dimanche 13 décembre 2009
1725
AFGHANISTAN
TRANSFERTS DE PRISONNIERS AFGHANS
UNE OMERTA DIPLOMATIQUE
Mise à jour le mercredi 18 novembre 2009 à 18 h 06
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2009/11/18/003-omerta-prisonniers.shtml
Le comité parlementaire spécial sur l'Afghanistan entendait mercredi Richard Colvin, diplomate en Afghanistan pendant 18 mois durant la période 2006-2007.
Dans une déclaration sous serment faite en vue d'une comparution devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (CEPPM), chargée de faire la lumière sur cette affaire, l'ex-diplomate avait dit avoir envoyé pas moins de 16 rapports sur la question aux ministères des Affaires étrangères et de la Défense ainsi qu'à l'armée entre mai 2006 et l'automne 2007.
La CBC a récemment dévoilé la teneur d'un de ces rapports envoyé par Richard Colvin en juin 2007. Le diplomate y soulignait le cas d'un détenu qui avait été battu et soumis à des décharges électriques, et d'un autre qui disait aussi avoir été battu et forcé de rester debout pendant deux jours.
La Presse Canadienne a révélé mercredi que le Bureau du Conseil privé, qui constitue en quelque sorte le ministère du premier ministre, a ordonné à ses diplomates en poste en Afghanistan de taire toute information au sujet des allégations de torture de prisonniers afghans dans leurs rapports officiels. La directive a fait l'objet de plusieurs rappels lors de téléconférences entre Ottawa et des responsables de la mission en Afghanistan.
Selon des sources anonymes au sein des ministères des Affaires étrangères et de la Défense, l'ordre aurait été donné après que les allégations de torture eurent fait surface dans l'actualité, au printemps 2007. Le gouvernement craignait que les partis d'opposition et les médias ne découvrent ces propos et alimentent davantage la controverse, minant d'autant le soutien populaire à la mission afghane.
Depuis que le Globe and Mail a publié une série d'articles sur le sujet au printemps 2007, le gouvernement maintient qu'il n'était pas au courant des risques encourus par les prisonniers afghans. S'il devait être prouvé que le gouvernement était au courant, cela constituerait une preuve que le Canada a violé en toute connaissance de cause la Convention de Genève, qui interdit cette pratique.
On ne sait pas avec certitude si les rapports de M. Colvin ont été vus par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l'époque, Peter MacKay et Gordon O'Connor. Le ministre MacKay, aujourd'hui ministre de la Défense, dit avoir demandé une enquête interne pour déterminer ce qui est advenu des rapports de M. Colvin, mais aucune conclusion n'a encore été annoncée. Le premier ministre Harper maintient n'avoir jamais reçu d'informations crédibles concernant de mauvais traitements infligés aux prisonniers afghans.
M. Colvin, qui est aujourd'hui directeur adjoint du renseignement à l'ambassade canadienne à Washington, a fait sa déclaration sous serment malgré le fait que le gouvernement refuse qu'il témoigne devant la CEPPM. Les avocats du gouvernement ont invoqué l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, qui interdit la divulgation d'informations relatives à la sécurité nationale. La loi prévoit une peine d'emprisonnement de cinq ans pour ceux qui y contreviennent.
Une enquête suspendue
La CEPPM a mis fin indéfiniment à ses travaux le 14 octobre. Le commissaire Peter Tinsley a dit en avoir assez du manque de coopération d'Ottawa. Il accuse le gouvernement Harper d'avoir une attitude digne d'un roman de Kafka en bloquant systématiquement toute démarche qui permettrait à la Commission de faire la lumière sur cette affaire. L'enquête de la Commission dure depuis deux ans et pas un seul témoin n'a encore été entendu.
En septembre, la Cour fédérale a limité le mandat de la CEPPM en lui interdisant de s'intéresser aux questions plus larges liées aux politiques gouvernementales, comme l'implication du ministère des Affaires étrangères. La Commission fait appel de ce jugement.
L'enquête parlementaire portant sur le traitement subi par les prisonniers afghans a été instituée dans ce contexte, les partis d'opposition accusant eux aussi le gouvernement minoritaire conservateur de mettre systématiquement des bâtons dans les roues de la CEPPM.
TRANSFERTS DE PRISONNIERS AFGHANS
UNE OMERTA DIPLOMATIQUE
Mise à jour le mercredi 18 novembre 2009 à 18 h 06
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2009/11/18/003-omerta-prisonniers.shtml
Le comité parlementaire spécial sur l'Afghanistan entendait mercredi Richard Colvin, diplomate en Afghanistan pendant 18 mois durant la période 2006-2007.
Dans une déclaration sous serment faite en vue d'une comparution devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (CEPPM), chargée de faire la lumière sur cette affaire, l'ex-diplomate avait dit avoir envoyé pas moins de 16 rapports sur la question aux ministères des Affaires étrangères et de la Défense ainsi qu'à l'armée entre mai 2006 et l'automne 2007.
La CBC a récemment dévoilé la teneur d'un de ces rapports envoyé par Richard Colvin en juin 2007. Le diplomate y soulignait le cas d'un détenu qui avait été battu et soumis à des décharges électriques, et d'un autre qui disait aussi avoir été battu et forcé de rester debout pendant deux jours.
La Presse Canadienne a révélé mercredi que le Bureau du Conseil privé, qui constitue en quelque sorte le ministère du premier ministre, a ordonné à ses diplomates en poste en Afghanistan de taire toute information au sujet des allégations de torture de prisonniers afghans dans leurs rapports officiels. La directive a fait l'objet de plusieurs rappels lors de téléconférences entre Ottawa et des responsables de la mission en Afghanistan.
Selon des sources anonymes au sein des ministères des Affaires étrangères et de la Défense, l'ordre aurait été donné après que les allégations de torture eurent fait surface dans l'actualité, au printemps 2007. Le gouvernement craignait que les partis d'opposition et les médias ne découvrent ces propos et alimentent davantage la controverse, minant d'autant le soutien populaire à la mission afghane.
Depuis que le Globe and Mail a publié une série d'articles sur le sujet au printemps 2007, le gouvernement maintient qu'il n'était pas au courant des risques encourus par les prisonniers afghans. S'il devait être prouvé que le gouvernement était au courant, cela constituerait une preuve que le Canada a violé en toute connaissance de cause la Convention de Genève, qui interdit cette pratique.
On ne sait pas avec certitude si les rapports de M. Colvin ont été vus par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l'époque, Peter MacKay et Gordon O'Connor. Le ministre MacKay, aujourd'hui ministre de la Défense, dit avoir demandé une enquête interne pour déterminer ce qui est advenu des rapports de M. Colvin, mais aucune conclusion n'a encore été annoncée. Le premier ministre Harper maintient n'avoir jamais reçu d'informations crédibles concernant de mauvais traitements infligés aux prisonniers afghans.
M. Colvin, qui est aujourd'hui directeur adjoint du renseignement à l'ambassade canadienne à Washington, a fait sa déclaration sous serment malgré le fait que le gouvernement refuse qu'il témoigne devant la CEPPM. Les avocats du gouvernement ont invoqué l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, qui interdit la divulgation d'informations relatives à la sécurité nationale. La loi prévoit une peine d'emprisonnement de cinq ans pour ceux qui y contreviennent.
Une enquête suspendue
La CEPPM a mis fin indéfiniment à ses travaux le 14 octobre. Le commissaire Peter Tinsley a dit en avoir assez du manque de coopération d'Ottawa. Il accuse le gouvernement Harper d'avoir une attitude digne d'un roman de Kafka en bloquant systématiquement toute démarche qui permettrait à la Commission de faire la lumière sur cette affaire. L'enquête de la Commission dure depuis deux ans et pas un seul témoin n'a encore été entendu.
En septembre, la Cour fédérale a limité le mandat de la CEPPM en lui interdisant de s'intéresser aux questions plus larges liées aux politiques gouvernementales, comme l'implication du ministère des Affaires étrangères. La Commission fait appel de ce jugement.
L'enquête parlementaire portant sur le traitement subi par les prisonniers afghans a été instituée dans ce contexte, les partis d'opposition accusant eux aussi le gouvernement minoritaire conservateur de mettre systématiquement des bâtons dans les roues de la CEPPM.