jeudi 9 avril 2009
259
RECHERCHE PARACHUTE DORÉ
Payette, Lise
Le Devoir. IDÉES. 3 avril 2009
N'allez pas croire que ma demande soit seulement motivée par l'argent. Pas du tout. Mais je suis très curieuse de savoir comment on arrive à ce niveau d'«accommodement raisonnable» dans le milieu financier; qu'on puisse s'asseoir devant quelqu'un pour négocier, non seulement son salaire qui est déjà pas mal salé, mais les petites primes qui doivent l'accompagner: le cadeau d'arrivée, dit le «Golden Hello», et les cadeaux de départ qu'on appelle les «primes de séparation», sans oublier bien sûr les retraites bien dodues qui vont suivre.
C'est sans compter les comptes de dépenses qui permettront quelques petites folies et des vacances pour refaire le plein de temps en temps. Tellement de détails que je ne suis pas sûre qu'un être humain normalement constitué puisse gérer tout ça tout seul. Il doit sûrement se faire aider par un négociateur professionnel, autrement il risquerait de se faire avoir. Quelle horreur!
Nous savons maintenant pourquoi il y a des riches parmi nous. Il nous aura fallu du temps pour comprendre comment ça fonctionnait. En fait, me semble-t-il, à moins qu'on me prouve le contraire, il faut d'abord être né à la bonne place, dans le bon milieu, avec des parents qui ont les bons amis et la possibilité de faire de bonnes études.
Si vous êtes né en Ontario mais que vous arrivez à faire une phrase en français, les portes du Québec vous seront grandes ouvertes. Si votre nom se compose d'un prénom anglophone suivi d'un nom de famille francophone, ou même l'inverse, vous venez d'ajouter plusieurs points à votre candidature à un parachute doré. Si vous savez vous tenir en public et que vous pouvez jouer au golf, votre avenir est assuré. Si en plus vous épousez la petite fille d'un ancien premier ministre ou la fille d'un ministre important, soyez sûr que le parachute va s'ouvrir.
Quand ces êtres rares sont congédiés, parfois pour incompétence - qu'on prendra bien soin d'appeler autrement dans ces milieux - vous ne risquez pas de les retrouver déguisés en quêteux sur la rue Sainte-Catherine. Vous les verrez plutôt juchés tout en haut de la pyramide, dans un autre organisme qui aura su les accueillir à bras ouverts une fois terminée, à nouveau, la négociation du «Golden Hello» et de tout le reste. Pas question que ça change. Les happy few se renvoient le parachute, c'est connu. Tu amortis ma chute, j'amortirai la tienne. Personne ne se fait jamais mal. On ne s'aime pas, mais on s'entraide.
Qui paye?
Pour tous les organismes d'État, c'est nous qui payons ce petit jeu. Ça commence par le salaire du premier ministre, qu'on ne peut mettre à la porte qu'une fois tous les quatre ans. On paye aussi le salaire de tous ses ministres. Certains citoyens ont été surpris d'apprendre cette semaine qu'ils payent aussi les salaires de la multitude de «conseillers politiques» qui entourent tout ce beau monde.
Nous payons les parachutes dorés des dirigeants de nos sociétés d'État, ceux-là même qui ont des loges au Centre Bell à nos frais, comme nous l'avons appris cette semaine.
Où est-ce que ça va s'arrêter? Vu de l'extérieur, cela apparaît comme une immense hémorragie que rien ne pourra arrêter. Surtout que notre premier ministre, Jean Charest, a l'air de trouver tout ça tout à fait normal. En fait, quand on le regarde aller, on peut très bien s'imaginer qu'il se prépare lui-même le plus beau des parachutes dorés pour le jour où il quittera la politique ou que la politique le quittera. J'ai parfois la désagréable impression qu'il place déjà ses pions et qu'il passe plus de temps à préparer son avenir qu'à s'occuper de notre présent.
Le ménage du printemps
Le ménage qui s'impose semble si difficile que la tentation est grande de laisser faire. Baisser les bras n'est pas une solution. Parce que si nous baissons les bras, ceux qui ont les deux mains dans la caisse vont continuer de se remplir les poches pendant que nous allons continuer de nous appauvrir. Il y a dans ce monde des pays où on a fait la révolution pour bien moins que ça. Il est plus que temps de sortir de notre torpeur, d'exiger des changements et de talonner ceux et celles qui sont en prise directe sur les lois qui nous gouvernent. On pourrait alors dire que «le temps du mépris est fini».
La récession qui nous frappe aura permis de mettre au jour tout un système de protection des bien nantis que nous ne soupçonnions pas. Il nous reste à découvrir qui cache son argent dans les paradis fiscaux plutôt que de payer sa part des impôts et nous aurons un bon portrait des indésirables de notre société. La crise n'aura alors pas été inutile.
Payette, Lise
Le Devoir. IDÉES. 3 avril 2009
N'allez pas croire que ma demande soit seulement motivée par l'argent. Pas du tout. Mais je suis très curieuse de savoir comment on arrive à ce niveau d'«accommodement raisonnable» dans le milieu financier; qu'on puisse s'asseoir devant quelqu'un pour négocier, non seulement son salaire qui est déjà pas mal salé, mais les petites primes qui doivent l'accompagner: le cadeau d'arrivée, dit le «Golden Hello», et les cadeaux de départ qu'on appelle les «primes de séparation», sans oublier bien sûr les retraites bien dodues qui vont suivre.
C'est sans compter les comptes de dépenses qui permettront quelques petites folies et des vacances pour refaire le plein de temps en temps. Tellement de détails que je ne suis pas sûre qu'un être humain normalement constitué puisse gérer tout ça tout seul. Il doit sûrement se faire aider par un négociateur professionnel, autrement il risquerait de se faire avoir. Quelle horreur!
Nous savons maintenant pourquoi il y a des riches parmi nous. Il nous aura fallu du temps pour comprendre comment ça fonctionnait. En fait, me semble-t-il, à moins qu'on me prouve le contraire, il faut d'abord être né à la bonne place, dans le bon milieu, avec des parents qui ont les bons amis et la possibilité de faire de bonnes études.
Si vous êtes né en Ontario mais que vous arrivez à faire une phrase en français, les portes du Québec vous seront grandes ouvertes. Si votre nom se compose d'un prénom anglophone suivi d'un nom de famille francophone, ou même l'inverse, vous venez d'ajouter plusieurs points à votre candidature à un parachute doré. Si vous savez vous tenir en public et que vous pouvez jouer au golf, votre avenir est assuré. Si en plus vous épousez la petite fille d'un ancien premier ministre ou la fille d'un ministre important, soyez sûr que le parachute va s'ouvrir.
Quand ces êtres rares sont congédiés, parfois pour incompétence - qu'on prendra bien soin d'appeler autrement dans ces milieux - vous ne risquez pas de les retrouver déguisés en quêteux sur la rue Sainte-Catherine. Vous les verrez plutôt juchés tout en haut de la pyramide, dans un autre organisme qui aura su les accueillir à bras ouverts une fois terminée, à nouveau, la négociation du «Golden Hello» et de tout le reste. Pas question que ça change. Les happy few se renvoient le parachute, c'est connu. Tu amortis ma chute, j'amortirai la tienne. Personne ne se fait jamais mal. On ne s'aime pas, mais on s'entraide.
Qui paye?
Pour tous les organismes d'État, c'est nous qui payons ce petit jeu. Ça commence par le salaire du premier ministre, qu'on ne peut mettre à la porte qu'une fois tous les quatre ans. On paye aussi le salaire de tous ses ministres. Certains citoyens ont été surpris d'apprendre cette semaine qu'ils payent aussi les salaires de la multitude de «conseillers politiques» qui entourent tout ce beau monde.
Nous payons les parachutes dorés des dirigeants de nos sociétés d'État, ceux-là même qui ont des loges au Centre Bell à nos frais, comme nous l'avons appris cette semaine.
Où est-ce que ça va s'arrêter? Vu de l'extérieur, cela apparaît comme une immense hémorragie que rien ne pourra arrêter. Surtout que notre premier ministre, Jean Charest, a l'air de trouver tout ça tout à fait normal. En fait, quand on le regarde aller, on peut très bien s'imaginer qu'il se prépare lui-même le plus beau des parachutes dorés pour le jour où il quittera la politique ou que la politique le quittera. J'ai parfois la désagréable impression qu'il place déjà ses pions et qu'il passe plus de temps à préparer son avenir qu'à s'occuper de notre présent.
Le ménage du printemps
Le ménage qui s'impose semble si difficile que la tentation est grande de laisser faire. Baisser les bras n'est pas une solution. Parce que si nous baissons les bras, ceux qui ont les deux mains dans la caisse vont continuer de se remplir les poches pendant que nous allons continuer de nous appauvrir. Il y a dans ce monde des pays où on a fait la révolution pour bien moins que ça. Il est plus que temps de sortir de notre torpeur, d'exiger des changements et de talonner ceux et celles qui sont en prise directe sur les lois qui nous gouvernent. On pourrait alors dire que «le temps du mépris est fini».
La récession qui nous frappe aura permis de mettre au jour tout un système de protection des bien nantis que nous ne soupçonnions pas. Il nous reste à découvrir qui cache son argent dans les paradis fiscaux plutôt que de payer sa part des impôts et nous aurons un bon portrait des indésirables de notre société. La crise n'aura alors pas été inutile.