Pierre Bergeron
24 janvier 2011
Le Droit
http://www.cyberpresse.ca/le-droit/opinions/editoriaux/pierre-bergeron/201101/23/01-4362982-la-precaution-dabord.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_meme_auteur_4363656_article_POS4
Si la volte-face n'est pas complète, l'embarras, l'exaspération et la division le sont.
À défaut de perdre la face, le gouvernement Charest perd les pédales et s'enfonce encore plus profond dans les dédales de ses propres contradictions et de son improvisation sur l'exploitation des gaz de schiste.
Le dossier n'est pas qu'énergétique, environnemental et économique, il est de plus en plus politique.
À preuve, deux déclarations, l'une malheureuse et l'autre bienvenue, qui ont émaillé le climat d'improvisation du gouvernement Charest. La semaine dernière, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a déclaré sur le ton de la dérision :
« Une vache émet plus de CO2 dans l'atmosphère qu'un puits. C'est factuellement prouvé. Alors, est-ce qu'on peut arrêter de faire de la démagogie ? »
Vendredi dernier, le ministre de l'Environnement, Pierre Arcand, s'est dit
« extrêmement préoccupé »
par la fuite décelée dans un puits de la compagnie Talisman à Leclercville et affirmé que l'exploitation des gaz de schiste « se fera correctement ou il n'y en aura tout simplement pas ».
Cette déclaration peut-être interprétée de bien des façons.
Elle est cependant la première indication d'un schisme au cabinet Charest.
En attendant les conclusions du rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), en février, la déclaration du ministre Arcand, combinée au commentaire étourdi (et scientifiquement erroné) de la ministre Normandeau, ne fait que confirmer que le gouvernement se cherche une porte de sortie dans un dossier dont il a perdu le contrôle.
Le ministre Arcand affirme que « l'industrie n'a pas le contrôle de la situation ».
On pourrait en dire tout autant du gouvernement.
Nous avons dans ce dossier un bel exemple où le principe de précaution devrait s'appliquer.
La déclaration du ministre Arcand s'inscrit dans cette mouvance tout à fait justifiée. La question est de savoir comment l'appliquer dans le cadre d'un moratoire limité pour se donner le temps de bien faire les choses.
Or, nul ne sait de quoi notre avenir énergétique sera fait.
Le fardeau de la preuve que l'exploration du gaz de schiste peut se faire sans danger pour la population et l'environnement reposait et repose toujours sur les compagnies d'exploration.
Il est dommage que, dans sa hâte ou pour s'en débarrasser, le gouvernement Charest ait donné au BAPE un mandat restreint qui ne porte que sur l'encadrement de l'industrie.
Pourquoi cette hâte plutôt que d'aller au fond des choses et prendre son temps ?
Ce n'est pas comme si notre sécurité énergétique en dépendait.
La déclaration du ministre Arcand entrouvre une porte fermée depuis le début de cette saga.
Les propos du ministre de l'Environnement respectent mieux le principe de précaution en attendant le rapport du BAPE.
Plus qu'une volte-face, ils sont davantage empreints de sagesse que la recherche d'un effet médiatique mal avisé de la ministre des Ressources naturelles.
*
Photo: David Boily. La Presse
La ministre des Ressources naturelles,Mme Normandeau indique que des fuites de ce genre existent à l'état naturel dans notre environnement.
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/environnement/201101/10/01-4358785-gaz-de-schiste-les-fuites-ninquietent-pas-la-ministre-normandeau.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4360513_article_POS2