IL NE COMPREND PAS
André Pratte
02 février 2011
La Presse
http://www.cyberpresse.ca/place-publique/editorialistes/andre-pratte/201102/01/01-4365945-il-ne-comprend-pas.php
Il en est toujours ainsi des dictateurs: vivant dans leur monde isolé où ils finissent par croire leurs propres mensonges, habitués à ce que tout le monde leur obéisse par servilité ou par peur, ils ne voient rien, ne comprennent rien quand leur règne commence à s'effondrer.
[On croirait lire le portrait de notre bon John James. Certaines bonnes âmes sensibles s’écrieront que ça n’a pas rapport. Que nous ne vivons pas dans une dictature tandis qu’eux, les autres. Pourtant, eux, les autres vivaient dans une dictature sans que ça émeuvent personne . Y compris les touristes. Et surtout pas les gouvernements, heureux de faire de bonnes affaires ou de voir un allié de plus de l’Occident peu importe s’il sentait parfois mauvais. Mais on fait comme si personne ne savait. S'il y avait, parfois, malgré tout - le vent - des odeurs, on se bouchait le nez. Quand des gens biens sont attablés et qu'une madame bien pette, on fait semblant et on attend que ça passe. Tant qu’à monsieur John James... Si on vit ici dans une démocratie ou bien dans une ferme d’animaux avec simplement la gestion douce du bétail humain. On se pose la question. Tandis que les peuple primitifs qui n’ont pas à leur disposition tout un attirail coûteux de médias pour former l’esprit est les opinions doivent recourir à la place à la terreur. Il suffit de tuer assez de gens. C'est une forme de communication. Les peuples comme les gros animaux ont des sens simples et primitifs, il faut communiquer longuerment pour attirer leur attention. Quoiqu’ici-même, on ne dédaigne pas ces vieilles méthodes si efficaces. Il suffit de se rappeler du G-20 de Toronto. Et des attaques à la matraques si appréciées de la police anti-grévistes, il n’y a pas si longtemps. Bien sûr, on ne suspendra pas quelqu'un à la place du marché pour que tous voient bien lorsqu'on l’éventrera à la hache pour en sortir les tripes comme on a fait à Québec au siècle dernier. Les foules sont devenues plus sensibles et un rien (ou plus) (si nécessaire) suffit à les faire bêler.]
Ainsi hier soir, à l'issue d'une journée historique qui a vu des centaines de milliers d'Égyptiens descendre dans la rue pour réclamer son départ immédiat, le président Hosni Moubarak a annoncé qu'il céderait les rênes du pouvoir... dans huit mois.
Le dictateur aurait ainsi plié, selon des sources diplomatiques américaines, aux voeux de l'administration Obama.
Encore une fois, il a paru plus sensible aux représentations de Washington qu'à celles du peuple égyptien.
Selon les reporters présents sur la place Tahrir, au centre du Caire, la foule n'a pas apprécié, scandant
«Dégage! Dégage!».
Compte tenu des événements de la dernière semaine, les propos du président étaient tout simplement surréalistes.
[Tous ces Ubu Roi sont toujours surréalistes. Qu’ils existent encore est déjà surréel!]
[Et qu'il soient si peu nombreux pour commander si bien à autant de gens méritent bien une thèse universitaire.]
D'abord, il a dit que sa décision de ne pas être candidat à l'élection présidentielle prévue pour septembre prochain n'avait aucun lien avec «la situation actuelle»:
«Je le dis en toute sincérité, je ne comptais pas me présenter à un nouveau mandat présidentiel.»
Surtout, ne pas admettre que celui qui a «servi l'Égypte et son peuple» (!) est chassé du pouvoir par ce peuple même.
Pourquoi ne pas démissionner sur-le-champ, comme le réclament les manifestants et les principales forces de l'opposition?
Par devoir, bien sûr!
«Ma première responsabilité maintenant est de ramener la sécurité et la stabilité à la patrie pour assurer la transition pacifique du pouvoir»,
a dit le Raïs.
Or, le désordre risque bien plus de s'aggraver maintenant que s'il avait abdiqué dès hier.
Comble de l'insulte aux Égyptiens, Moubarak a soutenu que les manifestations avaient été détournées par de mystérieuses «forces politiques qui ont mis de l'huile sur le feu».
Et de promettre des ouvertures démocratiques dont on peut douter que sous sa supervision, elles puissent être autre chose que des trompe-l'oeil.
«Une farce»,
a conclu un manifestant.
«Une duperie»,
a dit l'un des chefs de l'opposition, le Prix Nobel Mohamed ElBaradei.
QUE FERA MAINTENANT LA POPULATION ÉGYPTIENNE?
[On le sait maintenant. Qu’il est agréable de prédire le passé dans le futur. Possibilité que n’avait pas le bon monsieur Pratte toujours si pressé d’appuyer le pouvoir local. Mais pour une fois, on ne lui en voudra pas. Son texte est juste. Et résume bien la situation. Tout en ménageant le suspense et les bonne manière.]
Rendue si loin, acceptera-t-elle de rentrer sagement chez elle?
Hier soir, au Caire, plusieurs se disaient déterminés à maintenir la pression sur le régime.
Défiant ceux qui voudraient le voir s'exiler, le président a lancé qu'il «mourra sur ce sol».
Plus tôt, El Baradei avait déclaré que si le président voulait «sauver sa peau, il devrait partir».
Ce sont peut-être les seuls mots qu'Hosni Moubarak peut comprendre.
[Ou sa famille. Qui, elle, veut sauver sa peau! Ils sont jeunes et ont toute une vie à vivre avec de l'or pour en profiter comme il faut. ]
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Image. André-Philippe Côté. Le Soleil
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