samedi 30 mai 2009
549
BATAILLE EN AMNÉSIQUE DU NORD
La controverse entourant le 250e anniversaire de la bataille des plaines d’Abraham a rappelé que l’histoire est lourde de tabous. Ce n’est pas une raison pour tout oublier.
Québec Science. Avril 2009
http://www.cybersciences.com/cyber/fr/magazine/avril_2009/chroniques/billet.html
Par Raymond Lemieux
«Objects in the mirror are closer than they appear.» Les objets vus dans le miroir sont plus près qu’il n’y paraît. Vous avez certainement remarqué cet avertissement – en anglais – apposé sur les rétroviseurs extérieurs des automobiles.
Parfois, les décideurs semblent rouler droit devant, sans prendre garde à ce conseil. Ce qu’il y a derrière? Le passé, bien sûr, mais surtout l’histoire qui transporte, comme un gros camion, des tonnes de tabous.
La controverse qui a surgi pendant que la Commission des champs de bataille nationaux préparait les activités entourant la commémoration de la bataille des plaines d’Abraham a rappelé aux décideurs qu’ils auraient dû mieux regarder dans le rétroviseur. Et vérifier leur angle mort.
Car cette bataille, ce n’est pas vraiment de l’histoire ancienne; c’est juste derrière nous.
On en a entendu des gros mots – menaces de mort et de sabotage – et des grands mots – devoir de mémoire, «transhistoricité» – quand l’idée de reconstituer l’affrontement entre les Anglais et les Français a été évoquée. Et puis? Notre connaissance de cette page d’histoire en a-t-elle été enrichie? Pas le moins du monde!
L’occasion est pourtant belle pour raconter l’épouvantable été de 1759 que les habitants de la Nouvelle-France ont dû vivre.
Occasion toute trouvée aussi pour comprendre cet épisode critique de la guerre de Sept ans.
Rappelons que son dénouement a permis à l’Angleterre d’étendre son influence sous toutes les latitudes, qu’il a semé les germes de la Révolution américaine, forcé une redéfinition de la géopolitique en Amérique, y compris celle d’un pays appelé aujourd’hui le Canada. Rien que ça!
On est loin d’un simple affrontement opposant deux généraux – Wolfe et Montcalm – comme grossièrement décrit dans la plupart des manuels d’histoire publiés en «Amnésique du Nord».
(Ou un échange de bon procédés entre grandes personnes – on se partage le caniche familial lors d’un divorce- comme l’affirme Jacques Godbout. Donc, pas de quoi faire un drame. Comme semble s’entêter à le faire ceux qui propagent l’illusion «séparatistes». Et qui veulent diviser le pays. Et détruire le Canada. Pour on ne sait quelle raison malveillante. C'était une Histoire qui ne nous concernait pas. S'il y a eu des décisions prises, elles l'ont été il y a très longtemps, dans un passé révolu, dans de grandes ambassades lointaines entre gens bien élevés qui se sont échangés diplomatiquement des terres, des vaches et quelques touristes qui s'y trouvaient. Il n'y a pas eu de guerre, de défaite, de victoire. Et, encore moins, de Conquête. Pas de vainqueurs ni de vaincus. On devrait même oublier cette date. On encombre déjà son esprit de tant de choses. Des morts ? Des morts violentes? De la violence? De toute façon, les citoyens d’aujourd’hui n’ont aucun rapport avec ceux de ce temps. Alors, c’étaient des Français de France tandis qu'aujourd'hui, nous… nous… Nous ne sommes pas ou plus français. En fait, nous ne savons pas ce que nous sommes. J'oubliais, ce fut l'occasion qui ne pouvait être plus favorable de créer un nouveau peuple dans un monde nouveau. Débarrassé du poids des lourdes traditions archaïques. L'union des immigrants originellement de France, d'Angleterre, d'Irlande, d'Allemagne et les aborigènes d'Amérique, visiteurs arrivés un peu avant. Unis dans la Confédération. Ce nouvel être s'appelle Canadien et il vit dans un pays nouveau appelé Canada. Ottawa est sa capitale. Et le premier ministre du Canada est son chef. Et il parle anglais.)
[…]
Alors qu’est-ce que l’on fait avec le passé? On le rabote. On l’adapte au goût du jour. Ce qui n’est pas loin du révisionnisme. Une façon de corriger, de tordre les faits historiques pour les adapter aux circonstances et au discours politique actuels.
Reste une question: pourquoi cette reconstitution a-t-elle suscité autant d’émotion? Parce que les Français ont perdu et que les Québécois portent toujours le poids de cette défaite?
Parce que l’événement serait le véritable acte fondateur du Canada?
Parce qu’on peut y lire les stigmates d’une souffrance inavouée, ceux d’un abandon – par la France – et d’une adoption forcée par l’Angleterre?
Bref, on est bons pour une thérapie!
La controverse entourant le 250e anniversaire de la bataille des plaines d’Abraham a rappelé que l’histoire est lourde de tabous. Ce n’est pas une raison pour tout oublier.
Québec Science. Avril 2009
http://www.cybersciences.com/cyber/fr/magazine/avril_2009/chroniques/billet.html
Par Raymond Lemieux
«Objects in the mirror are closer than they appear.» Les objets vus dans le miroir sont plus près qu’il n’y paraît. Vous avez certainement remarqué cet avertissement – en anglais – apposé sur les rétroviseurs extérieurs des automobiles.
Parfois, les décideurs semblent rouler droit devant, sans prendre garde à ce conseil. Ce qu’il y a derrière? Le passé, bien sûr, mais surtout l’histoire qui transporte, comme un gros camion, des tonnes de tabous.
La controverse qui a surgi pendant que la Commission des champs de bataille nationaux préparait les activités entourant la commémoration de la bataille des plaines d’Abraham a rappelé aux décideurs qu’ils auraient dû mieux regarder dans le rétroviseur. Et vérifier leur angle mort.
Car cette bataille, ce n’est pas vraiment de l’histoire ancienne; c’est juste derrière nous.
On en a entendu des gros mots – menaces de mort et de sabotage – et des grands mots – devoir de mémoire, «transhistoricité» – quand l’idée de reconstituer l’affrontement entre les Anglais et les Français a été évoquée. Et puis? Notre connaissance de cette page d’histoire en a-t-elle été enrichie? Pas le moins du monde!
L’occasion est pourtant belle pour raconter l’épouvantable été de 1759 que les habitants de la Nouvelle-France ont dû vivre.
Occasion toute trouvée aussi pour comprendre cet épisode critique de la guerre de Sept ans.
Rappelons que son dénouement a permis à l’Angleterre d’étendre son influence sous toutes les latitudes, qu’il a semé les germes de la Révolution américaine, forcé une redéfinition de la géopolitique en Amérique, y compris celle d’un pays appelé aujourd’hui le Canada. Rien que ça!
On est loin d’un simple affrontement opposant deux généraux – Wolfe et Montcalm – comme grossièrement décrit dans la plupart des manuels d’histoire publiés en «Amnésique du Nord».
(Ou un échange de bon procédés entre grandes personnes – on se partage le caniche familial lors d’un divorce- comme l’affirme Jacques Godbout. Donc, pas de quoi faire un drame. Comme semble s’entêter à le faire ceux qui propagent l’illusion «séparatistes». Et qui veulent diviser le pays. Et détruire le Canada. Pour on ne sait quelle raison malveillante. C'était une Histoire qui ne nous concernait pas. S'il y a eu des décisions prises, elles l'ont été il y a très longtemps, dans un passé révolu, dans de grandes ambassades lointaines entre gens bien élevés qui se sont échangés diplomatiquement des terres, des vaches et quelques touristes qui s'y trouvaient. Il n'y a pas eu de guerre, de défaite, de victoire. Et, encore moins, de Conquête. Pas de vainqueurs ni de vaincus. On devrait même oublier cette date. On encombre déjà son esprit de tant de choses. Des morts ? Des morts violentes? De la violence? De toute façon, les citoyens d’aujourd’hui n’ont aucun rapport avec ceux de ce temps. Alors, c’étaient des Français de France tandis qu'aujourd'hui, nous… nous… Nous ne sommes pas ou plus français. En fait, nous ne savons pas ce que nous sommes. J'oubliais, ce fut l'occasion qui ne pouvait être plus favorable de créer un nouveau peuple dans un monde nouveau. Débarrassé du poids des lourdes traditions archaïques. L'union des immigrants originellement de France, d'Angleterre, d'Irlande, d'Allemagne et les aborigènes d'Amérique, visiteurs arrivés un peu avant. Unis dans la Confédération. Ce nouvel être s'appelle Canadien et il vit dans un pays nouveau appelé Canada. Ottawa est sa capitale. Et le premier ministre du Canada est son chef. Et il parle anglais.)
[…]
Alors qu’est-ce que l’on fait avec le passé? On le rabote. On l’adapte au goût du jour. Ce qui n’est pas loin du révisionnisme. Une façon de corriger, de tordre les faits historiques pour les adapter aux circonstances et au discours politique actuels.
Reste une question: pourquoi cette reconstitution a-t-elle suscité autant d’émotion? Parce que les Français ont perdu et que les Québécois portent toujours le poids de cette défaite?
Parce que l’événement serait le véritable acte fondateur du Canada?
Parce qu’on peut y lire les stigmates d’une souffrance inavouée, ceux d’un abandon – par la France – et d’une adoption forcée par l’Angleterre?
Bref, on est bons pour une thérapie!