samedi 20 février 2010
2435
DES CHOSES DIFFICILE À ENTENDRE
Jury, Pierre
Le Droit
18 février 2010
Au Canada anglais, il est généralement mal vu de naître sous une couleur politique et de mourir sous une autre.
Lucien Bouchard y est perçu par plusieurs comme un vire-capot, parce qu'il a quitté le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney pour fonder le Bloc québécois en 1990.
Ces dernières années, ce sont bien des militants du Parti québécois qui s'interrogent sur le virage de l'ancien premier ministre du Québec qui tourne progressivement le dos à la souveraineté-association.
Jamais la volte-face de M. Bouchard n'a été aussi claire que dans ses plus récentes déclarations, prononcées cette semaine, lors d'un débat tenu dans le cadre des célébrations du 100e anniversaire du quotidien Le Devoir.
Bien qu'il se considérerait toujours comme un souverainiste, ses propos témoignent d'un tournant sur le plus long terme.
L'indépendance demeurerait un objectif à long terme,
mais, pour le court ou moyen terme, le Québec devrait " se mettre à la tâche " pour s'attaquer à quelques-uns des défis que M. Bouchard et d'autres avaient à peu près identifiés dans le " manifeste des lucides ", en 2005.
Rappelons-les brièvement : la croissance économique plus lente du Québec que la majorité des gouvernements d'Amérique du nord, la dette publique, le déclin démographique
et l'émergence économique des pays d'Asie.
[On l'oubliais, celle-là. On va s'en prendre à la Chine qui doit dépasser le milliard d'habitants. Ollé!]
Cette semaine, il a parlé du financement des universités, de décrochage scolaire et des tarifs d'électricité.
Les souverainistes croient au contraire que le rapatriement des pouvoirs fédéraux est un des outils de base que le Québec doit contrôler pour relever les défis soulevés par M. Bouchard, et d'autres encore.
De toute évidence, l'ancien premier ministre a perdu le feu sacré.
Non seulement ça, mais en prenant la parole ainsi, il joue exactement le rôle de " belle-mère " qu'il décriait à l'époque où il était au pouvoir.
Il a tourné le dos à l'héritage social-démocrate qui était le lot des gouvernements du Parti québécois, voilà qu'il tourne le dos à la souveraineté, malgré ses prétentions.
Et M. Bouchard en remet une couche.
On aurait pu croire qu'il applaudirait le fait que Pauline Marois a mis les purs et durs du PQ au pas ou à la porte,
[Tiens! On savait pas ça!]
et repoussé aux calendes grecques un troisième référendum.
M. Bouchard avait fait la même chose en imposant à son parti le principe des " conditions gagnantes " qui devraient être atteintes avant que le PQ ne force un autre référendum après ceux qu'il a perdus
en 1980 (60-40 %) et en 1995 (50,6-49,4 %).
LES DIVERGENCES
Mais, de toute évidence, les deux ne s'entendent pas sur le reste.
M. Bouchard a accusé le PQ de récupérer des éléments du programme de l'Action démocratique du Québec en faisant sien des débats comme celui sur la laïcité et le port du voile islamique, qui ne sont pas, à son avis, des menaces sérieuses à la société québécoise francophone.
Sur bien de ces sujets, Lucien Bouchard a plutôt raison, incluant sur la perspective d'un référendum dont personne, sauf les plus convaincus, ne souhaite la tenue.
Sur les défis du Québec, il y a matière à débat sur les stratégies à adopter plutôt que sur le fond.
Personne ne peut vraiment nier que le Québec est moins riche que la plupart des provinces et États du Canada et des États-Unis.
Il s'est doté de certains services au-delà de ses moyens - mais qui améliorent la situation de ses citoyens, comme les garderies et l'assurance-médicaments.
Et les perspectives démographiques et l'économie du Québec creusent l'écart plutôt que le comblent.
Des choix s'imposent.
Et pour le moment, ces choix s'opéreront au sein du Canada, pas à ses côtés.
Quoi qu'en pensent les souverainistes, et quoi qu'ils pensent de Lucien Bouchard.
Numéro de document : news•20100218•LT•0021
Jury, Pierre
Le Droit
18 février 2010
Au Canada anglais, il est généralement mal vu de naître sous une couleur politique et de mourir sous une autre.
Lucien Bouchard y est perçu par plusieurs comme un vire-capot, parce qu'il a quitté le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney pour fonder le Bloc québécois en 1990.
Ces dernières années, ce sont bien des militants du Parti québécois qui s'interrogent sur le virage de l'ancien premier ministre du Québec qui tourne progressivement le dos à la souveraineté-association.
Jamais la volte-face de M. Bouchard n'a été aussi claire que dans ses plus récentes déclarations, prononcées cette semaine, lors d'un débat tenu dans le cadre des célébrations du 100e anniversaire du quotidien Le Devoir.
Bien qu'il se considérerait toujours comme un souverainiste, ses propos témoignent d'un tournant sur le plus long terme.
L'indépendance demeurerait un objectif à long terme,
mais, pour le court ou moyen terme, le Québec devrait " se mettre à la tâche " pour s'attaquer à quelques-uns des défis que M. Bouchard et d'autres avaient à peu près identifiés dans le " manifeste des lucides ", en 2005.
Rappelons-les brièvement : la croissance économique plus lente du Québec que la majorité des gouvernements d'Amérique du nord, la dette publique, le déclin démographique
et l'émergence économique des pays d'Asie.
[On l'oubliais, celle-là. On va s'en prendre à la Chine qui doit dépasser le milliard d'habitants. Ollé!]
Cette semaine, il a parlé du financement des universités, de décrochage scolaire et des tarifs d'électricité.
Les souverainistes croient au contraire que le rapatriement des pouvoirs fédéraux est un des outils de base que le Québec doit contrôler pour relever les défis soulevés par M. Bouchard, et d'autres encore.
De toute évidence, l'ancien premier ministre a perdu le feu sacré.
Non seulement ça, mais en prenant la parole ainsi, il joue exactement le rôle de " belle-mère " qu'il décriait à l'époque où il était au pouvoir.
Il a tourné le dos à l'héritage social-démocrate qui était le lot des gouvernements du Parti québécois, voilà qu'il tourne le dos à la souveraineté, malgré ses prétentions.
Et M. Bouchard en remet une couche.
On aurait pu croire qu'il applaudirait le fait que Pauline Marois a mis les purs et durs du PQ au pas ou à la porte,
[Tiens! On savait pas ça!]
et repoussé aux calendes grecques un troisième référendum.
M. Bouchard avait fait la même chose en imposant à son parti le principe des " conditions gagnantes " qui devraient être atteintes avant que le PQ ne force un autre référendum après ceux qu'il a perdus
en 1980 (60-40 %) et en 1995 (50,6-49,4 %).
LES DIVERGENCES
Mais, de toute évidence, les deux ne s'entendent pas sur le reste.
M. Bouchard a accusé le PQ de récupérer des éléments du programme de l'Action démocratique du Québec en faisant sien des débats comme celui sur la laïcité et le port du voile islamique, qui ne sont pas, à son avis, des menaces sérieuses à la société québécoise francophone.
Sur bien de ces sujets, Lucien Bouchard a plutôt raison, incluant sur la perspective d'un référendum dont personne, sauf les plus convaincus, ne souhaite la tenue.
Sur les défis du Québec, il y a matière à débat sur les stratégies à adopter plutôt que sur le fond.
Personne ne peut vraiment nier que le Québec est moins riche que la plupart des provinces et États du Canada et des États-Unis.
Il s'est doté de certains services au-delà de ses moyens - mais qui améliorent la situation de ses citoyens, comme les garderies et l'assurance-médicaments.
Et les perspectives démographiques et l'économie du Québec creusent l'écart plutôt que le comblent.
Des choix s'imposent.
Et pour le moment, ces choix s'opéreront au sein du Canada, pas à ses côtés.
Quoi qu'en pensent les souverainistes, et quoi qu'ils pensent de Lucien Bouchard.
Numéro de document : news•20100218•LT•0021