(...)
la scission spontanée des nantis
en 2 classes dirigeantes superposées:
une caste
supérieure de capitalistes purs
auxquels les leaders appartiennent de droit
divin
et une caste roturière d’entrepreneurs.
L’entrepreneur
est un « presque puissant »
qui est encore soumis à l’indignité de produire
quelque chose.
Il produit normalement surtout des décisions, doit courir
des risques et vit et de ses
« profits», selon son talent et son initiative,
d’autant mieux que ses décisions auront été les bonnes.
Il a droit d’accès au shylock qui rend ces décisions
effectives en y investissant des fonds
et dont l’entrepreneur paye la rente à
partir de ses profits.
Les capitalistes purs, que nous appelons parfois « shylocks
», en hommage à Shakespeare,
vivent uniquement de leurs « intérêts », comme
d’une rente.
Leur seul mérite est d’avoir la richesse et on les en récompense
en leur en donnant davantage.
Ils détiennent le vrai pouvoir.
AUX USA, ILS REPRÉSENTENT ENVIRON 1% DE LA POPULATION ET
POSSÈDENT ENVIRON LE TIERS DE LA RICHESSE,
CE QUI EST LARGEMENT SUFFISANT POUR QU’ILS EN CONTRÔLENT LE
RESTE.
Ce clivage permet que les shylocks, dont les leaders, restent
raisonnablement indemnes de la précarité d’un profit qui dépend de la demande
effective,
puisque c’est l’entrepreneur qui absorbe le choc de cette précarité,
payant sa livre de chair à son banquier quoi qu’il advienne.
La stratification shylocks-entrepreneurs n’apporte pas une
protection parfaite, toutefois, le shylock, pouvant encore perdre, si la
consommation baisse au point où l’entrepreneur est ruiné.
Pour protéger davantage la caste des shylocks des caprices
du consommateur, une deuxième ligne de défense des leaders est donc venue
s’ajouter au dispositif: les actionnaires.
L’actionnaire est en principe un entrepreneur. Il court des
risques.
En réalité, seul l’actionnaire majoritaire est un
entrepreneur; l’actionnaire minoritaire, non.
Voulant singer le shylock et vivre comme lui d’une rente,
mais sans en avoir les moyens,
il se laisse convaincre de prendre à son compte
les risques de l’entrepreneur
sans assumer lui-même un contrôle quelconque sur
ses décisions.
Ignorants, sans pouvoir réel et nombreux, ce sont les
actionnaires minoritaires qui portent le chapeau, si la demande effective chute
et que la valeur présumée des équipements
et donc du capital qui y est investi s’effondre.
Dès qu’on a un actionnariat, l’entrepreneur reçoit aussi une
protection.
Ce sont les actionnaires qui payent sa rente au shylock,
sous forme d’intérêts qui réduisent leurs dividendes.
À l’opposition entre entrepreneurs et capitalistes se
substitue celle entre ceux-ci et les actionnaires minoritaires, ce qui rend les
contacts plus sereins au sein de la production.
L’opposition entre shylocks et actionnaires apparaît
clairement en Bourse:
les fluctuations de la valeur des obligations – qui
payent un intérêt fixe aux shylocks – divergent brutalement de celles des
actions qui, elles, distribuent des profits aux actionnaires:
quand les unes montent, les autres baissent… !
Mais le petit pouvoir des actionnaires minoritaires ne
menace rien…
Les actionnaires minoritaires constituent une splendide
ligne de défense pour les shylocks,
lesquels peuvent revenir sans compromission
à leur tendance naturelle qui est de prendre sans contrainte tout ce qu’ils
peuvent prendre, sans se préoccuper de la demande effective ni des profits.
Il suffit que l’intérêt soit versé et Shylock s’enrichit.
Shylock, lui, est à l’abri de tout… sauf d’un effondrement
de la valeur de l’argent lui-même.
Comprenez-vous pourquoi Shylock n’aime pas qu’on parle
d’inflation ?
*
LE SYSTÈME DÉBONNAIRE
Pierre Jc Allard
14-09-08