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Marie-Claude Lortie
11 février 2010
La Presse
http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/marie-claude-lortie/201002/11/01-948480-la-verite-peut-on-faire-face-a-la-verite.php
Si on ne fait pas un film ou à tout le moins un best-seller avec ce qui se passe actuellement à la base militaire de Trenton, en Ontario, quelque chose mettant en vedette Jude Law ou Daniel Craig (Ewan McGregor?), scénarisé façon A Few Good Men rencontre Millénium, je me lance dans le projet moi-même.
Cette histoire a l'air sortie tout droit d'Hollywood, d'un véritable roman d'horreur militaro-policier qui serait passionnant s'il n'était pas aussi tragiquement vrai et pénible pour les proches des victimes et tous ceux qui ont été bernés par celui aujourd'hui accusé.
Imaginez: un commandant de l'armée canadienne, dirigeant l'une des bases militaires les plus importantes du pays, inculpé de deux meurtres et de deux agressions sexuelles.
Oui, on veut savoir toute la vérité sur cette bouleversante affaire. Mais, comme le dirait le personnage de Jack Nicholson dans Des hommes d'honneur, peut-on faire face à la vérité?
Peut-on supporter de savoir qu'un homme à qui des soldats, des dirigeants militaires, des politiques et la population ont fait totalement confiance pour les diriger, les inspirer, les encadrer, les protéger pourrait être, en réalité, un assassin en série?
Incrédule devant l'immensité de l'imposture alléguée, je me suis tournée hier vers Gilles Côté, psychologue et criminologue à l'Institut Philippe-Pinel, à Montréal, pour lui demander s'il y a moyen de comprendre une telle double vie, de comprendre comment des personnages aux allures normales peuvent être aussi déviants.
Évidemment, comme le font toujours les spécialistes dans ce genre de cas, M. Côté s'est empressé de me dire qu'il n'était absolument pas en mesure de parler du cas précis en question, d'autant moins que personne n'a encore été reconnu coupable de quoi que ce soit.
Toutefois, a-t-il précisé, il est clair que, devant un tel scénario, un psy ne peut s'empêcher de se poser quelques questions.
Généralement, une personne souffrant de troubles mentaux comme la schizophrénie, par exemple, ou toute autre réelle maladie psychiatrique, ne peut généralement pas gravir les échelons d'une hiérarchie demandant d'être plus que fonctionnel socialement et professionnellement.
Bref, serait-il psychopathe?
DIFFICILE À DIRE.
D'abord, ce trouble est généralement associé à des individus moyennement et hautement intelligents, ce qui semble être son cas, si on se fie à son ascension dans la hiérarchie militaire et à son parcours de vie.
On dit aussi que les psychopathes sont menteurs, ce qui n'est pas impossible.
La liste des symptômes officiels affirme aussi que les gens atteints de ce trouble de la personnalité sont dépourvus de toute émotivité.
«Le psychopathe n'est pas capable de grande joie mais n'est pas capable de déprimer non plus», explique M. Côté.
Cela dit, la description officielle de la psychopathie, explique le chercheur, mentionne aussi d'autres caractéristiques qui ne correspondent pas au personnage.
On parle d'impulsivité, ce qui ne semble pas être le cas du militaire en question et va à l'encontre de l'esprit même des exigences de l'armée.
Toutefois, précise M. Côté, il n'y a pas consensus sur les symptômes et certains chercheurs diront que l'impulsivité et la variété des crimes ne font pas toujours partie de la composition du psychopathe.
Serait-ce le masque porté par ce militaire exemplaire aujourd'hui accusé du meurtre de Jessica Lloyd et de Marie-France Comeau et de deux agressions sexuelles?
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Photo. Marathon Man
http://jameswhall.blogspot.com/2008_01_01_archive.html