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dimanche 2 août 2009

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ARMES CHIMIQUES & BIOLOGIQUES

Encyclopédie Universalis
http://www.universalis-edu.com/article2.php?nref=C070471

Pierre RICAUD, ingénieur général de l'armement

La guerre chimique ou biologique consiste en l'emploi délibéré, à des fins militaires, de produits chimiques ou d'origine biologique contre des organismes vivants, et en l'utilisation de moyens de défense appropriés contre de telles attaques.

Son objectif principal tend à réduire plus ou moins profondément, parfois définitivement, les capacités humaines en portant atteinte à certains tissus, organes ou fonctions, et accessoirement en tarissant les sources de ravitaillement animal ou végétal.

Contrairement aux armes classiques ou nucléaires, cette forme de guerre n'affecte pas le matériel et l'infrastructure qui pourraient ainsi être récupérés intacts par l'adversaire. La gamme extrêmement diversifiée des produits utilisables permettrait d'adapter assez strictement de telles opérations de guerre au but militaire recherché et de fournir des charges actives pour la grenade comme pour le missile.

Les armes chimiques, et plus encore les armes biologiques, que l'on peut regrouper sous le terme générique d'armes toxicologiques, seraient enfin beaucoup plus insidieuses, même sans considérer leur emploi par des équipes de saboteurs, rendu possible par l'efficacité élevée de quantités réduites de produits ou de micro-organismes.

Si le danger de telles armes ne peut être négligé, il convient cependant de considérer qu'il est relativement plus aisé de s'en protéger que de se prémunir contre des attaques nucléaires ou même classiques.

Si les conventions internationales n'ont pu dans le passé empêcher de telles attaques, une défense adéquate, permettant de déceler le danger, de s'en protéger et de traiter les troubles qui en résultent, en réduirait l'efficacité, et donc la tentation d'emploi généralisé.

Toutefois, cette protection, malgré les progrès techniques constants, imposera toujours une certaine gêne réduisant quelque peu les capacités opérationnelles, si bien qu'une simple menace d'emploi unilatéral créera un handicap pour l'autre partie.

Avant 1914

Des moyens chimiques et biologiques furent employés dans les campagnes militaires dès l'Antiquité, mais d'une manière épisodique et limitée.

Si les épidémies naturelles qui faisaient fondre les effectifs des armées anciennes ne constituaient pas des attaques biologiques, elles inspirèrent certaines opérations : des cadavres d'animaux ou même de soldats victimes d'épidémies étaient lancés par-dessus les remparts de cités assiégées, des puits étaient infectés de la même façon.

Un général polonais, Sieminowicz, envisage en 1650 l'emploi d'armes plus élaborées : des globes remplis de bave de chien enragé.

Un siècle plus tard, un général anglais, Bouruet, voulut répandre la petite vérole parmi les tribus indiennes rebelles en leur faisant parvenir des couvertures contaminées.

Les références historiques de la guerre chimique sont encore plus anciennes. Sans parler de l'emploi de flèches empoisonnées, les eaux du Pleistos auraient été contaminées, d'après Pausanias, avec des racines d'ellébore au cours d'opérations contre la ville de Crissa au VIe siècle avant J.-C.

Si la combustion de soufre ou de poix ne semblait pas destinée, dans l'Antiquité, à produire des fumées asphyxiantes, l'amiral Dundonald suggéra, pendant la guerre de Crimée, de suffoquer la garnison russe des forts de Sébastopol par des vapeurs sulfureuses. Et, tout au long du XIXe siècle, divers inventeurs proposèrent de véritables munitions chimiques.

GUERRE 14-18

La guerre chimique débuta véritablement, le 22 avril 1915, par l'émission d'une vague de chlore à partir des lignes allemandes dans le saillant d'Ypres (Belgique). Grâce au secret qui avait entouré sa préparation, l'opération surprit les troupes françaises.

En l'absence de moyens de protection, elle eut une efficacité considérable : 15 000 hommes hors de combat, dont 5 000 devaient mourir, un important matériel abandonné, une brèche de 6 kilomètres de large ouverte vers les ports de la Manche et de la mer du Nord.

Mais ce succès ne fut pas exploité par l'état-major allemand qui n'avait pas cru à cette nouvelle arme. Deux jours plus tard, des masques à gaz improvisés réduisaient l'effet d'une nouvelle vague de chlore lancée dans le même secteur.

Le phosgène, qui le 31 mai 1915 causa 6 000 morts sur le front russe, devait progressivement remplacer le chlore.

Mais ces vagues de gaz étaient tributaires d'un vent favorable pour atteindre les lignes ennemies. Aussi les belligérants mirent-ils au point le lancement par projectiles d'artillerie ou de mortier (projector britannique de Livens).

Aux suffocants (phosgène, diphosgène, chloropicrine...), les Français ajoutèrent l'acide cyanhydrique, dont l'effet foudroyant surprit l'adversaire.

Pour tourner l'efficacité des masques contre les vapeurs, l'armée allemande lança, au début de 1917, des obus chargés en arsines pulvérulentes. Malgré leur pouvoir de pénétration, leur efficacité militaire resta réduite.

L'apparition d'obus à l'ypérite, le 12 juillet 1917, marqua un pas beaucoup plus important : ce toxique attaquait n'importe quelle partie du corps en causant des brûlures étendues. Insidieux et persistant, il obligeait à garder, outre le masque, des vêtements de protection imperméables, très contraignants. Dès son apparition, l'ypérite devint le principal gaz de combat, rapidement adopté, après l'Allemagne, par les autres belligérants. Elle fut responsable de la plupart des pertes dues aux gaz, bien que le taux de mortalité restât faible.

Un autre vésicant, la lewisite, aux effets plus fréquemment mortels, fut mis au point aux États-Unis à la fin de 1918.

Avec l'ypérite, l'importance de la guerre chimique allait augmenter considérablement et, à partir de juin 1918, 25% des munitions d'artillerie de l'armée française étaient des obus à l'ypérite.

Au contraire des agents chimiques, l'emploi des agents biologiques fut très limité pendant tout le premier conflit mondial, se réduisant à quelques tentatives contre le bétail.

Ces actions de sabotage, d'ailleurs non reconnues par les autorités allemandes, se seraient produites en 1915 dans différents ports américains contre des chevaux et du bétail prêts à être embarqués pour l'Europe et, en 1916, contre les chevaux de l'armée roumaine, dont le fourrage aurait été souillé par des germes de morve.

DEPUIS 1918

La fin de la guerre n'arrêta pas les recherches sur des armes qui venaient de prouver leur puissance. Les progrès de l'aviation aggravaient encore cette menace pour les populations civiles comme pour les armées, et la mise au point d'armements et d'équipements de protection préoccupaient les différents pays.

Cependant, il n'y eut pas d'opérations de guerre chimique, ou biologique, répétées et d'une certaine ampleur de novembre 1918 à novembre 1983.

Certes, depuis 1960, de nombreuses attaques chimiques furent dénoncées, et toujours niées par les puissances accusées, sans que les faits puissent être formellement établis, au Yémen, au Laos, en Afghanistan, en Angola...

Plus caractérisées furent en 1936, en Abyssinie, les attaques à l'ypérite de l'aviation italienne sur les troupes éthiopiennes qui, dépourvues de toute protection, furent sévèrement éprouvées.

De 1937 à 1943, les Japonais auraient à plusieurs reprises utilisé les gaz contre les Chinois, répandant en particulier, en 1941, des quantités importantes d'ypérite et de lewisite sur la ville d'Yichang.

De 1964 à 1970, un irritant respiratoire, le CS, employé aux États-Unis pour réprimer les émeutes, fut utilisé par les forces américaines au Vietnam, à beaucoup plus grande échelle par moyens aériens et terrestres.

Des défoliants furent aussi largement utilisés pour priver les forces du F.N.L. (Vietcong) du camouflage offert par la jungle, mais aboutissant parfois à une véritable stérilisation du sol.

Démentant tout emploi de toxiques mortels ou de produits de mise hors de combat, l'armée américaine a toujours considéré que ces opérations ne relevaient pas de la guerre chimique.

1935

En octobre 1935, les troupes de Mussolini envahissent l'Éthiopie à partir des colonies italiennes d'Érythrée et de Somalie, déclenchant ainsi la dernière guerre de conquête coloniale. La lutte est âpre, mais totalement inégale, entre une armée mécanisée moderne qui n'hésite ni à employer les gaz de combat, ni à avoir recours aux massacres de populations, et les troupes du négus Hailé Sélassié, souvent [...]

LARGAGE DE DÉFOLIANTS

En 1966, un appareil de l'U.S. Air Force largue des défoliants sur le tracé de la piste Hô Chi Minh, construite dans la jungle pour approvisionner le Front national de libération du Sud-Vietnam (F.N.L.).

De 1983 à 1988, l'Irak a eu indiscutablement recours à cette forme de guerre contre l'Iran, en particulier en 1986, pour stopper l'avance iranienne dans la péninsule de Fao, et en 1988, où leurs armes chimiques aidèrent les Irakiens à reprendre Fao et les îles Majnoun, actions auxquelles il faut ajouter l'attaque de la ville irakienne kurde de Halabja, le 16 mars 1988, qui aurait tué près de 5 000 civils, les pertes militaires iraniennes dues aux attaques chimiques s'élevant à plusieurs dizaines de milliers de morts et de blessés.

Les forces irakiennes ont utilisé essentiellement l'ypérite et peut-être un peu de tabun, ainsi que d'acide cyanhydrique dans le cas d'Halabja, ces toxiques étant dispersés par avion et hélicoptère sous forme de bombes ou d'épandages, mais aussi, dans les dernières offensives, par roquettes.

Si les produits de la Première Guerre mondiale se sont montrés toujours redoutablement efficaces, l'entre-deux-guerres a vu apparaître des produits nouveaux de plus en plus toxiques.

À côté des ypérites à l'azote, le chimiste allemand Schrader découvrait en 1937, à l'occasion de recherches d'insecticides, les toxiques organophosphorés. De 1942 à la fin de la guerre, entre 15 000 et 30 000 tonnes de l'un d'eux, le tabun (ou GA), furent produites et en partie chargées en munitions. L'Allemagne disposait en 1945 d'une capacité de production annuelle de 7 000 tonnes d'un autre organophosphoré, le sarin (ou GB), encore plus toxique, et avait mis au point la synthèse du soman (ou GD).

Pourquoi ces produits n'ont-ils pas été utilisés lors du second conflit mondial ?

Est-ce absence d'intérêt lors de l'offensive de 1940, perte de la supériorité aérienne nécessaire à leur emploi, ou crainte des représailles annoncées par les dirigeants alliés ?

Si l'Irak, qui était parvenu à fabriquer du sarin, n'y a pas eu recours, lors de la guerre de libération du Koweït (1991), cela s'explique mieux par la destruction de ses dépôts et usines. Mais la menace en a pesé sur les forces alliées pendant tout le conflit.

Les inspections conduites par l'O.N.U. ont permis de découvrir un arsenal important, essentiellement sur le site de Muthanna. La crainte qu'une partie de cet arsenal ait échappé aux opérations de destruction de l'O.N.U. fut l'une des motivations, apparemment infondée, de la guerre d'Irak commencée en 2003.

Après 1945, les recherches d'insecticides plus efficaces ont mené à la découverte de nouveaux composés organophosphorés très toxiques, les produits V, agissant en particulier à travers la peau.

Parallèlement, les progrès de la pharmacologie ont conduit à des produits rendant un adversaire incapable de se battre pendant un certain temps sans théoriquement présenter un danger pour sa santé : ce sont les incapacitants.

GUERRE BIOLOGIQUE

L'évolution de la guerre biologique depuis 1918 est restée plus mystérieuse que celle de la guerre chimique. Parallèlement aux agressifs chimiques, des attaques bactériologiques auraient été lancées contre les Chinois par les Japonais, en utilisant des bacilles pesteux. Des indications ont été fournies sur ces opérations, comme sur les installations de production d'agents de guerre biologique installées en Mandchourie de 1936 à 1944, par des officiers et sous-officiers de l'armée japonaise comparaissant devant un tribunal militaire russe à Khabarovsk.

Des phénomènes épidémiologiques anormaux relevés en 1952 en Corée firent accuser les forces américaines d'avoir expérimenté, contre la Corée du Nord, des formes de guerre biologique, accusations rejetées par les États-Unis.

Le Vietnam a également rejeté l'accusation d'emploi de mycotoxines contre les populations du Cambodge, accusation formulée aux Nations unies en 1981.

De même l'U.R.S.S. a-t-elle nié préparer des armes biologiques à Sverdlovsk, après l'apparition de cas de maladie du charbon (anthrax) dans cette ville en 1979. Elle devait reconnaître en 1987 avoir effectué des travaux sur la bactérie correspondante, mais dans un but de protection. En 1998, les révélations d'un transfuge, Kanatjan Alibekov, chercheur - et numéro deux à partir de 1988 - à Biopreparat (organisme de recherche en armes bactériologiques, toxicologiques et virologiques) de 1975 à 1992 et devenu américain sous le nom de Kenneth Alibek, ont conforté les renseignements sur l'effort soviétique en ce domaine.

Aussi, à la différence de la guerre chimique, aucune date et peu de faits précis jalonnent l'histoire mystérieuse des armes biologiques, dans leur emploi ou dans les recherches les concernant. Mais de nombreuses publications scientifiques de bactériologistes du monde entier et, en particulier, des laboratoires de Fort Detrick aux États-Unis et de Porton en Grande-Bretagne, attestent le danger d'une telle guerre.

GAZ

Ces produits, aussi appelés gaz de combat, sont d'une manière générale tous les composés chimiques pouvant être dispersés sous forme de liquides, de gaz ou d'aérosols pour produire des effets physiologiques allant de l'incapacité temporaire à une maladie grave et à la mort.

Les agents létaux provoquent la mort à défaut d'un traitement prompt et approprié, tandis que les agents incapacitants entraînent une inaptitude temporaire de la victime à tenir son rôle sans provoquer de lésions irréversibles.

Pour constituer un agent de guerre chimique, un produit, même hautement toxique, doit répondre à un certain nombre de critères, indiqués dans le tableau 1, et, en particulier, pouvoir être fabriqué en tonnages importants. La capacité d'un pays à préparer et à mener une guerre chimique dépend donc de son potentiel chimique industriel.

IRIRRITANTSCARACTÉRISTIQUES DES AGENTS CHIMIQUES.

Selon la nature des effets physiologiques, on peut distinguer les familles de toxiques suivantes : irritants, vésicants, suffocants, toxiques généraux, et parmi les agents incapacitants ceux qui influencent le comportement physique et ceux qui perturbent le psychisme.

Ces produits excitent les terminaisons des nerfs sensitifs, en particulier au niveau des muqueuses. En général peu toxiques, du moins aux doses réalisables en plein air, à effet très passager, ils sont employés en temps de paix pour le maintien de l'ordre, mais la multiplication des guerres subversives conduit à les utiliser largement.

Les lacrymogènes agissent électivement au niveau de la cornée et des conjonctives, créant une douleur variable selon la concentration du produit.

Des troubles plus graves peuvent se manifester dans des espaces clos où la durée de séjour sera plus grande et où les concentrations atteintes pourront les rendre suffocants.

Ainsi à Tbilissi, en Géorgie, en avril 1989, l'utilisation massive, dans des bâtiments, de grenades à base de chloracétophénone, et peut-être de chloropicrine, tua vingt personnes et en blessa plus d'une centaine.

La projection de quantités importantes sur la peau humide peut provoquer un érythème et, dans l'œil, une conjonctivite grave.

Compte tenu de son action locale, il suffit en général de protéger les yeux au passage du nuage lacrymogène. Si nécessaire, l'œil sera lavé avec une solution isotonique aux larmes avant application d'un collyre calmant.

Les sternutatoires excitent les terminaisons nerveuses des voies respiratoires supérieures. Aux concentrations élevées, ils peuvent irriter les muqueuses et la peau. Ils provoquent, après quelques dizaines de secondes, une sensation de brûlure et des réflexes de défense glandulaires et moteurs (hypersécrétion nasale, salivaire et bronchique, éternuement, toux, vomissements et diminution de la ventilation pulmonaire).

Ces produits, tous solides, à faible tension de vapeur, sont utilisés sous forme de nuages de particules d'un diamètre de l'ordre du micron.

L'irritation persiste plusieurs dizaines de minutes après avoir quitté l'atmosphère contaminée, les arsines irritantes pouvant, à la différence du CB (tabl. 2), présenter aux fortes doses une toxicité à long terme due à l'arsenic.

Mais, comme les lacrymogènes, ces irritants employés à doses trop importantes, en particulier en milieu clos ou mal ventilé, peuvent produire des troubles plus graves. L'inhalation de corticoïdes (dexaméthasone) ou d'un mélange d'alcool, d'éther et de chloroforme avec des traces d'ammoniaque calme l'inflammation.

Les urticants provoquent, à très faibles doses, des brûlures et des démangeaisons cutanées plus ou moins passagères. En l'absence de protection, ils attaqueront également les muqueuses respiratoires et les yeux.

Les vésicants produisent sur la peau ou les muqueuses des brûlures caractéristiques, mais sont rarement mortels si les voies respiratoires sont protégées. Leur seuil d'action est très bas, leur persistance très grande, et leur décontamination difficile. Les caractéristiques des principaux vésicants sont indiquées dans le tableau 3, où la toxicité est exprimée en Ct 50. Ce symbole représente le produit de la concentration C (en mg/m3) par le temps t d'exposition en minutes, produisant un effet déterminé sur 50% des sujets exposés. Il suppose la constance des effets pour un même Ct (loi de Haber), ce qui n'est pas vérifié pour tous les toxiques.

La trichloréthylamine, découverte entre les deux guerres mondiales, est plus insidieuse, plus persistante, moins inflammable que l'ypérite mais se conserve moins bien. De plus, sa volatilité réduite permet difficilement la réalisation de concentrations assez élevées.

À l'inverse, l'ypérite répond aux caractéristiques militaires : elle traverse un grand nombre de matériaux, compliquant beaucoup la protection. Sa persistance, rendant les surfaces souillées longtemps dangereuses, peut encore être accrue par l'adjonction d'épaississants, compliquant aussi la décontamination. Par temps froid, sa faible volatilité, réduisant le danger d'inhalation, et sa solidification peuvent être compensées par mélange avec des solvants ou avec la lewisite.

Les vésicants ont une action alkylante, cytotoxique, aux niveaux macromoléculaire et cellulaire : l'alkylation des centres nucléophiles (groupements carbonyle, amino- ou sulfhydrile) des acides nucléiques et des protéines bloque la respiration et la division cellulaires, entraînant la mort du noyau et de la cellule, l'altération des membranes...

Macroscopiquement, les lésions cutanées se manifestent après quelques heures par un érythème évoluant en phlyctènes et ulcérations, l'humidité de la peau favorisant les lésions. La réduction de l'activité mitotique des cellules retarde la cicatrisation, qui demande de deux à trois semaines au minimum si la plaie est maintenue stérile.

L'œil est encore plus sensible que la peau, la cornée s'opacifiant. La guérison est très longue, quoique la perte totale de l'œil soit rare.

L'atteinte des tissus respiratoires est d'autant plus grave que le toxique est plus volatil (température élevée, incorporation de solvant), ou dispersé sous forme d'aérosol. Elle se traduit par une obturation des bronches ou une pneumonie massive.

(…)

Si le chlore et le phosgène ont été les principaux suffocants utilisés pendant la Première Guerre mondiale, c'est qu'ils étaient déjà produits en grande quantité par l'industrie chimique.

Les suffocants n'agissent que sur le poumon, si l'on excepte une irritation très passagère des voies respiratoires supérieures, suivie d'une phase de rémission trompeuse au cours de laquelle se développe insidieusement l'œdème pulmonaire, dû à l'attaque de la muqueuse alvéolaire.

D'autres troubles, circulatoires et rénaux, apparaissent. Cette évolution conduit à immobiliser les sujets même apparemment peu atteints.

(…).

Mais l'intérêt militaire des suffocants est limité par les quantités nécessaires à l'obtention de Ct létaux (11 000 pour le chlore, 3 200 pour le phosgène) imposant des moyens de dispersion importants. De plus, ces produits, très volatils, sont sensibles aux agents atmosphériques et aisément adsorbés par le charbon actif des masques.

TOXIQUES GÉNÉRAUX

Les toxiques généraux ne lèsent aucun tissu constitutif, mais perturbent le fonctionnement de l'organisme, entraînant généralement une mort rapide.

Les toxiques de l'oxygénation, utilisables comme gaz de combat, comprennent l'acide cyanhydrique et le chlorure de cyanogène, dont la volatilité restreint toutefois l'emploi.

Leur détoxification spontanée par l'organisme est rapide, expliquant pourquoi leur Ct varie avec la durée d'exposition (de 2 000 à 5 000 et plus pour l'acide cyanhydrique).

Ils bloquent la cytochrome-oxydase, enzyme qui permet aux cellules d'utiliser l'oxygène apporté par le sang, et perturbent le métabolisme de l'acide gamma-aminobutyrique, important pour le système nerveux central.

Les cellules nerveuses, en particulier celles du centre respiratoire, sont très sensibles à ces toxiques dont l'inhalation, aux doses élevées, arrête en quelques secondes la respiration, le cœur s'arrêtant quelques secondes plus tard, sans possibilité d'intervention thérapeutique.

Aux doses moindres, à une période d'excitation respiratoire succèdent des vertiges, puis une asphyxie, avec paralysie et coma.

Le chlorure de cyanogène, ininflammable et plus lourd que l'acide cyanhydrique, se prêterait mieux à un emploi militaire. De plus, il est difficilement retenu par le charbon actif du masque, qui exige une imprégnation métallique assez sensible à l'humidité.

Son mode d'action physiologique est analogue à celui de l'acide cyanhydrique, bien qu'il s'y ajoute un certain effet suffocant et une action lacrymogène importante.

(…)

Les neurotoxiques constituent la dernière famille connue de toxiques de synthèse mortels, militairement utilisables. Ce sont des composés organiques du phosphore apparentés à des insecticides (tabl. 4). Ils inhibent les cholinestérases. Or, normalement, l'acétylcholinestérase détruit l'acétylcholine après qu'elle a transmis l'influx nerveux au niveau des terminaisons nerveuses. L'accumulation d'acétylcholine provoque :

au niveau des jonctions neuromusculaires, une contraction durable des muscles lisses, d'où myosis et bronchospasme, et la fibrillation, puis la curarisation des muscles striés ;

une hypersécrétion glandulaire, bronchique, salivaire... ;

au niveau du système nerveux central, la dépression des centres respiratoire et circulatoire, ainsi que des convulsions dont l'acétylcholine n'est pas seule responsable ;

au niveau des relais ganglionnaires, des phénomènes, antagonistes des précédents, de mydriase et d'hypertension.

L'effet du toxique dépend de sa nature chimique exacte (convulsions plus importantes avec le soman), de la voie de pénétration (le myosis précoce caractérise l'action directe sur l'œil) et de la dose reçue.

Aux fortes concentrations, la mort survient par arrêt respiratoire de quelques minutes à une demi-heure après l'intoxication.

(…)

Parmi les produits résultant de synthèses chimiques, les toxiques de la transmission nerveuse constituent actuellement la principale menace, en raison de leur toxicité élevée et de la variété de leurs voies de pénétration : respiratoire pour le tabun, le sarin, le soman, cutanée pour les produits V.

Les agents binaires ne constituent pas une classe de produits nouveaux, mais un conditionnement nouveau de certains organophosphorés. Les munitions chimiques correspondantes contiennent en effet des précurseurs peu ou pas toxiques de ces organophosphorés, dont le mélange après lancement produit le toxique voulu au moment où la munition arrive sur son objectif. La structure d'une telle munition est détaillée au chapitre 3.

Les munitions « binaires » irakiennes étaient en fait des munitions chimiques classiques, chargées d'un mélange de sarin et de sarin cyclohexylique (ou GF). Ce mélange, moins volatil que le sarin, aurait été mieux adapté au climat irakien.

PRODUITS DE MISE HORS DE COMBAT

Des produits rendant l'individu incapable de poursuivre le combat sans mettre ses jours en danger, ni lui laisser de séquelles, pourraient prendre le relais des toxiques de plus en plus meurtriers.

À la différence des irritants utilisés dans les opérations de maintien de l'ordre, ils visent moins à mettre en fuite l'adversaire en lui permettant de regrouper ses forces un peu plus loin que de le handicaper d'une manière plus insidieuse et pour des durées plus longues.

Une telle action prolongée, mais indépendante de lésions organiques définitives ou durables, relève de substances à action centrale plutôt que locale.

Les psychodysleptiques perturbent le psychisme des individus.

À cette famille appartiennent les hallucinogènes comme le diéthylamide de l'acide lysergique (ou L.S.D. 25), la psylocybine et la mescaline. Bien qu'actifs à très faibles doses (1 mg/kg pour le L.S.D.), ils répondent mal à certains critères des agents de mise hors de combat.

Les dérivés de la pipéridine pourraient fournir d'autres psychodysleptiques comme la phencyclidine (ou P.C.P., ou SernylÅ), hallucinogène très dangereux capable de provoquer des psychoses prolongées.

Un composé voisin, le fentanyl, a été utilisé à Moscou en octobre 2002 par les forces armées russes pour tenter de libérer 600 spectateurs pris en otage par des Tchétchènes dans un théâtre.

Malheureusement, l'emploi dans un local fermé et le manque de concertation avec les services médicaux ont entraîné la mort de plusieurs centaines de personnes.

Les anticholinergiques à action hallucinogène peuvent également constituer des agents incapacitants : il en est ainsi de certains glycolates comme le benzilate de 3-quinuclidinyle (ou BZ) [tabl. 6], qui fut développé jusqu'au stade de munitions par l'armée américaine et qui provoque à très faibles doses confusion mentale et sédation profonde.

Absorbable par la peau, surtout en solution dans certains solvants, il est particulièrement actif par inhalation sous forme d'aérosol.

(…)

Les incapacitants physiques provoquent, par action sur le système nerveux, des troubles physiologiques : troubles de la vision ou de l'audition, paralysies temporaires ou convulsions passagères, hypotension orthostatique rendant l'individu incapable de se tenir debout, état d'indifférence et augmentation du seuil des réflexes conditionnés...

Mais rares seraient parmi eux les produits aptes à un emploi militaire.

Parmi les plus actifs, citons les analgésiques morphiniques et la phencyclidine (déjà mentionnée comme psychodysleptique) : ils provoquent une analgésie profonde, une hypothermie, des troubles de la volonté et une dépression du tonus musculaire.

Mais l'exposition répétée à de telles substances peut développer une toxicomanie qui permet difficilement de les retenir comme agents incapacitants, même si leurs caractéristiques militaires étaient convenables.

Aussi, d'une manière générale, les agents de mise hors de combat à action centrale représentent un avenir encore mal défini de la guerre chimique.

AGENTS BIOLOGIQUES PATHOGÈNES POUR L'ÊTRE HUMAIN

La menace de guerre biologique est, elle aussi, mal définie. Les armes biologiques peuvent apparaître peu fiables en raison de la faible prévisibilité des épidémies, mais elles pourraient plus sûrement s'attaquer directement à chaque individu, principalement par ses voies respiratoires. Les agents biologiques seraient alors dispersés comme les agents chimiques.

Des insectes familiers des théâtres d'opérations choisis pourraient aussi être contaminés pour infecter les individus. L'épidémicité serait alors considérée par l'agresseur comme un facteur secondaire, sinon gênant, en raison des risques en retour qu'elle ferait courir.

Si des possibilités d'immunisation et de thérapeutique lui donnaient une sécurité plus grande, le secret de vaccinations de masse devrait être bien gardé pour que l'adversaire ne s'immunise pas, réduisant considérablement l'efficacité des attaques.

Certes, de telles attaques directes des individus, non relayées et multipliées par des épidémies, demanderaient des quantités importantes d'agents, malgré leur haute toxicité. Mais le développement de l'industrie biologique permet de réunir aujourd'hui les moyens de production nécessaires, ou même d'adapter un outil industriel normalement utilisé à des fins civiles, agroalimentaires ou médicales.

Cela est vrai de cultures de bactéries ou de cellules nourricières de virus, de l'expression de toxines par des organismes génétiquement modifiés ou même de l'élevage d'insectes contaminés.

Un autre facteur à considérer est le délai de déclenchement de la maladie, variant de quelques heures à plusieurs jours selon les agents considérés. Indépendamment des maladies n'apparaissant que plusieurs mois ou plusieurs années après l'infection, dont les agents ne constitueront pas des armes biologiques, celles-ci ne permettront jamais de clouer au sol une attaque adverse.

Leur emploi serait rarement tactique mais plutôt stratégique, de caractère offensif et non défensif.

Ainsi les agents biologiques, mortels ou incapacitants, devraient, pour entrer dans la constitution d'un système d'armes, répondre aux critères suivants : pouvoir infectieux élevé, période d'incubation brève, production industrielle aisée, vitalité élevée (survie au stockage, à la dispersion et sur le terrain), possibilité de transmission à l'être humain, épidémicité réduite, absence de vaccins et précarité de la thérapeutique.

L'évaluation du risque d'emploi des différents types d'agents biologiques nécessiterait leur étude en fonction de chacun de ces critères. Un résultat négatif n'impliquerait d'ailleurs pas l'impossibilité pour un laboratoire d'adapter un agent considéré comme inapte à un emploi militaire.

Aux nombreuses possibilités classiques de sélection de mutants, éventuellement artificiels, aux recombinaisons de fractions protéiques ou nucléiques issues de virus différents, aux techniques industrielles de microencapsulation pouvant protéger les agents des facteurs d'environnement, s'ajoutent les techniques de génie génétique permettant de modifier le patrimoine génétique des bactéries pour augmenter leur résistance aux antibiotiques par transfert de gènes de résistance, pour exprimer une virulence et sécréter des toxines par introduction de plasmides de virulence dans des germes non pathogènes.

Le génome des virus peut également être modifié pour les rendre insensibles aux vaccins habituels.

Sous réserve de ces possibilités nouvelles, dont les exemples ci-dessus ne sont pas exhaustifs, des maladies bien connues, bactériennes comme le choléra ou la fièvre typhoïde, virales comme la fièvre jaune ou la variole, à rickettsies comme le typhus, ne seraient sans doute pas provoquées, tout au moins contre les pays développés et leurs forces, où les vaccins correspondants sont produits à grande échelle et largement utilisés, tandis que les symptômes bien décrits permettraient un dépistage précoce.

Les agents de guerre biologique, plus exactement les agents d'origine biologique (ABO), constituent un large spectre, de l'organisme vivant (mycètes) à structure complexe aux toxines de faible masse moléculaire, à structure chimique relativement simple et synthétisable, qui font le lien avec les agents chimiques.

Ils se classent en agents infectants (mycètes, bactéries, rickettsies, virus) et en agents intoxinants (toxines protéiques, peptides et toxines de faible masse moléculaire).

Plusieurs dizaines d'agents infectants pourraient constituer des armes biologiques : le tableau 7 en donne quelques exemples.

Parmi les bactéries, le charbon a contaminé pour des décennies l'île déserte de Gruinard, en Écosse, à la suite d'une dispersion expérimentale en 1942, et fait de nombreuses victimes en 1979 à Sverdlovsk, en U.R.S.S., à la suite d'un accident de laboratoire évoqué au chapitre 1.

Aux arbovirus responsables d'encéphalites, il faudrait ajouter, entre autres, les virus des fièvres hémorragiques (Ebola, Lassa...).

Les agents intoxinants sont encore plus nombreux : le tableau 8 en donne quelques exemples de diverses origines naturelles, mais le génie génétique permet de les obtenir différemment.

À signaler la parenté entre certaines toxines de faible masse moléculaire, peptidiques ou non, et des biorégulateurs qui, agissant sur les mêmes récepteurs, peuvent avoir, selon leur concentration, des effets analogues et donc se classer parmi les ABO.

Rappelons les allégations d'emploi des trichothécènes dans le Sud-Est asiatique dans les années 1980 et les assassinats par injection de ricine grâce à des parapluies truqués (parapluies bulgares), ainsi que, en 2001, sur la côte est des États-Unis, la vague d'attaques bioterroristes par des spores du charbon disséminées dans des enveloppes piégées adressées en particulier à des membres du Sénat.

Les exemples mentionnés montrent la possibilité de choisir un agent de guerre biologique en fonction du but retenu : mise hors de combat (tularémie, dengue, etc.) ou élimination de l'adversaire (charbon, peste, botulisme, etc.), extension secondaire souhaitable (peste, psittacose, etc.) ou à proscrire (tularémie, botulisme, etc.) selon l'éloignement de l'objectif.

L'efficacité élevée de l'arme biologique, comparée à l'arme chimique, jointe aux nombreuses variantes possibles, oblige à prendre en considération la menace biologique malgré son caractère spéculatif.

AGENTS CHIMIQUES ET BIOLOGIQUES VISANT LES ANIMAUX ET LES VÉGÉTAUX

Des produits chimiques ou des organismes biologiques peuvent être employés pour détruire les animaux ou les végétaux.

Les animaux visés interviennent dans l'économie du pays attaqué, comme sources de ravitaillement ou comme animaux de travail.

Si des produits chimiques peuvent être utilisés, des destructions plus généralisées seraient confiées à des micro-organismes, cherchant à déclencher des épizooties.

Certains des agents responsables sont communs à l'être humain et à l'animal : bactéries du charbon, de la brucellose, de la tularémie, de la morve, dont on a cité dans l'aperçu historique l'utilisation pendant la Première Guerre mondiale, virus de l'encéphalomyélite équine. D'autres sont plus spécifiques : fièvre aphteuse, myxomatose.

Pour la destruction des végétaux, on pourrait faire appel aux insectes, aux micro-organismes et aux produits chimiques.

Les dégâts que les insectes (sauterelles, doryphores...) peuvent causer aux récoltes sont bien connus. Mais les épiphyties dues aux champignons (mildiou de la pomme de terre, rouille noire du blé) ont aussi des conséquences économiques importantes ; aussi ne peut-on exclure leur emploi en temps de guerre.

Les produits chimiques permettraient de détruire la végétation, sélectivement ou globalement, en mettant en œuvre des quantités plus importantes, mais sans les aléas des épiphyties.

Si en 1943 la proposition de chercheurs américains de détruire les rizières japonaises par du phénylcarbamate d'isopropyl ne fut pas retenue, l'emploi des défoliants s'est développé au Vietnam pour supprimer le camouflage offert par la jungle.

Seule l'ampleur des traitements, par épandage aérien au-dessus de territoires ennemis, différencie cet emploi de la lutte contre les végétaux nuisibles.

La voie de pénétration (feuilles ou racines), l'insolubilité (donc la persistance) du produit, la nature et l'intensité de la végétation à détruire (graminées, végétaux ligneux...) conduisent à choisir tel herbicide pour un but déterminé, ou à en associer plusieurs tels que l'acide 2,4,5-trichlorophénoxyacétique (2,4,5-T), le picloram ou l'acide cacodylique, éléments de base des agents Orange, Blanc ou Bleu de l'armée américaine.

Leur emploi, théoriquement inoffensif pour l'être humain, pose cependant des problèmes au-delà des destructions immédiates recherchées et des risques de stérilisation des sols pour de longues années : les produits dispersés en grande quantité sur des zones habitées ou pouvant y être apportés par le vent peuvent avoir des effets irritants ou nocifs.

L'agent Orange utilisé au Vietnam contenait des traces de dioxine, dont la toxicité (elle est cancérigène et tératogène) a été relevée à l'occasion d'accidents industriels, en particulier en 1976, à Seveso, en Italie.

LA MISE EN ŒUVRE DES AGENTS CHIMIQUES ET BIOLOGIQUES

Quelle que soit l'efficacité intrinsèque des produits chimiques ou des organismes, leur valeur militaire dépend des moyens de mise en œuvre.

L'attaque au sarin dans le métro de Tokyo en mars 1995 par des adeptes de la secte Aum Shinri Kyo en est un exemple (12 morts et 5 500 blessés). Le pourcentage de produit dispersé qui atteint les personnes visées est extrêmement faible, du fait de la destruction au moment de la dispersion, de la diffusion dans l'atmosphère, de la destruction dans l'air ou au sol par l'humidité, le rayonnement solaire, etc.

Le développement des armements, parallèlement à celui de la chimie et de la biologie, doit cependant faire envisager avec gravité la dissémination à grande échelle par avions ou engins balistiques.

PRINCIPES DE LA DISPERSION

L'état physique des agents détermine leur voie d'entrée dans l'organisme et leur persistance : importante pour des gouttes d'un toxique peu volatil (ypérite ou VX) atteignant la peau directement ou par contact avec des surfaces souillées, faible pour des nuages de vapeurs ou d'aérosols soumis à la dilution par la turbulence atmosphérique due au vent et au gradient de température entre le sol et l'atmosphère. Ces vapeurs ou ces aérosols pénètrent par les voies respiratoires : les aérosols chimiques et biologiques agissent au niveau des alvéoles pulmonaires, où ne séjournent que les particules de 1 à 5 micromètres de diamètre (dimensions les plus dangereuses). De plus, les vapeurs et aérosols chimiques agissent aussi au niveau des voies respiratoires supérieures.

Les munitions chimiques devraient amener leur charge toxique à l'endroit voulu et l'y disperser sous la forme correspondant au but fixé. L'objectif pourrait être soumis directement à une attaque ou être atteint indirectement, le nuage toxique étant amené par le vent, cette dernière méthode, plus insidieuse, dépendant davantage des conditions météorologiques.

La munition dissémine son chargement sous l'effet :

d'une vaporisation par chauffage : le produit se condense dans l'atmosphère pour former un aérosol efficace ; mais cette dissémination est lente et ne s'applique pas aux suspensions biologiques ; elle serait surtout réservée aux produits irritants ;

de l'explosion d'une charge intérieure : cette méthode provoque une grande hétérogénéité dans l'état du produit dispersé, qui se retrouve, en fonction de la distance au point d'explosion, sous forme de vapeur, d'aérosols fins et grossiers et de gouttes plus ou moins volumineuses ; mais la dissémination est rapide, réalisant des concentrations locales importantes avant qu'intervienne la dilution atmosphérique ; elle convient à la contamination par gouttes ; elle pourrait être employée en guerre chimique et biologique et s'effectuer à l'impact au sol de la munition, ou en altitude, en particulier avec des produits peu volatils ;

d'une pulvérisation par pression du liquide à travers des orifices appropriés : cette pression pourrait être fournie par un gaz préalablement comprimé ou provenant de la combustion d'une charge de poudre ; dans ce procédé, la taille des particules serait assez homogène, et la vitesse de dispersion intermédiaire entre celles obtenues par explosion ou par vaporisation.

ARMES DE DISPERSION

Ces armes peuvent se classer suivant le chargement, le mode de dispersion de ce chargement, le moyen de lancement permettant d'amener le produit à l'endroit voulu.

L'avancement des discussions internationales sur le désarmement chimique a fourni quelques indications sur la composition des arsenaux chimiques américains et ex-soviétiques. Si de nombreuses informations avaient été publiées sur les munitions américaines, les munitions soviétiques n'ont été dévoilées qu'en 1987, lors de la visite du polygone de Shikany par les membres de la Conférence du désarmement de Genève. Certes, des doutes subsistent sur l'exhaustivité de ces informations, résumées dans le tableau 9.

À côté des armes chimiques classiques sont apparues aux États-Unis des armes de type binaire, contenant deux précurseurs non toxiques séparés, se mélangeant au lancement du projectile pour former le toxique. La figure 1 donne le schéma d'un obus binaire de calibre 155 mm. L'accélération, au départ de l'obus, rompt le disque de rupture c. Le contenu des deux réservoirs se mélange, ce mélange étant favorisé par la rotation de l'obus.

Des systèmes plus compliqués ont été étudiés pour des bombes d'avion au VX (fig. 2) : un système mécanique mélange du soufre solide à l'autre constituant liquide.

Ces types de munitions présentent une sécurité de fabrication, de manipulation, de transport, de stockage et une facilité de démilitarisation bien supérieures à celles d'une munition chargée directement en toxique, puisque avant le lancement ils ne contiennent pas de toxique.

Dans la conception de munitions de grande capacité, l'efficacité élevée des toxiques modernes et des agents biologiques conduit, pour obtenir la dispersion la plus homogène et la plus adéquate possible, à assembler dans des munitions gigognes des sous-munitions de dimensions réduites se répartissant d'elles-mêmes sur une large zone à l'ouverture de la munition d'ensemble (petites bombes à parachute à ouverture retardée ou à profil aérodynamique spécialement étudié).