Philippe Brassard
Journal Adsum.
52 groupe de soutien de secteur-Valcartier
Le 30 juillet 1974, une explosion au Camp des cadets à Valcartier emporte la vie de six cadets et en blesse plusieurs dizaines d’autres.
(Selon Radio-Canada : L'explosion accidentelle d'une grenade faisait 6 morts et une centaine de blessés à la base militaire de Valcartier, près de Québec. ) (Six jeunes de 14 et 15 ans sont morts, 29 autres ont dû être hospitalisés.) http://www.radio-canada.ca/regions/Quebec/2009/07/30/003-35_ans_valcartier.shtml
Ce jour-là, plusieurs dizaines de cadets, sous-officiers et officiers de la compagnie D étaient rassemblés dans un bâtiment du camp des cadets 1974, à Valcartier, pour suivre un cours de sécurité sur les explosifs.
Un accident survient pendant la présentation, causant (des morts et des blessés)
(Radio-Canada : Le 30 juillet 1974, la pluie avait exceptionnellement forcé les responsables d'un groupe de 130 cadets à offrir un entraînement sur la sécurité des explosifs à l'intérieur. Or, une grenade active s'est retrouvée dans le dortoir. Un cadet a confondu l'arme avec une grenade d'exercice et a activé le projectile qui a explosé.)
[Elle aurait été mise par erreur dans une caisse de fausse grenade. Et le cadet était incapable de faire la différence entre une vraie grenade et une fausse?]
«Quand je suis entré dans la salle, j’ai vécu l’explosion. J’ai été parmi les quatre ou cinq personnes à prodiguer les premiers soins», a raconté Clermont Morin, sergent-major du camp, non sans difficulté. Ce dernier a été fortement blessé aux oreilles, en plus d’avoir subi des séquelles psychologiques.
(Radio-Canada : Clermont Morin, témoin de la tragédie de 1974, raconte qu'il avait alors fallu évacuer les blessées en toute hâte. « Tout le monde avait du sang partout, parce que ça avait éclaté. Il fallait donner les premiers soins, rediriger les gens vers l'hôpital de la base. Environ 100 personnes se sont présentées à l'urgence », se remémore-t-il tristement.)
(Le Soleil : Clermont Morin s'en rappelle comme si c'était hier. Les années ont passé, mais les images gravées dans sa mémoire le hantent encore aujourd'hui.
Il pleuvait ce mardi-là. Le cours sur la sécurité des explosifs, prévu d'abord à l'extérieur, s'est déroulé exceptionnellement à l'intérieur d'un dortoir. La séance devait permettre aux cadets d'identifier les grenades inertes et de les manipuler de façon sécuritaire. Plus d'une centaine de garçons ont pris place en cercle autour de l'officier instructeur Jean-Claude Giroux.
Peu après le début du cours, Clément Morin se rend au dortoir pour une vérification de routine. Sergent-major régimentaire du camp, il doit s'assurer que tout se déroule rondement. (Il) venait tout juste de mettre les pieds dans le bâtiment lorsque la grenade a explosé.
Devant lui, soudainement, une scène d'horreur qu'il peine à décrire. Des membres arrachés. Des corps éventrés. Des garçons à la figure déchiquetée, impossibles à identifier sur le coup. Avec l'adjudant-maître Charles Gutta, il a porté secours aux victimes. 35 ans après le drame de Valcartier. Comme si c'était hier. 30 juillet. Daphnée Dion-Viens.)
À la une du SOLEIL, le 31 juillet 1974, le journaliste décrivait une scène d'horreur : « Des membres étaient arrachés de leur corps, des `enfants' avaient la figure déchiquetée à un point tel qu'il a fallu plusieurs heures avant de pouvoir les identifier ; d'autres cadets gisaient ici et là, certains se lamentaient, d'autres étaient morts sur le coup, complètement éventrés. »
(Le Soleil: Il pleuvait ce mardi-là (...) Le cours de sécurité, dont l'objectif était d'amener les cadets à reconnaître les grenades et à s'en méfier, se donnerait donc exceptionnellement à l'intérieur d'un dortoir. Les gars avaient poussé les lits au fond de la baraque et avaient pris place en demi-cercle - ils étaient plus d'une centaine - autour de l'officier-instructeur (...).
Au début, (le témoin) était assis à côté (d'un autre cadet) qui devait trouver la mort en cette journée fatidique. Le cours durait depuis environ une heure, les grenades passant de main en main. Apercevant ses « chums » de Matane assis à l'arrière, il a décidé d'aller les retrouver. Ce déplacement lui a sauvé la vie, car la grenade a explosé tout à côté de l'endroit où il se trouvait deux minutes plus tôt. (Un cadet) venait de retirer le dispositif de sûreté d'une grenade qu'il croyait inoffensive.
« J'ai vu les gars monter dans les airs, relate M. Fallu. Je n'ai eu alors qu'une seule idée : SORTIR. Je me souviens d'un mouvement de désorientation. Mais l'instinct de survie m'a fait courir jusqu'à une autre baraque. » Triste anniversaire à Valcartier. 24 juillet 1994. Michèle Laferrière.
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/justice-et-faits-divers/200907/30/01-888671-commemoration-du-drame-de-valcartier-les-cadets-se-souviennent.php)
UNE SÉRIE D'ERREURS
(Le Soleil: « Il y avait beaucoup de grenades en circulation, poursuit M. Fallu. Des canadiennes, des américaines, des allemandes de forme allongée. » La grenade M-61 - vivante - il se rappelle l'avoir manipulée, puisqu'elle était verte, alors que toutes les autres - inertes - étaient bleues.
Comment s'est-elle retrouvée dans le lot ?
Les nombreux témoignages entendus lors de l'enquête du coroner et du procès de Jean-Claude Giroux ont révélé une série d'erreurs dont l'accumulation a conduit à l'issue fatale. Une douzaine de jours avant l'explosion, une boîte de grenades vivantes a été découverte à l'arrière d'un camion contenant pêle-mêle des objets inertes servant aux cours donnés aux cadets. Un adjudant a trouvé par la suite une grenade vivante mêlée aux munitions inertes qui étaient dans la boîte du camion ; il a négligé de vérifier s'il y en avait d'autres. Le jour du drame, un soldat, technicien en munitions, a vu la grenade M-61 circuler parmi les cadets pendant une dizaine de minutes et n'a pas réagi. Triste anniversaire à Valcartier. 24 juillet 1994. Michèle Laferrière.)
(Le Soleil: Le capitaine Jean-Claude Giroux, d'abord accusé de négligence criminelle -Au terme de son enquête, le coroner J.-Armand Drouin tient criminellement responsable Jean-Claude Giroux de la mort des six cadets- a finalement été acquitté le 21 juin 1977. Le juge Anatole Corriveau a conclu qu'il y a eu "de la négligence quelque part" et que le capitaine avait servi de "bouc émissaire". ) 35 ans après le drame de Valcartier. Les cadets toujours dans une zone grise. Daphnée Dion-Viens. 30 juillet 2009.)
«C’est un incident qu’on n’oublie pas», a confié pour sa part le sergent retraité Charles Gutta, alors adjudant-maître de la compagnie D du Camp des cadets 1974.
Toutefois, «un tel accident n’a plus aucune chance de se reproduire aujourd’hui», rassure le major Carlo De Ciccio, officier d’affaires publiques pour l’Unité régionale de soutien aux cadets Est (URSC-Est), à Saint-Jean. «Ce genre de cours était relié à d’anciennes façons de faire. Depuis la fin des années 70, le programme des cadets est devenu un programme jeunesse. Il n’existe plus aucun lien de relève militaire.
[Commentaire du professeur Bulle qui aime la neutralité et l'objectivité. Ben voyons! Commentaire pertinent du professeur Bulle. Des enfants qui suivent des cours dans une base militaire, portant un uniforme - différents, certes, des «vrais» mais devant obéir aux mêmes ordres, se tenir en rang bien droit pendant qu'on leur crie après n'ont vraiment aucun mais aucun rapport avec une tentative d'embrigadement future. Hein!
Imagineons une fille de 5 pieds se faire hurler dessus à 3 pouces du visage par un grand mongol de 6 pieds, 250 livres. Bon pour sa féminité!
Il ne faut pas croire que c'est mieux pour un garçon du même âge. Le but est pervers. Sous couvert, de faire de bons soldats, en théorie: apprendre se battre - et se défendre- on décervèle les recrues pour en faire des zombies qui doivent obéir aux ordes quels qu'ils soient. Sans penser! : Allez attaquer cette colline qui ne sert à rien et où il y a une mitrailleuse! Vous allez mourir - c'est logique étant donné la situation- ensuite, on enverra quelqu'un d'autre puis quand il sera éventré un autre et il y en aura bien eu qui résussira à passer. Tout le monde ne peut pas être aussi malchanceux que vous! Ou lui. Ou lui. Tirez dans la foule de manifestants communistes!
Un guerrier devrait frapper immédiatement suite à une telle agression et offense à son honneur. Déjà que l'agresseur a dépassé de loin les limites supportables de contacts physiques sociaux. Les cris et les insultes sont une coche au-dessus de l'insupportable. On ne parle même pas des brimades, coups, punitions collectives.
Il a pour but de former de meilleurs citoyens et les jeunes viennent y chercher des défis supérieurs», a-t-il souligné.
[Le professeur Bulle est rassuré.]
(Le Soleil: "Le leadership, le civisme et l'augmentation de la condition physique" sont maintenant les buts premiers de l'organisation, (...) "Ça développe l'esprit d'équipe, la forme physique et la personnalité" (...)
(Le Soleil: Le colonel Jean-Yves Tremblay, commandant du camp des cadets de l'aviation de Bagotville, affirme qu'il y a eu un net changement à partir de 1974. « Les mesures de sécurité ont été améliorées, dit-il, mais plus important encore, on a changé l'image du mouvement cadet de façon à ce qu'il ne soit plus perçu comme une ``pépinière'' de soldats. » Les cadets 20 ans après le drame. 25 juillet 1994 Michèle Laferrière)
(Le Soleil : Le mouvement cadet est né en 1862. Son but était clair à l'époque : former des militaires. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le mouvement accueillit un nombre record de cadets, plus de 115 000, dont la mission était de préparer la relève. (…)
(Le Soleil: Soyons clairs. Le mouvement cadet est une institution civile soutenue financièrement (…) par les Forces armées canadiennes qui fournissent en outre le matériel, les infrastructures et les uniformes « Les Forces respectent ainsi un contrat social en permettant à des jeunes d'utiliser de l'équipement qui autrement ne servirait pas à tous les jours », explique l'officier des affaires publiques des cadets au Québec (...). » Les cadets 20 ans après le drame. 25 juillet 1994 Michèle Laferrière)
(Le Soleil: Les cadets ne manipulent plus de grenades depuis l'explosion (…). Ils tirent encore à la carabine, mais tous les résidus de munitions sont retournés dans les entrepôts et les douilles soigneusement comptabilisées. Le mot « sécurité » revient comme un refrain dans le langage des autorités militaires et l'expression « protection de l'environnement » se taille une place grandissante dans le vocabulaire des camps de cadets. Les cadets 20 ans après le drame. 25 juillet 1994. Michèle Laferrière)
(Le Soleil : Jusqu'en 1974, les cadets utilisaient des carabines de type FNC-1, une arme de combat semi-automatique. Les cadets de l'aviation effectuaient des simulations de parachutisme dans une île où ils devaient survivre plus de neuf jours avec deux allumettes et un canif.
Aujourd'hui, les seules armes utilisées sont la carabine à air et celle de calibre .22 ; l'accent est mis sur les règles de sécurité et le tir de compétition. Au début des camps, chaque cadet reçoit le même mot d'ordre : ne pas toucher aux munitions « égarées », si jamais ils en trouvent, et aviser un supérieur. Les simulations de parachutisme ont été abandonnées.
Avis aux jeunes, la drill (exercice militaire) est toujours à l'honneur ; elle est censée développer l'unité, l'esprit d'équipe et « apprendre à être suiveur avant d'être leader ». Les cadets 20 ans après le drame. 25 juillet 1994 Michèle Laferrière)
(Le Soleil: Aussi, le camp profite d'une telle journée de commémoration pour sensibiliser les jeunes à la sécurité en général. Ainsi, divers stands étaient installés sur la base de Valcartier hier. Des intervenants y informaient les jeunes sur une foule de sujet comme le suicide, la toxicomanie ou le viol.
(Le Soleil: Hier, il a assisté à la commémoration et avait au cou le médaillon d'identité que les cadets avaient reçu dès l'été suivant, en 1975. "Comme ça, si jamais il arrivait un autre accident, ils pourraient rapidement nous identifier", explique-t-il. Les cadets se souviennent. 29 juillet 2005. Valérie Gaudreau)
[Il se peut que lors de l'explosion d'une grenade, il ne reste rien de vous. Ou la forme physique qui a remplacé celle qui était, il y a un instant la vôtre, ressemble d'avantage à du steak haché bien saignant. C'est pour ça que les soldats - et on apprend que ce sera aussi le cas des cadets- portent une médaille de chien dans le cou. Ça permet à leur officier de les ramasser et de les mettre dans sa poche après une offensive ou une «retraite» où il y a eu des «pertes» sans qu'il ait besoin d'apprendre à compter. Ou prendre des notes au sujet des «disparu» «morts au champs d'honneur». Note du professeur Bulle.]
(Le Soleil : À l'évocation du drame du 30 juillet 1974, les visages se rembrunissent. Cette tache dans l'histoire des Forces armées au Québec, personne ne tient vraiment à la rappeler à la mémoire des gens. Les cadets 20 ans après le drame. 25 juillet 1994 Michèle Laferrière)
La Une du Soleil du mercredi 31 juillet 1974 (le journal coutait 0.15)
CADETS DÉCHIQUETÉS PAR UNE GRENADE
Article de Guy Dubé.
EXTRAITS :
La pire tragédie, survenue à la base militaire de Valcartier, a assombri, hier après-midi, le dossier des Forces Armées Canadiennes.
En effet, 6 cadets ont été littéralement déchiquetés par une grenade offensive à 14h. hier et 32 autres ont subi des blessures pendant une séance de cours sur les explosifs.
L’explosion est survenue après qu’un des 65 jeunes cadet eut lancé une grenade étiquetée «inoffensive» dans le fond d’une salle à l’insu de l’instructeur.
C’est une grenade de type 36, c’est-à-dire qu’elle peut détruire presque tout dans un rayon de 36 verges.
L’engin meurtrier aurait été placé par mégarde avec ceux qui sont habituellement chargés à blanc pour fin de démonstration.
(…)
COUP DE TONNERRE
«On croyait que c’était un coup de tonnerre.» a expliqué un cadet qui se trouvait dans un camp voisin.
À l’intérieur de la bâtisse, a expliqué un membre de la police militaire qui est accouru sur les lieux quelques temps plus tard, le spectacle était affreux.
Des membres étaient arrachés de leurs corps. Des «enfants» avaient la figure déchiquetée à un point tel qu’il a fallu plusieurs heures pour pouvoir les identifier. D’autres cadets gisaient ici et là, certains se lamantaient, d’autres étaient morts sur le coup, complètement éventrés.
La bâtisse, pour sa part, n’a subi que des dégâts très mineurs, les corps des adolescents, âgés de 14 à 16 ans ayant amorti la violence de l’explosion.
(au cours des opérations de secours) la plupart de cadets ont agi avec calme et discipline.
LA GUERRE
Ça me faisait penser au retour de blessés de guerre. Au lieu que ce soit des femmes qui cherchaient leurs maris, comme on voit dans des films, hier soir, c’étaient des mères qui voulaient retrouver leurs enfants.
(…) Seulement 8 du groupe de 65 cadets ont pu s’en tirer de façon tout à fait indemne.
TOURNER LA PAGE
Trente-cinq ans plus tard, une trentaine de cadets présents se réuniront pour la première fois depuis l’incident.
Les 29 et 30 juillet prochains, environ 30 cadets présents lors de l’incident, accompagnés de leur famille et amis, doivent prendre part à un événement spécial de commémoration. Des membres de la famille (des explosés) seront aussi présents.
Le 29 juillet, les anciens cadets se rassembleront à l’hôtel Le Clarion de Québec pour discuter du drame, après 35 ans de silence. Puis, le 30 juillet vers 9 heures, les cadets arriveront en autobus au Centre d’instruction des cadets de l’Armée de Valcartier. Ils assisteront à la cérémonie de souvenir, qui est tenue chaque année au camp des cadets. Ils déposeront ensuite une couronne au terrain de parade, avant de se rendre sur les lieux de la tragédie.
(Le Soleil: Près de 20 ans après le drame, en 1992, Clermont Morin, se décide à consulter pour des problèmes de stress post- traumatique. Le moindre incident provoque chez lui des crises de panique, à répétition. "La caméra se remet en marche, dit-il. Quand ça arrive, je deviens locateur de mon corps. Cette bibitte-là me fait faire ce qu'elle veut."
Joint par Charles Gutta il y a quelques mois, Clermont Morin lui a donné un coup de pouce afin d'organiser la cérémonie commémorative d'aujourd'hui. "Je veux tourner la page d'un livre que j'espère brûler après", laisse-t-il tomber. 35 ans après le drame de Valcartier. Comme si c'était hier. 30 juillet 2009. Daphnée Dion-Viens.)
(Radio-Canada : Charles Gutta, chargé du groupe au moment de l'explosion, garde également un souvenir douloureux de cette journée de 1974. Pour M.Gutta, cette commémoration est d'une importance capitale. La cérémonie, espère-t-il, lui permettra enfin de vivre en paix avec cette histoire vieille de 35 ans.)
(Le Soleil: À l'époque, Charles Gutta était adjudant-maître de la compagnie D du camp des cadets. Accouru sur les lieux quelques secondes après la déflagration, il a porté secours aux victimes. Il a nettoyé la scène. Il a côtoyé l'horreur. "Après, j'ai continué à vivre. J'ai tenté de faire comme si rien ne s'était passé. Quelle erreur..." laisse-t-il tomber. Aujourd'hui, il tente d'exorciser les démons du passé. 35 ans après le drame de Valcartier. Les cadets toujours dans une zone grise. Daphnée Dion-Viens. 30 juillet 2009.)
«Mon but, c’est que nous tournions la page», a indiqué Charles Gutta, principal organisateur.
(Radio de Radio-Canada: Certaines victimes auraient eu des compensations du gouvernement mais on n’en connait pas les montants. Car les cadets ne sont pas régis par la loi des anciens combattants. Certains qui sont maintenant dans la quarantaine en garderont des séquelles physiques tout le reste de leur jour [infirme- estropié-défiguré-mutilé])
*
35 ANS APRÈS LE DRAME DE VALCARTIER
LES CADETS TOUJOURS DANS UNE ZONE GRISE
Daphnée Dion-Viens
Le Soleil, jeudi, 30 juillet 2009
(Certaines des victimes ont encore) une touche d'amertume envers la Défense nationale. Les cadets blessés n'étant pas couverts par le programme des Anciens combattants, les familles ont dû se battre pour obtenir une compensation financière. Une situation qui prévaut encore aujourd'hui.
En 1974, la marche vers une indemnisation financière était longue et ardue pour les cadets qui ont été marqués à vie par l'explosion d'une grenade, au camp de cadets de Valcartier. Trente-cinq ans plus tard, rien n'a changé.
L'avocat François Marchand en sait quelque chose. Un de ses clients s'est blessé lors d'une activité des cadets il y a deux ans. Ce jeune homme, qui a aujourd'hui 18 ans, en conservera des séquelles toute sa vie.
Après deux ans de démarches, il se bat toujours avec la Défense nationale pour obtenir une juste compensation. Puisque les cadets ne sont pas assujettis à la Loi sur les allocations aux anciens combattants, qui indemnise les membres des Forces régulières et les réservistes, les recours civils sont les mêmes que pour des blessures subies dans un camp scout ou dans un club de hockey, explique le major Carlo de Ciccio, officier d'affaires publiques pour les cadets au Québec.
"On assure les services d'urgence. Ensuite, si des frais ne sont pas couverts par les assurances, les familles peuvent soumettre une réclamation. C'est vraiment du cas par cas", affirme-t-il. Mais aucune compensation n'est systématiquement accordée pour les séquelles permanentes.
La famille du jeune cadet blessé a entrepris des démarches judiciaires, il y a environ deux ans. Me Marchand n'en revient pas de la lenteur des procédures. "Ce dossier avance à une vitesse géologique. La croûte terrestre évolue plus vite que ça", lance-t-il.
Autre problème : le manque de transparence. Ou plutôt, la "culture du secret".
Impossible de connaître les compensations financières accordées par Anciens combattants Canada aux militaires, ce qui aurait permis de déterminer plus facilement les sommes à réclamer pour son client.
Même l'expertise médicale du jeune homme, réalisée par la Défense nationale, est gardée confidentielle! "Dans n'importe quelle cause, on transmet les expertises à l'autre partie. Je suis tombé en bas de ma chaise quand j'ai appris qu'ils refusaient de nous les donner", ajoute Me Marchand.
CADRE JURIDIQUE
Une compensation financière a finalement été proposée par la Défense nationale, mais son client doit réaliser ses propres expertises médicales s'il ne veut pas "accepter une offre monétaire les yeux fermés", dit l'avocat. Une histoire qui est loin d'être terminée.
Les cadets qui ont subi des blessures lors de l'explosion d'une grenade à Valcartier, en 1974, ne l'ont pas eu plus facile.
Le cadre juridique étant le même à l'époque, toutes les compensations financières étaient loin d'être acquises.
Même la Défense nationale ne peut dire si les soldats ont été compensés, et si oui, combien l'ont été. "Je n'ai pas d'information à ce sujet", a indiqué le major Carlo de Ciccio, officier d'affaires publiques pour les cadets du Québec.
Chaque personne qui croit que son état se détériore en raison d'une action du gouvernement a des recours juridiques possibles. Mais il s'agit de cas privés qu'on ne commente pas."
(...)
En reprenant contact avec d'anciens cadets, deux d'entre eux lui ont confié que leur famille avait dû acquitter des frais d'avocat élevés avant de finir par recevoir une compensation financière d'Ottawa. Des procédures judiciaires coûteuses, qui n'étaient pas à la portée de tous les portefeuilles. Charles Gutta aimerait bien savoir si d'autres cadets ont reçu une juste compensation à la suite de ce drame, qui a bouleversé leur vie. Il en doute. Les rumeurs qui sont parvenues à ses oreilles racontent le contraire.
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DRAME DE VALCARTIER: DES FAMILLES ET DES CADETS AMERS
Daphnée Dion-Viens
Le Soleil. Publié le 30 juillet 2009 à 17h16
(Québec) «On n'a vraiment rien eu. Rien du tout. Si ça se reproduisait aujourd'hui, ça se passerait autrement. Je déterrerais la hache de guerre.»
Trente-cinq ans plus tard, Normand Provencher n'a toujours pas fait son deuil. Son frère Mario est mort à l'âge de 15 ans, tué dans l'explosion d'une grenade lors d'un camp de cadets à Valcartier. «C'était le seul frère que j'avais. Depuis que c'est arrivé, j'en ai arraché pas mal.»
À l'époque, Normand s'était enrôlé dans l'armée depuis peu. Il était à la base de Valcartier lorsque le drame est survenu. «Mes parents étaient à Montréal, alors, comme j'étais proche, c'est moi qui est allé identifier Mario à la morgue. J'avais 19 ans.»
C'est lui qui s'est occupé des arrangements funéraires. Il en garde d'ailleurs un goût amer. «Il y avait un représentant des Forces avec moi lorsque je suis allé choisir le cercueil. Je me rappelle très bien que le major avec qui j'étais m'a dit qu'il fallait que ça tombe dans leurs prix.
Sa famille à l'époque n'avait pas les moyens de se payer un avocat pour en réclamer davantage d'Ottawa. «Ça n'aurait jamais dû se passer comme ça», lance-t-il, la colère dans la voix. D'autres familles ont entrepris des recours judiciaires contre la Défense nationale, comme les parents d'Yves Langlois, lui aussi décédé dans l'accident. «On a pris un avocat, raconte sa mère, Claire.
SE BATTRE, EN VAIN
D'autres familles se sont battues, mais n'ont rien obtenu. L'ancien cadet Christian Côté était assis tout près d'Éric Lloyd, le garçon qui a dégoupillé la grenade. Il a passé six semaines aux soins intensifs et a failli perdre son bras. Il en garde encore aujourd'hui des séquelles.
Ses parents à l'époque ont dépensé 4000 $ en frais d'avocat pour obtenir une compensation, mais la Défense nationale a toujours refusé de payer. «Ça n'a rien donné parce que, eux, des avocats, ils en avaient», laisse-t-il tomber, amer.
Maintenant âgé de 50 ans, Christian Côté considère qu'il ne s'en est pas si mal tiré comparé à d'autres, plus mal en point. «J'en ai rencontré avec de graves problèmes psychologiques. C'est vraiment ingrat. Ils nous ont oubliés.»
Louise Richard, membre des cadets en 1974 et infirmière à la retraite des Forces, ne mâche pas ses mots pour décrire la situation. «C'est une vraie honte! Il y a d'anciens cadets qui se sont suicidés à la suite de l'événement, d'autres qui sont sans-abri, alcooliques... Il n'est pas trop tard pour leur apporter l'aide physique et psychologique dont ils ont besoin.»
Un avis partagé par Michel Drapeau, ancien colonel aujourd'hui avocat en droit militaire, à Ottawa. «La Défense nationale est responsable, il n'y a aucun doute. Et Ottawa doit payer. C'est une obligation morale. Lorsqu'on voit les milliards de dollars dépensés en Afghanistan et qu'on ne s'occupe pas de notre monde qui souffre... Ça me choque. Littéralement.»
Mais il n'est pas trop tard pour corriger le passé, ajoute-t-il lui aussi. «On l'a fait dans d'autres cas, avec les autochtones en Colombie-Britannique, pour Maher Arar... Pourquoi pas avec eux?»
Au cabinet du ministre de la Défense, Peter MacKay, nos appels sont restés sans réponse, jeudi.
Conseil du professeur Bulle: Donnez votre vie (ou vos jambes) pour votre patrie mais ne comptez pas sur elle ensuite! Vous êtes prévenu. Ne venez pas dire ensuite qu'on ne vous l'avait pas dit.