dimanche 13 décembre 2009
1724
AFGHANISTAN
TRANSFERTS DE PRISONNIERS AFGHANS
RÉVÉLATIONS EXPLOSIVES D'UN DIPLOMATE
Mise à jour le jeudi 15 octobre 2009 à 8 h 24
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2009/10/14/005-traitement-prisonniers-afghans.shtml
De hauts responsables de l'armée canadienne et des ministères canadiens des Affaires étrangères et de la Défense savaient depuis le mois de mai 2006 que des prisonniers remis aux autorités afghanes après avoir été capturés par des militaires canadiens couraient le risque d'être torturés.
C'est ce que révèle le diplomate canadien Richard Colvin, qui était en poste à Kaboul à l'époque, dans une déclaration sous serment rendue publique jeudi par la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (CEPPM), chargée de faire la lumière sur cette affaire.
Ces informations sont explosives pour deux raisons. D'abord, elles contredisent les dires du premier ministre Harper et de certains de ses ministres, qui affirment, depuis que le Globe and Mail a publié une série d'articles sur le sujet au printemps 2007, que le gouvernement n'était pas au courant de ces risques encourus par les prisonniers afghans.
Ensuite, elles pourraient constituer une preuve que le Canada a violé en toute connaissance de cause la Convention de Genève, qui interdit cette pratique.
M. Colvin affirme avoir écrit un rapport sur la situation dans les prisons afghanes dès le 26 mai 2006, soit quelques semaines après son arrivée à Kandahar. Il venait alors de visiter la prison de Sarpoza.
« J'ai jugé que les problèmes concernant les détenus afghans étaient sérieux, alarmants, et les dangers, imminents. J'ai fait une enquête et écrit mes conclusions dans un rapport », peut-on lire dans sa déclaration sous serment de 16 pages.
Ce rapport, écrit-il, a été envoyé au ministère des Affaires étrangères, au ministère de la Défense et à des responsables militaires de haut rang. « Je voulais être certain qu'il soit non seulement reçu et lu, mais aussi que des actions soient prises », soutient-il. Quinze autres rapports sur le même sujet ont suivi jusqu'à l'automne 2007.
M. Colvin, qui est aujourd'hui directeur adjoint du renseignement à l'ambassade canadienne à Washington, a fait cette déclaration malgré le fait que le gouvernement refuse qu'il témoigne devant la CEPPM.
Les avocats du gouvernement ont invoqué l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, qui interdit la divulgation d'informations relatives à la sécurité nationale. La loi prévoit une peine d'emprisonnement de cinq ans pour ceux qui y contreviennent.
On ne sait pas avec certitude si les rapports de M. Colvin ont été vus par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l'époque, Peter MacKay et Gordon O'Connor.
Selon l'avocat d'Amnistie internationale, il est clair que les responsables des Affaires étrangères et de la Défense nationale étaient informés des risques, voire des cas de torture des prisonniers. Paul Champ y voit une preuve de négligence, voire même de camouflage volontaire du gouvernement.
Le premier ministre Harper a répété à plusieurs reprises au printemps 2007 n'avoir jamais reçu d'informations crédibles concernant des allégations de mauvais traitements des prisonniers afghans.
ENQUÊTE SUSPENDUE
Malgré cette révélation, la CEPPM a mis fin indéfiniment à ses travaux mercredi. L'enquête dure depuis deux ans et pas un seul témoin n'a encore été entendu. Le commissaire Peter Tinsley a dit en avoir assez du manque de coopération d'Ottawa.
«C'est devenu impossible de faire quoi que ce soit.» — Le commissaire Peter Tinsley
Il accuse le gouvernement Harper d'avoir une attitude digne d'un roman de Kafka en bloquant systématiquement toute démarche qui permettrait à la Commission de faire la lumière sur les allégations de torture des prisonniers afghans et la complicité passive ou non des autorités canadiennes.
Il faut dire que les reports ont été nombreux. Le dernier date du 7 octobre. Les avocats du gouvernement demandaient que le mandat de la CEPPM soit clarifié avant que les audiences débutent.
Le mois dernier, la Cour fédérale a limité le mandat de la CEPPM. Elle a statué que la Commission pouvait se pencher sur les allégations selon lesquelles la police militaire a fermé les yeux sur le transfert de détenus aux forces de sécurité afghanes, malgré les risques de mauvais traitements et de torture. Mais elle lui interdit de s'intéresser aux questions plus larges liées aux politiques gouvernementales, comme l'implication du ministère des Affaires étrangères.
La Commission fait appel du jugement. Elle ne pourra donc pas entendre de témoins avant de longs mois, le temps de mener cette bataille.
D'ici là, l'opposition compte bien tenter de forcer la main du ministre de la Défense en comité parlementaire, dès la semaine prochaine.
Radio-Canada.ca avec Presse canadienne, The Globe and Mail et Le Devoir
TRANSFERTS DE PRISONNIERS AFGHANS
RÉVÉLATIONS EXPLOSIVES D'UN DIPLOMATE
Mise à jour le jeudi 15 octobre 2009 à 8 h 24
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2009/10/14/005-traitement-prisonniers-afghans.shtml
De hauts responsables de l'armée canadienne et des ministères canadiens des Affaires étrangères et de la Défense savaient depuis le mois de mai 2006 que des prisonniers remis aux autorités afghanes après avoir été capturés par des militaires canadiens couraient le risque d'être torturés.
C'est ce que révèle le diplomate canadien Richard Colvin, qui était en poste à Kaboul à l'époque, dans une déclaration sous serment rendue publique jeudi par la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (CEPPM), chargée de faire la lumière sur cette affaire.
Ces informations sont explosives pour deux raisons. D'abord, elles contredisent les dires du premier ministre Harper et de certains de ses ministres, qui affirment, depuis que le Globe and Mail a publié une série d'articles sur le sujet au printemps 2007, que le gouvernement n'était pas au courant de ces risques encourus par les prisonniers afghans.
Ensuite, elles pourraient constituer une preuve que le Canada a violé en toute connaissance de cause la Convention de Genève, qui interdit cette pratique.
M. Colvin affirme avoir écrit un rapport sur la situation dans les prisons afghanes dès le 26 mai 2006, soit quelques semaines après son arrivée à Kandahar. Il venait alors de visiter la prison de Sarpoza.
« J'ai jugé que les problèmes concernant les détenus afghans étaient sérieux, alarmants, et les dangers, imminents. J'ai fait une enquête et écrit mes conclusions dans un rapport », peut-on lire dans sa déclaration sous serment de 16 pages.
Ce rapport, écrit-il, a été envoyé au ministère des Affaires étrangères, au ministère de la Défense et à des responsables militaires de haut rang. « Je voulais être certain qu'il soit non seulement reçu et lu, mais aussi que des actions soient prises », soutient-il. Quinze autres rapports sur le même sujet ont suivi jusqu'à l'automne 2007.
M. Colvin, qui est aujourd'hui directeur adjoint du renseignement à l'ambassade canadienne à Washington, a fait cette déclaration malgré le fait que le gouvernement refuse qu'il témoigne devant la CEPPM.
Les avocats du gouvernement ont invoqué l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, qui interdit la divulgation d'informations relatives à la sécurité nationale. La loi prévoit une peine d'emprisonnement de cinq ans pour ceux qui y contreviennent.
On ne sait pas avec certitude si les rapports de M. Colvin ont été vus par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l'époque, Peter MacKay et Gordon O'Connor.
Selon l'avocat d'Amnistie internationale, il est clair que les responsables des Affaires étrangères et de la Défense nationale étaient informés des risques, voire des cas de torture des prisonniers. Paul Champ y voit une preuve de négligence, voire même de camouflage volontaire du gouvernement.
Le premier ministre Harper a répété à plusieurs reprises au printemps 2007 n'avoir jamais reçu d'informations crédibles concernant des allégations de mauvais traitements des prisonniers afghans.
ENQUÊTE SUSPENDUE
Malgré cette révélation, la CEPPM a mis fin indéfiniment à ses travaux mercredi. L'enquête dure depuis deux ans et pas un seul témoin n'a encore été entendu. Le commissaire Peter Tinsley a dit en avoir assez du manque de coopération d'Ottawa.
«C'est devenu impossible de faire quoi que ce soit.» — Le commissaire Peter Tinsley
Il accuse le gouvernement Harper d'avoir une attitude digne d'un roman de Kafka en bloquant systématiquement toute démarche qui permettrait à la Commission de faire la lumière sur les allégations de torture des prisonniers afghans et la complicité passive ou non des autorités canadiennes.
Il faut dire que les reports ont été nombreux. Le dernier date du 7 octobre. Les avocats du gouvernement demandaient que le mandat de la CEPPM soit clarifié avant que les audiences débutent.
Le mois dernier, la Cour fédérale a limité le mandat de la CEPPM. Elle a statué que la Commission pouvait se pencher sur les allégations selon lesquelles la police militaire a fermé les yeux sur le transfert de détenus aux forces de sécurité afghanes, malgré les risques de mauvais traitements et de torture. Mais elle lui interdit de s'intéresser aux questions plus larges liées aux politiques gouvernementales, comme l'implication du ministère des Affaires étrangères.
La Commission fait appel du jugement. Elle ne pourra donc pas entendre de témoins avant de longs mois, le temps de mener cette bataille.
D'ici là, l'opposition compte bien tenter de forcer la main du ministre de la Défense en comité parlementaire, dès la semaine prochaine.
Radio-Canada.ca avec Presse canadienne, The Globe and Mail et Le Devoir