DOUTEUR EST L'AMI DE MONSIEUR MARCEL DUCHAMP

DOUTEUR EST L'AMI DE MONSIEUR HENRY DICKSON ET DE MONSIEUR MARCEL DUCHAMP ET L'AMI DE DAME MUSE ET DES MUTANTS GÉLATINEUX LGBTQ OGM ET DE MADEMOISELLE TAYTWEET DE MICROSOFT - SECONDE TENTATIVE OFFICIELLE D'Ai - INTELLIGENCE ARTIFICIELLE - ET DE MONSIEUR ADOLF HITLER, CÉLÈBRE ARTISTE CONCEPTUEL AUTRICHIEN ALLEMAND CITOYEN DU MONDE CÉLÈBRE MONDIALEMENT CONNU - IL EST DANS LE DICTIONNAIRE - SON OEUVRE A ÉTÉ QUELQUE PEU CRITIQUÉE MAIS ON NE PEUT PLAIRE À TOUT LE MONDE ET PERSONNE N'EST PARFAIT ! VOILÀ!

DOUTEUR EST L'AMI DU PROFESSEUR BULLE QUI EST L'AMI DE DOUTEUR

DOUTEUR EST L'AMI DU PROFESSEUR BULLE QUI EST L'AMI DE DOUTEUR
DOUTEUR - DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DU DOUTE EST AMI DU PROFESSEUR BULLE - DE L'INTERNATIONALE SITUATIONISTE CONSPIRATIONNISTE - DES THÉORICIENS DU COMPLOT ET DES CONSPIRATIONS ET DES COMPLOTISTES ET CONSIRATIONISTES - AMI DES THÉORICIENS DU NON COMPLOT ET DES THÉORICIENS DE L'EXPLICATION ET DE L'UNION DES JOVIALISTES ET INTELLECTUELS ORGANIQUES - AUTISTE ASPERGER GEEK RELATIVISTE CULTUREL PYRRHONIEN NÉGATIONNISTE RÉVISIONNISTE SCEPTIQUE IRONIQUE SARCASTIQUE - DÉCONSTRUCTEUR DERRIDADIEN - AMI DES COLLECTIONNEURS DE BOMBES ATOMIQUES - AMI DES PARTICULES ÉLÉMENTAIRES ET FONDAMENTALES ET AMI DE L'ATOME CAR LA FUSION OU LA FISSION NUCLÉAIRE SONT VOS AMIS

UN JOUR LES MUTANTS GOUVERNERONT LE MONDE - CE NE SERA PROBABLEMENT PAS PIRE QU'EN CE MOMENT

UN JOUR LES MUTANTS GOUVERNERONT LE MONDE - CE NE SERA PROBABLEMENT PAS PIRE QU'EN CE MOMENT
LES MUTANTS EXTERMINERONT OU NON LES HUMAINS - ET NOUS TRAITERONS PROBABLEMENT AUSSI BIEN QU'ON SE TRAITE NOUS-MÊMES ENTRE NOUS - ET PROBABLEMENT AUSSI BIEN QUE L'ON TRAITE LA NATURE ET TOUT CE QUI VIT

jeudi 4 avril 2013

6142. UN GRAND AUTEUR S'EN VA. TRISTESSE.


FRED

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fred_(auteur)

Fred. Auteur de BD français.

De son vrai nom Frédéric Othon Théodore Aristidès.

Né le 5 mars 1931 à Paris. Mort le mardi 2 avril 2013 à Paris à l'âge de 82 ans des suites de complications médicales.

(….)

Il aime à raconter qu'en 1917, alors que sa grand-mère fuyait la guerre en Grèce avec ses enfants, elle s'arrêta à plusieurs reprises pour boire des coups avec ses amis, et de ce fait manqua son train qui explosa sur une mine, ne laissant aucun survivant :

« C'est ainsi que ma grand-mère et ses dix enfants - parmi lesquels une petite fille de dix ans qui allait devenir une femme puis ma mère - ont été sauvés par le hasard et la musique, le sens de la fête et de l'amitié. Sinon je ne serais plus là » (…)

HARA-KIRI

Il fait alors la connaissance de François Cavanna (rencontré à Ici-Paris), Roland Topor, Wolinski, Reiser, Cabu, Gébé et du professeur Choron (…) avec qui il fonde en 1960 Hara-Kiri, le journal bête et méchant (…)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Cavanna

http://fr.wikipedia.org/wiki/Roland_Topor

http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Wolinski

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Marc_Reiser

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cabu

Gébé. http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9b%C3%A9

http://fr.wikipedia.org/wiki/Professeur_Choron

http://fr.wikipedia.org/wiki/Charlie_Hebdo

http://fr.wikipedia.org/wiki/Charlie_Mensuel

http://fr.wikipedia.org/wiki/Hara-Kiri_(journal)

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pilote_(p%C3%A9riodique)

http://www.bdoubliees.com/journalpilote/

(…)

Fred en gardera aussi un esprit assez mordant, souvent noir, mais également une critique de l'esprit bourgeois étriqué (symbolisé par l'homme au cigare : attiré par l'argent, à l'opposé de l'artiste, en faveur de l'autorité et n'aimant pas la différence) (…)

PILOTE

En 1966, Hara-Kiri cesse de publier [cause de censure Gaulliste et Pompidolienne. Et pas qu’une fois. ]. Fred va d'abord proposer quinze planches à Spirou, qui les refuse.

Il tente alors sa chance au journal Pilote où René Goscinny accepte de le publier.

C'est dans le numéro 300 que paraît (…) Le Mystère de la Clairière aux Trois Hiboux, qui met pour la première fois le personnage de Philémon en scène.

Les lecteurs du journal écrivent alors pour dire que leur petite sœur dessine mieux et qu'ils ne comprennent rien à l'histoire.

(…)

Il a ensuite l'idée d'envoyer Philémon sur les lettres de l'Océan Atlantique.

Il y a deux hypothèses quant à la façon dont il eut cet éclair de génie, la première veut que Fred ait eu cette idée alors qu'il prenait son bain, s'interrogeant sur l'endroit où l'on va quand on est aspiré par le tourbillon de la baignoire qui se vide.

L'autre veut que c'est en vacances qu'il ait eu cette idée : alors que son fils de dix ans Éric lui réclamait une histoire, il se met à l'imaginer en se servant des objets qui l'entourent, notamment une bouteille (qui sert pour le SOS), une maquette de bateau et un abat-jour (qui devient une Lampe naufrageuse).

Goscinny accepte que Fred dessine cette histoire, quinze Philémon seront alors publiés jusqu'en 1987.

C'est la série-phare de l'auteur qui compose la plus grande partie de son œuvre.

(…)

DÉPRESSION ET RETOUR

Après avoir cessé la bande dessinée, il fait une grave dépression qui le conduit à l'hôpital psychiatrique.

Pour guérir, il doit mettre un terme à sa retraite et reprendre son activité.

Inspiré par son séjour à l'asile et par les nombreux psychiatres qu'il a rencontrés, il publie en 1993 L'Histoire du Corback aux Baskets, qui obtient l'Alph'Art du meilleur album à Angoulême en 1994.

(…)

*

Bibliographie et belles images

http://www.lambiek.net/artists/f/fred.htm

*

Philémon

http://www.batbad.com/home.html

*

FRED S’EST ENCORE ÉVADÉ

FRED, LE PÈRE DE PHILÉMON, EST MORT

03.04.2013

Le Monde.fr

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2013/04/03/fred-le-pere-de-philemon-est-mort_3152756_3382.html

"Le fond de l'air est frais"

aimait faire dire Fred à ses personnages pour combler ces grands moments de vacuité auxquels ils étaient parfois confrontés. Le fond de l'air est surtout triste ce matin.

(…)

(…) un des plus grands créateurs de l'histoire du 9e art, alors même que vient de sortir son ultime album, Le Train où Vont les Choses... (Dargaud), tout dernier épisode des aventures de Philémon, l'adolescent à pull rayé qui fit sa renommée.

http://www.dargaud.com/philemon/album-5703/train-ou-vont-les-choses/

Fred était également l'auteur du Petit Cirque, chef d'œuvre d'humour féroce et pataphysique publié en 1973 :

http://fr.wikipedia.org/wiki/'Pataphysique

http://www.college-de-pataphysique.org/college/accueil.html

"Mon album préféré",

nous confiait-il il y a tout juste un mois dans la petite chambre d'une maison de retraite de Seine-Saint-Denis où il vivait depuis un an.

(…)

SÉRIE D'UNE POÉSIE INOUBLIABLE

Doté d'un coup de pinceau unique, mélange de charbon et de coups de serpe (…)

En 1965, il donne vie au personnage de Philémon, un adolescent aux pieds nus ouvert à toutes les rêveries.

(…)

Le public tardera à suivre, avant de porter aux nues, cette série d'une poésie inoubliable, dont le premier tome se déroule sur la lettre A de l'océan Atlantique.

Sous l'influence consciente (ou inconsciente) de Lewis Carroll et Winsor McCay (le père de Little Nemo), Fred s'amuse à bousculer les codes narratifs de la bande dessinée, détournant à son profit l'art du collage (de préférence des gravures anciennes) et celui du cadrage.

UN GÉNIE EST NÉ.

Il entreprend dans le même temps une carrière de scénariste, ce qui ne l'enchante qu'à moitié, mais lui donne l'occasion de travailler avec des dessinateurs comme Jean-Claude Mézières, Georges Pichard, Mic Delinx ou encore Alexis, avec qui il crée la série "Time is Money", une désopilante et décalée adaptation du thème de la machine à remonter le temps.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_M%C3%A9zi%C3%A8res

http://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Pichard

http://fr.wikipedia.org/wiki/Mic_Delinx

http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexis_(auteur_BD)

(…)

Suivront dix années d'expérimentations diverses : autoédition (Magic Palace Hôtel, Parade), portfolio (Manège), imagerie d'Epinal (La Magique Lanterne magique), illustration littéraire (Le Journal de Jules Renard, parue initialement dans Le Matin de Paris)...

Mais Fred a des vagues à l'âme, souffre des affres de la création et n'échappe pas à quelques excès qui vont abîmer sa santé.

En 1993, L'Histoire du Corbak aux Baskets inaugure le début d'une autre série, où l'auteur aborde par métaphore sa tendance à la dépression.

Suivront L'Histoire du Conteur Électrique, puis L'Histoire de la Dernière Image, sur le thème de la mort.

DON POUR L'IMPROVISATION

(…)

Un projet ne cessera cependant de le hanter : terminer la dernière histoire de Philémon, commencée il y a vingt-cinq ans, puis reprise mille fois avant qu'une opération du cœur ne lui fasse comprendre qu'il n'avait plus assez de dextérité pour y parvenir.

"Je me suis rendu compte en sortant de l'hôpital que je ne pourrai plus jamais dessiner, nous disait-il ce jour-là, à la veille de son 82e anniversaire. Le dessin n'est pas qu'une affaire de représentation graphique sur du papier, c'est aussi une question de mémoire. Je dessinais depuis l'âge de 4 ou 5 ans. Et jamais je ne pensais que cela pourrait s'arrêter un jour."

A la faveur d'une pirouette dont il a le secret, Fred a finalement pu compléter l'album de la dizaine de pages qui lui manquait, faisant ainsi honneur à ce don pour l'improvisation qui a toujours caractérisé son œuvre.

(…)

*

MORT DU DESSINATEUR FRED

03.04.2013

Le Monde.fr

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2013/04/03/reactions-a-la-mort-de-fred_3153155_3382.html

JOANN SFAR : "SON ŒUVRE ÉTAIT RÉSOLUMENT POÉTIQUE"

http://fr.wikipedia.org/wiki/Joann_Sfar

Je peux dire que je suis entré en bande dessinée grâce à Fred après la lecture de Cythère dans Pif, puis celle de Philémon bien sûr.

J'ai eu la chance de le rencontrer à l'âge de 15-16 ans. Il m'a beaucoup aidé à partir de ce moment-là. Fred a ouvert en grand les portes d'une bande dessinée poétique, bizarre et en même temps accessible à tous.

J'ai bien conscience qu'on a tendance à employer le mot "poésie" à tort et à travers. Mais le concernant, son œuvre était résolument poétique, comme nulle autre.

Quand Philémon traversait une case pour aller dans la suivante, ce n'était pas seulement "inventif" du point de vue du médium, cela servait un récit, un propos. Fred "tapait" dans des rêves et des cauchemars très puissants.

Le Manu-Manu peut avoir l'air drôle comme ça, mais il peut faire peur quand on le croise la nuit au coin d'une rue.

Je me souviens que Fred avait eu le projet de traverser l'Atlantique sur une planche à dessin. Une idée pareille ne peut que vous donner envie de faire le même métier que lui.

J'aimais aussi beaucoup cette capacité qu'il avait de se jeter d'une case à l'autre sans savoir où il retomberait, à la manière d'un trapéziste qui ignore si son partenaire sera là pour s'accrocher à lui.

Fred disait souvent qu'il ne faut pas écrire des histoires pour le lecteur, mais pour soi.

Se surprendre soi-même est beaucoup plus dur que de surprendre un lecteur.

Fred venait aussi de Hara-Kiri.

Il a fédéré autour de lui une partie du dessin de l'après-guerre, incarné par des auteurs comme Bosc ou Chaval.

[Remarquables esprits]

http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Bosc

http://www.j-m-bosc.com/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Chaval

Il a en même temps participé au renouveau de la bande dessinée. Il est l'un des rares auteurs de la génération Pilote à avoir été adoubé par des gens de ma génération.

Je le tiens pour un auteur fantastique, au même titre que Lewis Carroll. L'humour en plus.

Il aimait dire que ses ancêtres, d'origine grecque, avaient inventé la philosophie quand les nôtres étaient encore dans les arbres.

FLORENCE CESTAC : "SES CRÉATIONS NE RESSEMBLAIENT À RIEN D'AUTRE"

http://fr.wikipedia.org/wiki/Florence_Cestac

Son dessin, même si certains le trouvaient maladroit, avait un charme fou.

Associé à sa manière d'écrire et à son lettrage, il faisait un ensemble qui ne ressemblait à rien d'autre, sinon à de la création pure. C'était du Fred.

J'ai toujours été impressionnée par sa capacité à faire les choses sans se poser la moindre question et sans se soucier des modes.

Sa manière de tourner les phrases était unique, également. Il pouvait réaliser un album entier à partir de quelques mots... Un grand monsieur, assurément.

ENKI BILAL : "UN TENANT DE LA LIBERTÉ"

http://fr.wikipedia.org/wiki/Enki_Bilal

Il a été un de mes modèles. Fred était imperméable aux modes et aux pressions, et totalement indépendant.

Jamais il n'a été obsédé par la nécessité d'avoir un scénario, se laissant porter complètement par son imagination.

J'ai souvent pensé à lui à une époque où je cherchais une espèce de "confort" dans la création et où je ne voulais pas me répéter.

Je pensais à lui comme je pensais à Godard et à sa façon de construire des films d'une manière qui paraissait absurde à certains.

Il y avait chez Fred cette capacité à imposer ses lois narratives, qui plus est de manière ludique, comme le grand enfant qu'il est resté jusqu'au bout. Un poète s'en va, un tenant de la liberté.

MARC-ANTOINE MATHIEU : "C'ÉTAIT UN JOUEUR"

http://fr.wikipedia.org/wiki/Marc-Antoine_Mathieu

http://cicla.pagesperso-orange.fr/div/marc-antoine_mathieu.html

Fred était de mes papas en bande dessinée, avec Winsor McCay et Hergé.

J'ai eu l'énorme chance de le découvrir à la préadolescence, qui est une époque où l'on a besoin de quelqu'un qui vous dise que vos désirs peuvent devenir réalité.

Fred m'a appris le jeu du médium, à poser mon regard ailleurs, à me décaler par rapport à un sujet. Le propre d'un poète...

A travers ses histoires, le monde devenait vraiment autre.

Ceci est sans doute au fait qu'il n'a pas fait que de la bande dessinée, mais aussi de la radio, de la télévision, de la chanson...

C'était un joueur et, comme tous les joueurs, il avait peur de s'ennuyer

–  peur de vivre aussi probablement.

*

PHILÉMON, DERNIÈRES PLANCHES

Par Frédéric Potet

LE MONDE DES LIVRES

03.04.2013

http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/04/03/philemon-dernieres-planches_1847588_3260.html

(...)

Cela fait environ vingt-cinq ans que l'histoire galopait dans son esprit fécond, l'un des plus fertiles du petit monde de la bande dessinée.

Jamais Fred n'avait pu la terminer. Le récit semblait condamné à rester échoué pour toujours, à l'image de son personnage principal : une locomotive à pattes, appelée la "lokoapattes", fonctionnant à la "vapeur d'imagination" et embourbée dans des marais brumeux.

Ce n'est pas que Fred en manquait, d'imagination. Loin de là.

Des vagues à l'âme récurrents l'avaient simplement dirigé vers d'autres projets (comme L'Histoire du Corbac aux Baskets, Dargaud, 1993).

Des problèmes de santé à répétition l'avaient ensuite contraint à poser la plume.

Vingt-huit pages et une fin inachevée : voilà où en était Le train où vont les choses..., ultime album de Philémon, lorsqu'une opération du coeur, il y a une dizaine d'années, fit comprendre à Fred qu'il ne pourrait pas la terminer, par manque de dextérité - entre autres.

"Je me suis rendu compte en sortant de l'hôpital que je ne pourrai plus jamais dessiner, raconte-t-il ce jour-là, à la veille de son 82e anniversaire.

Le dessin n'est pas qu'une affaire de représentation graphique sur du papier, c'est aussi une question de mémoire.

Je dessinais depuis l'âge de 4 ou 5 ans. Et jamais je ne pensais que cela pourrait s'arrêter un jour."

De son vrai nom Fred Othon Aristidès, le père de Philémon vit depuis un an dans une maison de retraite au nord de Paris. Il y occupe une petite chambre au premier étage dans un coin de laquelle une table à dessin a été installée.

Main tremblante et canne à proximité, Fred s'y est très peu attelé, sauf pour réaliser une demi-page de "transition" débouchant sur la fin du récit.

On ne dira pas, ici, quelle "astuce" a été trouvée pour compléter l'album de la dizaine de pages qui manquait pour le rendre suffisamment consistant. Précisons juste que la pirouette en question ravira les anciens lecteurs de Philémon et qu'elle donnera peut-être envie aux plus jeunes de se plonger dans ce sommet de poésie et d'expérimentation graphique commencé en 1965 dans les pages du magazine Pilote.

TRAPÉZISTE SANS FILET

Ce qui a décidé Fred à terminer ce 16e (et donc dernier) album du héros au pull marin est d'avoir vu, il y a un an, une simulation – faite par Dargaud – de ce que pourrait être sa couverture.

"Cela m'a redonné du tonus"

se souvient-il.

L'éditeur François Le Bescond avait alors pris la peine d'enregistrer au magnétophone la fin de l'histoire, telle qu'elle sommeillait dans la tête de Fred, du moins dans ses grandes lignes...

Pareil à un trapéziste sans filet, l'auteur parisien a en effet passé sa vie à commencer des récits sans en connaître la chute.

Voilà en tout cas ce que promettait la "fin idéale" du Train où vont les choses : engluée dans un tunnel imaginaire, la lokoapattes y rencontrait le manu-manu (l'inoubliable main géante, récurrente depuis son invention en 1975) dont elle tombait amoureuse avant de repartir bras dessus, bras dessous avec lui, "ou plutôt bras dessus, ongle dessous", se marre Fred.

Que faire, partant de là ?

L'idée fut avancée de confier la fin du récit à un dessinateur "ami", comme René Pétillon ou Florence Cestac.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_P%C3%A9tillon

Voire à un dessinateur plus jeune pouvant se revendiquer de son œuvre, comme Joann Sfar ou Manu Larcenet.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Manu_Larcenet

http://www.manularcenet.com/blog/

http://larcenet.mania.free.fr/

Fred a refusé. Comme Hergé avec Tintin, l'auteur entend mourir avec son personnage.

"Je trouve Philémon très bien comme il est. Je ne veux pas le voir faire des trucs à la con, comme se taper une nana", dit-il.

Fred a alors mis en action les ressorts de son imagination pour inventer une fin qui le dispenserait de dessiner les ultimes planches. Une fin qui "boucle la boucle", également.

Mais qui n'en est pas vraiment une non plus.

Le mot "fin" n'apparaît d'ailleurs pas au bas de l'ultime dessin – une double page représentant une vague immense au milieu de laquelle se débat Philémon. Celui-ci s'en sortira-t-il ? Ou pas ?

"Chaque lecteur imaginera ce qu'il voudra, s'en réjouit Fred sous ses célèbres moustaches grises. Cela reste en suspens et c'est très bien comme ça.

En fait, c'est moi qui étouffe à sa place, car lui, restera toujours vivant.

Mais c'est aussi ça, le privilège des auteurs : nos personnages nous survivent."

Chef-d'œuvre intemporel du 9e art, la série ne devrait toutefois pas en rester là.

Après avoir dit non à d'innombrables réalisateurs et maisons de production cinématographiques tout au long de sa carrière, Fred a donné un accord de principe au producteur canadien Roger Frappier (Le Déclin de l'empire américain, Jésus de Montréal...) d'adapter Philémon sur grand écran.

http://m.cineplex.com/m/Nouvelles/Roger-Frappier-de-Max-Films-et-son-equipe-portent-au-grand-cran-les-aventures-de-Philemon.aspx?menuPage=1

Un pilote de quelques minutes réalisé avec la technique de la motion-capture l'a presque convaincu de céder les droits :

"J'attends de recevoir le scénario pour dire oui définitivement."

S'il se fait, le film ne sera pas en salles avant deux ou trois ans.

"Je le regarderai peut-être des nuages, trouve encore le moyen de s'amuser Fred. Je serai alors assis au premier rang avec, je n'ose pas dire 'Dieu' à côté de moi."

Dieu ou pas, on imagine déjà le dialogue avec son voisin de projection :

"Le fond de l'air est frais, non ?

- Oui. Il n'y a plus de saisons."

*

Le vieil homme nourrissait alors un autre espoir : voir sur grand écran l'adaptation cinématographique de Philémon par le réalisateur et producteur canadien Roger Frappier, à qui il s'apprêtait à accorder les droits d'exploitation, après avoir farouchement refusé tous les projets en ce sens pendant des décennies.

Conscient que ses problèmes de santé récurrents l'empêcheraient de voir ce film avant sa réalisation, Fred trouvait le moyen de s'en amuser :

"Je le regarderai peut-être des nuages. Je serai alors assis au premier rang, avec je n'ose pas dire 'Dieu' à côté de moi."

Fred est mort. Il n'y a plus de saisons.

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2013/04/03/fred-le-pere-de-philemon-est-mort_3152756_3382.html

*

FRED LAISSE PHILÉMON ORPHELIN

Olivier Delcroix

03/04/2013

http://www.lefigaro.fr/culture/2013/04/03/03004-20130403ARTFIG00539-fred-laisse-philemon-orphelin.php

À 82 ans, le maître du 9e art a embarqué dans sa «lokoapattes» pour un dernier voyage.

Il venait de publier le dernier tome des aventures de son héros fétiche, qu'il avait plongé dans un monde où la poésie bousculait la logique.

Fred, sa grosse moustache, son éternel chat dans la gorge («Hum!») et sa dégaine de poète ronchon à la tendresse infinie: tout cela s'est envolé le soir du 2 avril 2013.

Décidément, le fond de l'air est frais.

(…) entretien au Figaro, en 1992:

«Je ne veux pas mettre le mot “fin” sur mes histoires. Je veux pouvoir reprendre le fil si je le souhaite.»

À 82 ans, ballotté entre deux hôpitaux, le cœur plus que jamais défaillant, il l'aura inscrit sans le vouloir avec son ultime album, Le Train où vont les choses, seizième et dernier tome des aventures de Philémon paru en février chez Dargaud.

L'ouvrage revenait sur l'origine de son héros fétiche à la marinière rayée blanc et bleu, que Fred considérait d'ailleurs comme «un personnage un peu insignifiant.

C'est comme un index qui permet au lecteur de s'identifier à l'histoire…

Comme si on lisait en suivant avec le doigt.

Philémon entraîne le lecteur dans son sillage».

Le Train où vont les choses apparaît comme le testament d'une des figures majeures de la bande dessinée moderne.

«Fred semble avoir bouclé la boucle, estime Patrick Gaumer, auteur du Dictionnaire mondial de la BD (Larousse). Il nous adresse, avec cette aventure pleine de mélancolie et de fumée nostalgique, un dernier clin d'œil amical.»

Sur la couverture de cet ultime album, l'auteur du Corbac aux Baskets a dessiné une créature dont il a le secret, qui évoque lointainement le manu-manu: une locomotive à pattes, fumante, à bout de souffle. Il nous apprend qu'«elle carbure à la vapeur d'imagination» et qu'elle s'est embourbée dans un marais durant vingt-six ans.

(…)

LE FAMEUX NAUFRAGÉ DU A

Élevé par une mère qui l'endormait le soir en lui contant les récits de la mythologie grecque, de Robert Louis Stevenson, Kafka, Lewis Caroll ou Edgar Allan Poe, point n'est besoin de lunettes spéciales pour comprendre que la «lokoapattes» est l'ultime autoportrait d'un artiste en perpétuelle ébullition.

«Tous les amoureux de Fred ont eu la gorge serrée à la lecture de cette dernière aventure, note Benoît Mouchart, ancien directeur artistique du Festival de BD d'Angoulême.

C'est tout un symbole. Avec cette drôle de machine, Fred a entamé son dernier voyage…»

Les voyages, Fred adorait ça. Son œuvre en est gorgée.

C'est lui qui, en 1965, ruminant au fond de sa baignoire, avait fini par imaginer le début des aventures de Philémon.

«Je cherchais le moyen d'expédier Philémon, personnage typiquement rural, sur une île, sans valises si possible et surtout pas par le train, a-t-il raconté. Et voilà que j'ai la révélation dans mon bain. Eurêka! Tel le principe d'Archimède qui veut que tout corps plongé dans un fluide, etc. L'idée arrive, dégoulinante mais très jolie: où va-t-on quand on se laisse aspirer par le petit tourbillon de la baignoire qui se vide? J'avais enfin le début de mon histoire…»

Fred imagine donc que son jeune héros à la marinière trop courte pour lui se laisse tomber dans un puits et ressurgit dans un monde merveilleux à la Lewis Caroll. Deux soleils s'y lèvent sur une foule d'absurdités et de coutumes improbables réjouissantes.

Il dessine des îles en forme de lettres qui surnagent comme sur toutes les bonnes mappemondes: ces lettres sont bien sûr celles de l'Atlantique. Sur l'une d'entre elles, Philémon et son âne Anatole découvrent le fameux naufragé du A

«CE GÉANT DU NEUVIÈME ART IMPROVISAIT SES HISTOIRES COMME UN MUSICIEN DE JAZZ»

Le reste appartient à la légende et à l'imagination débordante d'un des géants du 9e art qui improvisait ses histoires comme un musicien de jazz.

En seize albums, il met en place sa propre logique de l'absurde, faite de dérapages poétiques et d'accidents graphiques d'une audace surréaliste empreinte de mélancolie.

Il est l'un des premiers à jouer avec les codes de la bande dessinée, à les détourner, à s'en servir d'une manière inattendue: son chef-d'œuvre, Le Petit Cirque en est un exemple parfait, qui mêle la pataphysique, le merveilleux, avec l'errance tristement décalée d'une famille de saltimbanques en roulotte.

Car il y a toujours eu chez Fred un côté clown triste.

Son ami Gotlib, qui l'avait souvent croqué dans les pages du journal Pilote, n'aura jamais manqué de le dessiner ainsi, sourire rare mais verbe haut.

Cofondateur du journal Hara-Kiri, influencé par le trait de Chaval, auteur de chansons pour Jacques Dutronc, Fred a été abondamment récompensé pour ses BD, notamment par le grand prix d'Angoulême en 1980. Une superbe rétrospective lui avait été consacrée en 2012 dans ce même festival.

FRED DANS L'ÉMISSION CONSACRÉE À LA BANDE DESSINÉE DU TAC AU TAC,
LE 27 SEPTEMBRE 1971.

(voir video sur le site)

Il se sera toute sa vie défié des conventions et d'un certain conformisme.

Pourtant, Patrick Gaumer rappelle que le rêve de Fred était d'entrer au journal Spirou.

«Le rédacteur en chef de l'époque avait refusé, trouvant que Fred dessinait comme un cochon, raconte-t-il. Heureusement pour nous, dans le fond. Car Fred était à cheval entre le classicisme franco-belge et la nouvelle vague deHara-Kiri et Pilote.

C'était surtout un créateur d'univers qui était arrivé à tordre la réalité. Avec trois fois rien, il emmenait le lecteur ailleurs…»

Son œuvre aura toujours cherché à s'évader des canons de l'humour classique et de l'esprit français pour mieux s'épanouir dans un réjouissant nonsense à l'anglaise, où chaque expression est prise au pied de la lettre, chaque idée absurde développée d'une manière très cohérente.

Même si son trait charbonneux, tremblé, à la vibration exceptionnelle, reste inimitable, les héritiers de Fred sont nombreux, de Blutch à Sfar, en passant par F'murrr ou Marc-Antoine Mathieu.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Blutch

http://www.pastis.org/blutch/

http://fr.wikipedia.org/wiki/F%27murrr

*

Image. Fred


http://www.renaud-bray.com/ImagesEditeurs/PG/14/14594-gf.jpg