vendredi 11 décembre 2009
1715
Je laisse raconter à l'abbé de Bourbourg le martyre de ces deux missionnaires.
« Le père de Brébeuf, séparé de son compagnon, fut attaché sur une espèce d'échafaud, où les ennemis s'acharnèrent de telle sorte sur lui, qu'ils paraissaient hors d'eux-mêmes de rage et de désespoir, à la vue de son courage et de sa fermeté. Du milieu de son supplice, il encourageait les Hurons à souffrir pour l'amour de Dieu, et cherchait à faire craindre la colère céleste à ses bourreaux. Ne pouvant lui imposer silence, ils lui coupèrent la lèvre inférieure et le bout du nez, lui appliquèrent par tout le corps des torches allumées, lui brûlèrent les gencives, et enfin lui enfoncèrent un fer rouge dans le gosier. L'invincible missionnaire, se voyant ainsi privé de la parole, continuait à jeter un regard assuré sur ces barbares.
« Bientôt après on lui amena Lallemand, qui, plus jeune et plus délicat, avait été dépouillé de ses habits et enveloppé de la tête aux pieds d'écorces de sapin, auxquelles on se préparait à mettre le feu. Le jeune missionnaire frémit en voyant l'état affreux où l'on avait mis le père de Brébeuf; puis il dit de sa voix douce : « Nous avons été donnés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. » Brébeuf lui répondit par une douce inclination de tête, et le père Lallemand, se trouvant libre un moment, courut baiser ses plaies et le conjurer de prier pour lui. Les Iroquois reprirent aussitôt le jeune missionnaire et mirent le feu aux écorces dont il était couvert. Ces divers supplices ne parvenant pas encore à ébranler le courage des deux martyrs, un Huron apostat cria qu'il fallait leur jeter de l'eau bouillante sur la tête, en punition de ce qu'ils en avaient jeté tant de froide sur celle des autres, et causé par là tous les malheurs de sa nation. L'avis fut trouvé bon; on fit bouillir de l'eau, et on la répandit lentement sur a tète des deux confesseurs de Jésus-Christ. Cependant la fumée épaisse qui sortait des écorces dont le père Lallemand était revêtu lui remplissait la bouche, et il fut assez longtemps sans pouvoir articuler une seule parole. Mais le feu ayant brûlé ses liens, il leva les mains au ciel pour implorer le secours de celui qui est la force des faibles; on les lui fit baisser à grands coups de corde. On leur coupa à l'un et à l'autre de grands lambeaux de chair, qu'on dévora devant eux.
« Brébeuf fut scalpé vivant, et son supplice dura trois heures. Un Iroquois y mit fin en lui ouvrant le côté et en lui arrachant le cœur, qu'il dévora tout chaud. Les tortures du père Lallemand durèrent dix-sept heures ; on lui arracha un œil, à la place duquel on mit un charbon ardent. Plusieurs de ses bourreaux, qui se convertirent depuis, racontèrent que ses souffrances avaient surpassé toute imagination; elles lui faisaient jeter quelquefois des cris capables de percer les cœurs les plus durs, mais aussitôt après on le voyait s'élever au-dessus de la douleur, et offrir à Dieu ses tourments avec une ferveur admirable (1649). »
http://www.archive.org/stream/lecanadasouslado00duss/lecanadasouslado00duss_djvu.txt
Le Canada sous la domination française d'après les archives de la marine et de la guerre
par L. dussieux . professeur dhistoire à l'École Impériale Militaire de saint-Cyr
« Le père de Brébeuf, séparé de son compagnon, fut attaché sur une espèce d'échafaud, où les ennemis s'acharnèrent de telle sorte sur lui, qu'ils paraissaient hors d'eux-mêmes de rage et de désespoir, à la vue de son courage et de sa fermeté. Du milieu de son supplice, il encourageait les Hurons à souffrir pour l'amour de Dieu, et cherchait à faire craindre la colère céleste à ses bourreaux. Ne pouvant lui imposer silence, ils lui coupèrent la lèvre inférieure et le bout du nez, lui appliquèrent par tout le corps des torches allumées, lui brûlèrent les gencives, et enfin lui enfoncèrent un fer rouge dans le gosier. L'invincible missionnaire, se voyant ainsi privé de la parole, continuait à jeter un regard assuré sur ces barbares.
« Bientôt après on lui amena Lallemand, qui, plus jeune et plus délicat, avait été dépouillé de ses habits et enveloppé de la tête aux pieds d'écorces de sapin, auxquelles on se préparait à mettre le feu. Le jeune missionnaire frémit en voyant l'état affreux où l'on avait mis le père de Brébeuf; puis il dit de sa voix douce : « Nous avons été donnés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. » Brébeuf lui répondit par une douce inclination de tête, et le père Lallemand, se trouvant libre un moment, courut baiser ses plaies et le conjurer de prier pour lui. Les Iroquois reprirent aussitôt le jeune missionnaire et mirent le feu aux écorces dont il était couvert. Ces divers supplices ne parvenant pas encore à ébranler le courage des deux martyrs, un Huron apostat cria qu'il fallait leur jeter de l'eau bouillante sur la tête, en punition de ce qu'ils en avaient jeté tant de froide sur celle des autres, et causé par là tous les malheurs de sa nation. L'avis fut trouvé bon; on fit bouillir de l'eau, et on la répandit lentement sur a tète des deux confesseurs de Jésus-Christ. Cependant la fumée épaisse qui sortait des écorces dont le père Lallemand était revêtu lui remplissait la bouche, et il fut assez longtemps sans pouvoir articuler une seule parole. Mais le feu ayant brûlé ses liens, il leva les mains au ciel pour implorer le secours de celui qui est la force des faibles; on les lui fit baisser à grands coups de corde. On leur coupa à l'un et à l'autre de grands lambeaux de chair, qu'on dévora devant eux.
« Brébeuf fut scalpé vivant, et son supplice dura trois heures. Un Iroquois y mit fin en lui ouvrant le côté et en lui arrachant le cœur, qu'il dévora tout chaud. Les tortures du père Lallemand durèrent dix-sept heures ; on lui arracha un œil, à la place duquel on mit un charbon ardent. Plusieurs de ses bourreaux, qui se convertirent depuis, racontèrent que ses souffrances avaient surpassé toute imagination; elles lui faisaient jeter quelquefois des cris capables de percer les cœurs les plus durs, mais aussitôt après on le voyait s'élever au-dessus de la douleur, et offrir à Dieu ses tourments avec une ferveur admirable (1649). »
http://www.archive.org/stream/lecanadasouslado00duss/lecanadasouslado00duss_djvu.txt
Le Canada sous la domination française d'après les archives de la marine et de la guerre
par L. dussieux . professeur dhistoire à l'École Impériale Militaire de saint-Cyr