DOUTEUR EST L'AMI DE MONSIEUR MARCEL DUCHAMP

DOUTEUR EST L'AMI DE MONSIEUR HENRY DICKSON ET DE MONSIEUR MARCEL DUCHAMP ET L'AMI DE DAME MUSE ET DES MUTANTS GÉLATINEUX LGBTQ OGM ET DE MADEMOISELLE TAYTWEET DE MICROSOFT - SECONDE TENTATIVE OFFICIELLE D'Ai - INTELLIGENCE ARTIFICIELLE - ET DE MONSIEUR ADOLF HITLER, CÉLÈBRE ARTISTE CONCEPTUEL AUTRICHIEN ALLEMAND CITOYEN DU MONDE CÉLÈBRE MONDIALEMENT CONNU - IL EST DANS LE DICTIONNAIRE - SON OEUVRE A ÉTÉ QUELQUE PEU CRITIQUÉE MAIS ON NE PEUT PLAIRE À TOUT LE MONDE ET PERSONNE N'EST PARFAIT ! VOILÀ!

DOUTEUR EST L'AMI DU PROFESSEUR BULLE QUI EST L'AMI DE DOUTEUR

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DOUTEUR - DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DU DOUTE EST AMI DU PROFESSEUR BULLE - DE L'INTERNATIONALE SITUATIONISTE CONSPIRATIONNISTE - DES THÉORICIENS DU COMPLOT ET DES CONSPIRATIONS ET DES COMPLOTISTES ET CONSIRATIONISTES - AMI DES THÉORICIENS DU NON COMPLOT ET DES THÉORICIENS DE L'EXPLICATION ET DE L'UNION DES JOVIALISTES ET INTELLECTUELS ORGANIQUES - AUTISTE ASPERGER GEEK RELATIVISTE CULTUREL PYRRHONIEN NÉGATIONNISTE RÉVISIONNISTE SCEPTIQUE IRONIQUE SARCASTIQUE - DÉCONSTRUCTEUR DERRIDADIEN - AMI DES COLLECTIONNEURS DE BOMBES ATOMIQUES - AMI DES PARTICULES ÉLÉMENTAIRES ET FONDAMENTALES ET AMI DE L'ATOME CAR LA FUSION OU LA FISSION NUCLÉAIRE SONT VOS AMIS

UN JOUR LES MUTANTS GOUVERNERONT LE MONDE - CE NE SERA PROBABLEMENT PAS PIRE QU'EN CE MOMENT

UN JOUR LES MUTANTS GOUVERNERONT LE MONDE - CE NE SERA PROBABLEMENT PAS PIRE QU'EN CE MOMENT
LES MUTANTS EXTERMINERONT OU NON LES HUMAINS - ET NOUS TRAITERONS PROBABLEMENT AUSSI BIEN QU'ON SE TRAITE NOUS-MÊMES ENTRE NOUS - ET PROBABLEMENT AUSSI BIEN QUE L'ON TRAITE LA NATURE ET TOUT CE QUI VIT

mercredi 29 août 2012

6043


Image. http://sphotos-a.xx.fbcdn.net/hphotos-ash3/577483_3866590593085_562908715_n.jpg


PARTI NUL

www.partinul.org

*
Douteur je doute. On ne doute jamais assez. Tout ce qu'on vous dit est faux. Tout ce que vous savez est faux. Parce que tout ce qu'on vous dit est faux. Mais il se peut qu'une partie de ce que savez soit vraie mais laquelle? Le professeur Bulle a parlé. Ou pensé quelque chose. Ou eut une émotion quelconque. Le professeur Bulle pense quelques fois par année donc il lui arrive d'être. Mais pas souvent!

6042. BAD APPLE!

*

Une petite chanson

BAD APPLE!!

http://www.youtube.com/watch?v=9lNZ_Rnr7Jc&feature=related

6041. IL A FALLU DES MILLIERS D'ANNÉES ET DES MILLIONS DE MORTS POUR QUE LA DÉMOCRATIE VERSION DE BASE ARRIVE DANS QUELQUES PAYS. PARCEQUE LES ÉLITES N'AVAIENT AUCUNE ENVIE DE PARTAGER LEUR POUVOIR, PIRE, D'ÊTRE CONTRÔLÉES PAR LE PEUPLE ET DE FAIRE SES 4 VOLONTÉS COMME UN GENTIL ORGANISATEUR DE CAMP DE VACANCE. APRÈS TANT D'ESSAIS RATÉS, C'EST ARRIVÉ. VRAIMENT? PARCEQUE LES PRÉDATEURS SONT DEVENUS DE MEILLEURS, VÉGÉTARIENS, SE SONT CIVILISÉS, QUE LES PARASITES SOCIAUX ONT MOINS D'APPÉTIT. TOUT SIMPLEMENT PARCE QU'ILS ONT APPRIS À CONTRÔLER INDIRECTEMENT LA POPULATION AU LIEU DE LE FAIRE DIRECTEMENT PAR LA FORCE ET LA TERREUR COMME DANS TOUT LES PASSÉS DE PARTOUT. ET LES PRÉSENTS DE PRESQUE TOUS. AUX USA, OÙ ON EST ARRIVÉ À LA PERFECTION DE CE SYTHÈME, 2 PARTIS EN ALTERNANCE, QUAND UN EST USÉ OU QU’ON COMMENCE À DOUTER DE LUI, ON PERMET AU PEUPLE DE LE CHANGER. MAIS QUELQUE SOIT LE PARTI, C'EST EUX QUI DIRIGENT. LE GOUVERNEMENT COMPLICE ET LE GOUVERNEMENT PARALLÈLE QUI FAIT DES 11 SEPTEMBRE TANT QU'IL VEUT. ICI, AVEC LES MÉDIAS SOUS CONTRÔLE, ON DIVISE LE VOTE ET LES PARTIS. LES ANGLOS SONT CONTENTS SI ON NE PARLE PAS DE LA LOI 101. ILS VOTERONT EN MASSE POUR LE PARTI QUI FERA CETTE PROMESSE AUSSI MALHONNÊTE SOIT-IL. LES GENS PAS INTELLIGENTS SERONT CONTENT D'AVOIR UNE PATINOIRE. ON FINIT AINSI PAR CONTRÔLER LE PLUS GRAND NOMBRE DE VOTEURS. QUI VOTENT COMME LES MOUTONS SI LES MOUTONS VOTAIENT. 50 % NE VOTANT PAS. ÉCOEURÉS DU SPECTACLE OU TROP STUPIDES POUR LE COMPRENDRE. UNE MINORITÉ DE GENS ÉLIT DONC LE PARTI QUI DIRIGERA L'ÉTAT ET FERA OBÉIR TOUS LES AUTRES ET LE MONDE. À LA FIN, QUELQUE SOIT LE PARTI AU POUVOIR, IL SERA À GENOUX DEVANT LES BANQUES, LES COMMERÇANTS, LES PATRONS. PENDANT 5 ANS. AVANT QU'ON REDONNE AU PETIT PEUPLE LE DROIT DE REVOTER ET DE SE PENSER LIBRE QUELQUES SECONDES. AMEN!

TIRER LES ÉLUS AU SORT

http://www.fakirpresse.info/On-a-assiste-a-une-dispersion-des.html

Les Grecs, c’est le « berceau de la démocratie ».

Et pourtant, rappelle Patrick Lehingue dans son livre, eux-mêmes se méfiaient du vote…

« La fraction dite ‘démocratique’ considérait au contraire que cette technologie sociale devait absolument rester subsidiaire.

C’étaient, à l’inverse, et durant deux siècles, les vieilles familles nobles d’Athènes qui plaidaient pour la généralisation de l’élection à l’ensemble des charges de magistrats.

Leur notoriété, leur fortune, leur réseau d’obligés semblent alors suffisants pour que la désignation élective leur assure un quasi-monopole de représentation.

Sur quelques 1200 postes de ‘magistrats’ disponibles, à peine une centaine étaient pourvus par voie élective,

les autres étant tirés au sort,

procédure considérée alors comme la plus radicalement égalitaire.

SYSTÈME ABSURDE ?

L’argument est souvent avancé par les ‘aristocrates’ partisans de la généralisation de l’élection et sera repris plus tard par les premiers hellénistes…

Mais le mandat était à la fois unique (on ne pouvait occuper deux fonctions en même temps) ; très court (un an) ; révocable (procédures de mise en accusation en cours de fonction) ; non immédiatement renouvelable ;

autant de clauses dont on conçoit à peine qu’elles puissent être mises en œuvre de nos jours.

À travers ces dispositifs, tout semble avoir été conçu pour conjurer l’apparition des formes ultérieures de spécialisation politique,

de division du travail entre amateurs et professionnels

et, partant, de dépossession des premiers au bénéfice des seconds.

Par le tirage au sort, chacun est donc amené à occuper, même temporairement, une responsabilité politique.

De fait, Moses Finley a pu calculer que, parmi les 30 000 à 60 000 citoyens âgés de plus de 30 ans, un sur deux serait, au cours de sa vie, au moins une fois membre de la Boulé (la magistrature la plus haute).

Et il écrit :

‘Athènes fournit donc un exemple valable de coexistence réussie entre direction politique et participation populaire sans cette apathie et cette ignorance dont parlent les experts en opinion publique, ni non plus ce spectre de l’extrémisme qui hante les théoriciens élitistes’.

Et un autre, Bertrand Manin renchérit :

‘Les démocrates avaient l’intuition que, pour des raisons obscures, l’élection n’assurait pas la même égalité.’ »

Plus que jamais, cette réflexion s’avère pertinente :

Parmi les candidats à la présidentielle,

tous – sauf Philippe Poutou (NPA) – détiennent au minimum un bac +3 (contre 11,8 % des Français).

Les classes supérieures monopolisent 90 % des sièges de députés - contre 15 % dans la population.

Et inversement : les 62,5 % de citoyens « populaires » sont représentés par 1,3 % de parlementaires.

C’est encore pire côté journalistes, sondeurs, experts : sur les plateaux télés, les anciens camarades de Sciences-Po discutent entre eux.

Et on aimerait qu’ils affichent à l’écran leurs revenus :

sans doute sont-ils à l’égal du peuple à qui, si souvent, ils réclament en chœur des sacrifices…

*

Le Vote, de Patrick Lehingue, éditions La Découverte (23 €).

*

STOCHOCRATIE

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Stochocratie

La stochocratie, du grec kratein, « diriger, gouverner » et stokhastikos « conjectural, aléatoire », terme inventé en 1998, désigne le tirage au sort des gouvernants au niveau national ou local selon certaines formes de la démocratie athénienne.

Le concept est parfois appelé « lotocratie » (au Québec)
*

Image

6040. VOTER, NE PAS VOTER ET POUR QUI VOTER, TELLES SONT LES QUESTIONS !

« ON A ASSISTÉ À UNE DISPERSION DES CLASSES POPULAIRES. »

Entretien sur le vote avec Patrick Lehingue

Entretien réalisé le 9 janvier 2012

François Ruffin

26/04/2012

http://www.fakirpresse.info/On-a-assiste-a-une-dispersion-des.html

Depuis plus de trente ans, Patrick Lehingue, professeur de science politique, analyse les scrutins. Et il vient de publier un livre sur « Le Vote ». Mais vous ne le verrez pas sur les plateaux de télé, discuter du dernier sondage au milieu des Roland Cayrol, Pascal Perrineau, Stéphane Rozès, etc. Leur glose sert plus souvent à masquer le monde social, qu’à le découvrir…

Fakir : Vous faites un bouquin sur le vote, vous avez consacré l’essentiel de votre carrière à analyser les scrutins, et pourtant, vous dites que le vote, ça n’est pas si important que ça.

Dès la première page, vous vous en prenez – je cite – à la « survalorisation du rite électoral, souvent présenté par les protagonistes du moment comme absolument crucial – ‘du vote de chacun dépend l’avenir de tous’ – alors même qu’il laisse, sauf rarissimes exceptions, si peu d’empreintes dans les mémoires collectives »…

Patrick Lehingue : En tout cas, le vote n’a pas l’importance que lui confèrent la majorité des journalistes, des sondeurs, des hommes politiques…

On a ici une forme « d’idiotisme de métier » :

parce que certains politologues ont fait profession de décrypter « le mystère des urnes »,

ils s’imaginent que, à leur image, tout le monde se passionne pour les élections, que le moment électoral constitue la substantifique moelle, le summum de la démocratie.

Mais dans la vie des gens, c’est un geste plutôt banal qui engage sans doute moins qu’on ne le dit.

On avait mené une enquête à Amiens : un an à peine après une élection législative, la grande majorité des gens ne se souvenaient plus pour qui ils avaient voté : 67 % avaient oublié leur choix de l’année d’avant.

Mais ça n’empêche pas les commentateurs autorisés de sanctifier cet instant,

de poser comme équation « élection = démocratie ».

Malgré l’exemple d’Athènes, pourtant regardé comme le berceau de la Démocratie (voir plus bas)

LES CLASSES POPULAIRES : QUI LES REPRÉSENTE ?

Fakir : Y a ce tableau, dans votre bouquin.

Absolument stupéfiant : les employés – qui constituent près de 30 % de la population active – comptent pour 1,3 % des députés !

C’est pire encore pour les ouvriers :

ils forment 25 % des actifs, mais seulement 0,5 % de l’Assemblée !

Et l’inverse pour les professions supérieures : 15 % du pays, mais 83 % des parlementaires

96 % dans le groupe UMP !

Patrick Lehingue : Oui, pour la représentation des classes populaires, la France est revenue au niveau de 1885…

Pour lutter contre cette pente, pour que la démocratie ne se mue pas en aristocratie élective, il avait fallu le passage – bien souvent – par un apprentissage syndical, puis des passerelles vers la politique.

Le pic est atteint à la Libération : les classes populaires obtiennent 20 % des sièges, notamment grâce au Parti communiste – qui rassemble 50 des 65 députés ouvriers.

On stagne aux alentours de 10 % dans les années 60, 70, et enfin cette représentation populaire disparaît.

A cause, évidemment, de l’affaiblissement du PC, mais aussi parce que le PS connaît un déracinement populaire.

Fakir : Même chez les dirigeants du PC, aujourd’hui, on ne voit pas tellement de prolétaires.

À sa tête, il y a un fils de sénateur, qui a fait une carrière – sans méchanceté, mais c’est le mot – d’apparatchik : il a dirigé le mouvement des étudiants du Parti, puis le journal du Parti, avant de gouverner le Parti lui-même.

Patrick Lehingue : C’est emblématique, en effet. Parce que le plus frappant, ces dernières années, c’est la montée en puissance, justement, des professionnels de la politique :

les attachés parlementaires, les chefs de cabinet, les conseillers en communication, etc. représentent 14 % de députés –

alors qu’ils sont évidemment 0,0001 % dans la population.

C’est-à-dire qu’on a un univers politique qui, loin de représenter les fractures sociales d’une société,

a acquis sa pleine autonomie, et se referme sur lui-même…

Fakir : Et même à Amiens. Qu’on enlève, dans le conseil municipal, les profs et les anciens permanents, il ne reste plus grand-monde, à gauche, sur les bancs.

D’ailleurs, pendant l’élection à la mairie, ils n’ont pas osé indiquer les professions sur les prospectus – tellement c’était que ça.

Patrick Lehingue : Oui, ce qu’on aperçoit de façon caricaturale au sommet, se retrouve, mais atténué, aux échelons du dessous.

C’est une coupure nette avec le monde social.

Et ça a forcément des conséquences. Par exemple, je me demande si la promotion d’un Gremetz serait encore possible.

D’autant que les instruments qui permettaient ces trajectoires ont été supprimés.

Pour moi, le PC a perdu sa spécificité – et a accéléré son déclin – avec la fermeture des écoles du Parti, à l’époque de Robert Hue.

C’était quoi, ces écoles ?

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2003_num_16_63_1296

C’était la possibilité, pour des ouvriers ayant arrêté leurs études, pour cause d’échec scolaire ou plus souvent parce que leurs parents ne pouvaient pas suivre financièrement, d’avoir une seconde chance, d’acquérir une culture politique, de manier l’argumentation, bref, de lutter à armes égales avec leurs adversaires, les classes dominantes.

VOTER, ÇA NE SERT À RIEN ?

Fakir : Moi, je suis plutôt partisan de voter, d’utiliser tous les instruments à notre disposition.

D’accord, on n’aime pas les règles du jeu : la personnalisation, les présidentielles avant les législatives, etc.

On peut souhaiter en changer : avec le mandat impératif, le droit de révoquer son député, etc. MAIS SI ON NE JOUE PAS, ON LAISSE LES AUTRES PLEINEMENT MAÎTRES DU JEU.

Patrick Lehingue : Je suis entièrement d’accord avec vous. La question est de ne pas accorder au vote une sorte de monopole dans l’expression de convictions.

D’autant plus que la dimension « expressive » du vote est faible.

Un grand journaliste américain, Walter Lippman, le soulignait dès 1927 :

« Mais qu’est-ce en vérité qu’une élection ?

L’expression de la volonté populaire, dit-on.

Vraiment ? Nous entrons dans un isoloir, et sur un bout de papier, nous traçons une croix devant un, deux, peut-être trois ou quatre noms.

Avons-nous pour autant exprimé ce que nous pensions de la politique des États-Unis ?

Nous avons sans doute quelques idées sur la question, avec beaucoup de ‘mais’, de ‘si’, et de ‘ou’.

Cette croix sur un bout de papier n’en dit évidemment rien.

Il nous faudrait des heures pour exprimer nos idées :

QUALIFIER UN BULLETIN DE VOTE D’‘EXPRESSION DE NOTRE OPINION’ N’EST QU’UNE FICTION VIDE DE SENS. »

D’ailleurs, la législation électorale conforte cette pauvreté expressive.

Les bulletins où les électeurs se livrent à des explications, même juste par quelques mots, sont juridiquement « nuls ».

C’est un joli paradoxe :

TOUT SE PASSE COMME SI, DANS L’ORDRE ÉLECTORAL, LES « VOIX », POUR COMPTER ET ÊTRE ENTENDUES, DEVAIENT RESTER MUETTES !

Fakir : Et pourtant, plus je lisais votre bouquin, comme quoi « on élit toujours des bourgeois»,

« ça ne change pas la vie »,

et votre sympathie pour les abstentionnistes,

PLUS J’EN VENAIS, À MON TOUR, À PENSER « À QUOI BON ? »…

Patrick Lehingue : Quand tu écris un bouquin comme ça, tu l’écris aussi pour réagir contre des commentaires qui t’agacent prodigieusement.

À les écouter, la seule question qui vaille, c’est « qui va gagner ? »,

« qui sera en tête à l’issue du premier tour ? »,

« qui sera le troisième homme » (ou femme…) ?

La véritable politique (la discussion sur les bilans, les promesses – tenues ou pas – ,

la vision du monde que l’on désire, les programmes et propositions pour s’en approcher,

la hiérarchie des questions les plus importants à résoudre…)

CÈDE LE PAS AU SPECTACLE D’UNE COURSE DE CHEVAUX. LE JEU L’EMPORTE SUR LES ENJEUX.

Alors, la sympathie pour les abstentionnistes, là n’est pas le souci !

ils existent, c’est tout . Et ils sont nombreux : pas seulement les 20 à 50% d’abstentionnistes (selon les scrutins) ,

mais aussi – d’après l’INSEE – les 10 % de non-inscrits.

Ils sont socialement « typés » :

16 % des chômeurs,

16 % des emplois précaires ne figurent même pas sur les listes électorales –

contre 4 % des cadres…

Or, ils sont effacés par les sondeurs,

rarement évoqués par les éditorialistes, bref oubliés.

Eh bien mon petit rôle, c’est de les signaler : attention, ils existent aussi.

ET ILS ONT DES RAISONS QUE LA RAISON POLITOLOGIQUE TROP SOUVENT IGNORE…

Fakir : Mais par exemple, ce matin, je reçois par Internet une affiche d’Albert Libertad :

« la grève des électeurs, abstenez-vous !, votez blanc… Sinon, c’est comme choisir son boucher.»

Patrick Lehingue : Un courant anarchiste, assez original, s’est développé depuis 1848, depuis le suffrage universel, et il attaque le vote comme insignifiant.

Mais c’est souvent habité par un sentiment aristocratique, un certain élitisme, se voir et se vouloir comme en dehors voire au-dessus de « la masse » :

« Nous n’appartenons pas au troupeau, ne sommes pas des moutons ! »,

ou dans une version moderne, qu’avait repris Sartre qui n’a jamais voté de sa vie, « élections, piège à cons ».

C’est sans doute très gratifiant comme posture,

mais on oublie alors que les candidats ajustent leurs programmes, puis leurs politiques, sur les intérêts des électeurs qui iront effectivement voter.

On a beaucoup d’études là-dessus aux Etats-Unis :

LES « SEGMENTS SOCIAUX » LES PLUS ABSTENTIONNISTES – LES IMMIGRÉS, LES JEUNES, LES CHÔMEURS – SONT AUSSI LES PLUS SACRIFIÉS…

Fakir : C’est un vrai angle mort de votre livre, un manque important.

Comment les élections peuvent compter, quand même, malgré tout –

même si elles bouleversent rarement l’ordre.

Patrick Lehingue : Surtout, le vote n’a pour moi aucune essence.

Selon les époques, selon les moments historiques, il peut être décisif ou marginal, individuel ou collectif, émancipateur ou conservateur, subversif ou conformiste, destiné à diviser ou à rassembler, etc. Il est tout cela parfois tout ça en même temps.

Fakir : Bon, pour la réédition, faudra rajouter un chapitre là-dessus. Sinon, on en arrive à un truc de désabusés, ça participe à la résignation. Et on n’a franchement pas besoin de ça…

À gauche : comment retrouver le peuple ?

Fakir : J’en viens à LA question : pourquoi la gauche de gauche peine à décoller – et en particulier dans les classes populaires ?

Patrick Lehingue : Déjà, ça n’a jamais été naturel et acquis que les ouvriers votent pour des représentants du mouvement ouvrier.

Ça supposait tout un travail syndical, politique, de mobilisation de l’usine jusqu’au domicile.

Or, on a assisté, non pas à une disparition, mais à une dispersion des classes populaires.

Une dispersion du travail, avec la casse des grandes entreprises, mais aussi une dispersion géographique.

Si tu prends les corons miniers de ma petite enfance, les gens vivent là où ils travaillent.

Il y a une continuité de l’existence, qui rend le travail politique plus simple : pour les mineurs, ne pas voter pour ces gens-là, qui sont au milieu d’eux, qu’ils fréquentent au bistro, à la ducasse, c’est trahir le groupe auquel ils appartiennent tous les jours.

Et puis, tu avais quand même un travail d’encadrement sur le terrain qui, de fait, n’existe plus : sur Amiens, ancien bastion communiste,

combien reste t’il de sections locales ? dans les entreprises ? travaillant dans des quartiers populaires ?

Fakir : Zéro.

Ce matin, Mélenchon présentait ses vœux et il déclare, en gros, « pour la campagne, on va s’appuyer sur les syndicats à la base ». Bien. Sauf qu’il s’appuie sur un tissu extrêmement troué…

Patrick Lehingue : C’est un facteur lourd. Le taux de syndicalisation, on le sait, est ridiculement bas en France, il avoisine les 6 %.

Dans le privé, pour les deux tiers des entreprises, il n’y a rien du tout…

Du coup, pour l’instant, Mélenchon a gardé une partie des milieux populaires les plus politisés, et il ne retrouve pas les autres – qui sont de loin les plus nombreux.

Fakir : Là, dans le sondage paru ce matin, le premier motif que donnent les gens de voter Marine Le Pen, c’est le mécontentement.

Patrick Lehingue : Et c’est vrai que, auparavant, pour marquer son mécontentement, on votait communiste.

C’est un terreau "naturel" que la gauche de gauche a perdu.

Il y a cet entretien, avec une travailleuse, en Bretagne, dans les années 60, que je reproduis dans mon livre et qui, il me semble, dit beaucoup, simplement beaucoup.

Je te le lis :

« On est neutre et on pense quand même… Je sais pas, moi, on est ouvrier alors on cherche le parti, là où l’ouvrier est défendu le plus… Je ne peux pas, je ne peux pas vous expliquer, on est pour celui qui est pour l’ouvrier, voilà… On est communiste, enfin, on a une tendance, peut-être, mais sans vraiment, sans politique, sans faire de la politique… »

C’est très joli, ce que dit cette ouvrière. Ça résume, en quatre phrases, le drame du rapport de la gauche critique aux milieux populaires : naturel dans les années 60, ce raisonnement semble complètement saugrenu aujourd’hui. Ce côté inné : « On ne fait pas de politique, mais on est communiste »…

En même temps, le vote FN, reste beaucoup moins ancré. Jamais dans mes entretiens je n’ai entendu : « Je vote pour l’ouvrier, donc je vote Le Pen. »

Il y a plutôt comme une homologie :

« J’occupe une position marginale dans l’espace social et je me reconnais dans une personne qui occupe une position marginale dans l’espace politique. »

Je me sens méprisé, je vote pour l’homme – ou la femme – politique qu’on présente comme le plus méprisable.

Ouvriers et intellos : quelle jonction ?

Fakir : Ça me fait penser à autre chose. Antoine, un copain de Fakir, me racontait que, tous les ans, son grand-père, pas plus militant que ça, participait à un concours de pêche, à Abbeville, organisé par le Parti Communiste. Ça veut dire que l’encadrement, là, il n’est pas seulement par les syndicats…

Patrick Lehingue : Et même, c’est d’abord d’autres choses : le plus réussi passe par des associations réputées non partisanes. Que la politique se mêle à la vie commune…

Fakir : Par exemple, le Téléthon.

Le réflexe, dans notre milieu, chez les intellos de gauche, c’est : « Ah c’est nul, du caritatif, l’étalage de la misère… »

Alors que c’est, surtout, un immense élan de générosité.

Dans chaque bourg, t’as des épreuves, avec les pompiers, le club de cyclisme, les mamans qui cuisinent une choucroute.

Et je me demande si les militants des années 70, à la place de snober, ils n’auraient pas été, naturellement, parmi ces gens.

Et comme je ne suis pas à une digression près, ça m’amène au dernier bouquin théorique qui m’a vraiment fait avancer, j’ai trouvé, c’est La Pensée politique de Gramsci.

Ce dirigeant du Parti communiste italien tente, même à gros traits, une analyse de classe de la société italienne des années 20.

Et il parie, pour contrer le fascisme, sur une jonction entre ouvriers du Nord et paysans du Sud – que ses camarades militants doivent tout faire pour advenir.

Alors, aujourd’hui, en France, où est l’analyse de classes, pas seulement du vote ?

Patrick Lehingue : C’est difficile. Le paysage social est sans doute plus compliqué, l’espace social plus fractionné.

Les identités, les manières qu’a chacun de se définir, de se distinguer, sont probablement moins professionnelles qu’il y a trente ans.

Auparavant, par exemple, à la question « Qu’est-ce qu’il est ? », on répondait automatiquement en donnant le métier de la personne.

Désormais, même les « cartes d’identité professionnelle » sont plus complexes :

il y a une individualisation des taches, des primes, une fragmentation des horaires et des statuts, CDI ou CDD/intérim, privé ou public, dans une PME ou une multinationale, diplômés ou pas.

Du coup, juste un métier, ça caractérise de moins en moins les individus…

On ne peut plus se contenter de la bourgeoisie contre le prolétariat….

Fakir : Et pourtant, y a des votes où prolétariat contre bourgeoisie, ça fonctionne.

Regarde le référendum sur le Traité Constitutionnel européen : tous les médias, tous les patrons du CAC 40, tous les partis de gouvernement sont pour le « oui »,

80 % des ouvriers optent pour le « non » !

Contre une minorité, seulement 44 % des cadres.

Patrick Lehingue : C’était un scrutin particulier – avec un choix binaire simple, qui renvoyait à des enjeux clairs, clivants, avec des retraductions possibles dans la vie personnelle de chacun.

Fakir : Mais il me semble que, du temps de Marx, déjà, on aurait pu dire « oui mais il y a les petits ateliers et les grands, ceux situés à la campagne ou en ville, etc. »

Patrick Lehingue : C’est juste. Le monde des ouvriers n’était pas homogène. Il l’est encore moins maintenant…

Fakir : La différence, il me semble, c’est que Gramsci n’était pas seulement un universitaire, voire pas du tout.

Mais un intellectuel organique, qui acceptait donc de prendre des gros blocs, d’y aller à la truelle, qui ne se souciait pas de la reconnaissance de ses pairs académiques, du moment que ses outils de compréhension pouvaient agir sur le réel.

Donc, je vais faire mon intellectuel organique… mon souci, c’est que je n’ai pas d’organe !

À mon sens, il faut parier –

c’est-à-dire mettre tous nos efforts – sur une union de classe entre la petite bourgeoisie intellectuelle (qui se précarise, qui n’a plus sa place assurée dans l’éducation, dans la presse, dans les agences de com’, etc.)

et les ouvriers (qui, eux, se sont déjà mangés la mondialisation en pleine face).

Seule, aucune de ces deux classes n’aura la force, l’énergie pour bouleverser l’ordre des choses.

Et même, j’ajouterais : rien de beau ne s’est fait, dans notre histoire, ni 1789 ni 1793, ni 1936 ni 1968, sans cette alliance de classes.

Maintenant, c’est pas gagné. Ces deux mondes-là, aujourd’hui, se tournent le dos, ne se fréquentent pas ou plus.

Il y a une méfiance réciproque, un mépris même : le « beauf raciste et macho » d’un côté,

le « beau parleur aux mains blanches » de l’autre…

Patrick Lehingue : Ce spectre nous menace, vous avez raison.

On peut en arriver à une coupure, très instrumentalisée, comme aux États-Unis :

les intellectuels démocrates de la côte Est – dénoncés comme des richards, des privilégiés, des dépravés culturels voire sexuels…

C’est la manière dont nombre de cols bleus envisagent les progressistes, après vingt ans de propagande républicaine.

Ce processus d’anti-intellectualisme et de détachement nous pend au nez :

que les intellectuels soient vus comme des parasites, des favorisés, ce que pour partie ils sont d’ailleurs.

Pour la délocalisation, ou les licenciements économiques, jusqu’ici, ils n’ont rien à craindre.

M’enfin bon, les gamins qui viennent d’avoir leur CAPES, qui sont envoyés sans formation enseigner dans trois lycées différents à 600 kilomètres la veille au soir, on ne va pas les décrire comme des nantis non plus.

Fakir : Alors, que faire ? Par où on commence ?

Patrick Lehingue : Je ne suis pas un intellectuel prophétique, je me refuse à l’être.

Mais, un exemple : j’ai parlé, tout à l’heure, des écoles du parti, et ça n’est pas par hasard.

Entre "profs" et "élèves", c’était un enrichissement mutuel et une remise en cause, comme quoi on tenait des « discours de petits-bourgeois », qu’on n’était « pas clair ».

C’était à la fois formidable et improbable, cette jonction – comme tu dis –, ce côtoiement régulier, organisé, entre ouvriers et intellos, et ce type d’occasions est devenu rarissime.

Les deux mondes se regardent comme des étrangers.

Il me semble que c’est une clé : que les partis ouvriers réapprennent un mode d’éducation permanente, la formation d’une aristocratie ouvrière…

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Le journal Fakir est un journal papier, en vente dans tous les bons kiosques près de chez vous. Il ne peut réaliser des reportages que parce qu’il est acheté ou parce qu’on y est abonné !  

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COMMENTAIRES DU PEUPLE 

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"Moi, je suis plutôt partisan de voter, d’utiliser tous les instruments à notre disposition. D’accord, on n’aime pas les règles du jeu : la personnalisation, les présidentielles avant les législatives, etc. On peut souhaiter en changer : avec le mandat impératif, le droit de révoquer son député, etc. Mais si on ne joue pas, on laisse les autres pleinement maîtres du jeu."

François, je suis très souvent d’accord avec toi, mais pas sur ce point.

A mon sens tu fais une bonne analyse, mais quand tu joues avec un tricheur, tu continues à jouer et à perdre, ou tu te retires de la table après éventuellement avoir filé un bourrepif au tricheur ?

Je respecte ton point de vue, et je ne dis pas que j’ai raison mais il me semble que l’abstention est la meilleure solution pour combattre le système.

On me dit parfois, "tu ne votes pas, tu ne viendras pas te plaindre ensuite"

et pourtant je pense qu’au contraire je suis mieux placé pour me plaindre, râler,et manifester mon mécontentement.

Celui qui vote accepte le système et les règles du jeu et donc si il est mis en minorité doit se soumettre à la volonté de la majorité.

Je refuse de rentrer dans ce jeu là.

(…)

Je suis persuadé que le changement ne passera pas par les urnes.

Mais je reconnais un mérite à cette élection, celle d’avoir pouvoir fait entendre pendant la campagne des voix que l’on n’entend pas autrement...

Pierre Grandmonde

2

Peut on encore parler de proletariat ?

Ou commence t il et ou s arrete t il ?

Un bac +5 bossant chez macdo est un bourgeois ou un proletaire ?

Essayez de vous classer vous même...

Etes vous prolo, paysan, petit bourgeois, bourgeois Difficile non ?

Je crois que dans le sens ou l entendait marx , ces classes ont disparue.

Qu en est il de la non classe des non travailleurs ?

Il reste tout de même un tiers d ouvriers en France mais beaucoup ne se sentent pas identifiés a la classe ouvrière, surtout les jeunes.

Clém

*

Image.

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhrfbGWLzzRRBQcpHXnABvaVJZd-tEr89ivtZkY2fJhsOyfRn00vJ7n-SwwstpLHRsAYZeMmnTFxPrj6KcgRRTc5IuutNu7imKjruzt4_ltD7Mpmm4UqAoywrI_NPbxh4UssQfXJFKxAvc/s1600/ayuthama.jpg

http://zebuzzeo.blogspot.ca/2012/07/la-crise-et-la-repartition-inegalitaire.html

http://www.les-crises.fr/inegalites-revenus-usa-1/



dimanche 26 août 2012

6039. LA DÉMOCRATIE COMMENCE PAR LES CONNAISSANCES ET L'ÉDUCATION - CELLE QU'ON SE DONNE À SOI-MÊME ET CELLE QUI EST DONNÉE PAR D'AUTRES. IL N'Y A PAS DE DÉMOCRATIE SANS INFORMATIONS, RÉFLEXION ET INTELLIGENCE. SINON LA MANIPULATION SI UTILE ET GÉNÉRALEMENT PRATIQUÉE SUR LES IGNORANTS INFLUENÇABLES QUI FORMENT LA MAJORITÉ DE LA POPULATION. ALORS PEU IMPORTE QUI ON CHOISIT, CE SERONT DES MEMBRES DU PERSONNEL INTERCHANGEABLE DES VRAIS DIRIGEANTS OBSCURS (MAIS SI ÉTINCELANTS) DU GOUVERNEMENT PARALLÈLE. LA DÉMOCRATIE PRÉSENTAIT UNE MENACE POUR LES ÉLITES DIRIGEANTES ET POSSÉDANTES CAR ELLE PERMETTAIT DE FAIRE APPLIQUER LA VOLONTÉ DU PEUPLE. ET SI UN PEUPLE N'EST PAS STUPIDE, IL VEUT QUE LE POUVOIR ET LA RICHESSE SOIT À SON USAGE. ON A DONC MAÎTRISÉ CET ÉLÉMENT RADIOACTIF ET INSTABLE QU'ÉTAIT LE VOTE, EN MANIPULANT LES ÉLÉMENTS LES PLUS FAIBLES DE LA SOCIÉTÉ. ET LES AMBITIEUX QUI ARRIVERONT INÉVITABLEMENT AU POUVOIR AFIN QU'ILS RÉVÈRENT LA PUISSANCE ET LES PUISSANTS QUI NE SONT, DÉSORMAIS, PLUS EUX. PÉRIODE DÉFINITIVE OU PRÉPARANT D'AUTRES BOULEVERSEMENTS?


ÉDUQUER AU XXIe SIÈCLE

Par Michel Serres, de l'Académie française

05.03.2011

Le Monde.fr

http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/05/eduquer-au-xxie-siecle_1488298_3232.html

Texte signalé par Raymond Lemieux. Dans La victoire de Montaigne. Pourquoi les enfants du XXIe devraient-ils se plier à la pédagogie du bourrage de crâne? Québec-Science, août/sept 2011. p.4

La référence à l’Académie Française et à son Institut des Sciences ne donne rien. Et ils semblent avoir, tout scientifiques qu’ils soient, des problèmes d’indexations et de bibliothécaires.

http://clef.viabloga.com/news/eduquer-au-21e-siecle-tout-reste-a-inventer

http://zeroseconde.blogspot.ca/

http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/eduquer-au-xxie-siecle-quelques-106973

Avant d'enseigner quoi que ce soit à qui que ce soit, au moins faut-il le connaître.

Qui se présente, aujourd'hui, à l'école, au collège, au lycée, à l'université ?

Ce nouvel écolier, cette jeune étudiante n'a jamais vu veau, vache, cochon ni couvée.

En 1900, la majorité des humains, sur la planète, travaillaient au labour et à la pâture ; en 2011, la France, comme les pays analogues, ne compte plus qu'un pour cent de paysans.

Sans doute faut-il voir là une des plus fortes ruptures de l'histoire, depuis le néolithique. Jadis référée aux pratiques géorgiques, la culture, soudain, changea.

Celle ou celui que je vous présente ne vit plus en compagnie des vivants, n'habite plus la même Terre, n'a plus le même rapport au monde.

Elle ou il n'admire qu'une nature arcadienne, celle du loisir ou du tourisme.

- Il habite la ville. Ses prédécesseurs immédiats, pour plus de la moitié, hantaient les champs.

Mais, devenu sensible à l'environnement, il polluera moins, prudent et respectueux, que nous autres, adultes inconscients et narcisses.

Il n'a plus la même vie physique, ni le même monde en nombre, la démographie ayant soudain bondi vers sept milliards d'humains ; il habite un monde plein.

- Son espérance de vie va vers quatre-vingts ans. Le jour de leur mariage, ses arrière-grands-parents s'étaient juré fidélité pour une décennie à peine. Qu'il et elle envisagent de vivre ensemble, vont-ils jurer de même pour soixante-cinq ans ? Leurs parents héritèrent vers la trentaine, ils attendront la vieillesse pour recevoir ce legs. Ils ne connaissent plus les mêmes âges, ni le même mariage ni la même transmission de biens.

Partant pour la guerre, fleur au fusil, leurs parents offraient à la patrie une espérance de vie brève ; y courront-ils, de même, avec, devant eux, la promesse de six décennies ?

- Depuis soixante ans, intervalle unique dans notre histoire, il et elle n'ont jamais connu de guerre, ni bientôt leurs dirigeants ni leurs enseignants.

Bénéficiant d 'une médecine enfin efficace et, en pharmacie, d'antalgiques et d'anesthésiques, ils ont moins souffert, statistiquement parlant, que leurs prédécesseurs.

Ont-ils eu faim ?

Or, religieuse ou laïque, toute morale se résumait en des exercices destinés à supporter une douleur inévitable et quotidienne : maladies, famine, cruauté du monde.

Ils n'ont plus le même corps ni la même conduite ; aucun adulte ne sut leur inspirer une morale adaptée.

- Alors que leurs parents furent conçus à l'aveuglette, leur naissance est programmée.

Comme, pour le premier enfant, l'âge moyen de la mère a progressé de dix à quinze ans, les parents d'élèves ont changé de génération. Pour plus de la moitié, ces parents ont divorcé. Ils n'ont plus la même généalogie.

- Alors que leurs prédécesseurs se réunissaient dans des classes ou des amphis homogènes culturellement, ils étudient au sein d'un collectif où se côtoyent désormais plusieurs religions, langues, provenances et mœurs.

Pour eux et leurs enseignants, le multiculturalisme est de règle.

Pendant combien de temps pourront-ils encore chanter l'ignoble "sang impur" de quelque étranger ?

Ils n'ont plus le même monde mondial, ils n'ont plus le même monde humain.

Mais autour d'eux, les filles et les fils d'immigrés, venus de pays moins riches, ont vécu des expériences vitales inverses.

Bilan temporaire. Quelle littérature, quelle histoire comprendront-ils, heureux, sans avoir vécu la rusticité, les bêtes domestiques, la moisson d'été, dix conflits, cimetières, blessés, affamés, patrie, drapeau sanglant, monuments aux morts, sans avoir expérimenté dans la souffrance, l'urgence vitale d'une morale ?

VOILÀ POUR LE CORPS ; VOICI POUR LA CONNAISSANCE

- Leurs ancêtres fondaient leur culture sur un horizon temporel de quelques milliers d'années, ornées par l'Antiquité gréco-latine, la Bible juive, quelques tablettes cunéiformes, une préhistoire courte.

Milliardaire désormais, leur horizon temporel remonte à la barrière de Planck, passe par l'accrétion de la planète, l'évolution des espèces, une paléo-anthropologie millionnaire.

N'habitant plus le même temps, ils vivent une toute autre histoire.

- Ils sont formatés par les médias, diffusés par des adultes qui ont méticuleusement détruit leur faculté d'attention en réduisant la durée des images à sept secondes

et le temps des réponses aux questions à quinze secondes, chiffres officiels ;

dont le mot le plus répété est "mort" et l'image la plus représentée celle de cadavres.

Dès l'âge de douze ans, ces adultes-là les forcèrent à voir plus de vingt mille meurtres.

- Ils sont formatés par la publicité ; comment peut-on leur apprendre que le mot relais, en français s'écrit "- ais", alors qu'il est affiché dans toutes les gares "- ay" ?

Comment peut-on leur apprendre le système métrique, quand, le plus bêtement du monde, la SNCF leur fourgue des "s'miles" ?

Nous, adultes, avons doublé notre société du spectacle d'une société pédagogique dont la concurrence écrasante, vaniteusement inculte, éclipse l'école et l'université.

Pour le temps d'écoute et de vision, la séduction et l'importance, les médias se sont saisis depuis longtemps de la fonction d'enseignement.

Critiqués, méprisés, vilipendés, puisque pauvres et discrets, même s'ils détiennent le record mondial des prix Nobel récents et des médailles Fields par rapport au nombre de la population, nos enseignants sont devenus les moins entendus de ces instituteurs dominants, riches et bruyants.

Ces enfants habitent donc le virtuel.

Les sciences cognitives montrent que l'usage de la toile, lecture ou écriture au pouce des messages, consultation de Wikipedia ou de Facebook, n'excitent pas les mêmes neurones ni les mêmes zones corticales que l'usage du livre, de l'ardoise ou du cahier.

Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois.

Ils ne connaissent ni n'intègrent ni ne synthétisent comme nous, leurs ascendants.

Ils n'ont plus la même tête.

- Par téléphone cellulaire, ils accèdent à toutes personnes ; par GPS, en tous lieux ;

par la toile, à tout le savoir ;

ils hantent donc un espace topologique de voisinages, alors que nous habitions un espace métrique, référé par des distances.

Ils n'habitent plus le même espace.

Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né, pendant un intervalle bref, celui qui nous sépare des années soixante-dix.

Il ou elle n'a plus le même corps, la même espérance de vie, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde, ne vit plus dans la même nature, n'habite plus le même espace.

Né sous péridurale et de naissance programmée, ne redoute plus, sous soins palliatifs, la même mort.

N'ayant plus la même tête que celle de ses parents, il ou elle connaît autrement.

- Il ou elle écrit autrement.

Pour l'observer, avec admiration, envoyer, plus rapidement que je ne saurai jamais le faire de mes doigts gourds, envoyer, dis-je, des SMS avec les deux pouces, je les ai baptisés, avec la plus grande tendresse que puisse exprimer un grand-père, Petite Poucette et Petit Poucet. Voilà leur nom, plus joli que le vieux mot, pseudo-savant, de dactylo.

- Ils ne parlent plus la même langue.

Depuis Richelieu, l'Académie française publie, à peu près tous les vingt ans, pour référence, le dictionnaire de la nôtre.

Aux siècles précédents, la différence entre deux publications s'établissait autour de quatre à cinq mille mots, chiffres à peu près constants ; entre la précédente et la prochaine, elle sera d'environ trente mille.

A ce rythme, on peut deviner qu'assez vite, nos successeurs pourraient se trouver, demain, aussi séparés de notre langue que nous le sommes, aujourd'hui, de l'ancien français pratiqué par Chrétien de Troyes ou Joinville.

Ce gradient donne une indication quasi photographique des changements que je décris. Cette immense différence, qui touche toutes les langues, tient, en partie, à la rupture entre les métiers des années récentes et ceux d'aujourd'hui.

Petite Poucette et son ami ne s'évertueront plus aux mêmes travaux. La langue a changé, le labeur a muté.

L'INDIVIDU

Mieux encore, les voilà devenus tous deux des individus.

Inventé par saint Paul, au début de notre ère, l'individu vient de naître ces jours-ci.

De jadis jusqu'à naguère, nous vivions d'appartenances : français, catholiques, juifs, protestants, athées, gascons ou picards, femmes ou mâles, indigents ou fortunés...

nous appartenions à des régions, des religions, des cultures, rurales ou urbaines, des équipes, des communes, un sexe, un patois, la Patrie.

Par voyages, images, Toile et guerres abominables, ces collectifs ont à peu près tous explosé.

Ceux qui restent s'effilochent.

L'individu ne sait plus vivre en couple, il divorce ; ne sait plus se tenir en classe, il bouge et bavarde ; ne prie plus en paroisse ; l'été dernier, nos footballeurs n'ont pas su faire équipe ;

nos politiques savent-ils encore construire un parti plausible ou un gouvernement stable ?

On dit partout mortes les idéologies ; ce sont les appartenances qu'elles recrutaient qui s'évanouissent.

Ce nouveau-né individu, voilà plutôt une bonne nouvelle.

A balancer les inconvénients de ce que l'on appelle égoïsme par rapport aux crimes commis par et pour la libido d'appartenance – des centaines de millions de morts –, j'aime d'amour ces jeunes gens.

Cela dit, reste à inventer de nouveaux liens.

En témoigne le recrutement de Facebook, quasi équipotent à la population du monde.

Comme un atome sans valence, Petite Poucette est toute nue.

Nous, adultes, n'avons inventé aucun lien social nouveau. L'entreprise généralisée du soupçon et de la critique contribua plutôt à les détruire.

Rarissimes dans l'histoire, ces transformations, que j'appelle hominescentes, créent, au milieu de notre temps et de nos groupes, une crevasse si large et si évidente que peu de regards l'ont mesurée à sa taille, comparable à celles visibles au néolithique, à l'aurore de la science grecque, au début de l'ère chrétienne, à la fin du Moyen Age et à la Renaissance.

Sur la lèvre aval de cette faille, voici des jeunes gens auxquels nous prétendons dispenser de l'enseignement, au sein de cadres datant d'un âge qu'ils ne reconnaissent plus : bâtiments, cours de récréation, salles de classes, amphithéâtres, campus, bibliothèques, laboratoires, savoirs même... cadres datant, dis-je, d'un âge et adaptés à une ère où les hommes et le monde étaient ce qu'ils ne sont plus.

Trois questions, par exemple : que transmettre ? A qui le transmettre ? Comment le transmettre?

QUE TRANSMETTRE ? LE SAVOIR !

Jadis et naguère, le savoir avait pour support le corps du savant, aède ou griot. Une bibliothèque vivante... voilà le corps enseignant du pédagogue.

Peu à peu, le savoir s'objectiva : d'abord dans des rouleaux, sur des velins ou parchemins, support d'écriture ; puis, dès la Renaissance, dans les livres de papier, supports d'imprimerie ;

enfin, aujourd'hui, sur la toile, support de messages et d'information.

L'évolution historique du couple support-message est une bonne variable de la fonction d'enseignement. Du coup, la pédagogie changea au moins trois fois : avec l'écriture, les Grecs inventèrent la Paideia ; à la suite de l'imprimerie, les traités de pédagogie pullulèrent. Aujourd'hui ?

Je répète. Que transmettre ? Le savoir ?

Le voilà, partout sur la Toile, disponible, objectivé.

Le transmettre à tous ? Désormais, tout le savoir est accessible à tous.

Comment le transmettre ? Voilà, c'est fait.

Avec l'accès aux personnes, par le téléphone cellulaire, avec l'accès en tous lieux, par le GPS, l'accès au savoir est désormais ouvert.

D'une certaine manière, il est toujours et partout déjà transmis.

Objectivé, certes, mais, de plus, distribué. Non concentré.

Nous vivions dans un espace métrique, dis-je, référé à des centres, à des concentrations. Une école, une classe, un campus, un amphi, voilà des concentrations de personnes, étudiants et professeurs, de livres en bibliothèques, d'instruments dans les laboratoires... ce savoir, ces références, ces textes, ces dictionnaires... les voilà distribués partout et, en particulier, chez vous – même les observatoires !

mieux, en tous les lieux où vous vous déplacez ;

de là étant, vous pouvez toucher vos collègues, vos élèves, où qu'ils passent ; ils vous répondent aisément.

L'ancien espace des concentrations – celui-là même où je parle et où vous m'écoutez, que faisons-nous ici ? – se dilue, se répand ; nous vivons, je viens de le dire, dans un espace de voisinages immédiats, mais, de plus, distributif.

Je pourrais vous parler de chez moi ou d'ailleurs, et vous m'entendriez ailleurs ou chez vous, que faisons-nous donc ici ?

Ne dites surtout pas que l'élève manque des fonctions cognitives qui permettent d'assimiler le savoir ainsi distribué, puisque, justement, ces fonctions se transforment avec le support et par lui.

Par l'écriture et l'imprimerie, la mémoire, par exemple, muta au point que Montaigne voulut une tête bien faite plutôt qu'une tête bien pleine.

Cette tête vient de muter encore une fois.

De même donc que la pédagogie fut inventée (paideia) par les Grecs, au moment de l'invention et de la propagation de l'écriture ;

de même qu'elle se transforma quand émergea l'imprimerie, à la Renaissance ;

de même, la pédagogie change totalement avec les nouvelles technologies.

Et, je le répète, elles ne sont qu'une variable quelconque parmi la dizaine ou la vingtaine que j'ai citée ou pourrais énumérer.

Ce changement si décisif de l'enseignement – changement répercuté sur l'espace entier de la société mondiale et l'ensemble de ses institutions désuètes,

changement qui ne touche pas, et de loin, l'enseignement seulement, mais aussi le travail, les entreprises, la santé, le droit et la politique, bref, l'ensemble de nos institutions – nous sentons en avoir un besoin urgent, mais nous en sommes encore loin.

Probablement, parce que ceux qui traînent, dans la transition entre les derniers états, n'ont pas encore pris leur retraite, alors qu'ils diligentent les réformes, selon des modèles depuis longtemps effacés.

Enseignant pendant un demi-siècle sous à peu près toutes les latitudes du monde, où cette crevasse s'ouvre aussi largement que dans mon propre pays, j'ai subi, j'ai souffert ces réformes-là comme des emplâtres sur des jambes de bois, des rapetassages ; or les emplâtres endommagent le tibia, même artificiel : les rapetassages déchirent encore plus le tissu qu'ils cherchent à consolider.

Oui, depuis quelques décennies je vois que nous vivons une période comparable à l'aurore de la Paideia, après que les Grecs apprirent à écrire et démontrer ;

semblable à la Renaissance qui vit naître l'impression et le règne du livre apparaître ;

période incomparable pourtant, puisqu'en même temps que ces techniques mutent, le corps se métamorphose, changent la naissance et la mort, la souffrance et la guérison, les métiers, l'espace, l'habitat, l'être-au-monde.

ENVOI

Face à ces mutations, sans doute convient-il d'inventer d'inimaginables nouveautés,

hors les cadres désuets qui formatent encore nos conduites, nos médias, nos projets adaptés à la société du spectacle.

Je vois nos institutions luire d'un éclat semblable à celui des constellations dont les astronomes nous apprirent qu'elles étaient mortes depuis longtemps déjà.

Pourquoi ces nouveautés ne sont-elles point advenues ?

Je crains d'en accuser les philosophes, dont je suis, gens qui ont pour métier d'anticiper le savoir et les pratiques à venir, et qui ont, ce me semble, failli à leur tâche.

Engagés dans la politique au jour le jour, ils n'entendirent pas venir le contemporain.

Si j'avais eu à croquer le portrait des adultes, dont je suis, ce profil eût été moins flatteur.

Je voudrais avoir dix-huit ans, l'âge de Petite Poucette et de Petit Poucet, puisque tout est à refaire, puisque tout reste à inventer.

Je souhaite que la vie me laisse assez de temps pour y travailler encore, en compagnie de ces Petits, auxquels j'ai voué ma vie, parce que je les ai toujours respectueusement aimés.
*
Image. Le blog d' Eva, R-sistons à l'intolérable


http://r-sistons.over-blog.com/