15 Septembre 2007
Le Courrier. Quotidien Suisse et Indépendant.
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Rachad Armanios
LAUSANNE - En 2003, pour pousser Paris à partir en guerre contre l'Irak, Bush a parlé à Chirac du livre d'Ezéchiel, révèle le théologien Thomas Römer, professeur à l'université de Lausanne.
Cette conversation, Thomas Römer, professeur de théologie à l'université de Lausanne, en a eu vent via une responsable de la Fédération protestante de France. Celle-ci lui demandait des éclaircissements sur l'épisode biblique.
La Fédération avait elle-même été sollicitée par l'Elysée, dans la mesure où ni Jacques Chirac ni ses services n'avaient compris la référence théologique de Bush.
C'est ce que nous apprend le dernier numéro d'Allez Savoir!, le journal de l'université de Lausanne. Contacté par Le Courrier, Thomas Römer confirme avoir rédigé pour la Fédération protestante de France un document expliquant les fondements théologiques de Gog et Magog, deux créatures apparaissant dans la Genèse et surtout dans deux chapitres du «Livre d'Ezéchiel», dans l'Ancien Testament.
Dans ces textes, on apprend qu'une grande armée mondiale se formera et livrera une bataille finale à Israël. Alors que pendant la Guerre froide Gog et Magog étaient, selon une réinterprétation d'Ezéchiel, incarnés par la Russie communiste, celle-ci est désormais remplacée, dans l'esprit d'une certaine mouvance évangélique à laquelle appartient Bush, par l'Irak, l'Iran ou les musulmans en général.
Selon cette vision, qui a son importance géopolitique, les Etats-Unis doivent un soutien indéfectible à Israël.
Or, et c'est ce qu'a expliqué Thomas Römer dons son document – qui n'évoquait pas la vision du Bush –, le texte de Gog et Magog est probablement l'un des plus compliqués de l'Ancien Testament. On ne sait pas qui sont «Gog et Magog», qui deviennent parfois «Gog de Magog», explique le professeur.
On pense à l'Empire perse ou, plus tard, à l'arrivée d'Alexandre le Grand au Proche-Orient. Mais c'est peut-être bien un roi d'Anatolie, Gygos, qui a donné son nom à Gog.
Quoi qu'il en soit, une lecture historique place effectivement le texte dans une tradition apocalyptique, selon laquelle on assistera à une succession de royaumes avant le dénouement final et l'irruption d'un temps nouveau, explique M. Römer.
Mais attention, avertit le théologien, de même que l'Apocalypse de Jean dans le Nouveau Testament annonce en fait la chute de l'Empire romain, les auteurs d'Ezéchiel s'adressent à leurs contemporains, faisant référence à une histoire en train de se réaliser.
«Dans ce sens, on peut dire que la prophétie a déjà été accomplie.»
Un avis dont on ne sait s'il est finalement parvenu aux oreilles de George Bush.