon les députés péquistes François Legault et Sylvain Simard, M. Harbour «peut brûler des lampions» et espérer une embellie, rien ne permet actuellement d'être aussi optimiste.
Responsable du Régime de retraite des employés du gouvernement (REGOP), l'ex-syndicaliste Gilles Giguère a soutenu qu'on ne saurait pas avant janvier 2011 si des hausses de cotisations seraient nécessaires. La cagnotte des fonctionnaires est passée de 46 à 34 milliards en 2008. Ses propos rassurants ont fait bondir l'adéquiste François Bonnardel: «C'est 25 000$ par employé! Vous souffrez du syndrome de Stockholm!» a lancé le député.
«Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Quand les rendements étaient à plus 20%, personne ne venait nous voir. À moins 25%, tout le monde cherche des coupables», a rétorqué M. Giguère. Actuellement 500 000 personnes cotisent au REGOP, et l'âge médian des participants est de 43 ans. «On a encore 15 ans pour se rattraper», a-t-il assuré.
Un choc à la CSST
De son côté, le président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, Luc Meunier, a aussi indiqué que les déboires de la Caisse entraînaient un «choc» sur les équilibres financiers et «une pression à la hausse» sur les cotisations. La réserve de la CSST a rétréci, passant de 11 à 8 milliards, en 2008, un rendement de moins 26%, six points de moins que les résultats qui auraient été obtenus si le déposant s'était contenté de viser la hausse moyenne du marché, l'indice boursier. L'année précédente, le rendement du fonds de la Caisse avait été de 6%. Le conseil d'administration paritaire de la CSST a été saisi de quatre «scénarios» où les cotisations passent de 2,10$ à 2,52$ par tranche de 100$ de salaire. Il reviendra au conseil de choisir le scénario, selon le rythme souhaité de redressement.
Comme MM. Harbour et Giguère, M. Meunier a refusé de s'en prendre à la direction de la CDP, même si son organisme, comme les autres, n'a appris qu'en août 2007 que la Caisse avait acheté en leur nom des centaines de millions de dollars en papiers commerciaux.
Les mauvais résultats de 2008 ont ramené de 99% à 70% le niveau de capitalisation du régime, une mauvaise nouvelle, mais qui doit être mise en contexte, a insisté M. Meunier.
Au début des années 90, le niveau de capitalisation avait connu un creux historique de 54%.
Denis Lessard
21 mai 2009
La Presse
http://lapresseaffaires.cyberpresse.ca/economie/services-financiers/200905/21/01-858407-pcaa-les-acheteurs-de-la-caisse-etaient-tout-meles.php
Source: http://gaetanpelletier.wordpress.com/tag/esclavage/
(Québec) Les courtiers de la Banque Nationale se moquaient des employés de la Caisse de dépôt qui, à la veille de la crise des papiers commerciaux, leur achetaient encore de ces créances toxiques.
Alors que le marché des papiers commerciaux menaçait d'imploser, certains courtiers de la Banque Nationale ont porté un jugement sans appel sur les spécialistes de la Caisse dirigés par le vice-président Luc Verville, a appris La Presse, de source sûre: ils les considéraient comme «des acheteurs tout mêlés qu'on ne va sûrement pas démêler», révèlent des bandes magnétiques de conversations tenues dans les jours cruciaux précédant le 13 août 2007, date où les transactions ont été stoppées sur ces produits.
Les maisons de courtage sont tenues d'enregistrer les conversations de leurs employés avec leurs clients, des documents névralgiques en cas de litige. Les acheteurs de la Caisse sont aussi enregistrés par leur organisme lors des transactions, a confié à La Presse un ancien membre du conseil d'administration. Dans le feu de l'action, les gens finissent invariablement par oublier que des traces de leurs conversations subsistent, ont expliqué des sources sans lien avec l'opposition péquiste.
Demande sans réponse
Tant en commission parlementaire qu'à l'Assemblée nationale, le critique péquiste en matière de finances, François Legault, a réclamé en vain pendant deux jours la divulgation de ces enregistrements. Selon lui, on y entendrait des avertissements de la part des courtiers aux gestionnaires de portefeuilles de la Caisse.
M. Legault a évoqué cela, mardi, lors du témoignage en commission de l'ancien président de la Caisse, Henri-Paul Rousseau. Hier, il a demandé au premier ministre Jean Charest de publier, en plus des bandes, les délibérations du conseil en ces jours fatidiques d'août 2007, quand la Caisse s'est retrouvée avec 13 milliards de dollars de créances douteuses - depuis, la Caisse a dû inscrire une provision de 6 milliards pour des pertes anticipées sur ce placement.
Les courtiers qui vendaient les papiers commerciaux faisaient valoir que ceux émis par les institutions internationales seraient plus solides que ceux des institutions canadiennes, plus petites. La Caisse a vendu massivement ses papiers de banques canadiennes et s'est repliée vers ceux d'autres institutions, une stratégie qui s'est révélée désastreuse (finalement, seules les banques canadiennes ont couvert les produits qu'elles ont émis). Entre la fin de juillet et la fin d'août 2007, la Caisse a vendu pour 7 milliards de papiers bancaires et son portefeuille est passé de 10 à 3 milliards. À l'inverse, elle a racheté du papier non bancaire pour près de 1 milliard, portant à 13 milliards la somme de ces produits douteux avec lesquels elle s'est retrouvée coincée. Selon nos sources, les enregistrements démontrent que les courtiers du privé faisaient la différence entre ces deux types de produits, mais pas les acheteurs de la CDP.
Avec les conséquences économiques et politiques de la crise des papiers commerciaux - 32 milliards, dont la CDP détenait le tiers -, les rubans de ces conversations et même les courriels échangés entre les courtiers et la Caisse ont été rassemblés aux fins d'enquête. À la Caisse, l'investigation a fait long feu; l'administration Rousseau, d'abord, puis les successeurs ont fait valoir qu'il ne devrait pas y avoir d'enquête avant la conclusion d'ententes sur la façon de sauver ces créances douteuses. Quand l'entente sur la proposition du comité de Purdy Crawford est survenue, la plupart des membres du conseil n'avaient plus de mandat.
Une autre enquête a été enclenchée par l'Organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières, l'Autorité des marchés financiers du Québec et son équivalent ontarien, sur la conception de ces produits et les transactions qui ont plongé la Caisse dans le pétrin.
Pas de panique...
En commission parlementaire hier, les patrons de tous les organismes qui sont les principaux déposants à la CDP se sont faits rassurants. En début de soirée, le président de la Société de l'assurance automobile, John Harbour, a dit avoir perdu 2,5 milliards des 8 milliards que gérait la caisse pour la SAAQ. Pour l'heure, pas question d'ajouter aux hausses déjà annoncées des permis de conduire et de la prime d'assurance pour 2008, 2009 et 2010, des revenus additionnels de 300 millions. Mais, a admis M. Harbour, si les rendements ne sont pas au rendez-vous dans deux ans, il faudra envisager une hausse. Théoriquement, les pertes de la Caisse en 2008 représentent une augmentation de 22$ des primes d'assurance pendant 15 ans, a-t-il reconnu.
Selon les députés péquistes François Legault et Sylvain Simard, M. Harbour «peut brûler des lampions» et espérer une embellie, rien ne permet actuellement d'être aussi optimiste.
Responsable du Régime de retraite des employés du gouvernement (REGOP), l'ex-syndicaliste Gilles Giguère a soutenu qu'on ne saurait pas avant janvier 2011 si des hausses de cotisations seraient nécessaires. La cagnotte des fonctionnaires est passée de 46 à 34 milliards en 2008. Ses propos rassurants ont fait bondir l'adéquiste François Bonnardel: «C'est 25 000$ par employé! Vous souffrez du syndrome de Stockholm!» a lancé le député.
«Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Quand les rendements étaient à plus 20%, personne ne venait nous voir. À moins 25%, tout le monde cherche des coupables», a rétorqué M. Giguère. Actuellement 500 000 personnes cotisent au REGOP, et l'âge médian des participants est de 43 ans. «On a encore 15 ans pour se rattraper», a-t-il assuré.
Un choc à la CSST
De son côté, le président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, Luc Meunier, a aussi indiqué que les déboires de la Caisse entraînaient un «choc» sur les équilibres financiers et «une pression à la hausse» sur les cotisations. La réserve de la CSST a rétréci, passant de 11 à 8 milliards, en 2008, un rendement de moins 26%, six points de moins que les résultats qui auraient été obtenus si le déposant s'était contenté de viser la hausse moyenne du marché, l'indice boursier. L'année précédente, le rendement du fonds de la Caisse avait été de 6%. Le conseil d'administration paritaire de la CSST a été saisi de quatre «scénarios» où les cotisations passent de 2,10$ à 2,52$ par tranche de 100$ de salaire. Il reviendra au conseil de choisir le scénario, selon le rythme souhaité de redressement.
Comme MM. Harbour et Giguère, M. Meunier a refusé de s'en prendre à la direction de la CDP, même si son organisme, comme les autres, n'a appris qu'en août 2007 que la Caisse avait acheté en leur nom des centaines de millions de dollars en papiers commerciaux.
Les mauvais résultats de 2008 ont ramené de 99% à 70% le niveau de capitalisation du régime, une mauvaise nouvelle, mais qui doit être mise en contexte, a insisté M. Meunier.
Au début des années 90, le niveau de capitalisation avait connu un creux historique de 54%.