vendredi 13 mars 2009
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LE GRAND REMUE-MÉNINGES
Robert Laplante
http://www.action-nationale.qc.ca/
09-03-2009
La Caisse de dépôt et placement du Québec a déménagé dans le village global, elle s’est lancée dans la parade néo-libérale avec une candeur qui n’avait d’égale que son immense capital de confiance dont elle a abusé en l’absence de vigilance collective.
Nous venons de recevoir la facture de ses excursions. Un désastre. Un autre qui vient s’ajouter au cortège de nouvelles éprouvantes qui tombent semaine après semaine : mises à pied massives, crise forestière, état toujours lamentable du système de santé, statistiques accablantes sur le décrochage scolaire.
La province ne va pas bien du tout. Et ceux-là qui s’aviseraient de tenter un portrait d’ensemble sont d’avance prévenus : ici la médiocrité médiatique fait la loi, façonne les perceptions et oriente le débat public, il n’est donc pas question d’essayer de surmonter l’éparpillement et de se penser dans la réalité de la nation. Les choses vont déjà assez mal, il faudrait qu’en plus, des sectaires y plaquent le primat du national sur le droit des grabataires ou sur les angoisses des cotisants aux régimes de retraite !
C’est la crise, ce n’est pas le temps de s’élever au niveau politique. À moins de s’appeler Obama et de soulever l’admiration béate des amateurs de fierté compensatoire qui se donnent l’impression de participer à la redéfinition de l’ordre du monde en bavardant savant à RDI.
Il ne faudrait tout de même pas s’imaginer qu’il soit nécessaire de faire des liens entre les événements et de les intégrer dans une perspective nationale. Le New Deal, après tout, c’était pour un pays, le plan de relance d’Obama c’est toujours pour un pays.
Nous qui n’en avons point, nous devrions nous contenter d’attendre et de bricoler. Attendre pour constater que le saupoudrage Harper ne fera rien de bien structurant pour notre économie, attendre que Monique Jérôme-Forget sorte un nouvel alibi de son sac à malices. Attendre et endurer. Non merci.
(…)
Ainsi faut-il exiger une commission d’enquête publique sur le désastre de la Caisse de dépôt. Mais il faut le faire avec la hauteur de vue que notre situation et nos intérêts exigent. Il faut comprendre ce qui s’est passé là en posant les questions qui permettront de saisir l’ensemble des enjeux.
Comment expliquer cet achat massif de PCAA ? Comment expliquer que les deux tiers de ces produits toxiques vendus au Canada l’aient été à des institutions québécoises ?
Quelle était donc cette firme de courtage responsable de la plus grande part des transactions ? Comment les décisions d’investissement ont-elles été prises ? Par qui ? Où était le conseil d’administration ? Quels liens peut-on établir entre le changement de mandat de la Caisse et les changements dans le niveau d’acceptabilité du risque ? Le mode de rémunération des cadres a-t-il constitué un facteur aggravant ? Est-il normal que l’on ne parvienne pas à savoir clairement la place que tient l’investissement au Québec dans la stratégie de placement et le portefeuille de la Caisse ?
Autant de questions, et bien d’autres, qui méritent d’être éclaircies et surtout, qui méritent d’être traitées dans un forum large : après tout, c’est l’ensemble des contribuables qui va payer les pots cassés.
Un vaste débat public s’impose en même temps que cette commission. La Caisse, notre navire amiral, devait nous permettre de placer certains des réservoirs d’épargne sous notre contrôle au service de notre développement et de notre prospérité. L’évolution de cette institution doit être remise en question en lien avec ce qui arrive en ces matières.
Il y a un peu plus de dix ans, L’Action nationale avait donné un grand coup de pied dans la fourmilière des idées reçues en montrant qu’en dépit des avancées de la Caisse, une très grande part de nos épargnes était exportée, placée massivement à l’extérieur du Québec et gérée par des étrangers.
En 1997, c’est à plus de 200 milliards que Rosaire Morin estimait le volume des capitaux exportés à l’extérieur pendant que des régions entières s’enlisaient dans le sous-développement chronique. C’était plusieurs dizaines de milliers d’emplois de haut niveau que nos épargnes créaient à Toronto et ailleurs parce que nos caisses de retraite ne faisaient rien pour garder ici la gestion des fonds qu’elles accumulaient.
Les données actuelles doivent être encore plus accablantes. Le portrait consolidé des pertes des caisses de retraite privées doit être fait. Nous aurons alors une idée plus précise de ce que nous auront coûté le désastre financier et notre insouciance coupable.
Une mise à jour s’impose, elle fera voir sous une lumière crue ce qui se joue derrière la création d’une commission des valeurs mobilières unique : le Québec y sera dépouillé des miettes qui lui servent encore à s’imaginer qu’il a un secteur financier.
Il faut profiter des débats qui s’amorcent pour transgresser les tabous qu’ont dressés sur la question de l’épargne et des réservoirs collectifs, les choix canadian et le credo néo-libéral. Il faut réunir ce que notre actuel manque de cohésion nationale sépare, c’est-à-dire examiner la question de l’épargne avec celle du patrimoine collectif.
À l’heure où les Hedge funds américains s’apprêtent à dépecer les compagnies papetières, à l’heure où Rio Tinto devient une proie dodue, il faut se demander comment nos moyens pourraient mieux servir nos intérêts.
À l’heure où les gouvernements nationalisent banques et compagnies d’assurances pour maintenir une certaine cohérence dans leurs économies nationales, il serait irresponsable de ne pas réfléchir aux moyens de protéger et renforcer nos secteurs stratégiques.
Le temps n’est-il pas venu de mettre nos ressources naturelles, notre eau et notre développement régional à l’abri des prédateurs en inventant des solutions collectives qui transformeraient ces objets de convoitise en joyaux inaliénables ?
Le temps n’est-il pas venu de donner un deuxième souffle au modèle québécois ? De lancer une vaste reconfiguration des modes d’intervention de l’État en prise sur nos intérêts nationaux par la mobilisation des ressources collectives en faveur d’une économie et d’un mode de développement plus soucieux de l’environnement et de la justice sociale ?
Il serait irresponsable de laisser nos réservoirs d’épargne en dehors de nos stratégies : en 1997, plus de 80 % des placements de caisses de retraite étaient effectués à l’extérieur du Québec. Imaginons simplement ce qui pourrait survenir si ce pourcentage était ramené à 50 %.
Imaginons seulement ce qui pourrait advenir si nous nous fixions l’objectif collectif d’en rapatrier la gestion au Québec.
Imaginons seulement que nous recommencions à vouloir autre chose que des retombées économiques.
Imaginons seulement que nous pensions vraiment que nous ne sommes pas nés pour un petit pain ou pour gérer des succursales.
Pour mieux voir l’avenir, il faut bien comprendre ce qui a fait notre présent. Au mélange toxique du néo-libéralisme et de la dissolution de l’intérêt national dans la soumission aux dieux du marché, il faut opposer une révision audacieuse des façons dont nous pouvons réaliser notre plein potentiel.
Et cela commence par l’effort de nous penser en dehors du cadre canadian et des moyens qu’il nous laisse. Il faut arrêter de voir l’avenir comme un appendice du budget d’Ottawa, de ses choix énergétiques, industriels, sociaux, culturels, etc.
Bref, il faut recommencer à placer le Québec et non la province au centre de notre recherche des voies de sortie de la crise. C’est le politique qui nous donnera ce qu’il faut pour refaçonner notre économie. Au fatalisme du marché, il faut opposer la force de la volonté et la puissance d’une audace inspirée. Et le politique c’est d’abord l’affaire du peuple. Fonçons, les partis suivront.
(...)