DÉDOMMAGEMENTS SANS PRÉCÉDENT EN 2008
Morin, Annie
Le Soleil. 13 janvier 2009
Les producteurs de porcs du Québec recevront un demi-milliard de dollars en compensations de toutes sortes pour l'année 2008, marquée par des prix anémiques et une hausse des coûts de production.
Ce record devrait passer à l'histoire puisque le principal programme d'aide du gouvernement du Québec, l'assurance stabilisation du revenu agricole (ASRA), doit être révisé dans les prochains mois. Le prix du porc promet également de s'apprécier en cours d'année, comme le laissent présager les contrats conclus récemment sur les marchés à terme. (On spécule aussi sur le porc.)
En 2007, l'industrie porcine avait déjà repoussé le plafond de l'aide gouvernementale avec des dédommagements totalisant 375 millions $, du jamais vu tous secteurs de production confondus.
(…)La facture d'alimentation des bêtes a explosé en même temps que les cours du maïs, qui se sont un peu repliés à l'automne.
(On oublie le problème de l’éthanol qui, en plus de faire augment le prix du blé d’inde a une pointe d’immoralité qui ferait glousser Sade : Prendre un aliment, même pour le bétail et en faire du carburant «vert» pour les autos. Il y a aussi le problème de prendre des aliments pour les humains et les donner au bétail. Et déboiser en Amérique du Sud et en Asie pour tout ça. Chassant au besoin les indigènes qui iront finir leur vie dans des bidonvilles s’ils peuvent éviter les balles.)
Le prix de la viande, lui, s'est maintenu dans les bas-fonds, à environ 116 $ la carcasse, en raison d'une surproduction mondiale. (Les producteurs porcins des États-Unis ont les coûts de production sont parmi les plus bas au monde.) (Et Washington, comme il l’a fait dans le cas du bois se plaint des subventions illégales que reçoivent les producteurs canadiens.)
Et le dollar canadien a passé une bonne partie de l'année à parité avec l'américain, ce qui désavantageait les exportateurs québécois.
Moyennant une cotisation correspondant au tiers de l'aide disponible, l'ASRA verse aux producteurs agricoles la différence entre ce qu'il en coûte pour produire une denrée et le prix du marché.
Dans le cas des cochons dirigés vers l'abattoir, le versement était de 46,11 $ par tête en 2008. Or, le Québec a produit le nombre record de 7 700 000 porcs en 2008, conséquence d'une diminution des maladies, de l'amélioration de la génétique et... de la générosité des programmes d'aide au revenu agricole. Les 356 646 truies reproductrices ont aussi récolté une aide de 544,69 $ chacune.
Ce demi-milliard de dollars ne peut être considéré comme une subvention pure et simple (?) puisque les producteurs ont eux-mêmes contribué pour 105 millions $ au programme d'assurances cette année. Le fédéral et le provincial se partagent le reste de la facture.
À Québec, l'argent est puisé dans un fonds fiduciaire, indépendant des budgets réguliers. Durant les bonnes années, le déficit est renfloué. Mais comme il atteint aujourd'hui 600 millions $, plusieurs observateurs craignent qu'il ne soit hors de contrôle, même au sein du gouvernement du Québec.
(…)
Cycle déréglé
Or, c'est précisément ce qui arrive depuis que le cycle de quatre ans de la production porcine - à une très bonne année succèdent généralement deux moyennes et une mauvaise - est rompu. Cela fait maintenant trois ans que les réclamations se comptent par centaines de millions.
"Les réserves du gouvernement pour l'ensemble de ses missions sont de 200 millions $. Il n'a pas l'argent pour éponger" un déficit trois fois supérieur à cela et en constante progression, insiste M. Gouin.
(…) Les analystes américains s'inquiètent aussi de voir que le cheptel a diminué d'à peine 2 % aux États-Unis, les faillites des petits joueurs ayant été éclipsées par l'augmentation de la capacité des gros et l'amélioration de la génétique. Le Canada a plutôt enregistré une baisse de 17 % du nombre de producteurs de porcs, selon les derniers chiffres de Statistique Canada.
Le Québec a toutefois été épargné puisque les producteurs comptent sur l'ASRA pour passer au travers de la crise.
550 millions $ de compensations en 2008
544,69 $ par truie reproductrice
46,11 $ par cochon abattu
7 700 000 porcs produits
600 millions $ de déficit à l'ASRA
3900 producteurs porcins au Québec
Dédommagements versés aux producteurs de porcs
2003 - 201 271 606 $
2004 - 4 035 772 $
2005 - 46 250 343 $
2006 - 252 229 098 $
2007 - 375 074 113 $
2008 - 549 308 510 $
Source : Financière agricole du Québec
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Alimenterre
CONTROVERSÉS COCHONS
Morin, Annie
Le Soleil. 18 janvier 2009
La production porcine attise les passions des Québécois au même titre que les caprices de la météo et la performance du Canadien de Montréal. Pas mal pour une population qui se préoccupe assez peu d'agriculture en d'autres temps.
D'un côté, des citoyens et des économistes crient au scandale financier, voire au détournement de taxes. Il est vrai que l'aide gouvernementale a atteint des sommets que personne n'avait osé imaginer, même les actuaires de la Financière agricole du Québec (FADQ). Comme tous les spécialistes des probabilités, ils ont tenté de prévoir l'imprévisible, sans toutefois tomber dans la science-fiction. (…)
Mais le pire du pire s'est concrétisé au cours des trois dernières années. Prix au plancher, coûts de production en hausse, épisodes de maladies, concurrence féroce, dollar canadien en cavale... Tous les beaux calculs des actuaires ont pris le bord. Le scénario catastrophe s'est concrétisé. En 2008, les dédommagements ont dépassé le demi- milliard de dollars.
Le cycle de la production porcine a été rompu, répètent les spécialistes. À une mauvaise année succédaient généralement deux moyennes et une très bonne. En regardant les statistiques de la FADQ de plus près, force est toutefois de conclure que les années moyennes étaient très moyennes, car les producteurs ont obtenu des compensations 20 fois depuis 1981. C'est donc dire qu'ils n'ont pas reçu de chèque à seulement six reprises.
En septembre 1998, des producteurs de porcs avaient envahi l'autoroute 20 avec leurs bêtes, afin de forcer le gouvernement du Québec à les aider financièrement.
Les producteurs agricoles se défendent en disant que l'assurance stabilisation du revenu agricole (ASRA) n'est pas un programme de subvention, mais d'assurance, et qu'ils assument le tiers des cotisations.
Cela est partiellement vrai, car leur tiers est calculé sur le solde qui échoue au gouvernement du Québec une fois que le fédéral a payé sa part. Cela ressemble donc davantage à un cinquième qu'à un vrai tiers.
Pour une année comme 2008, la différence est de 80 millions $. Plusieurs citoyens rêveraient d'une répartition aussi avantageuse pour leurs assurances salaire et santé.
Jean-Guy Vincent, président de la Fédération des producteurs de porcs du Québec (FPPQ), se fait aussi un devoir de souligner que ses membres ne font pas de profits avec l'argent public et plaide pour un "revenu décent comparable à ce que le reste de la société gagne".
L'ASRA est effectivement calculée sur la différence entre les coûts de production et les prix du marché pour une ferme moyenne.
Pour les petits joueurs, moins efficaces, cela peut être désavantageux. Comme plusieurs agriculteurs d'autres secteurs, ils doivent donc compter sur le revenu d'un conjoint à l'extérieur de la ferme pour joindre les deux bouts. Pour les gros joueurs, rompus aux nouvelles technologies et capables d'économies d'échelle, la formule est toutefois plus favorable.
Pas étonnant que la production nationale augmente même en période de turbulence. En 2008, elle a atteint un record de 7 700 000 têtes.
Aux critiques basées sur des chiffres, les agriculteurs, les ruraux et d'autres économistes répliquent que l'aide gouvernementale au secteur porcin est un choix, pour ne pas dire un projet de société.
Les fermes porcines animent nos campagnes et donnent de l'emploi à plus de 28 000 personnes à travers le Québec, selon des données datant de 2003 publiées par la FPPQ. Après le lait, le porc est d'ailleurs le secteur agricole qui rapporte le plus. Et l'argent a le mérite de provenir d'ailleurs, puisque 50 % du porc québécois est exporté, surtout vers le Japon, les États-Unis, l'Australie et d'autres pays d'Asie.
L'argument du choix de société se bute toutefois à un mur érigé par les défenseurs de l'environnement, qui estiment que le coût réel assumé par les Québécois devrait inclure les dommages à la terre, à l'air et à l'eau.
Actuaires, à vos calculettes. Et ne vous trompez pas cette fois! Annie Morin
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QUÉBEC À BOUT DE PATIENCE DANS LE DOSSIER DU PORC
Morin, Annie; Corbeil, Michel
Le Soleil. 14 janvier 2009
Le gouvernement du Québec veut bien faire sa part pour que l'industrie porcine garde le groin hors de l'eau, mais pas au point d'y engloutir des centaines de millions de dollars par année.
"On a été au rendez-vous concernant la production. Toutefois, on se dit que ce n'est pas quelque chose qui peut être répétable dans le temps à ce niveau-là", a indiqué hier le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Laurent Lessard, dans les corridors de l'Assemblée nationale.
(…) Le ministre parle d'un "secteur difficile" et "un peu contradictoire". "Pendant qu'on est en période de crise, il y en a qui ont augmenté, et de beaucoup, leur production. On se questionne sur les effets de l'assurance stabilisation. L'objectif, c'est de passer les tempêtes, pas de permettre de les perpétuer dans le temps", a insisté M. Lessard.
Le ministre répète qu'il faut trouver les solutions "dans le marché", pas dans les programmes de sécurité du revenu.
C'est justement ce que la Fédération des producteurs de porcs du Québec (FPPQ) tente de faire en soumettant une nouvelle convention de mise en marché aux transformateurs. En échange du prix américain, les producteurs limiteraient leur cheptel et livreraient des carcasses correspondant à des standards de poids et de qualité plus élevés.
Pour l'instant, toutefois, seule Olymel a signé l'entente de principe. Les autres joueurs, plus petits, se font tirer l'oreille. Tout ce beau monde se retrouvera bientôt devant la Régie des marchés agricoles, qui a nommé un conciliateur pour essayer de rapprocher les parties.
(…) M. Vincent calcule également que les millions de dollars drainés par l'industrie porcine sont "un investissement et non pas une subvention". "Les gouvernements du monde entier investissent des milliards de dollars pour soutenir l'économie. Ce qui se passe ici n'est pas différent d'ailleurs", plaide-t-il.
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PORCS: QUÉBEC PROLONGE LE MORATOIRE D'UN AN
L'UPA voudrait négocier le rapport du BAPE
Louis-Gilles Francoeur,
Le Devoir 21 novembre 2003
Québec prolonge d'un an le moratoire sur la production porcine. Il refuse aussi de se rendre à court terme à la principale revendication des producteurs porcins, à savoir négocier avec eux l'application des recommandations de la commission Boucher. En effet, le gouvernement annonce qu'il va plutôt annoncer «prochainement» les choix qu'il aura faits pour encadrer le développement de cette industrie.
(…) «il serait périlleux de lever les contraintes aux élevages porcins tant que nous n'aurons pas mis en place un plan d'action complet pour assurer une production porcine durable dans le respect de l'environnement et le souci d'une cohabitation harmonieuse», a commenté le ministre
Thomas Mulcair.
(…) Pour les présidents de l'UPA et de la FPPQ, Laurent Pellerin et Claude Corbeil, cette prolongation du moratoire constitue un «manquement à la parole de la part du gouvernement» car les agriculteurs avaient acquiescé au gel de la production à condition d'en connaître la fin, qui avait été fixée à décembre prochain.
De plus, les producteurs s'attendaient à ce que le moratoire cesse en décembre dans le cas des régions qui ne sont pas en surplus de fumiers et de lisiers et qu'il prenne fin en juin prochain dans le cas des «zones d'activités limitées» en raison de surplus pour l'instant incompressibles.
Laurent Pellerin estime que Québec aurait pu lever le moratoire dès décembre dans le cas des zones qui ne sont pas en surplus car, dit-il, personne n'y lancera de projets de construction, de rénovation ou de changement de modes de gestion avant le printemps prochain, ce qui aurait donné suffisamment de temps pour mettre en place de nouvelles règles.
(…) L'autre recommandation du BAPE qui irrite au plus haut point le monde agricole est la proposition visant à mettre fin au système de subvention basé sur le volume de production au profit d'un montant forfaitaire égal pour tous les producteurs. Le système actuel réserve l'essentiel des fonds gouvernementaux aux gros producteurs.
(…) Les deux organismes agricoles déplorent enfin que la commission n'ait formulé aucune recommandation sur la gestion des surplus de fumier par le traitement et la valorisation des engrais organiques. (…)
La commission semble avoir écarté la voie du traitement des lisiers par cohérence avec l'appui qu'elle accorde à la double stratégie du contrôle des volumes d'épandage en fonction de la capacité réceptrice de chaque ferme et aussi de la région.
L'UPA et la FPPQ auraient bien aimé voir disparaître le concept des régions en surplus au profit d'une approche unique ferme par ferme.