jeudi 26 mars 2009
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NUREMBERG, AOÛT 1946
DÉCLARATION FINALE DE L’ACCUSÉ GÖRING, SAMEDI 31 AOÛT 1946, AU DÉBUT DE L’AUDIENCE DU MATIN
Le Ministère public, dans ses réquisitoires, a dit que la défense et la production de ses preuves n’avaient aucune valeur. Les déclarations sous serment des accusés ont été acceptées comme véridiques là où elles pouvaient étayer l’accusation, et considérées comme parjures lorsqu’elles étaient en opposition avec l’accusation. Cette conception est très primitive, mais ne forme pas une base convaincante pour la production des preuves.
Le ministère public cite comme preuve le fait que j’étais le second personnage de l’État et qu’en tant que tel j’aurais dû savoir tout ce qui s’est passé. Il ne produit aucune preuve documentaire ou autre, dans laquelle je conteste sous la foi du serment cette connaissance ou cette volonté. Il ne s’agit donc que d’une supposition et d’une affirmation, lorsque le ministère public déclare : « Qui aurait dû savoir, sinon Göring, en sa qualité de successeur du Führer ? » Mais à plusieurs reprises nous avons entendu ici comment justement les crimes les plus graves ont été voilés de la façon la plus secrète.
Je précise expressément que je condamnais ces épouvantables assassinats de masse de la façon la plus catégorique et que je ne les comprends pas.
Mais je désire encore une fois exprimer devant le tribunal que je n’ai jamais ordonné un assassinat à une époque quelconque. De même, je n’ai jamais ordonné de cruautés ni ne les ai tolérées quand j’ai pu en avoir connaissance et eu la possibilité de les empêcher. Quant à la nouvelle accusation de M. Dodd dans son réquisitoire final, selon laquelle j’aurais donné ordre à Heydrich d’assassiner les Juifs, il n’y en a aucune preuve et elle n’est pas vraie. Il n’existe pas un seul ordre signé par moi ou rédigé sur mon ordre qui stipule que des aviateurs ennemis devaient être fusillés ou remis entre les mains du SD. On n’a pu établir un seul cas où des unités de mon aviation auraient exécuté un tel ordre. Le ministère public produit en partie des documents qui contiennent de prétendues déclarations de troisième ou de quatrième main, communiquées ou écrites, sans que je les aie lues auparavant, afin de pouvoir rectifier les opinions erronées ou exclure les causes de malentendus. Les comptes rendus sténographiques de ces audiences, qui demandent une vérification immédiate de leur exactitude, démontrent entre autres combien les versions données par des tiers défigurent totalement le sens de certaines déclarations.
Le ministère public produit, sur une époque de vingt-cinq années, des déclarations isolées qui ont été faites dans des circonstances tout à fait différentes, qui ne devaient avoir aucune conséquence et n’étaient pas des preuves d’intention ou de culpabilité. Ce sont des déclarations telles qu’on peut facilement en proférer dans l’excitation du moment ou de l’atmosphère ambiante. Il n’y a certainement pas une seule personnalité du côté adverse qui, au cours d’un quart de siècle, n’ai proféré, verbalement ou par écrit, quelque chose de similaire.
Le ministère public tire de tous les événements de ces vingt-cinq années, des conférences, des discours, des lois, des actions partielles et des décisions, qu’il y a eu une suite consciente et une séquence sans lacune, d’après lesquelles tout a été intentionnellement voulu dès le début. C’est une opinion complètement erronée, manquant de toute logique, que l’Histoire rectifiera à une époque quelconque, après que la présentation des preuves eut d’ailleurs déjà démontré le non fondé de cette affirmation.
Dans son réquisitoire, M. Jackson indique que les États signataires se trouvent encore en guerre avec l’Allemagne et qu’il n’y a qu’un simple armistice, par capitulation sans condition. Mais le droit international est unique. La même chose doit être valable pour les deux côtés. Si donc tout ce qui se passe actuellement chez les autorités d’occupation en Allemagne est admissible du point de vue du droit international, auparavant l’Allemagne était tout au moins dans la même situation vis-à-vis de la France, de la Hollande, de la Belgique, de la Norvège, de la Yougoslavie et de la Grèce.
Si aujourd’hui la convention de Genève n’a plus de valeur vis-à-vis des Allemands, si actuellement, dans toutes les parties de l’Allemagne, l’industrie est démontée et si d’autres valeurs, dans d’autres domaines, peuvent être envoyées dans des États victorieux, si aujourd’hui la fortune de millions d’Allemands peut être saisie, si l’on peut agir contre la liberté et la propriété des Allemands, de telles mesures de la part de l’Allemagne dans les pays cités plus haut ne peuvent avoir été prises à l’encontre du droit international et ne peuvent pas avoir été criminelles.
M. Jackson a exposé, en outre, qu’on ne peut accuser l’État, ou le punir, mais que l’on doit rendre les chefs responsables de ces faits. On paraît oublier que l’Allemagne était un État souverain, un Reich souverain, et que son pouvoir législatif à l’intérieur du peuple allemand n’était pas soumis à la juridiction de l’étranger. Aucun pays n’a notifié à temps au Reich que l’activité du national-socialisme serait poursuivie et punie. Au contraire.
Si maintenant des personnes isolées estiment que nous, les chefs, devons être jugés, bien. Mais alors le peuple allemand ne doit pas être puni en même temps. Le peuple allemand faisait confiance au Führer et, avec la direction autoritaire de l’État, il n’avait pas d’influence sur les événements. Ignorant les graves crimes commis dont on a connaissance actuellement, le peuple a fidèlement fait des sacrifices et bravement lutté et souffert pour sa vie ou sa mort dans cette lutte pour son existence. Le peuple allemand est exempt de toute faute.
Je n’ai pas désiré la guerre et ne l’ai pas amenée ; j’ai tout fait pour l’éviter par des pourparlers. Lorsqu’elle fut déclenchée, je fis tout pour assurer la victoire.
Comme les trois plus grandes puissances du monde, avec bien d’autres nations, luttaient contre nous, nous succombâmes finalement à l’immense puissance. Je reconnais ce que j’ai fait. Mais je rejette de la façon la plus catégorique que mes actions aient été dictées par la volonté de mettre par la guerre des peuples étrangers sous le joug, d’assassiner, de voler, de réduire en esclavage, de commettre des atrocités ou des crimes. La seule raison qui me conduisait était l’amour de mon peuple, son bonheur, sa liberté et sa vie. J’appelle là-dessus le témoignage du Tout-Puissant et de mon peuple allemand.
Site de François Delpla. Historien. http://www.delpla.org/article.php3?id_article=336
DÉCLARATION FINALE DE L’ACCUSÉ GÖRING, SAMEDI 31 AOÛT 1946, AU DÉBUT DE L’AUDIENCE DU MATIN
Le Ministère public, dans ses réquisitoires, a dit que la défense et la production de ses preuves n’avaient aucune valeur. Les déclarations sous serment des accusés ont été acceptées comme véridiques là où elles pouvaient étayer l’accusation, et considérées comme parjures lorsqu’elles étaient en opposition avec l’accusation. Cette conception est très primitive, mais ne forme pas une base convaincante pour la production des preuves.
Le ministère public cite comme preuve le fait que j’étais le second personnage de l’État et qu’en tant que tel j’aurais dû savoir tout ce qui s’est passé. Il ne produit aucune preuve documentaire ou autre, dans laquelle je conteste sous la foi du serment cette connaissance ou cette volonté. Il ne s’agit donc que d’une supposition et d’une affirmation, lorsque le ministère public déclare : « Qui aurait dû savoir, sinon Göring, en sa qualité de successeur du Führer ? » Mais à plusieurs reprises nous avons entendu ici comment justement les crimes les plus graves ont été voilés de la façon la plus secrète.
Je précise expressément que je condamnais ces épouvantables assassinats de masse de la façon la plus catégorique et que je ne les comprends pas.
Mais je désire encore une fois exprimer devant le tribunal que je n’ai jamais ordonné un assassinat à une époque quelconque. De même, je n’ai jamais ordonné de cruautés ni ne les ai tolérées quand j’ai pu en avoir connaissance et eu la possibilité de les empêcher. Quant à la nouvelle accusation de M. Dodd dans son réquisitoire final, selon laquelle j’aurais donné ordre à Heydrich d’assassiner les Juifs, il n’y en a aucune preuve et elle n’est pas vraie. Il n’existe pas un seul ordre signé par moi ou rédigé sur mon ordre qui stipule que des aviateurs ennemis devaient être fusillés ou remis entre les mains du SD. On n’a pu établir un seul cas où des unités de mon aviation auraient exécuté un tel ordre. Le ministère public produit en partie des documents qui contiennent de prétendues déclarations de troisième ou de quatrième main, communiquées ou écrites, sans que je les aie lues auparavant, afin de pouvoir rectifier les opinions erronées ou exclure les causes de malentendus. Les comptes rendus sténographiques de ces audiences, qui demandent une vérification immédiate de leur exactitude, démontrent entre autres combien les versions données par des tiers défigurent totalement le sens de certaines déclarations.
Le ministère public produit, sur une époque de vingt-cinq années, des déclarations isolées qui ont été faites dans des circonstances tout à fait différentes, qui ne devaient avoir aucune conséquence et n’étaient pas des preuves d’intention ou de culpabilité. Ce sont des déclarations telles qu’on peut facilement en proférer dans l’excitation du moment ou de l’atmosphère ambiante. Il n’y a certainement pas une seule personnalité du côté adverse qui, au cours d’un quart de siècle, n’ai proféré, verbalement ou par écrit, quelque chose de similaire.
Le ministère public tire de tous les événements de ces vingt-cinq années, des conférences, des discours, des lois, des actions partielles et des décisions, qu’il y a eu une suite consciente et une séquence sans lacune, d’après lesquelles tout a été intentionnellement voulu dès le début. C’est une opinion complètement erronée, manquant de toute logique, que l’Histoire rectifiera à une époque quelconque, après que la présentation des preuves eut d’ailleurs déjà démontré le non fondé de cette affirmation.
Dans son réquisitoire, M. Jackson indique que les États signataires se trouvent encore en guerre avec l’Allemagne et qu’il n’y a qu’un simple armistice, par capitulation sans condition. Mais le droit international est unique. La même chose doit être valable pour les deux côtés. Si donc tout ce qui se passe actuellement chez les autorités d’occupation en Allemagne est admissible du point de vue du droit international, auparavant l’Allemagne était tout au moins dans la même situation vis-à-vis de la France, de la Hollande, de la Belgique, de la Norvège, de la Yougoslavie et de la Grèce.
Si aujourd’hui la convention de Genève n’a plus de valeur vis-à-vis des Allemands, si actuellement, dans toutes les parties de l’Allemagne, l’industrie est démontée et si d’autres valeurs, dans d’autres domaines, peuvent être envoyées dans des États victorieux, si aujourd’hui la fortune de millions d’Allemands peut être saisie, si l’on peut agir contre la liberté et la propriété des Allemands, de telles mesures de la part de l’Allemagne dans les pays cités plus haut ne peuvent avoir été prises à l’encontre du droit international et ne peuvent pas avoir été criminelles.
M. Jackson a exposé, en outre, qu’on ne peut accuser l’État, ou le punir, mais que l’on doit rendre les chefs responsables de ces faits. On paraît oublier que l’Allemagne était un État souverain, un Reich souverain, et que son pouvoir législatif à l’intérieur du peuple allemand n’était pas soumis à la juridiction de l’étranger. Aucun pays n’a notifié à temps au Reich que l’activité du national-socialisme serait poursuivie et punie. Au contraire.
Si maintenant des personnes isolées estiment que nous, les chefs, devons être jugés, bien. Mais alors le peuple allemand ne doit pas être puni en même temps. Le peuple allemand faisait confiance au Führer et, avec la direction autoritaire de l’État, il n’avait pas d’influence sur les événements. Ignorant les graves crimes commis dont on a connaissance actuellement, le peuple a fidèlement fait des sacrifices et bravement lutté et souffert pour sa vie ou sa mort dans cette lutte pour son existence. Le peuple allemand est exempt de toute faute.
Je n’ai pas désiré la guerre et ne l’ai pas amenée ; j’ai tout fait pour l’éviter par des pourparlers. Lorsqu’elle fut déclenchée, je fis tout pour assurer la victoire.
Comme les trois plus grandes puissances du monde, avec bien d’autres nations, luttaient contre nous, nous succombâmes finalement à l’immense puissance. Je reconnais ce que j’ai fait. Mais je rejette de la façon la plus catégorique que mes actions aient été dictées par la volonté de mettre par la guerre des peuples étrangers sous le joug, d’assassiner, de voler, de réduire en esclavage, de commettre des atrocités ou des crimes. La seule raison qui me conduisait était l’amour de mon peuple, son bonheur, sa liberté et sa vie. J’appelle là-dessus le témoignage du Tout-Puissant et de mon peuple allemand.
Site de François Delpla. Historien. http://www.delpla.org/article.php3?id_article=336