mardi 1 juin 2010
3712
JOURNAL DES DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
39e législature, 1re session
(début : 13 janvier 2009)
Le mercredi 19 mai 2010
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100519/17555.html
- Vol. 41 N° 119
(…)
(Neuf heures quarante-cinq minutes)
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Mmes et MM. les députés, bonjour. Veuillez vous asseoir.
AFFAIRES COURANTES
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
Nous sommes aux affaires courantes, à la rubrique des déclarations de députés. Je cède la parole à M. le député de Laurier-Dorion.
SOULIGNER LA JOURNÉE MONDIALE CONTRE L'HÉPATITE
(…)
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie. Je vous remercie, (…). Je cède maintenant la parole à M. le député de Jean-Lesage, M. André Drolet
SOULIGNER LE 25E ANNIVERSAIRE DU GROUPE « LA MOISSON D'OR » , CLUB DE L'ÂGE D'OR DE LA CIRCONSCRIPTION DE JEAN-LESAGE
(…)
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie (…) Alors, ceci met fin à la rubrique des déclarations des députés. Je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 9 h 56)
(Reprise à 10 h 11)
Le Président: Alors, bonne journée, chers collègues.
DIRECTIVE DE LA PRÉSIDENCE CONCERNANT LE MAINTIEN DU DÉCORUM DE L'ASSEMBLÉE
Alors, avant de passer à la minute de recueillement, je demanderais aux députés qui portent actuellement un foulard blanc de bien vouloir s'en départir.
En septembre 2009, je faisais part à tous mes collègues de cette Assemblée de certaines directives concernant le décorum, et j'indiquais que, si le port d'un macaron et d'une épinglette est permis, les députés doivent éviter de porter tout vêtement ou accessoire au soutien d'une cause qui pourrait porter atteinte au décorum de l'Assemblée ou nuire à l'expression d'autrui.
Alors, je vous demanderais votre collaboration pour que ce signe que vous portez puisse être éliminé pour que nous puissions par la suite passer à la minute de recueillement.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: ...
Le Président: M. le leader du gouvernement... de l'opposition? Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition.
M. Bédard: M. le Président, j'aimerais simplement... On va faire notre minute de recueillement. Je pense que c'est la première chose qu'on doit faire. Et, après ça, nous ferons...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: Ah non, à l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, tous mes prédécesseurs, dans le passé, ont exigé ce genre de... C'est des exigences que pose notre décorum à cette Assemblée. C'est moi qui préside cette Assemblée. Je vous dis qu'avant qu'on débute les travaux... Nous sommes réunis maintenant, la présidence préside, je vous demande de retirer le foulard que vous portez. Nous pourrons procéder par la suite immédiatement à la minute de recueillement.
Une voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle, c'est une décision de la présidence. S'il vous plaît, là!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Alors, c'est une décision de la présidence, je vous demande d'obtempérer.
Une voix: ...
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.
M. Bédard: ...vous faites référence, à laquelle vous faites référence...
Des voix: ...
M. Bédard: Bon, je crois qu'il y a d'autres collègues qui veulent parler là-dessus. Ça va me faire plaisir de les entendre. Vous faisiez...
Des voix: ...
M. Bédard: Pourquoi? Il y a un député qui demande pourquoi j'ai le micro. Il est étonné...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'ai accordé la parole au leader de l'opposition, il l'a. Allez-y, M. le leader de l'opposition, rapidement.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, la décision à laquelle vous faites référence, M. le Président, il y a une décision de même nature en 1990, de Jean-Pierre Saintonge, qui fait référence justement au port d'un écusson ou d'une marque distinctive. Et effectivement ce symbole ne peut... être porté que si le message qui est véhiculé est contraire à notre règlement. Et c'est ce qui est le coeur et l'esprit de la décision rendue en 1990, comme celle que vous me faites mention aujourd'hui.
Ce que je comprends, moi, du port, que nous avons aujourd'hui, du foulard, il n'indique strictement que notre appui à une commission d'enquête publique.
À la lecture de la décision, M. le Président, je ne vois rien, je ne vois rien, dans ce qu'on porte aujourd'hui, qui va à l'encontre du règlement. Pourquoi? Parce que ce signe n'est pas une insulte à l'Assemblée. Au contraire, c'est plutôt une façon, de notre formation politique et des autres qui sont ici représentées, de démontrer notre attachement aux valeurs démocratiques.
Alors, M. le Président, je vous inviterais, comme vous le faites pour les écussons, comme vous le faites pour les petites fleurs que nous avons, des fois, vous le savez, à quel point, des fois, assez... assez visibles, de faire en sorte que nous puissions...
Des voix: ...
M. Bédard: Voilà. Avec un signe...
Des voix: ...
M. Bédard: ...avec un signe très distinctif, de ne pas...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! On doit aller rapidement.
M. Bédard: Non, mais je vais terminer sur une chose...
Le Président: Terminez rapidement.
M. Bédard: Je vais terminer, je vais terminer parce que c'est important. Et pourquoi c'est important, M. le Président? C'est que, comme le mentionne M. Saintonge...
Des voix: ...
Le Président: On peut s'asseoir, oui, le temps qu'on écoute M. le leader de l'opposition.
M. Bédard: Je suis content, la ministre de l'Immigration m'entend, elle m'écoute.
Des voix: ...
Le Président: Oui, j'y arrive, j'y arrive. C'est terminé? M. le leader de l'opposition officielle, c'est terminé?
M. Bédard: ...parce que, comme le mentionne M. Saintonge... le président Saintonge, «le fait, pour un député, de pouvoir afficher son appui à une cause ou à un mouvement humanitaire...»
Des voix: ...
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, j'ai une question de règlement sur la vôtre.
M. Bédard: Je vais terminer. Je vais terminer.
Le Président: J'ai une question de règlement sur la vôtre.
Des voix: ...
Le Président: Je termine et j'y reviens. Très rapidement, M. le leader de... Rapidement, M. le leader de l'opposition. Rapidement.
M. Bédard: Alors, je lis: «Le fait, pour un député, de pouvoir afficher son appui à une cause ou à un mouvement humanitaire, social ou politique est un attribut important de la liberté d'expression.» Et là je vous cite Jean-Pierre Saintonge, député libéral, président de...
Des voix: ...
M. Bédard: Mais, M. le Président...
Le Président: Président de l'Assemblée nationale.
M. Bédard: Vous êtes peut-être pressé, mais, nous autres, on n'est pas pressés. Ce que je vous dis: C'est notre liberté d'expression qui est en cause. Nous croyons que ce signe est quand même...
Des voix: ...
M. Bédard: On aurait pu porter un macaron, on a préféré porter quelque chose justement qui ne dérange pas le décorum. Et le message qui est véhiculé n'est pas à l'encontre de nos institutions, M. le Président, je tiens à vous en aviser, et ça va prendre une décision écrite pour m'indiquer le contraire.
Le Président: Alors, merci, M. le leader de l'opposition officielle. Sur la même question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: Un certain nombre de choses à dire. D'abord, M. le Président, j'ai fait vérifier et j'ai compris, moi... et j'ai compris, moi, que le décorum...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît, évitez les interpellations, la parole est au leader du gouvernement. S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, je veux vous entendre.
M. Dupuis: D'abord une première question, M. le Président. J'ai fait vérifier, et je comprends que c'est vous qui êtes responsable du décorum à l'Assemblée nationale, d'une part, lorsque vous êtes debout, j'ai compris que la caméra est sur vous. Or, pendant tout le temps où le leader de l'opposition officielle faisait son argumentation, la caméra était sur le leader de l'opposition officielle, malgré le fait que vous ayez été debout. Je pense que ça, M. le Président, non seulement c'est une règle, mais c'est une procédure, à l'Assemblée nationale, pour des raisons qui sont évidentes: quand vous êtes debout, la caméra vous donne le micro et vous donne... et vous donne l'image. Et je pense, M. le Président, que ça devrait être... ça devrait continuer comme ça. Et je vous demande de rendre une décision précise là-dessus.
Deuxièmement, il s'est malheureusement développé, à l'Assemblée nationale, depuis un certain nombre de semaines, M. le Président, deux... deux attitudes, de la part de l'opposition officielle, que je souhaite dénoncer, M. le Président, et que je vous demande de prendre en considération.
Premièrement, quand vous rendez des décisions... et vous en avez rendu une ce matin, dès l'ouverture de nos débats, lorsque vous avez dit, avant la minute de recueillement: Je demande à l'opposition officielle de retirer ce qu'ils arboraient en début de période de questions. Et le leader de l'opposition officielle a contesté votre décision. C'est une décision que vous avez rendue. Malheureusement, M. le Président, leur attitude, c'est de contester vos décisions de façon systématique. On abrie ça sous des questions de règlement, on abrie ça sous des questions de directive. Mais, M. le Président, vous ne pouvez continuer à permettre ce genre d'attitude de la part de l'opposition officielle.
Deuxièmement, il s'est également développé une attitude, M. le Président, de la part du leader de l'opposition officielle, qui, une fois qu'il a terminé son argument, au moment où il s'assoit, vous fait une menace à chaque fois. Il vous menace, M. le Président, à chaque fois...
Des voix: ...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Je vous demande de...
Une voix: ...
Le Président: Un instant! On va se calmer un peu.
Une voix: ...
Le Président: Quelle est votre question de privilège?
M. Bédard: ...a employé le terme «menace». S'il y a une chose qu'on ne fait pas en cette Assemblée mais qu'on peut être victime...
Des voix: ...
M. Bédard: ...c'est bien ça. J'inviterais le député à retirer ses propos et je vous dis, pour la suite: Je vais retirer mon foulard. Je vous invite à rendre une décision. Et nous allons, de consentement, parce qu'on a droit à une période des questions, retirer le foulard, et je...
Le Président: Sur votre question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: ...de façon systématique, M. le Président, vous l'avez entendu, nous l'avons entendu, c'est évident, à chaque fois, de l'intimidation qui est faite auprès de la présidence. Je vais vous demander...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Vous êtes sur une question de règlement? M. le leader de l'opposition, vous êtes sur une question de règlement?
**(10 h 20)**
M. Bédard: ...M. le Président, je fais mes questions de règlement dans le respect du règlement. Le leader... bien, il y en a qui ne sont pas capables de comprendre ça, je l'invite à le faire. Je n'implique pas de motif indigne, comme le fait mon collègue. Je pense que jouer à la victime au moment où on se déroule actuellement est le pire des scénarios. Notre règlement, il est clair, je vous ai dit qu'on allait retirer, mais je n'accepterai pas de me faire dire que j'intimide quelqu'un, surtout...
Le Président: C'est bien. M. le leader du gouvernement, en terminant rapidement la...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Rapidement. Je suis prêt à passer à une autre étape.
M. Dupuis: Non, je comprends, M. le Président, que vous êtes... Je comprends ça. Moi aussi, je veux passer à la prochaine étape. La prochaine étape, c'est la question... c'est la période des questions, puis la prochaine étape, c'est les affaires courantes, M. le Président. Moi aussi, je veux faire ça. Mais vous l'avez laissé argumenter; je vais argumenter, moi aussi.
Vous êtes responsable, M. le Président, en vertu de l'article 2 du règlement, vous êtes responsable de l'ordre et du maintien de l'ordre et vous pouvez exercer tous les pouvoirs à cette fin, et je vous demande de les exercer et de ne plus tolérer, M. le Président, de ne plus tolérer des atteintes à votre autorité.
Le Président: Alors, je veux simplement vous indiquer que le droit de parole en cette Assemblée sera toujours protégé par celui qui vous parle. Par ailleurs, je constate que la directive que j'ai rendue vient de s'appliquer, c'est-à-dire que les foulards ont été retirés. Je vous demande de vous lever pour une minute de recueillement.
Des voix: ...
Le Président: Alors, collègues, je vous invite à une minute de recueillement.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Alors, avant d'aller aux... avant d'aller aux affaires courantes, je veux signaler la... M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.
M. Dupuis: M. le Président, je vais vous demander, je vais vous demander, toujours en vertu de l'article 2... Le député de Nicolet, M. le Président, doit absolument respecter votre décision.
Le Président: ...M. le député de Nicolet, je vous prie d'enlever ce qui est sur votre microphone. Très bien.
Alors, avant de passer aux affaires courantes...
Des voix: ...
(…)
DÉPÔT DE PÉTITIONS
Et toujours... aux pétitions cependant, dépôt de pétitions, M. le député de Matane.
ABOLIR LE POSTE DE LIEUTENANT-GOUVERNEUR
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 38 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens de la circonscription de Matane.
«Les faits invoqués sont les suivants:
«Considérant que la fonction de lieutenant-gouverneur symbolise un pouvoir colonial archaïque et désuet;
«Considérant qu'il en coûte plus de 1 million de dollars par année aux Québécois et Québécoises pour financer cette fonction;
«Considérant que cet argent pourrait être investi ailleurs dans les missions essentielles à l'État québécois;
«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de prendre les dispositions requises pour que soit aboli le poste de lieutenant-gouverneur.»
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
Le Président: Cet extrait de pétition est déposé. Et toujours à l'item Pétitions, M. le député de Matane.
TENIR UNE ENQUÊTE PUBLIQUE SUR L'INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 162 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du Québec.
«Les faits invoqués sont les suivants:
«Considérant que de sérieuses allégations concernant l'ensemble de l'industrie de la construction ont été soulevées au cours des derniers mois;
«Considérant de sérieuses allégations dans le processus d'octroi des contrats publics au Québec;
«Considérant les limites des enquêtes policières;
«Considérant que seule une commission d'enquête peut faire toute la lumière sur cette situation et recommander les correctifs nécessaires;
«Considérant que le gouvernement s'entête à refuser de déclencher une enquête publique;
«Considérant que ce refus contribue à miner la confiance des citoyens envers les institutions;
«Considérant que cette situation exceptionnelle nécessite des mesures exceptionnelles;
«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«C'est pourquoi les soussignés, citoyens et citoyennes du Québec, demandent à l'Assemblée nationale d'exiger du gouvernement du Québec la tenue d'une commission d'enquête publique et indépendante sur l'industrie de la construction.»
Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.
Le Président: Alors, cette pétition, telle que libellée, était non conforme. Est-ce qu'il y avait consentement pour qu'elle soit déposée? Il y avait consentement. Très bien. Alors, cette pétition... cet extrait est donc déposé.
Toujours aux pétitions, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. M. le Président, je demande le consentement de cette Assemblée pour déposer l'extrait d'une pétition non conforme.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement.
(…)
Questions et réponses orales
Et nous en sommes donc maintenant à la période de questions et de réponses orales des députés. Et je cède la parole à Mme la chef de l'opposition officielle.
TENUE D'UNE ENQUÊTE PUBLIQUE SUR L'INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION
MME PAULINE MAROIS
Mme Marois: Merci, M. le Président. Depuis des mois, le Québec vit une crise de confiance sans précédent à l'égard de son gouvernement. Jour après jour, l'Action démocratique, Québec solidaire, les députés indépendants, le Parti québécois réclament une commission d'enquête publique et indépendante. Les procureurs de la couronne, les policiers, les architectes, les ingénieurs réclament une enquête. Les Québécois demandent à leur premier ministre la création d'une commission d'enquête. Le premier ministre refuse, de peur que le Parti libéral ne soit éclaboussé. Il faut avoir bien peur des révélations pour penser qu'une commission d'enquête ferait plus de tort au Parti libéral que le tort que lui cause le refus de déclencher cette enquête.
Encore ce matin, nouvelle révélation, le vérificateur de la ville de Montréal se questionne sur la répartition des contrats sur le territoire de la ville, exactement le phénomène que dénonçait le fonctionnaire du ministère des Transports à l'émission Enquête, il y a maintenant sept mois, le 15 octobre 2009.
Le Québec est actuellement paralysé par les allégations de collusion et de corruption. Le Parti libéral protège un système par son refus obstiné de tenir une enquête. Le premier ministre ne peut plus se défiler. Il doit assumer ses responsabilités, ce pour quoi les Québécois le paient, pas ce pour quoi le Parti libéral le paie.
Est-ce que le premier ministre choisit la population québécoise, qui veut une enquête, ou le Parti libéral, qui n'en veut pas?
**(10 h 30)**
Le Président: Simplement rappeler à Mme la chef de l'opposition de faire attention à la teneur des propos qui sont tenus. Quand on parle de «système» ou autre, alors il ne faut pas imputer de motifs à qui que ce soit, ni à un groupe parlementaire ni à un député. M. le leader du gouvernement et ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: À quoi pense-t-elle, la chef de l'opposition, M. le Président, lorsqu'en fin de semaine elle dit qu'elle veut renverser un gouvernement démocratiquement élu par la population du Québec? Pense-t-elle à son intérêt ou pense-t-elle à l'intérêt public?
La réponse à sa question, elle est claire. L'objectif du gouvernement n'est que l'intérêt public. L'objectif du gouvernement, M. le Président, c'est de, oui, faire cesser des comportements qui seraient illégaux. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous avons accompli les gestes, les gestes, dès qu'il y a eu des allégations de corruption ou de collusion, nous avons accompli des gestes. Je les répète, M. le Président: six ministres qui ont resserré les règles d'attribution des contrats; un budget pour permettre que 40 policiers, que 40 policiers fassent des enquêtes complètes, M. le Président, pour, s'il y a des preuves, amener des individus devant les tribunaux. D'ailleurs, ces enquêtes ont déjà donné quelque chose.
Ce que je lis dans les journaux, ce matin, au sujet de l'attribution des contrats dans certains arrondissements à Montréal, ça fait partie du mandat que l'opération Marteau a, M. le Président: toute allégation de collusion, de corruption. Pourquoi on fait ça de cette façon-là, M. le Président?
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: Parce que non seulement faut-il faire la lumière sur ces agissements illégaux...
Le Président: En complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.
MME PAULINE MAROIS
Mme Marois: Merci, M. le Président. Même les policiers indiquent que ce n'est pas suffisant, ce qui se fait actuellement. Je dois comprendre cependant que le premier ministre a décidé de ne pas répondre à la population du Québec de peur que des faits soient exposés au grand jour, et je comprends donc que le premier ministre ne veut pas connaître la vérité et la dire, surtout, aux Québécoises et aux Québécois.
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: Je ne peux pas accepter ça, M. le Président. Voyons donc! C'est une injure à l'intelligence, ce que la chef de l'opposition vient de dire. D'abord, elle le sait très bien, M. le Président, le gouvernement ne parle que par une seule voix. Ces décisions qui ont été prises de confier à des ministres le soin de resserrer les règles d'attribution des contrats, cette décision-là qui a été prise d'octroyer à la Sûreté du Québec des ressources financières qui permettraient que 40 policiers fassent des enquêtes complètes, M. le Président, et traduisent, s'il y a lieu, des individus devant les tribunaux, c'est une décision gouvernementale, M. le Président, d'une part.
D'autre part, pourquoi, M. le Président...
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: ...agir de cette façon-là? Parce que, M. le Président... pour empêcher des gens d'avoir la tentation d'accomplir ce genre de gestes là pour...
Le Président: En deuxième complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.
MME PAULINE MAROIS
Mme Marois: M. le Président, j'invite le premier ministre à se ressaisir, à écouter la population québécoise, à écouter ses policiers, à écouter les procureurs, à écouter les ordres professionnels. Plus de 180 municipalités ont signé et adopté des résolutions demandant cette commission d'enquête publique. Même les policiers ont dit que l'enquête actuelle servait de parapluie pour le gouvernement.
M. le Président, je veux que le premier ministre réponde à la population du Québec. C'est ça, ma question: Pourquoi pas une...
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: M. le Président, il y a une question de logique qui est fort simple, là-dedans. Peu importe la voie suivie, là, il faut des preuves, il faut des faits puis il faut aller chercher de l'information quand il s'agit d'agir sur ces questions-là. C'est simple, là, ce n'est pas compliqué, c'est ça.
Alors, quand le gouvernement lance une opération comme l'opération Marteau, l'objectif, c'est de faire exactement ça. Quand on fait la loi n° 73 puis on resserre l'attribution des contrats au niveau municipal, c'est justement pour s'assurer que les règles soient suivies. Quand on fait la même chose avec la loi n° 76, M. le Président, c'est la même chose. On a voté des lois, on a resserré les règles d'attribution des contrats puis on a posé des gestes très concrets, parce qu'en bout de ligne, M. le Président, pour les gens qui nous écoutent, là, ce n'est pas sorcier, cette affaire-là, ce n'est pas compliqué, là: ça prend des faits, ça prend du monde qui vont chercher cette information-là pour qu'on puisse agir là où on doit agir. C'est ça, le sens de l'action...
Le Président: En troisième complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.
MME PAULINE MAROIS
Mme Marois: Merci, M. le Président. La défense du premier ministre ne tient pas. Quand on entend des procureurs, des policiers nous dire qu'effectivement le gouvernement se sert de toutes les opérations qu'il a mises en place comme d'un parapluie pour éviter... pour se protéger lui-même, pas pour protéger l'intérêt des Québécois et des Québécoises, pas pour défendre leur intérêt, pour se protéger eux-mêmes...
Je demande au premier ministre de répondre à la population québécoise, parce que c'est de la population québécoise dont je me fais...
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: Elle avait de la misère, en fin de semaine, à être la porte-parole de son propre parti, M. le Président, là. Il ne faut pas exagérer, quand même, là. Je veux dire, on ne va pas se faire charrier, là. C'est assez, là. M. le Président, ce qu'elle a dit dans sa question est une insulte, M. le Président, aux 40 policiers qui travaillent soir... qui travaillent à tous les jours, M. le Président, pour... qui travaillent à tous les jours sur les allégations qui sont faites de corruption, de collusion, M. le Président... qui a déjà donné des résultats. Ces gens-là sont commis, ils ont un mandat clair de la part du gouvernement. On ne tolère pas, M. le Président, nous ne tolérons pas les agissements illégaux, les agissements...
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: ...qui contournent les règles, et c'est pour ça, M. le Président, que nous avons pris ces mesures avec les ministres...
Le Président: En question principale, M. le député de Chambly.
ENQUÊTE SUR L'ATTRIBUTION DE CONTRATS À LA VILLE DE MONTRÉAL
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, hier, le vérificateur général de la ville de Montréal a mis au jour ce qui a toutes les apparences d'un système organisé de collusion dans l'attribution des contrats de construction. En fait, on a la nette impression que les compagnies se divisent le territoire en fonction des arrondissements. Par exemple, et là ce sont des faits, M. le Président, ce n'est pas des allégations, dans l'arrondissement de Verdun, une entreprise, Catcan, propriété de la famille Catania qui a contribué à plus de 120 000 $ à la caisse électorale du Parti libéral au cours des dernières années, Catcan a obtenu 100 % des contrats, 26 contrats sur 26, 100 % des contrats de l'arrondissement de Verdun. Dans Anjou, M. le Président, Constructions Louisbourg a obtenu 100 % des contrats, cinq contrats sur cinq. Ça, c'est la compagnie, M. le Président, de Tony Accurso.
M. le Président, je ne sais plus, nous ne savons plus sur quel ton le demander: Est-ce que le premier ministre va cesser de rire des Québécois et enfin déclencher cette commission d'enquête qui, elle seule, fera la lumière sur tout?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: M. le Président, lorsqu'il y a eu des allégations de la nature de celles dont parle le député de Chambly -- ce n'est pas ce matin, là, la première fois qu'il y a des allégations de cette nature-là, il y a eu des allégations de cette nature-là il y a plusieurs semaines -- j'ai spécifiquement demandé à la Sûreté du Québec d'enquêter ces allégations, M. le Président. C'est bien évident, M. le Président, qu'on ne peut pas accepter qu'il y ait un... qu'il y ait des gens qui s'entendent entre eux pour contourner les règles qui sont des règles à la fois légales et qui sont des règles à la fois morales, M. le Président.
Alors, c'est évident, M. le Président, que ce dont... ce à quoi fait allusion le député de Chambly, c'est un mandat que la Sûreté du Québec a, c'est un mandat général, M. le Président, d'enquêter sur toute allégation de... toute allégation de collusion ou de corruption. La collusion, c'est ce dont il parle ce matin. Ce n'est pas acceptable, M. le Président. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a mis des moyens pour empêcher que ça se passe, pour punir les gens qui seraient coupables de le faire et pour empêcher que des gens qui seraient tentés de le faire à l'avenir soient empêchés de le faire. M. le Président, c'est...
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: M. le Président, dans une société démocratique, il faut croire aux institutions, il faut croire à l'institution judiciaire, il faut croire...
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chambly.
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, l'éditorialiste François Cardinal écrit ce matin dans La Presse: «Le rapport du vérificateur général de Montréal contient 400 pages, mais un seul message: les fonds publics sont gérés comme un vaste buffet à volonté, dans lequel l'entreprise privée pige en toute impunité.» M. le Président, c'est ça, la réalité.
Pendant combien de temps le premier ministre va-t-il laisser ces gens profiter de l'argent public? Pourquoi le premier ministre se fait le protecteur de ceux qui manifestement corrompent le système?
**(10 h 40)**
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: M. le Président, nous avons été clairs: quelque contrat qui soit donné par quelque autorité que ce soit, que ce soit, par exemple... Je veux l'exemple du ministère des Transports, M. le Président, où la ministre des Transports annonce des contrats pour une valeur importante et où en... où en même temps elle met sur pied une unité anticollusion, avec une personne qui est au-dessus de tout soupçon pour la présider, M. le Président. Les contrats dont parle le député de Chambly sont des contrats qui sont donnés par la ville de Montréal, M. le Président. Le vérificateur général, M. Bergeron, s'est penché sur ces contrats-là, il a transmis le rapport à la Sûreté du Québec.
Savez-vous quoi, M. le Président? La bonne nouvelle depuis quelques jours, là, c'est que tous les gens s'entendent, M. le Président: quand on... quand on tombe sur des allégations de cette nature-là...
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: ...on transmet les dossiers à la police. C'est ça qu'il faut faire.
Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de Chambly.
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, est-ce que le ministre va arrêter de se péter les bretelles avec l'opération Marteau? L'opération Marteau, c'est sept arrestations en sept mois, la plupart portant sur des enquêtes qui remontent à un an ou à deux ans, et, M. le Président, bien avant, donc, Marteau. Et c'est sept arrestations qui concernent la tonte de pelouse à Saint-Léonard ou le bar à scotch du maire d'Outremont.
M. le Président, quand est-ce que vous allez déclencher cette commission d'enquête qui, elle seule, peut aller au fond des choses et faire toute la lumière sur ce dossier?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: Je ne peux pas... je ne peux pas accepter, M. le Président, que le député de Chambly... que le député de Chambly catalogue des comportements qui seraient... -- j'emploie le conditionnel à escient, parce qu'évidemment ces gens-là n'ont pas été condamnés -- mais catalogue des comportements selon la gravité des comportements. On parle... on parle, M. le Président, dans certains cas... dans certains cas, de titulaires de charge publique, dans certains autres cas, de gens qui font affaire avec des titulaires de charge publique. Il n'y a pas de... je vais employer l'expression «de petits crimes», M. le Président. Il y a des enquêtes qui se font...
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: ...certaines de ces enquêtes-là sont plus rapides que d'autres. Je suis aussi impatient que tout le monde, mais la limite des actions policières, dont il parlait ce matin, c'est simplement, M. le Président, le...
Le Président: En question principale, M. le député de Chambly.
ATTRIBUTION D'UNE SUBVENTION À LA FIRME DE SÉCURITÉ BCIA DANS LE CADRE DU PROGRAMME RENFORT
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, je rappellerai que, jusqu'à maintenant, on est loin des vraies affaires. Et je cite Michèle Ouimet, dans La Presse: «On est loin des vraies affaires, c'est-à-dire des liens troubles entre des entrepreneurs et des municipalités, des appels d'offres trafiqués, des coûts de construction qui explosent et de la corruption.» On est loin des affaires... des vraies affaires jusqu'à maintenant.
M. le Président, hier, le ministre du Développement économique affirmait qu'il n'y a pas de problème avec BCIA, il n'y a pas d'irrégularité concernant les millions de dollars d'argent public qui sont disparus, qui sont perdus. Or, ce matin, il est contredit par Investissement Québec qui envisage d'intenter des poursuites contre BCIA. Il est contredit par la Sûreté du Québec qui développe... qui débloque de nouvelles enquêtes sur BCIA. Il est aussi, M. le Président, je le signale... BCIA est aussi sous enquête du DGE.
Le ministre du Développement économique se cache derrière une analyse du dossier qui a été faite par Desjardins. Mais le porte-parole de Desjardins lui-même l'a dit: Ça fait partie des questions qu'on se pose. Ils ne peuvent expliquer la descente aux enfers de BCIA.
Ma question est simple: Où sont rendus les millions d'argent public qui étaient dans BCIA?
Le Président: M. le Ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.
M. CLÉMENT GIGNAC
M. Gignac: M. le Président, ça va me faire plaisir de répondre au dynamique député de Chambly sur la question de BCIA. Au même titre que j'avais demandé, dans le dossier des FIER, de laisser le Vérificateur général faire son travail, qui n'avait trouvé aucun cas de fraude ou malversation, au même titre, ce matin, je vais lui demander de laisser faire le syndic son travail. C'est le travail du syndic, et, s'il y a fraude ou malversation, il a l'obligation, le syndic, de le dévoiler aux créanciers.
M. le Président, on ne peut pas présumer à ce stade-ci qu'il y a eu fraude ou malversation. D'ailleurs, si Desjardins a avancé le dossier à Investissement Québec au mois d'août, c'est parce qu'ils avaient confiance dans le plan d'affaires de l'entreprise. Et je répéterai ce que j'ai mentionné ici et déposé ici voilà deux semaines, que, dans le cas de BCIA, on respectait tous les critères de Renfort.
M. le Président, s'il veut refaire le travail du VG, c'est libre à lui. S'il veut faire le travail du syndic, c'est libre à lui. Mais je ferais attention de répéter certains propos qu'il tient en cette Chambre, et allégations, en dehors de la Chambre, M. le Président.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chambly.
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, je rappellerai au ministre qu'il est ministre du gouvernement... du gouvernement du Québec. Il est responsable de l'argent public, et il nous dit: Tout va bien. Or, M. le Président, Investissement Québec nous dit: Ça ne va pas si bien que ça, on envisage des poursuites contre BCIA. Et Desjardins nous dit: On se pose plein de questions, on ne comprend pas comment ça se fait qu'après avoir mis tant d'argent, cinq mois après, on a des chèques sans provision, puis l'entreprise se met sous la protection de la Loi sur la faillite.
M. le ministre, où est rendu l'argent? Ça devrait vous préoccuper comme ministre de ce gouvernement.
Le Président: Alors, pour la bonne conduite des débats, j'invite le député de Chambly de s'adresser à la présidence quand il pose ses questions. M. le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.
M. CLÉMENT GIGNAC
M. Gignac: M. le Président, ce qui me préoccupe, c'est la déformation des faits du député de Chambly. On a ici une compagnie, qui s'appelle BCIA, qui dans le fond a eu un prêt de l'ordre de 10 millions du Mouvement Desjardins, qui est venue cogner à la poste d'Investissement Québec, et un plan d'affaires qui respectait les critères de Renfort. Et on parle ici d'une compagnie, au niveau de BCIA, une compagnie de transfert de valeurs, et, à ce stade-ci, on n'a aucune évidence qu'il y a eu fraude ou malversation.
Ceci dit, c'est moi-même qui ai parlé hier à Investissement Québec, en fin de journée, et je les ai mandatés pour que, si jamais le syndic trouve une malversation, une fraude, on va intenter des poursuites, parce que, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président...
Le Président: En terminant.
M. Gignac: ...notre priorité, ce n'est pas la souveraineté, c'est l'économie et les fonds publics des contribuables, M. le Président.
Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de Chambly.
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, quand on freine votre gaspillage de fonds publics, de ce côté-ci de la Chambre, on s'occupe d'économie. Et, M. le Président, quand on veut faire le ménage dans la corruption et dans la collusion pour sauver des milliards de dollars d'argent public, on s'occupe aussi d'économie, M. le ministre.
Le Président: M. le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.
M. CLÉMENT GIGNAC
M. Gignac: Mais, M. le Président, quand on regarde la feuille de route du Parti québécois, avec des dossiers comme la Gaspésia, la SGF, une perte de 1 milliard de dollars, M. le Président, le ministère de la...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, le temps s'écoule. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, il vous reste quelque 30 secondes.
M. Gignac: M. le Président, quand je regarde la feuille de route du parti de l'opposition officielle, avec des dossiers comme la Gaspésia, SGF ou les pertes de 1 milliard, c'est des investissements qu'ils ont faits...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée de Matapédia, je vous rappelle à l'ordre.
J'ai une question de règlement de la part du député de Mercier. Question de règlement.
M. Khadir: M. le Président, en vertu du règlement 79, le ministre est tenu de répondre brièvement à la question qui a été posée, qui concerne... La question qui a été posée concerne le lien entre l'économie et le fonds d'investissement en région. Le ministre, avec ce genre de réponse, déconsidère lui-même et le Parlement. Vous avez parlé de décorum...
Le Président: S'il vous plaît. Alors, M. le ministre, en réponse à la question posée, en quelques secondes.
M. Gignac: M. le Président, je pense qu'on n'a pas de leçons à recevoir, en termes de décorum, quand je sais que le conjoint de la chef de l'opposition officielle a une pension à vie, avec qu'est-ce qu'on a eu, les pertes de la SGF. Donc, je pense qu'en termes de feuille de route on doit faire bien attention.
Et, M. le Président, quand on commence à remettre en question le jugement de Desjardins, c'est 4 millions de Québécois qui sont membres d'une institution financière. Je ferais attention, parce que ça se peut qu'en fin de semaine qui vient ils se fassent désavouer par les membres de Desjardins et les membres de leur propre...
**(10 h 50)**
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Matane, s'il vous plaît! M. le député de Beauharnois! La parole est au chef du deuxième groupe d'opposition.
MANDAT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LE PROCESSUS DE NOMINATION DES JUGES
M. GÉRARD DELTELL
M. Deltell: Merci, M. le Président. M. le Président, instituer une commission d'enquête publique est un geste très important qui vise essentiellement à rassurer la population et lui redonner confiance en ses institutions.
Malheureusement, la commission Bastarache n'est pas encore commencée que déjà la confiance des citoyens est émiettée. Doit-on s'en surprendre? Pas vraiment, M. le Président, si on regarde la genèse de ces événements-là.
Tout d'abord, sur un coup de colère, le premier ministre veut régler ses comptes personnels avec Marc Bellemare et décide d'instituer une enquête publique. Alors que ça aurait été du ressort de la ministre de la Justice, c'est le ministre de la Sécurité publique qui, lui-même, prend contact avec Me Bastarache pour le convaincre d'accepter ce mandat-là. Par la suite, la ministre de la Justice n'est confinée qu'au triste rôle que de faire lecture d'un texte écrit par Dieu ne sait qui, mais le diable s'en doute.
Et voilà, M. le Président, que la ministre de la Justice, dans un élan de lucidité, affirme ce que tout le monde souhaite au Québec, c'est-à-dire élargir ce mandat-là. Mais c'était avant que le malheur ne la frappe, c'est-à-dire que le gouvernement dise: Taisez-vous et partez en fin de semaine de congé, et non: Assistez au congrès du Parti libéral. Voilà donc la situation.
Des voix: ...
M. Deltell: Mais ce n'est pas fini, M. le Président. Voilà qu'on nomme un procureur en chef, Me Pierre Cimon, qui est un ancien donateur du Parti libéral, et, une semaine plus tard, décide de claquer la porte parce qu'il en a assez. Comment expliquer un tel gâchis? Comment expliquer un tel déraillement?
M. le Président, le premier ministre peut-il être conscient que la commission Bastarache, qui vise essentiellement à rétablir la confiance des citoyens, est émiettée, est égrainée, et que le premier ministre doit se ressaisir et élargir le mandat de la commission Bastarache?
Des voix: ...
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: M. le Président, M. le Président, la commission Bastarache a été mise sur pied parce qu'il y a eu des allégations de faites sur la probité du système judiciaire par un ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare.
Maintenant, je constate, depuis le début de ces déclarations, que l'opposition officielle du Parti québécois a choisi d'adhérer totalement aux déclarations de Marc Bellemare. Je le note au passage. Je pense, c'est important qu'aujourd'hui on puisse le noter, en prendre acte.
Je constate que le chef de la deuxième opposition fait la même chose, là. Alors, lui, il tient pour acquis que tout ce que M. Bellemare a dit, là, c'est vrai, c'est de la vérité, et donc...
Des voix: ...
M. Charest: Bien, je veux... je veux que ce soit noté aujourd'hui, M. le Président, parce qu'un jour on fera le compte de tout ça.
Cela étant dit, M. le Président, une fois qu'une commission est nommée, elle est totalement indépendante. C'était vrai pour la commission Bouchard-Taylor, par exemple: une fois que la commission Bouchard-Taylor a été nommée, ils étaient libres d'exécuter leur mandat de la façon dont ils le voyaient. D'ailleurs, ils ont décidé de faire des tournées régionales, c'était leur choix à eux. La même chose est vraie pour la commission Bastarache.
Cela étant dit, M. le Président, il faut regretter le fait qu'il y a un abus, je pense, de l'immunité parlementaire puis d'acharnement sur certaines personnes. Je vais vous donner un exemple. La députée de Joliette aurait préféré que Me Cimon donne de l'argent au PQ...
Des voix: ...
M. Charest: ...et en même temps au Parti libéral du Québec. Il faut le faire...
Des voix: ...
Le Président: Sur une question de règlement! Question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.
M. Bédard: Encore une fois, M. le Président, le premier ministre n'est pas à la hauteur de sa fonction. Il impute...
Des voix: ...
M. Bédard: ...il impute des propos...
Le Président: Allez à votre question de règlement.
Des voix: ...
Le Président: Alors... Bien, en...
Des voix: ...
Le Président: Un instant, monsieur... Quelle est votre question de règlement?
Des voix: ...
Le Président: Votre question de règlement! Allez à votre question de règlement.
M. Bédard: ...et la réponse...
Le Président: Oui!
M. Bédard: ...vous auriez constaté, comme ultime défense, que le premier ministre tente de donner... de mettre des paroles dans la bouche de quelqu'un qui ne les a pas prononcées.
On connaît ces tactiques du premier ministre. Je l'invite, lui qui parle d'abus, de...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît, qu'on puisse terminer la question de règlement. Je vous entends immédiatement. Rapidement, à votre question de règlement, en terminant.
M. Bédard: Voilà! J'invite le premier ministre à respecter le règlement.
Il y a une chose qu'on ne peut pas faire dans cette Assemblée: on ne peut pas dire à quelqu'un qu'il ment, mais, en contrepartie, la personne ne peut pas dire des propos qui n'ont pas été prononcés. J'invite le...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le leader de l'opposition officielle, je vous ai entendu, je vous ai entendu.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Il arrive fréquemment que des députés aient des opinions qui sont contradictoires en cette Chambre, je vous le rappelle, des opinions qui sont contradictoires. Alors, ceci étant dit, M. le premier ministre...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Un instant. Vous êtes sur une question de règlement? Laquelle?
M. Bédard: M. le Président, qu'on ait des opinions différentes, c'est normal, c'est un bel exemple aujourd'hui. Par contre, qu'on répète des propos qui n'ont jamais été dits, autrement dit qu'on dise le contraire de la vérité en Chambre, le règlement nous l'empêche. J'invite... Les parlementaires ont le droit à la vérité. Ma collègue n'a jamais prononcé les propos que le premier ministre tente de lui mettre dans la bouche. Alors, le chef de... le chef du gouvernement -- malheureusement, oui! -- je souhaite qu'il se rétracte, au moins qu'il se conforme à notre règlement.
Le Président: Oui, oui. Sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: Sur la question de règlement strictement, M. le Président. Les paroles sont citées entre guillemets. Alors, M. le Président, c'est tout ce que le premier ministre a fait, les paroles sont citées entre guillemets.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Très bien, très bien, très bien. C'est bien. Alors, vous comprendrez que la présidence peut difficilement contrôler le contenu des propos qui sont tenus, c'est de s'assurer qu'ils sont conformes à notre règlement. Alors, il faut s'ajuster aussi, quand on... quand on est parlementaire, s'assurer de la justesse des propos que nous tenons en cette Assemblée.
Alors, M. le premier ministre n'avait pas terminé sur la réponse à la question posée par le deuxième chef du groupe d'opposition.
M. Charest: ...M. le Président, que c'est assez grossier, à l'Assemblée, que le leader de l'opposition se lève aujourd'hui pour demander que ceux qui déclarent des choses à l'Assemblée soient des choses qui sont vérifiées, qui sont vraies, alors que, depuis le début de ce mandat, le Parti québécois et son chef en premier ne font que faire des allégations, des insinuations qui ne sont fondées sur aucun fait.
Le Président: Alors, M. le chef du deuxième groupe d'opposition, vous êtes en question complémentaire.
M. GÉRARD DELTELL
M. Deltell: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, j'invite le premier ministre à se ressaisir. Il y a actuellement une crise de confiance au Québec. La commission Bastarache visait à rétablir la confiance sur un aspect précis, et tout le monde le sait: pour régler les comptes personnels du premier ministre.
Mais pourquoi ne pas saisir cette occasion-là pour demander à Me Bastarache d'élargir son mandat et d'accueillir ainsi ce que tous les Québécois désirent, ce que nous, à l'ADQ, réclamons depuis 13 mois, c'est-à-dire une commission d'enquête publique élargie sur la situation de la construction?
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: Monsieur... M. le Président, c'est quand même assez incroyable, sachant tout ce qu'on sait, que le chef de la deuxième opposition se lève aujourd'hui puis prétend que, nous, on cherche à régler des comptes personnels. Il sait très bien de qui elles viennent, ces déclarations-là. Il sait très bien qui a lancé le débat. Si M. Bellemare a choisi de lancer le débat, c'est son choix à lui. Je n'irai pas plus loin, parce qu'il y aura une commission d'enquête sur ce qu'il a déclaré. Mais prétendre à l'Assemblée nationale aujourd'hui que c'est ce que nous recherchons, franchement, c'est aller... c'est aller loin. C'est aller très loin, M. le Président, c'est aller trop loin, M. le Président.
On a demandé à Me Bastarache, un ancien juge à la Cour suprême, de faire son travail. Est-ce qu'on pourrait le laisser faire son travail? Est-ce qu'on pourrait avoir de la part des oppositions un minimum de respect...
Le Président: En terminant.
M. Charest: ...pour nos institutions et pour les Québécois...
Le Président: En deuxième complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
M. GÉRARD DELTELL
M. Deltell: M. le Président, nous avons toute notre confiance au très honorable Bastarache, nous avons toute notre confiance au très honorable Bastarache, nous aimerions justement qu'il puisse faire son travail, mais le problème, mais le problème: voilà que son procureur en chef a décidé de claquer la porte parce que justement il n'est pas à l'aise dans le mandat qui lui a été confié.
M. le Président, pourquoi le premier ministre, qui...
Des voix: ...
Le Président: Un instant. À l'ordre, s'il vous plaît! Collègues, je dénote que, dans la question posée par le chef du deuxième groupe d'opposition, il n'y a rien qui est contraire à notre règlement, alors je vous demande d'écouter la question qui est posée. M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
**(11 heures)**
M. Deltell: M. le Président, nous avons offert, il y a plus d'un mois, l'opportunité au premier ministre d'entendre en commission parlementaire Me Bellemare, mais le Parti libéral a refusé cette occasion unique de faire la lumière sur la situation entre parlementaires.
M. le Président, est-ce que le premier ministre va enfin comprendre ce que tous les Québécois veulent: une commission d'enquête élargie sur la construction au Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: M. le Président, ça vaut la peine de revenir brièvement sur ce que... Moi, en tout cas, j'ai vu dans l'affaire de Me Cimon... Me Cimon, il dit quoi finalement? Il a fait 42 ans de pratique de droit. C'est un homme dont l'intégrité est reconnue par tous ceux et celles qui l'ont côtoyé. C'est un homme honnête. C'est un homme qui, oui, a fait des contributions à un parti politique, pas parce qu'il cherchait quelque chose en retour, mais comme tous ceux qui donnent parce qu'il veut contribuer à la démocratie. Parce qu'on a le droit d'exister. Me Cimon a le droit d'exister sans être sali délibérément par du monde qui n'ont que des objectifs politiques personnels, malgré tout le vide de leur propre discours, pour pouvoir mieux cacher le fait qu'ils sont renversés par leurs propres militants. Puis ils n'ont rien à dire, ils aiment mieux attaquer les autres. Les Québécois...
Le Président: En terminant.
M. Charest: ...en ont ras le bol de ces comportements.
Le Président: En question...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition.
M. Bédard: J'aimerais savoir si ça lui fait du bien d'insulter la chef de l'opposition.
Le Président: Alors, il ne s'agissait pas d'une question de règlement.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! En principale, Mme la députée de Rosemont.
PROJET DE LOI N° 94 ÉTABLISSANT LES BALISES ENCADRANT LES DEMANDES D'ACCOMMODEMENT DANS L'ADMINISTRATION GOUVERNEMENTALE ET DANS CERTAINS ÉTABLISSEMENTS
MME LOUISE BEAUDOIN
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Il y a un mois, le premier ministre, entouré de deux ministres, annonçait en grande pompe le dépôt du projet de loi n° 94. Le gouvernement revenait ainsi à la charge pour une troisième fois, après l'échec de la loi n° 63 à régler quoi que ce soit en matière d'accommodements et après l'enterrement du projet de loi n° 16. Et que fait-il, le gouvernement, avec le projet de loi n° 94? Il légifère le statu quo. C'est exactement ce que le Barreau est venu dire hier en commission parlementaire. Ce projet de loi n'a qu'une valeur pédagogique et ne fait que codifier la situation existante. Le gouvernement se satisfait donc de la gestion à la pièce, au cas-par-cas. Ce qui a fait dire à la CSQ que le gouvernement doit retirer ce projet de loi, car c'est une coquille vide qui ne règle rien.
M. le Président, le gouvernement a décidé de suspendre nos travaux dès jeudi jusqu'à la mi-août, alors que c'était si urgent il y a un mois.
Le ministère... la ministre va-t-elle au moins profiter de l'ajournement pour revoir sa copie?
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: M. le Président, je note au passage que le projet de loi n° 94 a reçu un accueil généralement favorable. Ça ne peut pas être unanime, puis ce ne le sera jamais parce que c'est un sujet... c'est un sujet qui, on le sait, est déjà assez complexe. D'ailleurs, on n'est pas les seuls à traiter ce sujet-là. En France, en Belgique, partout dans les pays... certains pays, on traite ce sujet-là avec le même contexte.
Mais j'en profite parce que la députée de Rosemont est debout aujourd'hui, M. le Président, dans la revue MacLean's le 6 juillet dernier, elle disait que le Parti québécois, à la première occasion, voulait présenter un projet de loi qui faisait deux catégories de citoyens au Québec: ceux qui avaient le droit de vote, ceux qui n'avaient pas le droit de vote, M. le Président. Je veux savoir de la part de la députée de Rosemont et de la chef de l'opposition officielle, aujourd'hui, si, oui ou non, le PQ a encore l'intention de faire de la ségrégation au Québec envers les citoyens du Québec, M. le Président.
Le Président: En question complémentaire.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: Bien. En question complémentaire, Mme la députée de Rosemont.
MME LOUISE BEAUDOIN
Mme Beaudoin (Rosemont): Hier, en commission parlementaire, M. le Président, tous les groupes qui sont venus nous ont dit que ça ne réglait rien, que ce projet de loi était soit inutile soit dangereux. Si c'était urgent il y a un mois, aujourd'hui on apprend que le gouvernement veut suspendre nos travaux jusqu'à la mi-août.
Je repose ma question à la ministre: Est-ce qu'elle va au moins en profiter pour revoir sa copie et nous présenter un projet de loi qui va enfin régler quelque chose?
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: Bien, M. le Président, la mauvaise nouvelle pour la députée de Rosemont puis la chef de l'opposition officielle, M. le Président, c'est qu'on n'est pas un colloque du PQ ici. On n'est pas un colloque du PQ. Il va falloir que vous disiez des vraies choses et que vous preniez des positions. Puis je comprends que la chef de l'opposition officielle a été renversée par ses propres militants, qui l'ont rejetée, M. le Président, qu'ils ont jeté, comme un papier à la poubelle, ce qu'elle leur proposait. Mais aujourd'hui, M. le Président, la chef de l'opposition officielle doit dire aux Québécois si, oui ou non, elle propose encore un projet de loi qui va faire de la ségrégation envers les citoyens du Québec, ceux qui ont le droit de vote puis ceux qui n'ont pas le droit de vote, M. le Président, oui ou non.
Le Président: En question principale, M. le député de Lac-Saint-Jean.
SUITE DE LA CONSULTATION SUR LE PROJET DE LOI N° 94 ÉTABLISSANT LES BALISES ENCADRANT
LES DEMANDES D'ACCOMMODEMENT DANS L'ADMINISTRATION GOUVERNEMENTALE ET DANS CERTAINS ÉTABLISSEMENTS
M. ALEXANDRE CLOUTIER
M. Cloutier: M. le Président, ça fait des mois que les Québécois veulent savoir à quoi s'en tenir sur la question des accommodements raisonnables. Au lieu d'arriver avec un projet de loi pour dire des règles claires, des règles précises, on légifère le même statu quo, le même immobilisme, les mêmes règles, au cas-par-cas. On se tourne encore vers les tribunaux. Vous avez un choix à faire: réécrire un quatrième projet de loi ou bonifier celui-là et répondre aux attentes des Québécois.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît. Alors, nous étions donc en question complémentaire. M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: M. le Président, on va... on va en faire, des choix, aujourd'hui: la chef de l'opposition officielle a le choix de rester assise ou de se lever debout pour répondre à une vraie question, parce qu'on n'est pas à un colloque du PQ aujourd'hui, ce n'est pas vrai qu'elle peut juste...
Des voix: ...
M. Charest: ...elle peut juste présenter des choses à être rejetées. Est-ce que, oui ou non, elle est d'accord avec ce projet de loi qui présente un choix de ségrégation des députés, citoyens du Québec, ou est-ce qu'elle est d'accord avec Lucien Bouchard qui disait, au mois de février dernier: Le PQ a l'air de vouloir remplacer l'ADQ dans la niche du radicalisme, disait Lucien Bouchard, M. le Président.
Le Président: En question principale...
Des voix: ...
Le Président: Alors, nous en sommes à une question principale, M. le... en question... en question complémentaire sur la principale qui était posée par le député du Lac-Saint-Jean. M. le leader de l'opposition officielle.
M. STÉPHANE BÉDARD
M. Bédard: Et, simplement, le premier ministre, le premier ministre est formidable dans l'art de la diversion. Mais là ça fait tellement longtemps qu'il n'y a plus personne qui tombe dans le piège, il n'y a plus aucun journaliste, il n'y a personne ici qui tombe dans le piège.
Ce qu'on veut savoir, il y a un projet de loi... il y en a quelques-uns, je rappelle au premier ministre, qui sont devant les commissions. Il y en a un qui était d'urgence, qui a été appelé d'urgence, et là il est reporté à l'automne.
Ce qu'on veut savoir de la ministre, un, pourquoi le reporter à l'automne alors que c'était urgent? Et, deux, est-ce qu'elle s'engage à réécrire le projet de loi?
Des voix: ...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Jean Charest
M. Charest: Alors, le leader de l'opposition officielle parle maintenant au nom de la Tribune de la presse, M. le Président. On est habitués de le voir, avec sa tête de slinky, regarder la Tribune de la presse à tous les jours. M. le Président...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À ma droite, à l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: Monsieur...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
**(11 h 10)**
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Collègues!
Des voix: ...
Le Président: Collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Pour les gens qui nous écoutent. MM. les députés, Mmes les députées, pour les gens qui nous écoutent, je vous demande qu'on puisse travailler. Quand on s'interpelle en continu comme ça... Il s'agit d'une question de respect entre nous et ultimement du respect de l'institution. Je vous demande de faire attention.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.
M. Bédard: J'espère que ça a fait du bien au premier ministre d'insulter le physique des gens. Je pense que, quand on est rendu là dans ses manigances... Je pense qu'il n'a qu'à lui à s'en prendre actuellement. Ce que je vous invite, M. le Président... Il sera pris avec ce qu'il dit aujourd'hui, il vivra avec ses insultes personnelles, ses insultes physiques. Il est prêt à toutes les diversions, il est prêt à faire rire ses gens. Regardez qui rit, M. le Président. Beau spectacle!
M. le Président, ce que je demande, c'est le respect minimal, parce que, dans cette Assemblée, vous le voyez à quel point je questionne durement les...
Des voix: ...
Le Président: Franchement! S'il vous plaît! je requiers votre attention. Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle. Je veux qu'on l'entende.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle, en question de règlement.
M. Bédard: J'espère sincèrement que ça lui a fait du bien d'insulter les gens. Par contre, notre règlement, M. le Président, demande... Et je vous exige le respect du règlement. Il y a une chose qu'on ne peut pas faire, il y a une chose qu'on ne peut pas faire, c'est insulter le physique des gens. Alors, moi, j'ai toujours gardé ce respect-là du règlement, sauf...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Nous en sommes à une question de règlement, j'ai reconnu M. le leader de l'opposition. En terminant là-dessus. Je vais passer à autre chose par la suite.
M. Bédard: Il manie bien l'insulte personnelle, mais je ne le laisserai pas faire, M. le Président. Je lui demande de retirer chacun des mots qu'il a prononcés à mon égard, M. le Président, avant que la période des questions finisse.
Le Président: Sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: Sur la question de règlement. Très... très respectueusement à l'endroit du leader de l'opposition officielle, M. le Président, je pense sincèrement que tous les observateurs de la période de questions à l'Assemblée nationale vont en venir aux mêmes conclusions que celles que je vais vous proposer. Si le leader de l'opposition officielle pouvait prendre quelques instants, après la période de questions, pour repenser à sa propre... à sa propre...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Continuez. M. le leader du gouvernement, continuez.
M. Dupuis: Pour repenser, M. le Président, à tête... pour repenser à tête reposée à sa...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Vous allez entendre la question de règlement du leader du gouvernement, puis je vais vous revenir par la suite. M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: Pour repenser, M. le Président, à tête reposée à sa propre attitude, à sa propre attitude à la période des questions. Je l'invite à le faire, M. le Président. Quand on...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Vous avez terminé, M. le leader du gouvernement? Rapidement, sur votre question de règlement.
M. Dupuis: Vous l'avez laissé parler, vous allez me laisser parler, là. Un instant!
Le Président: Bien, allez-y, terminez, terminez.
M. Dupuis: Je pense, M. le Président, que, s'il le faisait, il s'apercevrait que, pour la... Pour le minimum de sérénité dans nos débats mais surtout pour l'information correcte de la population du Québec, il devrait modifier son attitude, redevenir respectueux envers, d'abord, la présidence, puis envers les collègues, d'autre part.
Le Président: Je vous rappelle que l'article 35 de notre règlement dit très clairement qu'on ne peut pas utiliser des propos qui sont blessants envers quiconque. Alors, je demande la collaboration du premier ministre pour retirer les propos qui ont été tenus à l'endroit du leader de l'opposition officielle.
Une voix: ...
Le Président: Ces termes sont retirés. Et nous en étions à la fin de votre réponse, M. le premier ministre.
M. Charest: Deux choses, M. le Président. Premièrement, je constate que, pour une fois qu'on tombe sur une question de contenu, la chef de l'opposition officielle n'a rien à dire.
Des voix: ...
M. Charest: Renversée par ses propres militants, elle voulait renverser le gouvernement, imaginez-vous.
L'autre chose que je veux dire au chef de l'opposition... le leader, c'est qu'en 25 ans de politique je n'ai jamais vu un leader manquer autant de respect envers ses collègues...
Des voix: ...
Le Président: Alors, ceci met fin à cette période de questions et de réponses orales des députés.
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, nous sommes...
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Votes reportés
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci de votre collaboration. Nous sommes à la rubrique des votes reportés.
Des voix: ...
(…)
MOTIONS SANS PRÉAVIS
Nous sommes maintenant à la rubrique des motions sans préavis. Nous sommes à la rubrique des motions sans préavis, et, en fonction de nos règles et de l'ordre de présentation des motions sans préavis, je reconnais maintenant un député de l'opposition officielle. M. le député de Marie-Victorin.
M. Drainville: Mme la Présidente, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée... de cette Assemblée, dis-je bien, afin de présenter, conjointement avec la députée de Lotbinière, le député de Mercier, le député de La Peltrie et le député des Chutes-de-la-Chaudière, la motion suivante:
«Que l'Assemblée nationale du Québec exhorte les députés d'Arthabaska, de Rouyn-Noranda--Témiscamingue, de Montmorency, de Huntingdon, de Chapleau, de Mille-Îles, des Îles-de-la-Madeleine, de Rivière-du-Loup, de Maskinongé, de Jean-Lesage, de Viau, de Hull, de Mégantic-Compton, de Vanier, de Jacques-Cartier, de Pontiac, de Lévis, de Gaspé, de Vaudreuil, de Robert-Baldwin, de Portneuf, de Montmagny-L'Islet, de Chomedey, de Marquette, de Laval-des-Rapides, de Brome-Missisquoi, de Charlesbourg, d'Orford, de Jeanne-Manche--Viser -- de Jeanne-Mance--Viger, dis-je bien -- de Laurier-Dorion, de Trois-Rivières, de Gatineau, d'écouter le peuple du Québec et qu'ils exigent du premier ministre et des membres du Conseil des ministres la tenue d'une enquête publique sur l'ensemble des allégations liées à la l'industrie de la construction, l'octroi des contrats gouvernementaux ainsi que sur le financement des partis politiques.»
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?
M. Gautrin: Mme la Présidente, il n'y a pas de consentement.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Pas de consentement.
Nous sommes toujours aux motions sans préavis, et je reconnais maintenant la ministre de la Justice. Mme la ministre de la Justice.
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît. J'invite les députés qui doivent vaquer à d'autres occupations de le faire dans l'ordre et maintenant, s'il vous plaît.
Mme la ministre de la Justice, vous avez la parole.
SOULIGNER LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LUTTE CONTRE L'HOMOPHOBIE
(…)
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, je reconnais M. le député de La Peltrie. Nous sommes... Est-ce que vous êtes à la motion sans préavis?
M. Caire: Motion sans préavis, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, allez-y, M. le député.
FÉLICITER MME MARIE COYEA D'AVOIR CONVAINCU L'ASTRONAUTE PIERS SELLERS
D'EMBARQUER À BORD DE LA NAVETTE SPATIALE ATLANTIS LA BANNIÈRE DE LA FONDATION
DE LA RECHERCHE SUR LE DIABÈTE JUVÉNILE
(…)
AFFAIRES DU JOUR
La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. Auriez-vous l'amabilité d'appeler l'article 10 du feuilleton, s'il vous plaît?
PROJET DE LOI N° 100
ADOPTION DU PRINCIPE
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'article 10 du feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 100, Loi mettant en oeuvre certaines dispositions du discours sur le budget du 30 mars 2010 et visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et la réduction de la dette. Y a-t-il des interventions? M. le ministre des Finances.
M. RAYMOND BACHAND
M. Bachand (Outremont): Merci, Mme la Présidente. L'évolution récente de la situation économique et financière internationale nous rappelle à quel point il est important de contrôler les finances publiques, de résorber le déficit, de revenir à l'équilibre budgétaire et d'entreprendre la réduction de la dette. Ce n'est pas pour rien que le budget d'ailleurs s'appelait Pour rester maîtres de nos choix, pour que, nous, les Québécois, nous soyons toujours maîtres de nos choix et que ce ne soient pas les gens de l'extérieur qui le font. Et c'est pour ça, Mme la Présidente, qu'il faut absolument revenir à l'équilibre budgétaire et réduire, contrôler la dette publique tout en assurant le financement de la santé.
Voilà pourquoi nous abordons maintenant, Mme la Présidente, l'adoption du principe du projet de loi n° 100, loi qui met en oeuvre certaines dispositions du discours du budget du 31 mars et visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et la réduction de la dette. Le budget 2010-2011, que j'ai déposé le 30 mars et qui a été adopté par cette Assemblée, répond aux besoins à court terme en assurant la relance de l'économie et la poursuite du plan d'action économique. Il s'attaque au défi à moyen terme avec le retour à l'équilibre budgétaire, et à long terme nous agissons pour réduire le poids de la dette. En particulier, l'atteinte de l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et les objectifs de réduction de la dette en 2026 nécessitent la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures qui s'appliquent de manière graduelle et sur plusieurs années. Les mesures annoncées par le gouvernement constituent donc un tout indissociable, qui doivent être adoptées pour une mise en oeuvre très rapide.
M. le Président, le gouvernement... Mme la Présidente -- pardon, Mme la Présidente -- le gouvernement s'est engagé à réaliser -- il n'y a pas de confusion possible, Mme la Présidente -- à réaliser 62 % des efforts de retour à l'équilibre budgétaire d'ici 2013-2014, 62 % des efforts par le gouvernement, soutenir les dépenses de santé à hauteur de 5 % par an, sur cette période, tout en améliorant l'efficacité du système de santé, et réduire significativement l'endettement du Québec d'ici 2026. L'adoption, dans ce projet de loi, de l'ensemble des modifications législatives donnant suite aux mesures du budget est nécessaire pour réaliser le plan d'action et le plan budgétaire 2010-2011, nécessaire pour montrer à la population, comme parlementaires, notre engagement et notre détermination à les mettre en oeuvre, nécessaire pour donner suite à l'engagement de l'Assemblée nationale, lors de l'adoption du projet de loi n° 40, à l'automne dernier, de retourner à l'équilibre budgétaire d'ici 2013-2014.
M. le Président, ce projet de loi vise à répondre aux... Mme la Présidente, ce projet de loi vise à répondre aux objectifs suivants. Prévoir des dispositions visant à limiter l'augmentation des dépenses du gouvernement en ce qui concerne notamment la rémunération du personnel, l'embauche, le versement de primes et de bonis et les dépenses de fonctionnement, les dépenses de formation, les dépenses de publicité, les dépenses de déplacement. L'ensemble du contrôle des dépenses est un projet très important du projet de loi, Mme la Présidente.
Deuxièmement, établir des mesures relatives au financement des services publics, parce qu'on fait ce retour à l'équilibre budgétaire, on contrôle nos dépenses, mais on a des objectifs de servir le public: instaurer le Fonds de financement des établissements de santé et des services sociaux, dans lequel sera versée la contribution de santé afin de financer les établissements de santé en fonction de leur productivité et de leurs résultats; mettre en place le Fonds des infrastructures routières et de transport en commun, dans lequel sera versé l'essentiel des taxes sur les carburants, de même que les droits et les permis de conduire et d'immatriculation. Enfin, on saura que l'argent qui est versé par les automobilistes serve aux autoroutes, au Fonds routier et au transport en commun.
Troisièmement, prévoir un mécanisme d'indexation des tarifs à compter de janvier 2011, à l'exception des tarifs des services de garde. Prévoir aussi, Mme la Présidente, des mesures qui vont contribuer à réduire la poids de la dette; modifier donc, dans ce projet de loi, la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations afin de réviser les concepts de dette et leurs cibles de réduction, cibles qui devront être atteintes en 2025-2026. Modifier la Loi sur la Régie de l'énergie afin de permettre, à compter de 2014, l'augmentation progressive du coût de fourniture de l'électricité patrimoniale, 0,01 $ sur la période 2014-2018 et, au terme d'une période de cinq ans, l'indexation de ce coût. Modifier la Loi sur Hydro-Québec afin de prévoir le versement annuel au Fonds des générations, du dividende qu'elle verse au gouvernement... d'une partie du dividende, celui additionnel qui sera généré par l'augmentation du bloc patrimonial, jusqu'à concurrence de 1 575 000 000 $ par année pour réduire la dette.
Le projet de loi prévoit d'autres mesures, Mme la Présidente, notamment modifier la Loi sur le ministère du Revenu afin d'augmenter certaines des peines d'emprisonnement pour les infractions fiscales majeures; prévoir l'augmentation de la partie des revenus de la taxe sur le tabac qui sera versée au Fonds pour le développement du sport et de l'activité physique; prévoir l'augmentation des fonds sociaux respectifs de la Société générale de financement et de la SEPAQ, la Société des établissements de plein air du Québec. Voilà un résumé, Mme la Présidente, du projet de loi.
D'abord, le contrôle des dépenses. Lors du budget du 30 mars dernier, le gouvernement annonçait la mise en place d'un plan de contrôle des dépenses qui va permettre de réduire la croissance des dépenses de programmes à 2,2 % à compter de 2011-2012 et jusqu'au retour à l'équilibre budgétaire. Nous allons atteindre ces cibles de dépenses. Pour y arriver, nous mettons en place une culture de contrôle des dépenses énoncée dans le plan d'action de ma collègue la présidente du Conseil du trésor. Ce plan d'action contient une série de mesures concrètes qui nous permettront d'atteindre nos objectifs en matière de contrôle des dépenses. Le premier ministre s'est personnellement engagé à livrer les économies prévues au budget. Plus fondamentalement, l'action du gouvernement pour le contrôle des dépenses va s'articuler autour de trois axes principaux: la rémunération du personnel, l'organisation de l'État et l'amélioration continue de l'efficacité.
Tel qu'annoncé le 30 mars dernier, l'offre salariale du gouvernement formulée à ses employés est désormais étendue à l'ensemble du personnel de direction et d'encadrement des ministères et des organismes publics, parapublics, soit 29 400 personnes de plus, ce qui représentera pour eux une augmentation des taux d'échelle et de traitement de 5 % sur cinq ans, donc une offre qui touche presque 600 000 personnes, Mme la Présidente.
Le projet de loi n° 100 prévoit aussi la suspension des primes au rendement, pour les années 2010-2011 et 2011-2012, à l'ensemble des cadres et des gestionnaires de l'État plutôt qu'aux seuls hauts dirigeants des organismes publics. Cette suspension vise donc, maintenant, l'ensemble des cadres des ministères et des organismes, dont ceux du réseau de la santé et des services sociaux, du réseau de l'éducation, des universités, de la Société de l'assurance automobile du Québec. Les économies à ce chapitre s'élèveront à 34 millions de dollars annuellement, soit 68 millions de dollars pour les deux prochaines années, et toucheront un peu plus de 14 000 gestionnaires. La mesure vise également, avec des adaptations, les cadres des sociétés d'État à vocations commerciale et financière: Hydro-Québec, Société des alcools du Québec, Loto-Québec, Société générale de financement, Investissement Québec. Le projet de loi prévoit que ces sociétés devront exiger de leur personnel de direction et d'encadrement un effort comparable de réduction de la rémunération additionnelle fondée sur le rendement à celui exigé du personnel de direction et d'encadrement des autres organismes.
Au total, plus de 2 300 personnes seront ainsi visées, en plus des 14 000 de tout à l'heure, ce qui va générer des économies de près de 9 millions de dollars annuellement, soit 18 millions de dollars sur deux ans, qui s'ajoutent, Mme la Présidente, aux 68 millions de dollars d'économie. Les bonifications des hauts dirigeants de ces sociétés seront réduites de l'équivalent de 10 % de leur salaire de base, un gros sacrifice qu'on leur demande, alors que pour les autres cadres les bonifications seront réduites globalement de 30 %. La Caisse de dépôt et placement du Québec, quant à elle, a déjà procédé à une révision importante de son système de rémunération incitative qu'elle accorde à ses gestionnaires, elle n'est donc pas visée par le présent projet de loi.
Mme la Présidente, le projet de loi n° 100 prévoit également une réduction des dépenses de formation, dépenses de publicité, dépenses de déplacement de 25 % dès cette année 2010-2011. Cette mesure permettra des économies de 34 millions de dollars cette année.
**(11 h 40)**
Toujours dans la continuité des annonces du dernier budget, le projet de loi n° 100 prévoit une réduction de 10 % des dépenses de fonctionnement de nature administrative en 2013-2014. Cette mesure permettra, à terme, des économies de 229 millions de dollars en cette année. Le gouvernement annonce également l'élargissement de la mesure au réseau de la santé et au réseau de l'éducation, ce qui va procurer des économies additionnelles, à terme, de 110 millions de dollars. C'est donc dire qu'en 2013-1014 les économies réalisées à ce chapitre de réduction des dépenses de fonctionnement de nature administrative s'élèveront à 373 millions de dollars.
Enfin, au chapitre du contrôle des dépenses, le projet de loi n° 100 prévoit également le gel du salaire du premier ministre, des ministres et des députés pour les deux prochaines années, la réduction des effectifs du personnel d'encadrement et administratif des organismes des réseaux de la santé et des services sociaux et de l'éducation ainsi que des universités selon des règles similaires à celles appliquées par le Conseil du trésor pour réduire les effectifs de la fonction publique suite aux départs à la retraite.
Premier grand chapitre, Mme la Présidente, le contrôle de nos dépenses, le 62 % de ce retour à l'équilibre budgétaire qui sera fait par le gouvernement, et ses employés, et l'ensemble des dirigeants.
Deuxièmement, Mme la Présidente, le financement des services publics. Le projet de loi n° 100 établit également des mesures très importantes relatives au financement des services publics, notamment pour la santé, priorité de tous les Québécois, et pour les infrastructures de transport. Nous voulons un système de santé financé et performant. Ce n'est pas d'hier que le sujet préoccupe les Québécois. Plusieurs comités d'experts se sont penchés sur la question. Il y a eu le rapport Clair, le rapport Ménard et plus récemment le rapport Castonguay. Chacun de ces rapports proposait des approches concrètes pour solutionner le problème du financement de la santé. Depuis 2003, le système de santé public s'est vu attribuer plus de 50 % des nouvelles dépenses du gouvernement. La part de la santé dans les dépenses de programmes est passée de 31 % en 1980 à 45 % cette année, en 2010. Dans le contexte où l'écart entre la croissance des revenus de l'État et la hausse des coûts de la santé ne cesse de croître, les coûts de la santé montent plus vite que les revenus de l'État, il est impossible de maintenir des finances publiques saines et de réduire le fardeau de la dette sans s'attaquer au défi que pose le financement de notre système public de santé.
C'est un défi d'envergure. Il faut assurer un financement stable du système de santé sans compromettre les autres missions de l'État, et cela, en gardant la perspective de retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et le maintien de l'équilibre budgétaire de façon durable pour les années qui suivent. L'introduction de nouvelles sources de revenus vont permettre de maintenir à 5 % par année la croissance des dépenses totales de santé, 1,6 milliard de dollars par année, Mme la Présidente, et ce rythme va assurer à la fois des services de santé de qualité et le maintien des autres missions essentielles de l'État. Parce que l'État, ce n'est pas juste qu'un gigantesque hôpital et qu'un gigantesque réseau de système de santé, l'ensemble de la population du Québec profite des soins offerts par notre système de santé, l'ensemble de la population participera à son financement à la hauteur de ses moyens.
Aujourd'hui, Mme la Présidente, le gouvernement confirme, par le biais du projet de loi, la mise en place d'une contribution générale pour la santé dès le 1er juillet 2010. Cette contribution santé vise tous les adultes québécois, à l'exception des clientèles à faibles revenus. Elle sera de 25 $ par adulte en 2010, 100 $ en 2011, 200 $ en 2012. Ne perdons pas de vue que 1,4 million de contribuables seront exemptés de la contribution santé et que des dizaines de milliers d'autres additionnels seront compensés par le crédit d'impôt pour la solidarité que nous mettons en place, et bien sûr les parents du 1,5 million de Québécois de moins de 18 ans n'auront pas à payer pour leurs enfants. Ces revenus seront versés dans un fonds dédié pour financer directement les établissements de santé en fonction de leur productivité et de leurs résultats.
Le présent projet de loi institue plus particulièrement le Fonds de financement des établissements de santé et de services sociaux dans lequel sera versée la contribution santé. Il prévoit que le ministre de la Santé et des Services sociaux devra déposer annuellement les comptes de la santé contenant les renseignements nécessaires pour expliquer aux citoyens la situation financière et la performance du système de santé et des services sociaux.
Enfin, le projet de loi modifie la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec pour y ajouter les dispositions relatives à la perception de cette contribution santé.
Au-delà de la santé, Mme la Présidente, il faut parler du transport en commun et des infrastructures routières. Et, en octobre 2007, vous le savez, le gouvernement lançait un vaste plan pour le renouvellement de nos infrastructures, principalement dans les secteurs de la santé et des services sociaux, de l'éducation, du transport et de la culture. Et le plan d'infrastructures globalement a joué un rôle majeur pour soutenir l'économie puisqu'il fait travailler près de 100 000 Québécois dans toutes les régions du Québec. Le plan permet la remise à niveau et le développement des routes, des autoroutes, la rénovation et l'amélioration des écoles, des hôpitaux, et ce qui nous permettra de laisser à nos enfants des infrastructures modernes, de qualité, une condition d'ailleurs essentielle au développement économique, le député de Rousseau en conviendra sûrement. D'importants travaux sont en cours pour améliorer l'état de notre réseau routier et accroître l'offre de services de transport en commun. Actuellement, les contributions prélevées auprès des automobilistes ne sont pas directement affectées aux infrastructures de transport, elles sont... qui sont plutôt financées à même les impôts et les taxes.
Les citoyens nous ont dit qu'ils voulaient savoir où va leur argent. Conformément à ce principe d'utilisateur-payeur, nous mettons aujourd'hui sur pied les assises légales du Fonds des infrastructures routières et de transport en commun. L'essentiel des revenus, la taxe sur les carburants ainsi que les droits sur les permis de conduire et sur les immatriculations seront versés à ce nouveau fonds. Le projet de loi prévoit également que les activités du Fonds pour la vente de biens et services du ministère des Transports, du Fonds des partenariats en matière d'infrastructures du transport, non encore en activité, et du Fonds des contributions des automobilistes au transport en commun seront intégrées à ce fonds.
Troisième chapitre, si on veut, Mme la Présidente, des services publics. On sait que la tarification, c'est une façon efficace de financer certains services publics et des services publics de qualité, et ça permet au gouvernement de disposer de revenus suffisants pour financer les services fournis. Par exemple, en 2008-2009, les revenus de tarification représentaient 11,7 % du coût de l'ensemble des services du gouvernement. La tarification efficace a deux avantages: d'une part, celui qui consomme le service assume une partie des coûts, et ça évite le gaspillage, incite à consommer de façon rationnelle les services fournis par l'État, mais, d'autre part, la tarification permet l'amélioration et le maintien de services de qualité. C'est pourquoi le projet de loi prévoit l'indexation des tarifs, qui ne le sont pas déjà, à compter du 1er janvier 2011, à l'exception du tarif pour les services de garde.
Parlons maintenant, Mme la Présidente, du troisième grand pilier, au fond, de ce budget, qui est tellement important pour nos générations futures mais pour les parents de ces générations-là, le poids de la dette publique. Et c'est une condition essentielle, pour garantir un avenir prospère pour le Québec, que nous réduisions le poids de la dette. Le gouvernement est préoccupé depuis longtemps par l'endettement élevé du Québec. Nous avons, en 2006, mis sur pied le Fonds des générations pour s'assurer que nos enfants et nos petits-enfants n'assumeraient que leur juste part de la dette contractée par leurs grands-parents et leurs parents. Notre taux d'endettement est le plus élevé de toutes les provinces canadiennes, et on voit aujourd'hui ce qui se passe sur la planète. C'est un problème qu'il faut régler, Mme la Présidente, et qu'il faut régler aujourd'hui, qu'il faut régler pour les générations futures, qu'on ne peut pas laisser traîner. Et, même si une partie de cet endettement correspond à des actifs de qualité, la situation me préoccupe comme ministre des Finances, me préoccupe comme parent et nous préoccupe comme gouvernement. Nous devons alléger le fardeau des Québécois qui nous suivront.
Mme la Présidente, le projet de loi n° 100 prévoit donc des mesures qui contribueront à réduire le poids de la dette. D'abord, il y aura une modification de la Loi sur la réduction de la dette, qui a institué le Fonds des générations, pour réviser les concepts de dette, les définitions sont désuètes suite à la réforme comptable, et les cibles de réduction qui devront être atteintes en 2025-2026, même année qui était l'année ciblée par le Fonds des générations. L'objectif sera que la dette associée au déficit cumulé représente 17 % du produit intérieur brut en 2026, ce qui sera une réduction de moitié du poids du déficit cumulé qu'atteindra dans quelques années... et que la dette brute représente moins de 45 % du produit intérieur brut au même moment. La révision est donc nécessaire d'abord en raison de la réforme comptable, comme je le disais, mais aussi des déficits accumulés pendant la récession, parce que, pendant la récession, nous avons accepté de faire des déficits pour soutenir l'économie et maintenir les services publics, contrairement à ce que nos opposants faisaient dans les années précédentes.
**(11 h 50)**
Afin d'atteindre nos objectifs de réduction du poids de la dette, nous devrons donc consacrer de nouvelles sources de financement au Fonds des générations à compter de 2014, lorsque l'équilibre des finances publiques sera rétabli.
On sait que les Québécois sont fiers du développement hydroélectrique du Québec. C'est notre actif collectif majeur. Ça joue un rôle majeur dans le développement de l'économie de nos régions, de notre société. C'est une richesse sur laquelle nous allons tabler pour réduire notre dette. Les Québécois paient leur électricité moins cher qu'à peu près partout ailleurs en Amérique du Nord. Une modification sera donc apportée à la Loi sur la Régie de l'énergie afin de permettre, à compter de 2014, l'augmentation progressive du coût de fourniture de l'électricité patrimoniale puis, au terme d'une période de cinq ans, l'indexation de ce coût. La hausse du prix de l'électricité ne s'appliquera pas à la clientèle industrielle de grande puissance, qui gère des entreprises tellement importantes pour l'emploi et les économies de nos régions. À terme, en 2018, cette hausse du prix de l'électricité du bloc patrimonial de 0,01 $ globalement sur la période représentera 1,6 milliard de dollars par année de revenus additionnels qui seront entièrement versés au Fonds des générations pour réduire la dette.
Mme la Présidente, avec ce projet de loi, avec ce mécanisme, nous réglons fondamentalement le problème de la dette du Québec pour les générations futures.
Il y a d'autres dispositions dans ce projet de loi parce que l'ensemble du budget est un tout qui est intimement lié. Par exemple, dans la lutte à l'évasion fiscale, qui est un des morceaux importants par lesquels nous allons revenir à l'équilibre budgétaire mais qui est aussi une question de justice sociale entre les citoyens et les entreprises, l'État doit percevoir, on le sait, tous les revenus qui lui sont dus. Ni l'évasion fiscale ni l'évitement fiscal ne sauraient être tolérés. Chaque dollar dû et non perçu s'ajoute au fardeau des contribuables de bonne foi. Nous avons, depuis 2005, déployé de nombreux efforts en ce sens. Le 30 mars dernier, j'annonçais dans le budget la création de l'Agence du revenu du Québec qui se substituera à Revenu Québec à compter du 1er avril 2011. Elle sera une entité autonome, imputable, chargée de percevoir les revenus du gouvernement. La nouvelle approche qu'adoptera l'Agence du revenu du Québec s'inspirera des meilleures pratiques internationales. D'une part, ses pratiques consisteront à faciliter la réalisation des obligations fiscales des contribuables notamment par une prestation électronique évoluée intégrant un contrôle fiscal interactif. D'autre part, ses pratiques viseront à sanctionner très sévèrement les fraudeurs et à publiciser les actions prises, l'effet dissuasif étant recherché.
Par le présent projet de loi, je confirme donc que la peine d'emprisonnement maximale pour évasion fiscale, qui est présentement d'au plus deux ans, passera à cinq ans moins un jour, comme c'est le cas pour les infractions économiques majeures.
Nous devons, Mme la Présidente, également investir dans la modernisation de nos infrastructures sportives. Le projet de loi prévoit donc que le Fonds pour le développement du sport et de l'activité physique sera doté d'une enveloppe additionnelle de 209 millions de dollars, parce qu'il faut continuer à bâtir l'avenir du Québec afin de permettre le financement du remplacement des systèmes de réfrigération au fréon dans nos arénas, la création de l'institut national du sport et le financement d'autres projets, comme celui du Stade Saputo, que nous avons annoncé récemment. Ainsi, tel que le prévoira la loi à compter de 2010-2011 jusqu'en 2022-2023, le prélèvement annuel à même la taxe sur le tabac, actuellement de 30 millions de dollars par année, sera augmenté de 19 millions de dollars supplémentaires qui seront injectés dans ce fonds.
Le projet de loi, Mme la Présidente, comprend aussi une modification à la Loi sur la Société des établissements de plein air du Québec, la SEPAQ, pour augmenter son capital-actions autorisé de 35 millions de dollars, ce qui permettra à la SEPAQ de compléter le financement d'un plan d'investissement dans les projets à rendement financier et de créer de nombreux emplois en région.
Enfin, le projet de loi modifiera la Loi sur la Société générale de financement pour augmenter de 300 millions de dollars le fonds social autorisé de la société pour donner suite aux engagements annoncés dans le cadre du plan de retour à l'équilibre budgétaire. Le projet de loi prévoira également le dépôt des prévisions financières annuelles au ministre des Finances et au ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.
En conclusion, Mme la Présidente, le projet de loi pose des jalons pour l'avenir du Québec tout en nous permettant de relever des défis immédiats. Il pare au court terme, il pense au moyen terme et il pense au long terme. Il permet la mise en place de solutions concrètes, immédiates pour redresser les finances publiques et assurer le maintien des services publics offerts par l'État. Le projet de loi prévoit des dispositions visant à limiter l'augmentation des dépenses du gouvernement, établit les mesures qui contribuent au financement des services publics notamment pour la santé mais aussi pour les infrastructures de transport et prévoit des mesures essentielles pour réduire le poids de la dette.
J'en appelle donc, Mme la Présidente, à la collaboration de l'opposition pour faciliter l'adoption et la mise en oeuvre rapides de ce projet de loi afin de respecter le budget 2010-2011 déjà voté par l'Assemblée nationale, contribuer au retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014, tel que le prévoit la Loi sur l'équilibre budgétaire, qui est une loi au Québec, et pour que les gestes nécessaires à la réduction de la dette du Québec soient posés. Nos enfants nous en serons reconnaissants, Mme la Présidente. Merci beaucoup.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le ministre des Finances. Je reconnais maintenant M. le député de Rousseau, porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances publiques. M. le député.
M. NICOLAS MARCEAU
M. Marceau: Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi n° 100 a pour objet de mettre en oeuvre le budget 2010-2011 du gouvernement. À l'occasion du débat qui a suivi le dépôt du budget, j'ai exprimé clairement mon désaccord avec ce budget. Je crois que ce budget est mauvais pour le Québec, qu'il est mauvais pour les Québécois, qu'il ne constitue pas ce dont le Québec a besoin. Les Québécois vont payer très cher pour la mauvaise gestion libérale. J'aurai l'occasion d'y revenir. Toujours est-il que, parce que ce budget est un mauvais budget, mes collègues de l'opposition officielle et moi-même avons voté contre ce budget. Et il va de soi qu'étant opposé au budget je suis également opposé au projet de loi le mettant en oeuvre. Je suis donc opposé au principe du projet de loi n° 100 et je prendrai le temps, dans les prochaines minutes, d'expliquer pourquoi.
Permettez-moi tout d'abord de rappeler l'énorme déficit de légitimité du gouvernement libéral. Ce déficit de légitimité a ses origines dans la campagne électorale qui a conduit à l'élection du gouvernement libéral. Il faut le rappeler, il y a tout juste 17 mois et alors que les marchés financiers s'effondraient, ce gouvernement a été élu en disant aux Québécois qu'il n'y aurait pas de déficit, pas de perte à la Caisse de dépôt et placement, pas de hausse de taxes, de tarifs et d'impôt. Ce gouvernement a, dans les semaines et mois qui ont suivi son élection, violé les promesses fondamentales sur la base desquelles il avait été élu. Et, dans le budget 2010-2011, le gouvernement libéral a récidivé en annonçant des hausses de taxes et de tarifs totalisant 6,5 milliards de dollars. Aujourd'hui, les Québécois se souviennent et ils sont en colère. La légitimité de ce gouvernement est aujourd'hui réduite à néant, et le taux d'insatisfaction à l'égard du gouvernement atteint des niveaux stratosphériques. Mme la Présidente. Le gouvernement n'a que lui-même à blâmer. Et qu'on ne vienne pas dire que les contribuables sont des éternels insatisfaits ou encore qu'ils ne comprennent rien à la complexe réalité des finances publiques.
Au contraire, les Québécois ont depuis longtemps montré leur adhésion à un État impliqué économiquement et socialement, mais, pour maintenir leur adhésion, ils exigent un État performant, dirigé par un gouvernement qui donne l'exemple et qui gère avec le plus grand soin chacun des deniers qui lui est confié. Le gouvernement libéral actuel ne satisfait d'aucune manière ces exigences tout à fait légitimes des citoyens.
Mme la Présidente, dans le budget on nous dit que le gouvernement et les contribuables doivent chacun faire leur part pour permettre le retour à l'équilibre budgétaire. Or, la part des contribuables, je l'ai déjà dit, c'est du béton, c'est de l'ordre de la certitude. Les Québécois savent qu'ils doivent commencer à économiser maintenant, car ils vont passer à la caisse dans les prochaines années. D'ailleurs, le projet de loi n° 100 prévoit la législation requise pour que le gouvernement puisse aller piger encore plus profondément dans les poches des Québécois. En fait, tous les éléments de législation permettant d'accroître les taxes et les tarifs sont clairs et nets dans le projet de loi n° 100. De toute évidence, les contribuables n'y échapperont pas. Ils sont pris dans la toile d'araignée fiscale et tarifaire que ce gouvernement a méticuleusement tissée.
Par ailleurs, la part du gouvernement, elle, elle est hautement incertaine, elle est hypothétique. Il s'agit essentiellement de voeux pieux. Le passé nous enseigne que cette part ne se matérialisera pas, que les annonces du gouvernement ne sont pas crédibles. D'ailleurs, et même si le projet de loi n° 100 contient quelques éléments pouvant donner l'illusion qu'un meilleur contrôle des dépenses s'exercera, on constate à la lecture du projet de loi n° 100 que le gouvernement récidive avec des phrases molles et des concepts flous. Surtout, on se rend rapidement compte que les sommes qui seront économisées par l'application du projet de loi n° 100 ne correspondent tout simplement pas aux efforts de réduction de dépenses annoncés par ce gouvernement.
**(12 heures)**
Mme la Présidente, le projet de loi n° 100, c'est la confirmation du deux poids, deux mesures du gouvernement libéral. C'est la confirmation que ce gouvernement est très sérieux quand il s'agit d'accroître le fardeau fiscal des Québécois, mais incroyablement laxiste quand il s'agit d'exercer un contrôle serré des dépenses.
Mme la Présidente, il faut rappeler les hausses de taxes et de tarifs que ce gouvernement libéral a annoncées dans son budget 2010-2011. Les Québécois le savent, le budget annonce des hausses de contribution qui, à terme, totaliseront 6,5 milliards de dollars. Je rappelle de quoi il s'agit.
Premièrement, une hausse de un point supplémentaire à la TVQ. À la hausse donc de 1 % en janvier 2011 s'ajoute maintenant une hausse de 1 % en janvier 2012. Le total s'élèvera à 2 815 000 000 $.
Deuxièmement, il y a la hausse de la taxe sur l'essence de 0,01 $ depuis le 1er avril dernier et une hausse de 0,01 $ supplémentaire le 1er avril 2011, le 1er avril 2012 et le 1er avril 2013, pour une somme totale de 480 millions à terme.
Troisièmement, il y a la nouvelle taxe santé du premier ministre, la contribution santé, qui permettra de récolter 945 millions de dollars à terme.
Quatrièmement, il y a un ticket modérateur aux usagers du système de santé, une mesure non détaillée pour le moment, mais qui apparaît néanmoins dans le cadre financier du gouvernement à hauteur de 500 millions de dollars en 2013-2014.
Cinquièmement, il y a l'augmentation de tous les tarifs non indexés. On parle de 195 millions de dollars en 2013-2014.
Sixièmement, il y a la hausse des tarifs de l'électricité provenant du bloc patrimonial de 2014 à 2018, ce qui permettra de récolter 1,6 milliard à terme.
Septièmement, on nous annonce une hausse des frais de scolarité à partir de septembre 2012, à la suite d'un sommet. Le montant de la hausse n'est pas, à ce stade-ci, déterminé.
Et finalement il y a, huitièmement, une hausse de la taxe compensatoire sur les institutions financières.
Mme la Présidente, parmi ces hausses de taxes et de tarifs, certaines étaient à la portée du gouvernement sans nouvelle législation. C'est, par exemple, le cas de la hausse supplémentaire de la TVQ ou de la hausse de la taxe compensatoire sur les institutions financières, mais, pour toutes les autres hausses de taxes et de tarifs, le gouvernement ne pouvait faire passer les Québécois à la caisse sans nouvelle législation. Le projet de loi n° 100 remédie à ce problème du gouvernement libéral, au grand désarroi des Québécois. Le projet de loi contient donc les éléments de législation qui permettront au gouvernement d'accroître le fardeau fiscal des Québécois. Plus précisément, il rendra possible la hausse de la taxe sur l'essence de cette année et des prochaines années, il rendra possible la mise en place de la nouvelle et inique taxe santé du premier ministre, il rendra possible l'augmentation de tous les tarifs non indexés et la hausse des tarifs d'électricité provenant du bloc patrimonial de 2014 à 2018. Est-il nécessaire, Mme la Présidente, de dire que ces éléments sont au coeur de notre opposition au principe du projet de loi n° 100?
Mme la Présidente, le gouvernement a annoncé qu'il prendra des mesures qui lui permettront de mieux contrôler les dépenses. Ainsi, il prévoit une augmentation des dépenses de programmes de 3,2 % en 2010-2011 et de 2,8 % par la suite, jusqu'au retour à l'équilibre budgétaire. Ces annonces ne sont tout simplement pas crédibles. J'ai eu l'occasion de le dire, le gouvernement libéral n'est jamais parvenu à contrôler ses dépenses dans le passé, même lorsque le salaire des employés de l'État était gelé. Pour l'année qui s'est terminée le 31 mars 2009, la croissance des dépenses de programmes a été de 6,8 %, et, pour les deux années précédentes, la croissance fut respectivement de 6 % et de 5,1 %.
Je l'ai dit plus tôt, et, même si le projet de loi contient quelques éléments pouvant donner l'illusion d'un meilleur contrôle des... qu'un meilleur contrôle des dépenses s'exercera, on constate, à la lecture du projet de loi n° 100, que le gouvernement récidive avec des phrases molles et des concepts flous. On dit qu'un exemple vaut mille mots. Attardons-nous donc quelques minutes à l'article 9 du projet de loi, si vous le voulez bien. Alors, je vous lis l'article 9: «Les sociétés d'État doivent exiger de leur personnel de direction et d'encadrement un effort de réduction de la rémunération additionnelle fondée sur le rendement, dont le résultat serait comparable à celui [...] de l'effort qui est exigé du personnel de direction et d'encadrement des organismes du gouvernement.»
Mme la Présidente, le concept de résultat comparable, vous en conviendrez, se prête à bien des interprétations. On imagine sans problème le sprinter au 100 mètres terminant dernier dans une course relevée avec un chrono de 10,1 secondes, alors que les trois premiers sprinters ont terminé sous les 9,9 secondes. 9,9 secondes et 10,1 secondes, sont-ce bien là des résultats comparables, qui pourtant se traduisent par un podium pour certains coureurs et par une dernière place pour l'autre? Est-ce là le sens du concept mou choisi par ce gouvernement dans le projet de loi n° 100? Comment jugera-t-on qu'un résultat comparable a été atteint? Quels critères seront utilisés pour en juger? Dira-t-on que des résultats comparables ont été atteints lorsque les primes auront été complètement éliminées, ou lorsqu'elles auront été réduites d'un même pourcentage, ou encore lorsque les montants de réduction en dollars seront équivalents? Tiendra-t-on compte de ce qu'une réduction de salaire de 10 % n'a pas le même impact sur une personne gagnant 75 000 $ ou sur une personne gagnant 300 000 $? Mme la Présidente, voilà autant de questions sans réponse qui montrent le manque de sérieux du gouvernement libéral.
Par ailleurs, je l'ai déjà dit, on se rend rapidement compte que les sommes qui seront économisées par l'application du projet de loi n° 100 ne correspondent tout simplement pas aux efforts de réduction des dépenses annoncées par ce gouvernement. On est très loin de ce qu'il faudra pour limiter la croissance des dépenses à 3,2 % cette année et 2,8 % les prochaines années. Quand ce gouvernement libéral nous annoncera-t-il les moyens concrets qu'il entend mettre en oeuvre pour atteindre ses cibles?
Mme la Présidente, la crédibilité n'y est pas. Le geste significatif qui aurait pu être posé pour redonner un minimum de crédibilité au gouvernement est absent du budget et du projet de loi n° 100. Ce geste significatif, j'ai eu l'occasion de le dire, aurait été d'annoncer la tenue d'une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction, sur l'octroi des contrats gouvernementaux et sur le financement des partis politiques. Je le répète, le budget n'en faisait pas mention, le projet de loi n° 100 est silencieux à ce sujet.
Mme la Présidente, j'ai déjà eu l'occasion de dire que le meilleur indicateur de la mauvaise gestion libérale est la hausse vertigineuse de notre endettement et son corollaire, la hausse du service de la dette. Quant à l'endettement, je rappelle qu'il y avait effectivement quelque chose d'historique dans le budget de cette année: jamais un premier ministre, jamais un ministre des Finances n'avaient autant augmenté la dette. Je rappelle le discours inaugural du premier ministre, en 2003, dans lequel il avait reproché au Parti québécois d'avoir accru la dette de 11 milliards entre 1998 et 2003. Le premier ministre et son ministre des Finances font désormais ça en un an. Pire, notre dette brute s'accroîtra de 20 milliards de dollars en deux ans et elle se sera accrue de 42 milliards de dollars entre 2003 et 2011.
Mme la Présidente, il faut également rappeler que le service de la dette a augmenté et augmentera à un rythme spectaculaire dans les prochaines années. De 6,1 milliards aujourd'hui, le service de la dette s'établira à 9,6 milliards de dollars en 2013-2014. En fait, le service de la dette, je l'ai déjà dit, c'est autant de ressources qui ne pourront pas être utilisées pour livrer des services à la population.
Mme la Présidente, une chose est claire, ce gouvernement libéral a complètement perdu le contrôle de la dette et du service de la dette. Et malheureusement le projet de loi n° 100 n'apporte rien qui permettrait d'espérer une quelconque reprise de contrôle de la dette. Selon mes calculs, le gouvernement ratera par rien de moins que 25 milliards de dollars la cible de dette totale prévue pour 2013 dans la loi instituant le Fonds des générations, en 2006. 25 milliards de dollars en plus que prévus en sept ans seulement, c'est ça, le résultat de la gestion à la petite semaine du gouvernement libéral.
Or, le projet de loi n° 100 vient modifier la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations. Mais qu'y trouve-t-on? On n'y trouve que des cibles de réduction de la dette pour -- tenez-vous bien, Mme la Présidente -- 2025. Vous avez bien entendu, ce gouvernement libéral nous fait des promesses pour 2025. Je vous rappelle qu'en quelques mois à peine, après l'élection de 2008, le gouvernement libéral avait violé les promesses les plus importantes. Alors, quelle crédibilité doit-on accorder à des promesses pour 2025?
Mme la Présidente, le projet de loi n° 100 ne prévoit aucune cible intérimaire, telles qu'on en trouvait dans le projet de loi... dans la loi de 2006, pardon. Donc, donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que ce gouvernement n'aura pour seule contrainte que l'atteinte d'une cible en 2025. Aussi bien dire que ce gouvernement se donne les moyens de continuer à endetter les Québécois sans contrainte, qu'il veut pouvoir continuer à dépenser sans compter. Le gouvernement libéral, champion de la dette, veut s'assurer qu'il conservera son titre pour de nombreuses années encore. Dois-je vous dire, Mme la Présidente, que je ne m'explique pas qu'un gouvernement fasse preuve d'autant de légèreté face à un problème aussi fondamental de nos finances publiques?
**(12 h 10)**
Mme la Présidente, un dernier mot sur ce projet... cette portion du projet de loi n° 100. Dans le projet de loi, on prévoit que les revenus supplémentaires découlant des hausses des tarifs d'électricité provenant du bloc patrimonial entre 2014 et 2018 seront versés au Fonds des générations. Il est important que je rappelle que, dans l'état actuel des arrangements financiers au Canada les paiements... pardon, les paiements de péréquation du Québec seront réduits de la moitié des revenus supplémentaires que récoltera Hydro-Québec. J'aimerais bien que le ministre des Finances explique à la famille québécoise moyenne que les 265 $ de plus qu'elle paiera pour son électricité... que, de ces 265 $ de plus qu'elle paiera, la moitié, soit 133 $, ira aux gouvernements des autres provinces canadiennes. Peut-être se rendra-t-il compte que la hausse des tarifs d'électricité n'a pas de sens dans un tel contexte.
Mme la Présidente, je conclus. Le projet de loi n° 100 a pour objet de mettre en oeuvre le budget 2010-2011 du gouvernement. Or, je crois que ce budget est mauvais pour les Québécois et qu'il est mauvais pour le Québec. Il va de soi qu'étant opposé au budget je suis également opposé au projet de loi le mettant en oeuvre. Je suis donc opposé au principe du projet de loi n° 100. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Rousseau. Je reconnais maintenant M. le député de Viau et adjoint parlementaire au ministre des Finances.
M. EMMANUEL DUBOURG
M. Dubourg: Merci beaucoup, Mme la Présidente. En effet, à titre d'adjoint parlementaire au ministre des Finances, j'ai le plaisir de prendre la parole dans le cadre de l'adoption du projet de loi n° 100 pour la mise en oeuvre du budget que mon collègue a déposé le 30 mars dernier. Et j'en profite encore une fois pour le féliciter, parce que, comme vous le savez, Mme la Présidente, nous avons pris bien soin d'écouter les gens, nous avons fait des consultations élargies. Et le ministre des Finances... nous avons présenté, comme vous le savez, un budget courageux.
Nous avons osé, Mme la Présidente, avec ce budget, faire les gestes nécessaires pour assurer l'avenir des Québécois et du Québec, pour rester maîtres de nos choix. À court terme, nous complétons notre plan de relance, nous appuyons les initiatives ciblées. À moyen terme, nous mettons en place des solutions concrètes pour redresser les finances publiques et assurer le maintien des services publics. Nous assurons le financement de la santé et des universités, tout en permettant à l'État de maintenir l'ensemble de ses autres missions. À long terme, nous plaçons les jalons qui feront de notre économie une économie prospère, productive, innovante et verte. Et nous agissons pour réduire le poids de la dette.
Nous ne nions pas que ce budget soit exigeant. Il est exigeant pour vous et pour moi, et il est exigeant pour l'ensemble des citoyens du Québec. Les services offerts par l'État, auxquels nous tenons, ne sont pas gratuits. Ils ont un coût qui doit être payé. Le budget est également exigeant pour le gouvernement, sur qui repose la plus grande partie de l'effort nécessaire pour revenir à l'équilibre budgétaire. L'appareil gouvernemental devra devenir plus efficient et plus productif. Il devra s'interroger sur la moindre de ses dépenses afin d'atteindre les objectifs exigeants que nous nous sommes fixés.
Le présent budget, Mme la Présidente, confirme notre volonté d'aller de l'avant avec les investissements de la deuxième année de notre plan de relance. Nous avons réussi à traverser la crise, nous allons également faire en sorte de réussir la reprise.
Ce budget est également l'occasion de tracer le chemin que nous allons suivre pour revenir à l'équilibre budgétaire. Devant la conjoncture de la dernière année, nous avons choisi de soutenir l'économie, de maintenir les services pour limiter les dommages à la récession. Nous avons réussi. Maintenant, nous passons à l'étape suivante, le redressement de nos finances publiques.
Ce redressement requiert des efforts importants. Si on ne s'attaquait pas de front à cet enjeu majeur, le déficit atteindrait, en 2013-2014, 12,3 milliards de dollars. Ce serait irresponsable. Avec ce budget, nous avons désormais identifié plus de 90 % des actions requises pour retrouver l'équilibre budgétaire.
Le gouvernement fera la plus grande partie de l'effort consenti, soit 62 %. Nous allons atteindre ces cibles de dépenses. Et, pour y arriver, nous mettons en place une culture de contrôle des dépenses énoncée dans le plan d'action de la présidente du Conseil du trésor. Ce plan d'action contient une série de mesures concrètes qui nous permettront d'atteindre nos objectifs en matière de contrôle des dépenses.
De plus, Mme la Présidente, nous intensifierons davantage nos activités de lutte contre l'évasion fiscale. Plus que jamais, tous doivent payer leur juste part d'impôt et de taxes.
Et tous ces efforts, quoique importants, ne suffiront pas à retrouver l'équilibre budgétaire. Les Québécois et les entreprises devront aussi contribuer 38 % de l'effort. Les hausses auxquelles les Québécois devront faire face entreront en vigueur de façon graduelle. On pourra s'y préparer. En 2010, l'effet est très faible, puisque seule la hausse de taxe sur les carburants est en vigueur. La contribution santé de 25 $ ne sera payable que lors de la préparation du rapport d'impôt au printemps 2011. Du côté de l'effort requis par les entreprises, nous avons notamment révisé le régime des droits miniers pour retirer une plus juste compensation pour l'exploitation de nos ressources naturelles, en fait 250 millions de plus sur cinq ans. Nous avons de plus augmenté temporairement la taxe compensatoire des institutions financières et des banques afin que ces dernières contribuent au retour à l'équilibre budgétaire. C'est donc dire... C'est près de 500 millions de dollars sur cinq ans que nous allons chercher.
Le retour à l'équilibre budgétaire, Mme la Présidente, est une condition essentielle au développement et à la prospérité du Québec. Nous devons nous y attaquer sans tarder en raison notamment des autres défis qui nous attendent, dont celui de la démographie. En effet, le bassin de travailleurs potentiels au Québec diminuera à compter de 2014. Pour limiter les effets de cette diminution sur notre économie, nous devons faire en sorte que le nombre de personnes qui travaillent augmente. Particulièrement, nous devons pouvoir compter sur les Québécois d'expérience. Nous devons les inciter, s'ils le veulent, bien sûr, à demeurer plus longtemps sur le marché du travail. Cela implique un changement de culture profond.
Une autre condition essentielle pour garantir un avenir prospère pour le Québec est la réduction de la dette. Le gouvernement est préoccupé depuis fort longtemps par son endettement élevé. En 2006, la création du Fonds des générations était un premier geste concret pour la réduction du poids de la dette. Des revenus dédiés, provenant principalement des redevances hydrauliques des producteurs d'électricité, sont versés au Fonds des générations. Malheureusement, les déficits que nous connaissons ont eu pour effet d'augmenter notre dette. De plus, la réforme comptable de 2007 a élargi le périmètre comptable du gouvernement de sorte que les cibles initialement prévues ne reflètent plus la situation réelle.
Malgré les difficultés des finances publiques, nous avons décidé, l'an dernier, de maintenir les versements au Fonds des générations, et nous avions annoncé à ce moment que nous nous donnions jusqu'au budget 2011-2012 pour cibler... pour fixer de préférence de nouvelles cibles. Nous avons décidé de ne pas attendre. Nous avons dédié des sources de revenus additionnelles au Fonds des générations. Nous avons décidé d'augmenter progressivement le prix de l'électricité provenant du bloc patrimonial à compter de 2014 jusqu'en 2018 et de verser au Fonds des générations les revenus additionnels ainsi récoltés. Toutefois, le crédit d'impôt pour la solidarité sera ajusté pour protéger les plus démunis de cette hausse de tarifs d'électricité.
Les Québécois bénéficient d'une électricité bon marché, puisque c'est parmi les moins chers en Amérique du Nord. Le coût de l'électricité ne reflète pas la valeur réelle de la ressource et n'incite pas les Québécois à l'utiliser de façon raisonnable. Mais l'hydroélectricité, c'est une grande richesse du Québec, c'est notre plus grande richesse. En payant légèrement plus cher pour notre électricité, les Québécois vont contribuer à la prospérité des générations futures en leur léguant un endettement moins lourd.
**(12 h 20)**
Le budget déposé est un budget qui fait un portrait réaliste de la situation. C'est un budget franc et courageux, qui met en place les initiatives nécessaires à court, moyen et à long terme pour que le Québec puisse demeurer maître de ses choix. Le budget met en place les conditions nécessaires à la création de richesse. Vous le savez, Mme la Présidente, c'est une de nos valeurs. Il répond également aux valeurs d'équité et de justice sociale du gouvernement et des Québécois. Et, si nous ne créons pas de richesse, malheureusement nous ne pourrions pas la partager. Nous avons tracé la voie à suivre pour affronter les enjeux les plus pressants du Québec. Nous mettons en oeuvre un plan de retour à l'équilibre budgétaire où le gouvernement est responsable de 62 % de l'effort et les Québécois et les entreprises pour 38 %, tout en protégeant normalement les plus démunis. Nous amenons des solutions au financement de la santé et au financement des universités. Nous posons des gestes concrets pour réduire notre dette et nous poursuivons le renouvellement de nos infrastructures.
En conclusion, notre budget 2010-2011, ce n'est pas un exercice comptable, c'est un exercice stratégique, Mme la Présidente. Je dirais même qu'il constitue l'amorce d'une transformation de notre État et de son rapport avec les citoyens.
Ce budget comporte trois temps stratégiques. Le premier consiste à consolider la relance, c'est-à-dire assurer que l'économie du Québec fonctionne à son plein potentiel. C'est la base de tout développement.
Le deuxième temps consiste à redonner au gouvernement sa marge de manoeuvre en rétablissant l'équilibre budgétaire, à assurer un financement durable des services publics. Mais, plus encore, il consiste à opérer un véritable changement de culture au gouvernement comme chez les citoyens consommateurs de services.
Et le troisième temps consiste à accroître le potentiel de croissance de notre économie par une participation accrue des travailleurs d'expérience à l'économie, par l'éclosion d'une économie axée sur l'éducation, l'innovation, sur la culture.
Ce budget permettra aux Québécois de conserver les valeurs auxquelles ils tiennent tant. Enfin, Mme la Présidente, le gouvernement du Québec a fait des choix responsables pour l'avenir afin d'assurer la prospérité du Québec, mais aussi d'assurer la justice sociale, d'assurer des finances publiques saines pour protéger nos valeurs, celles des Québécois d'aujourd'hui et celles de demain. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député de Viau. Je reconnais maintenant M. le député de Shefford, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de finances publiques. M. le député.
M. FRANÇOIS BONNARDEL
M. Bonnardel: Merci, Mme la Présidente. Je suis très heureux d'intervenir ce midi, au nom de ma formation politique, sur le projet de loi n° 100 qui se lit comme suit: Loi mettant en oeuvre certaines dispositions du discours sur le budget du 30 mars 2010 et visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et la réduction de la dette.
Mme la Présidente, je pense qu'on en a parlé énormément, depuis le 30 mars, de ce budget, et, comme vous le savez, vous connaissez notre position du côté de notre formation politique, l'Action démocratique du Québec, je crois que c'est important que les Québécois ou moi-même, qu'on revienne un peu en arrière puis qu'on réexplique un petit peu aux gens -- ils le savent encore très bien, mais qu'on revienne un peu avec de la pédagogie -- à savoir comment ce gouvernement a pu dire aux Québécois que, cet effort de 62 %, c'est eux-mêmes qui le faisaient, et que les entreprises, les contribuables, les pères, les mères de famille allaient contribuer à peu près à hauteur de 30 %.
Si on revient au début, Mme la Présidente, vous le savez, un retour à l'équilibre budgétaire, je l'ai dit maintes et maintes fois que nous étions prêts à accompagner le gouvernement dans ce processus, processus qui est un retour à l'équilibre où, veux veux pas, s'il manque des sous, il faut être capables... il faut être capables de voir où on peut aller chercher ces argents, mais toujours dans un effort où il faut démontrer à la population du Québec que, si on leur demande de se serrer la ceinture d'un trou et deux trous, le gouvernement aussi va faire ce même effort.
Allons avec, donc, les revenus, parce qu'un budget, Mme la Présidente, c'est fort simple, ce sont des revenus, ce sont des dépenses, et, en dessous, on fait ou ne fait pas de l'argent. Si on va, donc, dans les revenus, ce que les Québécois, Mme la Présidente, vont absorber comme coûts additionnels d'ici au retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014, il y a énormément, énormément de milliards qu'on va aller chercher directement dans les poches des contribuables.
On va commencer par celle qui cause le plus de remous, c'est certainement cet impôt... cet impôt santé. Cet impôt santé, les Québécois le savent, dès cette année, 2010-2011, ça va être 25 $ qu'on va leur... qu'on va rajouter sur leur impôt l'an prochain par adulte, donc 50 $ par famille, pour leur dire que le système de santé va aller mieux l'année prochaine. Alors, 2011-2012, on augmente ça à 100 $, 100 $ par adulte, donc 200 $ pour la famille au complet, en leur disant encore une fois: Ne vous inquiétez pas, le système de santé va aller encore mieux. Pour la troisième année, ça va être 200 $ qu'on va aller chercher dans les poches des contribuables, des pères, des mères de famille, donc 400 $ par famille dans trois ans. Ça, Mme la Présidente, c'est 2,6 milliards de dollars qu'on va aller chercher dans les poches des contribuables pour leur dire: Notre système de santé va mieux se porter.
Les gens qui nous écoutent doivent savoir que, sur chaque dollar d'impôt, chaque dollar d'impôt qu'on envoie, à chaque jeudi ou vendredi, à Québec, sur notre paie, il y a 0,45 $ qui va déjà à la santé, il y a 0,24 $ qui va au système d'éducation et il y a près de 0,10 $ qui va pas à la dette directe, mais aux intérêts sur la dette. Donc, si on fait un calcul assez rapide, on est près de 0,80 $ sur 1 $ qui va à trois postes budgétaires.
Mais, Mme la Présidente, les Québécois se disent: Bon, O.K., 25 $, 100 $, 200 $, c'est pas mal de sous, mais de l'autre côté est-ce que la situation va vraiment mieux? Je vous pose la question, Mme la Présidente. Vous allez débourser 25 $ cette année, 100 $ l'an prochain, et Mme Tremblay, qui nous écoute à la télévision, elle se questionne puis elle se dit: Y a-tu un médecin de famille qui va apparaître si je donne 100 $? Est-ce que je vais attendre moins à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont parce que j'ai donné 200 $ dans trois ans? Est-ce que le système de santé va mieux ou va aller mieux?
Moi, je n'ai pas vu aucune mesure spécifique, Mme la Présidente, surtout, surtout, surtout quand j'ai montré un organigramme de la Santé, que vous avez sûrement vu, vous aussi, Mme la Présidente, un organigramme de la Santé où c'est le plus gros ministère au Québec, le ministère de la Santé, 16 agences réparties un peu partout au Québec, 16 agences, vous avez 95 CSSS en dessous de ça, Mme la Présidente, et 301, si je me souviens bien, autres conseils d'administration qui sont liés à ces systèmes, au dédoublement.
Et M. le ministre des Finances avait engagé une équipe d'économistes où ils ont sorti un, deux, trois fascicules, dont le fascicule n° 2, où on parlait justement du dédoublement, du dédoublement de postes entre les agences de santé, les CSSS et même directement du ministère, où il y avait une économie qui pouvait aller jusqu'à 600 millions de dollars.
Mme la Présidente, je me pose la question fort simple: Si, les Québécois, on leur demande de débourser 2,6 milliards pour les trois prochaines années, et que, dans un organigramme du ministère de la Santé il y a 19 % plus de cadres depuis l'arrivée du Parti libéral du Québec en 2003, et qu'il y a 1 300 infirmières de moins dans le système public, Mme Tremblay qui m'écoute va sûrement se dire: Il y a quelque chose qui ne marche pas, là. Moi, je vais débourser 2,6 milliards, 25 $ cette année, mon voisin aussi, 100 $ l'an prochain, 200 $ dans trois ans, puis vous me dites que le système de santé ne fonctionne pas mieux, qu'il n'y a pas de différence?
Le gouvernement va dire: Vous ne proposez rien. Bien, contrairement au Parti québécois, Mme la Présidente, moi, je vais vous en donner une, solution. Et le ministre des Finances, quand on était en débat avec le porte-parole de Nicolet... pas Nicolet-Yamaska, mais le porte-parole de... le député de Rousseau... on s'est dit: On fait quoi avec le système de santé, Mme la Présidente? Une solution, une première solution: le paiement à l'acte, Mme la Présidente. Fini, les budgets récurrents dans les hôpitaux! Voyons maintenant le patient pas comme une dépense, mais comme un revenu.
Et j'ai dit exactement ça à l'émission du Match des élus, avec M. Simon Durivage, avec le ministre des Finances et le député de Rousseau, et le ministre des Finances a dit: M. le député de Shefford, je suis d'accord avec vous. Première solution, Mme la Présidente, revoir, revoir le mode de financement des hôpitaux. Ça, c'était une des premières solutions.
La deuxième, la mixité, Mme la Présidente. Permettre aux médecins... Protéger le système public, pour notre formation politique, c'est important. On n'a jamais mis en doute, Mme la Présidente, jamais mis en doute le système public au Québec. Maintenant, les médecins qui opèrent dans le système public, qui ont droit... ils ont un quota, je vous dis ça comme ça, je ne suis pas un spécialiste de la santé, mais qui font sept, huit ou 10 opérations pour une semaine et qui se croisent les doigts, après ces 10 opérations, parce qu'ils les ont terminées soit le mercredi ou le jeudi, et qui se disent: Je peux en faire plus, bien, permettre la mixité, Mme la Présidente, c'est aussi dire à ce médecin de prendre la liste d'attente, de rappeler Mme Tremblay et de lui dire: Mme Tremblay, je pourrais vous opérer si vous le voulez. Parce que le Québec me donne tant pour une opération au coude, je peux vous en charger... pas «je peux», je vous charge le même montant.
**(12 h 30)**
Et qu'est-ce que le docteur fait? Bien, il appelle le bloc opératoire qui ne fonctionne pas 24 sur 24 à l'Hôpital de Granby, il dit à la direction: Vous me réservez le bloc opératoire pour telle et telle heure, j'ai besoin d'une clinicienne, d'une infirmière, peu importe ce que ça prend, ça coûte tant, je paie l'hôpital, et c'est des revenus additionnels aussi qui rentrent dans les hôpitaux, Mme la Présidente.
Ça, c'est des solutions directes, directes auxquelles le gouvernement en place, le Parti libéral, n'a pas voulu écouter. La seule chose qu'on a trouvé à faire, c'est de prendre une solution facile, aller chercher encore une fois sur un impôt, une taxe santé, appelez ça comme vous voulez, une contribution santé, et dire aux gens: Bien, c'est facile, ça, on va vous prendre un peu de sous, mais le système de santé ne changera pas demain matin.
Et encore pire, Mme la Présidente, encore pire, juste pour cette contribution santé, on a voulu dire aux Québécois et leur faire croire, lors du dépôt du budget, le 30 mars dernier... Et je ne l'ai pas inventé, Mme la Présidente, c'est dans les communiqués de presse du 30 mars, je l'ai mis en jaune, à la page 4. Ça se lit comme suit: «En tenant compte de l'introduction d'une contribution dédiée au financement de la santé, la croissance des dépenses de programmes sera en fait de 2,9 % en 2010-2011 et de 2,2 % en 2011-2012.» La contribution santé, Mme la Présidente, ce que ça dit, c'est que, pour le gouvernement, c'est un effort aux dépenses. On dit aux gens: Donnez-nous de l'argent, puis, avec cet effort-là, cette contribution, on va vous faire croire qu'on fait un effort pour baisser nos dépenses. Ça, c'est écrit noir sur blanc, Mme la Présidente, dans les communiqués de presse du gouvernement.
Mme la Présidente, ça, donc, c'est le premier point: 2,6 milliards qu'on va chercher pour une contribution santé.
L'explosion de la taxe sur l'essence, Mme la Présidente, c'est une autre chose, 1,4 milliard. Un sou cette année, un sou à partir de l'an prochain et pour les deux autres prochaines années, c'est près de 1,4 milliard qu'on va aller chercher, encore une fois, dans les poches des contribuables, et on a permis aussi aux municipalités d'augmenter de 0,015 $ dans les grandes métropoles. Montréal a décidé de le faire, alors c'est 0,015 $ additionnel pour cette taxe sur l'essence.
La TVQ, tous les Québécois le savent qu'à partir de janvier 2011 il y aura un point additionnel de TVQ et un point additionnel au 1er janvier 2012. Ça, c'est près de 8,3 milliards si on prend la période de quatre ans. Les Québécois vont payer sur leurs achats à gauche et à droite.
L'indexation des tarifs, Mme la Présidente, c'est 500 millions. Permis de pêche, peu importe ce que ça peut être comme augmentation, c'est quand même des montants qui vont être augmentés.
Si on fait le topo, le topo global, Mme la Présidente, on est à près de 12 milliards, 12 milliards de dollars de coûts, de revenus additionnels que les Québécois vont absorber sur une période de quatre ans pour amener le retour à l'équilibre budgétaire. Ça, c'est le sacrifice imposant qu'on demande aux Québécois. La façon facile, on se dit: Bien oui, il faut que les Québécois paient plus, on vit au-dessus de nos moyens, on va en chercher, les Québécois paient. Mais, de l'autre côté, Mme la Présidente, vous avez eu un grand spectacle, un grand spectacle dans les jours suivant le dépôt du budget, où le gouvernement, soudainement, soudainement, a dit aux Québécois: Bon, on va calculer ça d'une façon assez simple, on va leur montrer. On va leur dire que, nous-mêmes, on a compris le message puis on va réduire nos dépenses. On va essayer de leur expliquer que, l'effort aux dépenses, on en absorbe presque les deux tiers. Et c'est là, Mme la Présidente, que le bât blesse.
Quand on regarde, quand on regarde vraiment ce que le gouvernement libéral, et le Parti libéral, et le ministre des Finances ont voulu faire, je pense que tout le monde se souvient de ces superbes pleines pages dans La Presse, il y en a eu dans Le Devoir, il y en a eu dans LeJournal de Montréal, où on voyait en gros ce 62 % très populaire où, le député de Viau vient de le dire: Nous ferons l'effort de 62 % pour montrer aux Québécois qu'on a compris. C'est nous, c'est nous qui faisons l'effort maximal. Le député de Huntingdon me regarde, il est fier que je la ressorte, cette page où on démontre encore une fois que le 62 %... Je vais vous l'expliquer, Mme la Présidente, on va faire... on va faire...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Shefford, je vous invite à vous adresser à la présidence et de ne pas interpeller les députés en cette Chambre.
M. Bonnardel: Je m'y efforce, Mme la Présidente, je m'y efforce. Alors, Mme la Présidente, vous aviez donc, vous aviez donc, dans ce journal, dans ces pages qui ont été mises dans les différents journaux du Québec, qui ont sûrement coûté des centaines de milliers de dollars aux Québécois, vous aviez à peu près 10 mesures. Je pense que ça vaut la peine qu'on refasse un peu de pédagogie pour que les gens comprennent, encore une fois, là.
Les revenus. Les Québécois vont absorber près de 12 milliards de dollars de revenus additionnels. Pour eux, c'est quand même une dépense, mais c'est un revenu qui va venir, donc, dans les poches du gouvernement. Et, si on revient au début... Parce qu'initialement le gouvernement a déposé, donc, un programme, un effort, des grands flaflas dans le budget. Puis là, comme opposition, bien, on dit: On va aller voir; on va aller voir, peut-être que vraiment il y a une volonté de démontrer aux gens que cet effort-là va être... va être vraiment vrai.
Puis là il y avait 10 mesures. Première chose qu'on fait, bien, on va lire ça puis on se dit: On va quantifier. Bien, non, rien de quantifié. Un beau chiffre, 62 % sur 100 %. Tu dis: Wow! Wow! Ça va être vraiment intense, là, comme effort. La première, c'est la réduction graduelle de 10 % des dépenses de nature administrative d'ici 2013-2014. Et là je vous ramène, Mme la Présidente, voilà quatre, cinq semaines où il n'y avait aucun chiffre. Aucun. Il a fallu, en étude de crédits, tout de suite après le dépôt du budget, avec la ministre du... la présidente du Conseil du trésor, que je pose des questions -- où elle ne s'attendait sûrement pas qu'on le fasse, mais on l'a fait -- à savoir: Pouvez-vous, Mme la ministre, nous quantifier ces montants d'argent là? Parce qu'il faut comprendre, le 62 %, comment vous l'avez bâti.
Alors, la réduction graduelle de 10 % des dépenses, elle nous a dit: 229 millions -- 229 millions; la réduction de 25 % des budgets de formation, de publicité, de déplacement, 34 millions; le gel de la masse salariale de la fonction publique -- là, je vous les nomme en ligne -- 240 millions; la suspension pour deux ans du versement des primes au rendement aux hauts dirigeants, 9 millions; le maintien du remplacement de seulement un départ sur deux à la retraite, 110 millions; le gel pour deux ans du salaire du premier ministre et de nous-mêmes, 300 000 $; fusion ou abolition de 28 fonds et organismes, 4 millions. Là, il en reste trois: la révision systématique de tous les programmes, aucun programme automatiquement renouvelé -- et le député de La Peltrie avait posé une excellente question en Chambre là-dessus: Est-ce qu'il y avait des programmes avec des dates d'échéance? Ça, je m'en souviens, il n'y avait pas eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de réponses sur cette question du député de La Peltrie -- et tous les nouveaux programmes autofinancés s'il y en a. Ça, ça fait au grand total 625 millions de dollars, de ce que j'ai pu avoir comme réponses où quantifier ces mesures. 12 milliards, 12 milliards de revenus additionnels dans les poches des contribuables. 625 millions.
Et je ne peux pas m'empêcher de juste faire un petit bémol quand on parle de fusion ou abolition de 28 fonds et organismes, Mme la Présidente. Quand on regarde que, ces 28 fonds, il y en avait deux... On en a aboli deux sur 28: la Société nationale de l'amiante, que le Parti libéral du Québec avait déjà abolie -- peut-être qu'il ne s'en souvenait plus, mais il l'avait abolie en 2005 -- et la société sur les courses de chevaux. Donc, il y en a un sur deux qu'ils avaient déjà aboli une fois, puis ils se sont rendu compte qu'ils ne l'avaient pas aboli, puis là on va le réabolir. Et, les 26 autres, bien, on les a pris dans le tiroir A pour changer de nom, puis on les a mis dans le tiroir B pour leur dire: Bien, ne vous inquiétez pas, on vous remet l'autre côté, on change de nom. Cette économie va être de 4 millions de dollars. Ça, c'est supposément, Mme la Présidente, cet effort aux dépenses qui va être équivalent à 62 %.
Mme la Présidente, quand on regarde depuis l'arrivée du Parti libéral du Québec, en 2003, au gouvernement et que... Parce que c'est important de comprendre que... Les dépenses, maintenant ça coûte à peu près 65, 66 milliards de dollars de dépenses aux Québécois par année, hein, pour supporter tous nos acquis sociaux à gauche et à droite. Le gouvernement dit: Bien, cette année, nos dépenses vont augmenter, cette année. Avec la contribution santé, hein? On va chercher de l'argent dans les poches des contribuables puis on leur dit.... Cet effort-là, on l'amène à 2,9 %, puis, l'an prochain, à 2,2 %.
Mme la Présidente, permettez-moi juste de revenir un peu en arrière puis de vous expliquer comment ce gouvernement n'a jamais atteint -- jamais atteint -- cette croissance réelle des dépenses qu'eux souhaitaient. Juste pour revenir en arrière, Mme la Présidente, 2004-2005, la première fois qu'ils ont déposé le budget pour 2004-2005, ils prévoyaient une augmentation de dépenses de 1 %, Mme la Présidente. 1 %. Savez-vous à combien ça a fini à la fin de l'année? À 5,09 %. 5,09 %. On prévoyait, au début, début du budget, 1 % de croissance des dépenses.
**(12 h 40)**
J'en ai une autre. On était à 3,1 % pour le budget de 2007-2008. Ça s'est terminé à 6,76 %, Mme la Présidente. 6,76 %. La moyenne des dépenses du gouvernement a été de 5,5 % pour les sept dernières années, et vous voulez, Mme la Présidente, que, moi-même, j'aie confiance à ce gouvernement quand il nous dit qu'il fera vraiment les efforts pour ramener ça à 2,9 % ou à 2,2 %?
Et je ne peux pas m'empêcher de citer, Mme la Présidente, Nathalie Elgrably, qui disait ceci, le 8 avril 2010, tout de suite après le dépôt du budget: «Dans le document intitulé Plan d'action pour la réduction et le contrôle des dépenses: 2010-2014-- et je vous répète, c'est elle-même qui le dit -- on peut lire que la mise en place de la nouvelle "contribution santé" permet de réduire la croissance des dépenses de programmes de 3,2 % à 2,9 %. Si l'information contenue dans le document est exacte, cela signifie qu'on a simplement ajouté une source de financement direct sans réelle diminution de dépenses. Est-ce là l'effort du gouvernement?» Et là je ne vous lirai pas le dernier paragraphe parce que vous allez me faire retirer des mots que Mme Elgrably a dits.
Alors, je m'étais peut-être trompé au début quand j'ai vu ça, moi aussi. Je m'étais peut-être trompé, je me suis dit: Peut-être que je le lis mal ou que le sens de la... le sens du paragraphe n'est pas ce que je lis. Mais je pense que l'économiste senior de l'Institut économique de Montréal a vu la même chose que moi: on a, encore une fois, essayé de faire croire aux Québécois, Mme la Présidente, qu'on faisait vraiment un effort aux dépenses. Puis il faut bien comprendre, là, l'effort n'est pas de zéro, là. On n'a pas dit, là: Les dépenses sont à zéro cette année. On augmente les dépenses de 2,9 % l'an prochain, avec une contribution santé qu'on va chercher directement dans les poches des gens, et on souhaite ramener ça à 2,2 % dans deux ans.
Et là, Mme la Présidente, c'est là qu'il est quand même, encore une fois, intéressant parce que l'effort aux dépenses, on se dit: Bon, là, on a des mesures, 625 millions, qui sont quantifiées, 12 milliards de revenus additionnels qu'on va chercher dans les poches des contribuables. Si on fait une équation, ça ne balance pas bien, bien le 62 %. Or, c'est là que le gouvernement a utilisé beaucoup d'astuces aussi pour nous faire croire et nous dire que l'effort à l'évasion fiscale -- et ça, c'est dans le budget 2010-2011, à la page 36 -- ...
Une lutte à l'évasion fiscale, Mme la Présidente, c'est des gens, au ministère du Revenu, qui appellent les mauvais payeurs de taxes et d'impôt et qui ramènent ces sous-là... si ces sous-là reviennent, parce que les gens payent leur impôt. Ne pas payer, ça va nécessairement dans la colonne des revenus, parce que c'est des revenus. Les gens envoient... ils font un chèque: Je n'ai pas payé mes impôts. On les renvoie à Québec, ça rentre dans la colonne des revenus.
Mais, à la page A.36, Mme la Présidente, l'effort pour retrouver l'équilibre budgétaire, on a mis la lutte à l'évasion fiscale dans un effort de redressement du gouvernement, Mme la Présidente. Vraiment, je pensais qu'on pouvait utiliser toutes les astuces possibles pour essayer de dire aux gens: L'effort de 62 %, on y croit. Mais on ne peut pas prendre les gens pour des valises, Mme la Présidente: un effort de redressement du gouvernement, ce n'est pas une lutte à l'évasion fiscale, ce sont des revenus qu'on ramène au gouvernement du Québec. Et on ne peut pas dire aux gens que les sous qu'on va chercher dans leurs poches parce qu'ils n'ont pas payé leur impôt, c'est un effort aux dépenses. Ça, c'est faux.
Et, Mme la Présidente, j'ai posé une question fort simple... Et là on est un petit peu plus précis dans ce que je vous amène, c'est à la page A.35, Mme la Présidente. Parce qu'à la page A.35, quand on parle du solde budgétaire avec le maintien de la croissance des dépenses de programmes, on a mis ce pourcentage à 4,8 %. Et la réponse que j'ai eue, de la part du ministre des Finances et de la présidente du Conseil du trésor, c'était la moyenne... la moyenne de croissance des dépenses des 10 dernières années.
Il faut quand même que je vous fasse mention, Mme la Présidente, que, l'an dernier, au dépôt du budget 2009-2010, ce même paragraphe, qui se lit comme suit encore une fois: Ce solde budgétaire avec maintien de la croissance des dépenses de programmes, on l'avait mis savez-vous à quoi? à 3,2 %. 3,2 %, parce que ça, c'était l'objectif de cette année. Quand je vous ai parlé tantôt qu'on avait amené de 3,2 % à 2,9 %, parce que la contribution santé permettait de baisser cet effort aux dépenses, on l'avait mis à 3,2 %; ça, c'était beau, parce qu'à 3,2 % l'effort était quand même important. Puis on disait aux gens: 3,2 %, on y croit. C'était l'objectif de cette année et c'est ce qu'on avait mis donc dans le budget de l'an dernier.
Subitement, lorsqu'on a fait la mise à jour budgétaire d'octobre dernier, woups! le solde budgétaire, avec la croissance des dépenses de programmes, Mme la Présidente, on est passés, en l'espace de huit mois, de 3,2 % à 4,6 %. Voyons, pourquoi 4,6 %? Et là, six mois plus tard, on a ramené ça à 4,8 %. Et là j'ai posé la question, encore une fois, au ministre des Finances, je lui ai demandé: Si on passe de 3,2 une année à 4,8 l'an prochain, est-ce que l'effort aux dépenses va être plus grand, selon vos chiffres? Parce qu'en réalité on essaie de faire croire aux Québécois, Mme la Présidente, et c'est ce qu'on a à la page A.35, que le solde budgétaire des programmes à 4,8, comme on l'a mis, c'est l'effort moyen des 10 dernières années, versus le 3,2 de l'an dernier, bien, c'est un chiffre qui grandit parce que, si on l'avait laissé à 3,2 comme c'était, comme l'an dernier, vous n'auriez jamais eu un effort aux dépenses aussi fort qu'on a à la page A.35.
Je sais que c'est difficile d'essayer de comprendre parce qu'on n'a pas tous les clés dans les mains, Mme la Présidente, mais encore une fois on a joué une mathématique comptable irréaliste vis-à-vis des Québécois, Mme la Présidente, et c'est là, c'est là qu'on est en porte-à-faux sur ce 62 % qui n'existe pas, Mme la Présidente, ce 62 % n'existe pas. Ce n'est pas vrai que le gouvernement du Québec fait un effort de 62 % comparativement à ce que les Québécois vont payer qui est près de 12 milliards de dollars pour les quatre prochaines années.
Et là, Mme la Présidente, on a des revenus et des dépenses. On sait, aujourd'hui, ce que le gouvernement veut faire. Je vous démontre, Mme la Présidente, que ce que le gouvernement nous dit, ce n'est pas vrai, là-dessus. Et là vous avez des mesures comme le Fonds des générations, le Fonds des générations que le gouvernement a créé en 2006, où le député de Viau a vanté ses mérites, où le ministre des Finances, le premier ministre étaient là: Nous allons prendre soin de nos plus jeunes. On va s'assurer que la dette soit baissée dans les prochaines années. Un objectif de 36 % du PIB au 31 mars 2013, ce qui est encore une fois faux parce qu'on va être obligé d'abroger ce projet de loi. C'était l'article 1 du Fonds des générations. Ça, je l'avais dit déjà l'an dernier, mais là, déjà, on va le changer. Mais, Mme la Présidente, ces sous viennent d'où, le Fonds des générations? Ils viennent des redevances hydrauliques d'Hydro-Québec puis une partie du fonds consolidé. On a mis près de 1,9 milliard de dollars, 1,9 milliard de dollars dans le Fonds des générations sur trois ans. Le Vérificateur général l'a vérifié, on a perdu 340 millions de dollars, Mme la Présidente, dans ce Fonds des générations depuis trois ans.
Ça, c'est quoi, vous allez me dire? C'est un effet de levier. C'est quoi, un effet de levier, Mme la Présidente? C'est moi qui prends de l'argent sur ma carte de crédit pour dire à mon fils: Nico, je prends de l'argent qui est à 18 % sur ma carte, je vais aller le placer à la Bourse ou à la banque puis je vais espérer faire du 22 % ou du 24 % de profit, ce que vous allez trouver peut-être difficile à faire. Alors, ce que le gouvernement a fait, avec cet effet de levier, c'est de prendre de l'argent, de l'envoyer à la Caisse de dépôt, peu importe où mais c'est principalement à la caisse, et d'espérer que la caisse fasse des revenus... pas des revenus, mais un pourcentage d'intérêt additionnel meilleur que ce que la banque nous donne comme taux d'intérêt, et c'est là que ça n'a pas fonctionné, Mme la Présidente.
Et qu'est-ce que nous disions, comme formation politique? Nous étions les seuls, nous étions les seuls à avoir voté contre ce Fonds des générations. C'est de prendre cet argent direct, prendre cet argent si on en a, si on veut le prendre sur les dividendes d'Hydro-Québec, «fine», mais de le mettre directement sur la dette du Québec, sur le déficit cumulé, peu importe, déficit cumulé qui, soit dit en passant, est passé, depuis 2003, d'à peu près 90 milliards de dollars à près de 101 ou 102 milliards de dollars. Ça, c'est la dette d'épicerie. Mais, je le répète, Mme la Présidente, encore une fois, aujourd'hui, abolissons ce Fonds des générations, prenons directement ces sous pour les mettre directement sur la dette du Québec. Parce que la dette du Québec, Mme la Présidente, la dette du Québec va... parce que c'est important que les Québécois le sachent, la croissance des dépenses la plus forte d'ici trois ans, ça ne sera pas... ça ne sera pas la santé, ça ne sera pas l'éducation, ça va être le service de la dette, ça va être les intérêts sur la dette. Les intérêts sur la dette vont passer de près de 6,2, 6,3 milliards cette année à près de 10 milliards dans quatre ans, 10 milliards dans quatre ans.
Arrêtons, Mme la Présidente, de jouer avec l'argent de nos enfants. Prenons ces sous et mettons-les, comme tout bon père ou mère de famille, directement sur une dette que l'on a pour la faire baisser, pour que le taux d'intérêt puisse baisser, parce que le capital va nécessairement baisser aussi. Ça, c'est de la gestion rigoureuse et de ne pas essayer de faire des effets de levier et de faire croire aux gens que, dans 25 ans, l'argent qu'on va mettre cette année, bien, ça va nous rapporter. C'est maintenant, c'est maintenant, Mme la Présidente, qu'il faut faire ces efforts et mettre ces argents directement où ils doivent aller, sur la dette du Québec.
**(12 h 50)**
Mme la Présidente, je vais faire une équation fort simple, pour terminer. On a un taux de natalité au Québec qui est à 1,7 %. Pour assurer une démographie qui est saine, un renouvellement, si on peut appeler ça comme ça, avoir autant de travailleurs jeunes que de personnes qui partent à la retraite, à 1,7 %... ça doit être à 2,1 %. On est un État, une nation qui est beaucoup, beaucoup plus... notre taux de natalité est le plus bas comparativement à pas mal toutes les provinces en Amérique du Nord ou les États aux États-Unis, un taux de décrochage à près de 30 %, Mme la Présidente. On fait une équation, là: 1,7 % de taux de natalité, 30 % de taux de décrochage, un fléau social important pour le Québec, où le parti au pouvoir, le Parti libéral du Québec, ne prend pas assez conscience de cette problématique, où il n'y a aucun objectif précis donné aux commissions scolaires ou aux écoles pour être capable d'en arriver à baisser ou de trouver des situations qui vont être concrètes, concrètes, maintenant, pour l'avenir de demain, et vous avez une équation démographique, encore une fois, pour finaliser tout ça, qui est encore catastrophique: huit travailleurs, en 1970, pour supporter un retraité, huit travailleurs qui payaient des taxes et des impôts, pour un retraité. En 2013-2014, Mme la Présidente, il va y avoir trois travailleurs, au Québec, trois travailleurs, au Québec, pour un retraité. Ça va être extrêmement difficile, Mme la Présidente, quand on fait l'équation de ces trois choses-là, pour nos enfants, pour ceux qui travaillent présentement très fort.
Et, Mme la Présidente, je ne peux pas voir rien de très heureux dans ce budget, quand je vous ai démontré, Mme la Présidente, qu'on a, encore une fois, on a tombé dans la facilité, dans ce budget, en allant chercher énormément de sous dans les poches des contribuables, en ne faisant pas les efforts auxquels les Québécois s'attendaient, leur démontrer vraiment, mais vraiment, qu'on avait compris. Et ça, cette réforme que nous souhaitons, autant en santé qu'en éducation ou dans la gestion des finances publiques...
Ça m'a bien fait rigoler, ce week-end, quand j'ai vu le Parti québécois en arriver soudainement à mettre le clignotant à droite, et de partir, et de se dire: Bon, bien, coudon, la clientèle québécoise s'attend à ce que, nous aussi, on ait ce même discours que l'Action démocratique du Québec puis d'en arriver, nous aussi, à comprendre que c'est ce que les Québécois veulent, et de voir la chef du Parti québécois, ce dimanche, au vote, se rendre compte que finalement la générale n'avait plus de soldat en arrière d'elle. Un clignotant à droite, mais un virage à gauche qui est resté le même pour le Parti québécois, un parti autant... comme le Parti libéral du Québec, qui souhaite le statu quo pour que le Québec reste exactement où il est aujourd'hui.
Alors, Mme la Présidente, vous comprendrez certainement qu'avec l'adoption de principe sur ce projet de loi n° 100 je voterai contre aujourd'hui. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député de Shefford. Y a-t-il d'autres intervenants? Monsieur le...
Une voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui.
M. Gautrin: ...question à poser, si vous me permettez, à mon collègue de La Peltrie. Est-ce qu'il compte...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): En vertu... en vertu...
M. Gautrin: ...compte tenu du temps, avant de... Je comprends qu'il a une intervention et je ne voudrais pas qu'il puisse couper son intervention. Je vous demanderais, à ce moment-là, d'ajourner nos travaux à 15 heures, de manière qu'il puisse pouvoir faire son intervention complètement.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, j'ai le consentement? Consentement. Alors donc, j'ajourne les travaux sur... jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
(…)
(Reprise à 15 h 3)
Le Vice-Président (M. Chagnon): Bon après-midi, chers collègues. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
AFFAIRES INSCRITES PAR LES DÉPUTÉS DE L'OPPOSITION MOTION PROPOSANT QU'À LA SUITE DU JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME L'ASSEMBLÉE EXIGE DU GOUVERNEMENT QU'IL REJETTE TOUTE SOLUTION PERMETTANT À DES ENFANTS D'ACCÉDER À L'ÉCOLE ANGLAISE EN PASSANT PAR UNE ÉCOLE PRIVÉE NON SUBVENTIONNÉE
Alors, nous sommes aux affaires inscrites par les députés d'opposition. Alors, à l'article 47 du feuilleton, en vertu de l'article 97 du règlement, M. le député de Borduas présente la motion suivante:
«Qu'à la suite de l'invalidation de la loi 104 par la Cour suprême du Canada, [...]l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée.»
Le débat restreint sur la motion inscrite par le député de Borduas s'effectuera comme suit, c'est-à-dire que 10 minutes sont réservées à l'auteur de la motion pour sa réplique, cinq minutes sont allouées au député de Mercier, 3 min 15 s sont allouées aux deux autres députés indépendants, 7 min 45 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition. Le reste du temps sera partagé également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle.
Dans ce cadre, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par les députés du deuxième groupe d'opposition sera redistribué également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, et le temps non utilisé par le groupe parlementaire formant le gouvernement ira au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, et vice versa. Enfin, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.
Et donc, évidemment, à partir de ce moment-ci, je vais céder la parole à M. le député de Borduas.
M. PIERRE CURZI
M. Curzi: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer, M. le Président, par une citation. En parlant du gouvernement du Québec, quelqu'un a dit: «Il pourrait tout simplement obliger les écoles privées à suivre la loi 101, ce qui mettrait fin à tout le problème.» La personne qui a fait cette déclaration, M. le Président, c'est Julius Grey. Elle proviendrait de n'importe qui qu'elle serait une citation relativement banale, mais, de la part de Julius Grey, je pense qu'on a là l'avis de quelqu'un dont la défense des intérêts de son groupe linguistique a toujours été extrêmement sérieuse et fondée, et la défense des intérêts des gens en général et de la justice et de l'équité. Je pense que, dans cette... cette citation-là reflète très exactement le consensus général qui existe quant à la loi... quant au projet de loi n° 104.
Il est important de faire une espèce d'historique de ce projet de loi là. Au moment de la création de la loi 101, M. Camille Laurin et le gouvernement ont décrété un certain nombre de principes qui, à plusieurs égards, ont été attaqués par la Cour suprême au fil du temps. Cependant, ce qui n'avait pas été couvert, et je n'en connais pas la véritable raison, mais on peut imaginer que des écoles privées non subventionnées, au moment où cela... Est-ce qu'elles existaient? Combien étaient-elles? Quelle était la situation? Je ne saurais le dire avec exactitude, mais ce que je sais, c'est qu'unanimement l'Assemblée nationale, en l'an 2002, a décidé d'adopter un projet de loi pour contrer un effet pervers de notre... de l'application de la loi 101. On le sait, dans le cas de la loi 101, les francophones et les allophones sont tenus de faire leurs études au primaire et au secondaire, et, grâce à cette loi 101 et particulièrement à cette mesure-là, nous avons réussi à maintenir au Québec, et à Montréal, et partout une sorte d'équilibre, de paix linguistique qui a été extrêmement profitable pour non seulement le climat social, mais aussi pour les relations que les groupes linguistiques entretiennent entre eux au Québec, et ça nous apparaît être fondamental. Mais il est apparu, dans ce système-là intelligent et dans cette loi intelligente, il est apparu une fissure. Cette fissure-là, c'était de permettre à des francophones et à des allophones d'échapper à la loi et d'accéder à l'instruction publique gratuite en anglais après que leurs enfants eussent fréquenté une école privée non subventionnée pendant une certaine période de temps.
Face à cette situation-là, l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale avaient décidé d'adopter une loi qui s'est appelée la loi n° 104. La loi n° 104 avait comme mérite d'en quelque sorte combler cette fissure-là et de s'assurer que, devant la loi, tous étaient égaux, étant donné que cette loi avait... cette loi 101 avait subi... malgré les nombreuses attaques qu'elle a dû subir, avait quand même traversé une période de temps suffisante et montré à quel point, malgré tout le respect qu'on peut avoir pour les droits individuels, à quel point la défense de la langue et les mesures exceptionnelles qu'on pouvait y appliquer étaient quelque chose de raisonnable en l'État du Québec.
**(15 h 10)**
Évidemment, cette unanimité de l'Assemblée, elle est assez exceptionnelle, surtout dans un domaine qui est aussi délicat et aussi clair, et un enjeu aussi délicat, je dirais, constamment délicat, constamment remis en question, constamment l'objet de différentes humeurs, de différents préjugés, d'une valse-hésitation entre un droit légitime affirmé et reconnu par tous puis en même temps l'importance de respecter les autres dans toutes leurs différences et dans tous leurs droits. Le jugement de la Cour suprême est venu défaire cet équilibre-là, est venu remettre en question non pas la légitimité de la loi, et ça, c'est fondamental, c'est important et ça a été très clairement reconnu, en particulier dans l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, est venu non pas remettre en question la légitimité de la loi 101, mais a voulu atténuer ce que la Cour suprême a jugé comme étant des mesures excessives. Personne n'a été surpris de ce jugement de la Cour suprême qui, systématiquement, a toujours penché contre la loi 101 et qui a su être la... la pointe d'une attaque perpétuelle pour sabrer dans des droits fondamentaux et légitimement entérinés par l'ensemble des Québécoises et des Québécois de toute origine, et de toute langue, et de toute confession.
Nous avions donc obtenu une sorte de paix linguistique, qui n'est qu'une paix linguistique en apparence, et je pourrai y revenir, parce que, cette paix linguistique, on voit bien qu'actuellement elle est menacée. Elle est menacée à deux égards. Elle est menacée par cette rumeur qui court qui voudrait que le gouvernement en place refuse d'appliquer la loi 101 à cet... pour contrer le jugement de la Cour suprême.
Et, soyons clairs, si le gouvernement avait voulu appliquer la loi 101, il devait le faire, enfin, avant la fin de cette session-ci. Il devait le faire la semaine dernière. Il aurait dû le faire la semaine dernière, déposer un projet de loi. Puisqu'il ne l'a pas fait, cela signifie deux choses qui sont absolument claires: soit le gouvernement désire appliquer la loi 101 pour contrer le jugement de la Cour suprême... Et, s'il décidait de le faire, nous serions d'accord et nous pourrions passer outre le dépôt requis avant la fin de la session pour qu'un projet de loi soit adopté. Mais, comme cela ne semble pas être l'objet de la volonté du gouvernement, nous devons en conclure que c'est l'autre option qui sera recommandée, si tant est qu'on recommande quelque chose avant la fin de cette session-ci.
Et, si on recommande quelque chose avant la fin de cette session-ci, ma courte expérience parlementaire me fait croire que ce serait sous l'ordre d'un décret ou... donc non pas nécessairement une loi, mais un décret qui aurait pour objet de définir, selon les termes recommandés par la Cour suprême, de quelle façon on créerait une société où il y a deux conditions qui s'appliquent aux gens. Certaines personnes francophones allophones doivent respecter la loi 101. Un certain nombre de ces personnes, selon des conditions particulières, pourraient y échapper grâce particulièrement au fait qu'elles ont les moyens de payer à leurs enfants des études dans des écoles privées non subventionnées. Et ça, ce phénomène de deux poids, deux mesures, il est totalement inacceptable, et il est inacceptable par tout le monde. Il n'y a pas personne qui croit que ce principe-là est légitime actuellement, d'une part.
D'autre part, ça aurait, ce décret, pour effet de définir, je ne sais pas de quelle façon, mais selon des façons qui sont visiblement arbitraires et extrêmement attaquables... Cela aurait pour effet de dire que le parcours scolaire authentique doit être défini et devra être jugé selon des critères qui sont absolument nébuleux ou, à tout le moins, très personnels. Donc, nous nous retrouverions dans une situation où on doit juger chacun des cas au cas-par-cas et que c'est remis entre les mains de je ne sais pas qui, je ne sais pas quel fonctionnaire, j'imagine des fonctionnaires du ministère de l'Éducation où... Et ces gens seraient... pris, obligés, engagés à définir selon des critères, encore inconnus, et juger au cas-par-cas de l'admissibilité d'un enfant à fréquenter le système scolaire public après avoir passé une certaine période de temps, encore indéfinie, dans les écoles privées non subventionnées.
Et c'est clairement ouvrir une porte toute grande à des attaques, des attaques qui se feront nécessairement sentir, puisque chacun aura le droit et se sentira obligé de défendre le droit personnel, son droit individuel d'attaquer une décision qui, par définition, reposera sur un système inéquitable et sur des critères subjectifs. La subjectivité, c'est la porte grande ouverte à une foule de poursuites, et de jugements, et d'appels qui inévitablement aussi aboutiront à la Cour suprême tôt ou tard.
Donc, on se voit confrontés à une décision qui est relativement simple. Et très franchement, aujourd'hui, je me dis: Mais qu'allons-nous dire de neuf, qu'allons-nous dire de plus que ce que nous répétons sans cesse? La seule solution logique pour combler cette décision-là de la Cour suprême, ce jugement, c'est d'appliquer clairement la loi 101 de telle sorte que l'article 73, s'appliquant à l'ensemble des francophones, l'ensemble des allophones, définira clairement le même système pour tous. Vouloir imaginer qu'on y échappe de quelque façon que ce soit va nous amener dans des complications et risque d'entraîner -- et ça, le Conseil supérieur de la langue l'a bien fait apparaître -- ...risque de nous ramener tranquillement dans des débats dont nous croyions avoir été exclus, que nous croyions avoir... auxquels nous croyions avoir apporté des solutions durables. Et ces débats, ils risquent d'être, et on le voit déjà actuellement, même dans l'opinion publique, des... on voit apparaître des opinions un peu acrimonieuses. On voit qu'il y a une levée de boucliers, on voit qu'on est en train de se redéfinir dans un rapport de force linguistique qui est très loin de refléter la réalité, où tout à coup une communauté se sent victimisée et en sachant parfaitement, parce qu'elle est logique, qu'elle n'a pas de raison concrète de se sentir... de se sentir victimisée puisque, dans les faits, leurs droits sont parfaitement reconnus et parfaitement protégés.
À cet égard, cette motion est comme une mise en garde ultime, en faisant appel au gouvernement pour qu'il adopte la seule solution vraiment forte et vraiment claire. Et je voudrais à cet égard vous lire juste quelques passages tirés de l'avis non sollicité du Conseil supérieur de la langue française. C'est important de dire que cet avis est non sollicité, parce qu'aucune des ministres touchées par ce dossier, ministre responsable de l'application de la charte, ministre de la Justice, ministre de l'Éducation, personne n'a demandé au Conseil supérieur de la langue française son avis sur une question aussi cruciale.
C'est donc un avis non sollicité qui dit clairement: Voici quels sont les principes auxquels le conseil... sur lesquels le conseil attire l'attention du gouvernement. D'abord:
1° le principe de l'égalité des chances pour tous les citoyens doit être pris en compte;
2° l'école doit être au coeur de la cohésion sociale, particulièrement lorsqu'il s'agit d'enfants d'immigrants; et
3° l'utilisation de subterfuges ou d'illégalités pour contourner la loi est inacceptable, tout autant que la mise sur pied d'institutions visant ce contournement.
On ne peut pas être plus clair, M. le Président. Et cet avis non sollicité du Conseil supérieur de la langue, après avoir établi clairement les principes sur lesquels doivent se fonder ces recommandations... En fait, trois. La première, c'est que la volonté du Québec de vivre en... Ha! Ha! Ha! Excusez-moi. Je reprends. Excusez-moi, M. le Président, c'était...
Le Vice-Président (M. Chagnon): ...tous rire en même temps que vous.
M. Curzi: Non, non, non. Mais j'aimerais ça, vous faire rire, mais bon, disons que ce sera dans une autre occasion.
Alors donc, la première recommandation, c'est que... c'est... reflète «la volonté du Québec de vivre en français ainsi que le bien-fondé et la légitimité de cette volonté». Donc, le Conseil supérieur, tout comme la Cour suprême, tout comme l'ensemble des membres de cette Assemblée, reconnaît... Tous, nous reconnaissons le bien-fondé et la légitimité de vivre en français au Québec.
Et, puisque j'ai un peu de temps, M. le Président, j'essaierai de faire une très brève démonstration que cette légitimité, pour être partagée par tous, ne reflète néanmoins pas tout à fait exactement la réalité de ce qui est en train de se passer particulièrement sur l'île de Montréal, où nous sommes confrontés à une anglicisation dont on peut imaginer qu'elle ne sera pas sans conséquence sur le climat social.
La recommandation n° 2 du Conseil supérieur de la langue française: «Le Conseil recommande de ne pas s'engager dans la solution administrative d'analyse individuelle qualitative du parcours scolaire de chaque enfant.»
J'aurais pu me contenter, M. le Président, de lire cette phrase et, dans le fond, de lire de grands paragraphes de cet avis du conseil qui exprime très justement, en pesant chacun des mots, en pesant chacun des mots, le dilemme dans lequel... pas le dilemme, la solution vers laquelle nous devons aller. Donc, une «solution administrative d'analyse individuelle qualitative du parcours scolaire de chaque enfant», c'est ce que nous craignons. C'est ce que nous craignons. C'est ce que nous craignons qu'il soit recommandé, et ça nous apparaît être la pire des recommandations.
**(15 h 20)**
Et on dit: «Dans la mesure où les voies juridiques semblent avoir donné le maximum de ce qu'on peut en attendre et qu'elles en arrivent à proposer des solutions instables, le Conseil supérieur de la langue française est d'avis qu'il faut redonner au politique la place qu'il devrait avoir.»
Et c'est la raison qui justifie notre présence ici. Que je sache, nous sommes le politique et nous sommes confrontés à une situation où le juridique est allé au bout de sa démarche. Et nous sommes maintenant devant une décision politique, une décision politique que nous avons eu le courage, collectivement, d'adopter, en 2002. Et la demande que nous faisons par cette motion, c'est de redire: Ayons le même courage politique aujourd'hui. Malgré le climat, ayons le même courage politique d'adopter de nouveau une position claire qui va faciliter la vie de tous.
La troisième recommandation. Le Conseil supérieur de la langue française recommande de soumettre les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française. Voilà la recommandation qui recoupe très exactement celle que nous avons faite depuis le début de notre connaissance de cet avis de la Cour suprême. Et j'ajoute que nous y avions joint et nous continuons d'y joindre l'idée que la clause dérogatoire fasse aussi partie de cette proposition: pour la simple et unique raison qu'en y incluant, dès la formulation, la clause dérogatoire, nous éviterons ainsi une contestation qu'on sait d'avance inévitable. Nous éviterons ainsi une contestation de la part de gens qui voudraient aller à l'encontre de ce principe. Nous pourrions donc très légitimement avoir de nouveau recréé, du moins dans cet espace-là, qui est un espace fondamental, avoir recréé les conditions d'une paix linguistique valable ici.
Je termine en vous disant, lentement, que la situation du français au Québec, malgré les apparences, demeure une situation extrêmement préoccupante. Dans l'étude que nous avons menée, qui s'appelle l'Esquisse du vrai visage du français au Québec, notre constat très clair, c'est que, loin d'être en déclin, la langue anglaise, sur l'île de Montréal et de plus en plus dans la région métropolitaine de recensement, est terriblement plus séduisante et attrayante que la langue française. Et ce déséquilibre n'est pas quelque chose de sain dans notre société dont la majorité est francophone. Il n'est pas sain que, dans le coeur de ce qui est le moteur de la vie économique, culturelle, sociale, de la vie même politique du Québec, que, dans le coeur de cette vie-là, il se reproduise de nouveau un déséquilibre que nous avons combattu fièrement et collectivement et même au-delà des partis politiques, que nous avons combattu, en tout cas, comme Parti québécois, avec ardeur.
Et nous avions réussi, avons-nous cru, à rétablir un équilibre, à redonner au français toute sa fierté, toute sa place, toute son importance, toute sa prédominance, dans un univers qui est largement dominé par une culture que nous respectons, que nous connaissons et dont nous partageons la langue, qui est la culture anglaise américaine, qui est la culture d'inspiration anglophone. Et, malgré que nous ayons combattu fièrement pour établir cet équilibre-là, le temps nous montre que nous sommes toujours dans une situation, sur l'île de Montréal, qui est relativement en péril. Et cette situation-là, un des remèdes est, forcément, nécessairement, de s'assurer qu'au moins ceux qui sont définis par l'article 73 de la loi 101 -- de la Charte de la langue française -- soient pleinement tributaires et responsables de l'esprit même de cette charte-là qui les empêchera d'utiliser des subterfuges pour échapper à la loi.
Nous avons un devoir fondamental d'essayer de redonner au français, particulièrement sur l'île de Montréal, toute sa force, toute sa présence, toute sa prédominance, de refaire de la langue la langue de la réussite dans tous les domaines et de rétablir un équilibre qui, à ce que je sache, au cours des 30 dernières années, a toujours bien servi à la fois les deux communautés qui coexistent sur cette île particulièrement. Ne nous laissons pas entraîner dans une dérive qu'un manque de courage politique dans ce cas-là pourrait amener et avoir comme conséquence. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Borduas. M. le député de Verdun, leader adjoint du gouvernement, nous vous écoutons.
M. HENRI-FRANÇOIS GAUTRIN
M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Je commencerai par remercier le député de Borduas d'avoir eu l'amabilité de soulever cette question en Chambre, qui est indubitablement une question importante. Je voudrais quand même rappeler que la résolution qui est devant nous parle des enfants qui utilisent des passerelles, en quelque sorte, pour avoir droit à l'école anglaise, et c'est... que je vais parler de la proposition, sans nécessairement adhérer au discours complet de mon collègue de Borduas.
Cette question des écoles passerelles, M. le Président, le gouvernement a annoncé qu'il allait déposer un projet de loi avant l'ajournement de cette Chambre pour les vacances d'été. Dans ces conditions, cette Chambre sera informée en temps et lieu des positions et des solutions que le gouvernement aura choisies pour régler le problème. Et je ne nie pas l'importance du problème que le député de Borduas a soulevé.
Compte tenu du fait qu'un projet de loi va être déposé, M. le Président, vous comprendrez sans peine que toute intervention d'un parlementaire ministériel, d'une manière ou d'une autre, aurait pour effet de dévoiler, au moins en partie, les contenus de ce projet de loi. En conséquence, ça me fait plaisir d'annoncer à mon collègue le député de Borduas et aux membres de cette Chambre que les parlementaires ministériels vont s'abstenir d'intervenir dans le débat aujourd'hui, compte tenu du fait que le débat sera repris lorsque le projet de loi sera déposé par le ministre concerné.
Néanmoins, je voudrais informer cette Chambre que les parlementaires ministériels ont l'intention de voter en faveur de la motion qui est présentée par le député de Borduas. Donc, nous allons participer au vote et voter en faveur de la motion, sans nécessairement participer au débat, compte tenu qu'on ne veut pas révéler actuellement le contenu de la solution. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Verdun. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Lac-Saint-Jean, nous vous écoutons.
M. ALEXANDRE CLOUTIER
M. Cloutier: Merci. Merci, M. le Président. Un peu surpris, quand même, des propos de nos collègues. Ce n'est pas la première fois qu'on interpelle le gouvernement du Québec sur le projet de loi... pas le projet de loi, mais la décision de la Cour suprême. Ce qui nous surprend plus, par contre, M. le Président, c'est de voir que, malgré que nous sommes à quelques jours maintenant de la fin de ces travaux parlementaires, le gouvernement du Québec soit toujours en réflexion d'une éventuelle proposition qu'il va faire pour colmater la brèche des écoles passerelles. On déplore le fait que le gouvernement du Québec prenne autant de temps à proposer une solution aux Québécois, alors que la solution du Parti québécois, elle, n'a pris que quelques heures avant d'être soumise au gouvernement du Québec.
**(15 h 30)**
M. le Président, pour les gens qui nous écoutent, là, ce qui est... les gens ne doivent pas comprendre. Comment se fait-il que l'Assemblée nationale se fait dire par des juges de la Cour suprême qu'on ne peut pas décider, nous, comme Québécois, nos pleins contrôles en matière de langue? Comment se fait-il qu'on partage les pouvoirs en matière de langue, alors que c'est directement lié à notre culture, à notre identité? Comment se fait-il qu'ici, à Québec, à l'Assemblée nationale, ce soient des juges de la Cour suprême qui nous dictent la façon dont on doit prévoir, par exemple, ceux qui ont accès à l'école française ou à l'école anglaise ici, à l'intérieur des limites du Québec? Comment se fait-il qu'en 1867, lorsqu'on a fait partie de ce projet de fédération canadienne, des gens comme Cartier avaient dit aux Québécois que toutes les questions liées à la langue, à la culture, à l'identité seraient décidées à Québec, à l'Assemblée nationale, toutes les questions liées à la religion, aux lois civiques, elles seraient décidées à l'Assemblée nationale?
Comment se fait-il alors que maintenant, en 2010... -- et évidemment ça a commencé bien avant ça, mais le dernier exemple en règle est cette décision de la Cour suprême dans l'affaire Nguyen -- on se fait dire par des juges de la Cour suprême que la loi pour colmater la brèche, donc pour interdire de contourner la loi pour avoir accès à l'école anglaise, la démarche que les députés de l'Assemblée nationale ont accepté de faire à l'unanimité, cette loi-là soit inconstitutionnelle? Qu'est-ce qui s'est passé entre 1867, au moment où on avait juré aux Québécois que les questions de langue seraient décidées à l'Assemblée nationale, et maintenant?
Il y a un petit épisode, M. le Président, qui s'appelle le rapatriement de la Constitution. Pour ceux qui ne se souviennent pas ce qu'est le rapatriement de la Constitution, M. le Président, essentiellement c'est des modifications unilatérales que le gouvernement fédéral, sous l'égide du premier ministre du Canada Pierre Elliott Trudeau, a apportées au pacte initial, à celui de 1867. Qu'est-ce qu'on a apporté de façon unilatérale, sans le consentement des provinces, et surtout sans le consentement du Québec? On a, entre autres, créé cette clause Canada. On a amendé la Constitution pour réduire les pouvoirs de l'Assemblée nationale, partager ses pouvoirs avec le reste du Canada, mais surtout et désormais avec les juges de la Cour suprême. On a réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale en y incluant ce qu'on a appelé maintenant la fameuse clause Canada.
La clause Canada donne des droits à tout Canadien qui a eu son... reçu son instruction dans la langue anglaise, peu importe où sur le territoire du Canada: lorsqu'il vient au Québec, lui et sa famille proche ont droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. C'est essentiellement... En fait, c'est directement à partir de cet article 23 de la Constitution canadienne, article qui a été directement imposé au Québec, que la Cour suprême, récemment, dans l'affaire Nguyen, l'affaire dont on discute présentement, est venue déclarer inconstitutionnelle la loi de l'Assemblée nationale du Québec, qui pourtant avait été décidée à l'unanimité, tous les députés de l'Assemblée nationale avaient voté en faveur de cette loi.
Alors là, les gens se demandent: Mais, mon Dieu! donnez-nous donc des exemples concrets du rapatriement de la Constitution. Les souverainistes, vous chialez, là, vous n'êtes jamais capables de nous donner des exemples concrets du rapatriement de la Constitution. Alors, je vous en donne un, M. le Président, une situation bien concrète où, de façon unanime, les parlementaires de l'Assemblée nationale ont adopté une loi pour protéger l'enseignement du français au Québec et que, malgré cette unanimité, neuf... les juges de la Cour suprême du Canada, sous la plume du juge Lebel, ont décidé une interprétation pour le moins douteuse de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. On est venu dire que dorénavant ce n'était plus une approche quantitative qu'on devait... avec laquelle on devait analyser l'article 23, mais on devait plutôt avoir une approche qualitative -- ah bon! qualitative, «qualitative» -- définie, semble-t-il, dans l'affaire Solski, qui donne une grande discrétion maintenant aux juges. Mais ce qu'on dit, c'est qu'on doit tenir compte de plusieurs facteurs pour déterminer si, oui ou non, ça respecte ce test de la qualité de l'enseignement reçu.
Alors là, évidemment, M. le Président, vous comprendrez que la Cour suprême nous invite au cas-par-cas. Ça me fait presque penser au débat qu'on a actuellement sur les accommodements raisonnables, où le gouvernement du Québec nous dit: On va régler chacune des situations, mais devant les tribunaux. Quand vous ne serez pas d'accord, ce n'est pas grave, ce n'est pas grave si vous n'êtes pas d'accord sur l'application du gouvernement, parce que vous demanderez au... vous demanderez au tribunal de rectifier le tir. C'est ce qu'on appelle l'approche du cas-par-cas.
Mais cette approche qui nous est imposée... Je le répète, c'est une décision de la Cour suprême qui est imposée aux législateurs québécois, les... le Québec n'a plus la marge de... Il doit essayer maintenant soit la mise en oeuvre de ce jugement-là de la cour ou d'utiliser la clause dérogatoire pour se soustraire justement de l'application directe de ce jugement. Alors là, d'un côté, si le gouvernement du Québec se tourne vers l'application concrète du jugement de la Cour suprême, c'est une façon de faire qui est complètement contraire à la bonne et saine administration de l'État québécois. C'est un exemple concret, je pense, où les Québécois ne toléreraient pas qu'essentiellement, dans une même situation, tout dépendamment que l'enfant en cause soit bien représenté ou non, ses droits varient en fonction de sa capacité à convaincre les fonctionnaires qui, au cas-par-cas, auront à mettre en oeuvre l'application de sa loi. Alors, évidemment, M. le Président, non seulement les juges de la Cour suprême ouvrent la porte grande ouverte à ce qu'il y ait plus de jeunes au Québec qui aient une instruction en anglais, mais en plus ça amène une situation, au niveau... administrative qui est complètement ingérable.
Alors, c'est pour ça, M. le Président, et essentiellement pour des raisons évidemment de protection de la langue française, que notre formation politique a demandé au gouvernement du Québec, bien, simplement d'appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées. C'est assez simple: appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées. Proposition qui est... qui nous a pris, quoi, quelques heures à déterminer. Au pire, 24, 48... on peut aller peut-être jusqu'à 72 heures, mais je suis à peu près convaincu que ça n'a pas pris 72 heures à ce qu'on en vienne à faire cette proposition au gouvernement du Québec. Et là...
Bien, nous, on a fait nos devoirs. On est l'opposition officielle, on est là, oui, pour critiquer, mais évidemment on est là aussi pour apporter des solutions. Et c'est là un bel exemple où on a joué notre rôle de critique, mais aussi on a fait un pas de plus, on a dit: Voici ce que, nous, on ferait... Si on était à votre place, voici ce que, nous, on ferait, et on a tendu la main au gouvernement du Québec.
Bon, on peut comprendre, le gouvernement du Québec a une batterie de fonctionnaires, a des gens à consulter. On peut comprendre, là, que ça peut prendre plus que 72 heures. Bon, on est bon joueur, on laisse passer une semaine, à la limite deux semaines, trois semaines. Là, M. le Président, là, le temps s'écoule, le jugement a été rendu au mois d'octobre, et de toute évidence le gouvernement du Québec, dans les trois prochaines semaines, d'ici la fin de la session parlementaire, il est fort improbable maintenant que le gouvernement du Québec dépose une nouvelle loi pour venir répondre à cette invitation que nous a lancée la Cour suprême de corriger la situation actuelle.
Alors, qu'est-ce que le gouvernement propose de faire? Bien, il choisit le statu quo, choisit d'attendre, choisit l'immobilisme, en se disant probablement qu'il allait... une nouvelle solution qui allait arriver de je ne sais pas où. Parce que, M. le Président, il n'y a pas 100 000 solutions: soit qu'on applique la décision de la Cour suprême, comme les juges nous ont invités à le faire... Chose que, nous, nous refusons, parce que, si on va dans cette voie-là, M. le Président, qu'est-ce qui va arriver? On ouvre la porte grande ouverte à des contestations judiciaires, à des situations de cas-par-cas, à une mauvaise administration des affaires publiques puis, pire encore, à ce qu'il y ait plus de citoyens qui aient accès à l'école anglaise, qui est clairement contraire à l'esprit même de la disposition de l'article 23, qui ne visait pas du tout à ce qu'on utilise cet article 23 de la Constitution pour que certaines personnes, en fonction de leur portefeuille... Parce que là il faut comprendre que ceux qui ont accès à l'école privée non subventionnée, ce sont des gens fortunés, M. le Président. Pourquoi? Parce que ce sont des écoles non subventionnées. Alors, comme elles sont non subventionnées par l'État, nécessairement ça coûte plus cher, avoir accès à ces écoles, et ceux qui y ont accès, bien, l'ont, contraire à ceux qui n'ont pas les revenus pour y aller.
Alors, qu'est-ce qu'on... non seulement, M. le Président, c'est une... c'est contraire à l'esprit de l'article, en plus on a une application... on en fait une application qui dépend de la grosseur du portefeuille qu'a les individus en question. Puis, pire encore, on donne un droit constitutionnel à ces enfants-là que leurs propres enfants à eux vont pouvoir bénéficier de la protection de cette clause Canada, prévue à l'article 23 de la Constitution et qui, je le répète, a été imposée à l'Assemblée nationale.
Alors, M. le Président, depuis 1867 où le Québec devait en principe gérer seul les questions en affaires de langue, il y a eu des modifications importantes qui ont été apportées lors du rapatriement de la Constitution, qu'on a imposées à l'Assemblée nationale, et principalement sur les questions de langue, à deux égards: premièrement, en vertu des articles de la Charte canadienne des droits et libertés, qui, elle aussi, a été imposée avec tout le reste lors du rapatriement de la Constitution; puis, deuxièmement, en fonction aussi de l'article 23 de la Charte canadienne... de la Constitution canadienne.
**(15 h 40)**
Alors, depuis 1977, donc depuis l'adoption de la Charte de la langue française, on a vu au fil du temps s'effriter la Charte de la langue française. Alors, plus le temps s'est écoulé, entre son adoption et aujourd'hui, bien on a vu des modifications importantes apportées à la Charte de la langue française. Par qui ont été apportées ces modifications, M. le Président? Est-ce que ce sont les membres de l'Assemblée nationale qui unanimement ont décidé de modifier la charte? Ma collègue de Joliette me sourit parce qu'elle connaît très bien la réponse. Elle sait pertinemment que ce n'est pas l'Assemblée nationale, M. le Président. Ce sont neuf juges de la Cour suprême qui, dans leur compréhension des choses et de la loi, ont, au fil du temps, jugé invalides plusieurs dispositions de la Charte de la langue française.
L'exemple... un des exemples les plus éloquents, et il faut le dire, et avec lequel le gouvernement libéral de l'époque avait réagi avec énormément de... pas d'intérêt, mais avec beaucoup de préoccupation, je dirais, avec beaucoup de diligence, savez-vous combien de jours qu'avait pris le premier ministre à l'époque, M. Bourassa, pour répondre au jugement de l'affaire Ford qui venait de déclarer inconstitutionnel l'affichage unilingue français? Est-ce qu'il y a un député libéral qui se souvient combien de jours a pris le premier ministre, M. Bourassa, pour répondre à cette décision de la Cour suprême, M. le Président? M. Bourassa avait pris sept jours. Sept jours pour faire quoi? Pour prendre une décision courageuse à l'Assemblée nationale. Il s'est levé ici, en cette Chambre, pour proposer l'utilisation de la clause dérogatoire. Est-ce que c'était facile pour M. Bourassa de faire ça? Bien sûr que non. Est-ce que son caucus de quelques députés anglophones était heureux de cette décision-là? Bien sûr que non. Mais est-ce que M. Bourassa l'a fait quand même? Bien sûr que oui, M. le Président. Savez-vous pourquoi? Parce qu'il a eu le courage, à ce moment-là, de se lever debout puis de regarder ses collègues à l'Assemblée nationale et de dire, et je vais vous le dire, qu'est-ce qu'il a dit, M. Bourassa: «Je suis le seul chef de gouvernement en Amérique du Nord qui avait la justification morale d'agir de la sorte parce que je suis le seul chef en Amérique du Nord qui est à la tête d'une communauté très minoritaire dans l'ensemble du continent. Qui peut le mieux et qui doit le plus défendre, protéger et promouvoir la culture française, si ce n'est le premier ministre du Québec?» M. le Président, voilà ce que M. Bourassa avait à dire lorsqu'il s'est levé ici, à l'Assemblée nationale, et qu'il a dû expliquer à ses collègues qu'il utilisait la clause dérogatoire.
La clause dérogatoire, mais, mon Dieu! c'est... Qu'est-ce que c'est, cette clause dérogatoire, M. le Président? Est-ce que c'est un crime d'utiliser la clause dérogatoire? Est-ce que la clause dérogatoire n'est jamais utilisée par les parlementaires à l'Assemblée nationale? M. le Président, je pense que les parlementaires oublient à quel point l'utilisation de la clause dérogatoire est un privilège que le législateur a voulu laisser aux parlementaires.
Lorsqu'on a adopté et la charte canadienne et la charte québécoise, on était très à l'affût de protéger le plus grand privilège qui soit, celui de laisser aux membres élus le soin de décider librement des dispositions qu'ils jugeaient les plus appropriées, même celles liées aux chartes, aux droits qui sont protégés aux chartes. Pourquoi? Parce que le législateur jugeait qu'il était encore plus important de laisser la totalité des pouvoirs aux parlementaires plutôt que de les partager avec les juges. Évidemment, les juges de la cour ont à mettre en oeuvre les droits et libertés, ont à mettre en oeuvre les chartes, ont à décider de la constitutionnalité des droits, c'est ce qu'on appelle la séparation des pouvoirs, mais le pouvoir ultime, lui, est protégé par nos chartes, par cet article qu'on appelle la clause dérogatoire, qui permet justement de suspendre des droits pour donner la totalité du pouvoir aux membres des assemblées législatives. Et c'est vrai ici pour le Québec, mais c'est évidemment très vrai pour l'Angleterre et c'est vrai pour bien d'autres pays dans le monde, parce que ces clauses dérogatoires, c'est une façon habituelle de s'assurer de la suprématie du pouvoir parlementaire.
Mais ce que j'essaie de vous dire, M. le Président, c'est que la clause dérogatoire est utilisée de façon assez régulière. Et j'essaie de trouver l'exemple le plus récent. Je l'avais apporté avec moi. Mais essentiellement on l'a utilisé dès l'automne dernier et peut-être même plus récemment. Mais, bref, on l'a utilisé au cours de 2010, et c'est une procédure qu'il est assez habituel d'utiliser, la clause dérogatoire. M. Bourassa, qui était premier ministre du Québec, lui, c'est ce qu'il a fait. Il a utilisé la clause dérogatoire dans un contexte d'application de la Charte de la langue française parce qu'il jugeait à ce moment-là que c'était la seule façon.
Alors, évidemment, on pourrait décider juste d'appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées. Puis c'est vrai, hein, on pourrait juste faire ça. Mais pourquoi on se dit: Il faut utiliser aussi la clause dérogatoire? Parce qu'on le sait que ça va être devant les tribunaux. Les adversaires au projet, ils nous l'ont dit. Il dit: Si vous appliquez la loi 101, je vous le dis, là, d'avance, ça va se retrouver devant les tribunaux. Alors là, nous, on a une responsabilité envers les Québécois. Est-ce qu'on se tourne puis on dit aux Québécois: Bien, ce n'est pas grave, écoutez, ça ira devant les tribunaux, puis le tribunal... le juge décidera. Bien, ça pourrait être ça qu'on décide collectivement.
Mais il y a un coût à ça, M. le Président, il y a un coût important qui est lié aux frais d'avocat. Qui va payer ces représentations devant éventuellement des juges, les juges de la Cour supérieure, Cour d'appel et fort probablement de la Cour suprême? Parce qu'on sait que ce genre de décision là se rend habituellement en Cour suprême. Il y a un coût important qui est lié à ça. Alors, à mon avis, ce serait irresponsable de simplement appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées.
Par contre, à court terme, ça, effectivement, corrigerait la situation jusqu'à un jour où peut-être qu'à nouveau la disposition de la nouvelle loi serait, elle aussi, déclarée inconstitutionnelle. Puis là on reviendrait pour une troisième fois, parce que ce serait ça, on reviendrait pour une troisième fois avec l'utilisation de la clause dérogatoire. Ça pourrait faire. J'imagine que ça pourrait faire. Mais, à mon sens, c'est plus responsable de carrément utiliser d'avance la clause dérogatoire.
Alors, voilà, M. le Président, essentiellement l'objet de mes propos aujourd'hui, simplement pour vous rappeler que notre formation politique a fait ce que, je pense, les Québécois s'attendent de l'opposition, c'est-à-dire non seulement jouer un rôle de critique, mais en plus avoir l'intelligence, mais aussi mettre l'effort de soumettre des propositions, et c'est ce que notre formation a fait de façon très rapide. Alors, voilà, M. le Président. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Mme la députée de Joliette, nous vous écoutons.
MME VÉRONIQUE HIVON
Mme Hivon: Merci, M. le Président. Alors, comme l'ont dit mes deux collègues qui m'ont précédée, oui, en fait on est devant une troisième motion en quelques mois sur cet important sujet. Et pourquoi on en est aujourd'hui à présenter une troisième motion? Eh bien, c'est parce que, malgré toutes nos demandes, malgré toutes les demandes de la population, malgré le débat qui fait rage, malgré l'avis du Conseil supérieur de la langue française, toujours pas de réponse du gouvernement.
Alors, on se rappelle que la décision a été rendue en octobre. Ça fait maintenant sept mois. Ça fait plus de six ans que cette affaire est débattue devant les tribunaux. Alors, dès que la décision a été rendue par la Cour suprême, vous comprendrez, M. le Président, qu'on a été excessivement déçus, voire choqués, de cette décision-là qui venait contredire, qui venait annuler l'effet d'une loi qui avait été votée à l'unanimité en 2002 par cette Assemblée, sereinement, parce qu'à la suite du développement de la réalité des écoles passerelles ça nous était apparu à tous comme la solution qui devait être mise de l'avant, collectivement, démocratiquement, la solution qui s'imposait.
**(15 h 50)**
Et là ce qu'on apprend en octobre, à la suite évidemment de tout le cheminement judiciaire de la contestation qui a été celle de cette loi, et qu'on s'est rendu devant la Cour suprême, on apprend donc que la Cour suprême renverse cette décision-là, en quelque sorte, unanime des parlementaires québécois pour venir dire que cette loi n'est pas justifiée, que les objectifs... Parce que, dans sa grandeur d'âme, la Cour suprême, et on lui en est reconnaissant, vient quand même dire que l'objectif de vouloir préserver la langue française est un objectif important au Québec. Mais, comme elle le fait souvent, après elle vient dire que les moyens qui ont été mis de l'avant par l'Assemblée nationale du Québec sont disproportionnés par rapport à l'objectif.
Alors, nous, dès le mois d'octobre, dès que la décision a été rendue, oui, on a voulu débattre ici, dans cette Chambre. On a voulu questionner le gouvernement, comprendre comment ils allaient se positionner à la suite de ce jugement fort décevant pour le Québec, et pour la préservation de la langue française et de la fréquentation de l'école française au Québec. Et on avait dénoncé, et je pense que ce n'est pas sans raison... Puis on avait déposé notre motion de vouloir dénoncer cette décision-là. Et j'avais dit à l'époque qu'il fallait la dénoncer, oui, parce que ça remettait en cause une décision unanime de l'Assemblée.
Et, vous savez -- mon collègue de Lac-Saint-Jean y a fait référence -- la séparation des pouvoirs, c'est un principe, oui, qui est fondamental. Donc, on avait, nous, comme législateurs, décidé de la solution législative qui devait s'appliquer. Or, la Cour suprême est venue dire, du haut de l'exercice du pouvoir judiciaire, que ça ne passait pas le test de la charte. Donc, c'était une chose, je dirais, d'encaisser le coup, mais on était tout à fait en droit de dénoncer ce qui advenait de cette décision prise à l'unanimité par l'Assemblée nationale et surtout de tenter d'avoir des réponses quant à ce que le gouvernement, la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, la ministre de la Justice, la ministre de l'Éducation... d'essayer de comprendre ce qu'ils allaient faire à la suite de cette décision-là. Donc, on dénonçait tout d'abord pour ça.
Mais on dénonçait aussi... Parce que je pense que c'est important, en matière de langue, de préservation de la langue française au Québec, de sortir du déni qui des fois semble habiter certains au Québec, parce que c'est très fragile, nos acquis. Il y a toutes sortes de luttes au Québec, il y a toutes sortes de lois qui ont été adoptées pour des raisons fondamentales, et on sait que la loi 101... on sait que la Charte de la langue française, s'il en est une qui est fondamentale pour notre nation, pour notre identité, pour notre culture, pour la préservation de qui nous sommes, c'est bien celle-là.
Alors, je pense que, dès le mois d'octobre, c'était important d'interpeller le gouvernement et de dénoncer ce qui venait d'arriver. Mais on a été excessivement déçus parce que, dans les semaines qui ont suivi, malgré le fait que rapidement, comme mes collègues le rappelaient, on a mis de l'avant... On ne s'est pas contentés que de critiquer, on a mis de l'avant une solution qui était donc d'assujettir les écoles anglophones non subventionnées à la Charte de la langue française. On a mis ça de l'avant très rapidement. On a même fait une interpellation de deux heures pendant laquelle on a discuté de cette position-là avec la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. Et, pendant ces deux heures, on n'a pas pu avoir le début du commencement d'une réponse à savoir ce que le gouvernement entendait faire.
Donc là, on était quelques semaines, une semaine ou deux peut-être après la décision, mais là c'est que... Ce qui s'est passé, c'est que ça s'est poursuivi, donc toujours pas de réponse. Les semaines passent, les mois passent, et on nous dit qu'on analyse la situation. Alors, la ministre responsable de la Charte de la langue française nous a dit ça, la ministre responsable de l'Éducation nous a dit ça, la ministre de la Justice ne s'est pas levée en Chambre pour nous le dire, mais elle l'a dit à des journalistes.
Donc, nous, ce qui nous étonne un peu, c'est qu'avec notre équipe de recherchistes, avec nos têtes à nous qui... On est quand même une équipe limitée, on... Je ne pense pas qu'on a le bénéfice d'avoir des fonctionnaires très bien formés, qui connaissent tous ces enjeux-là de manière très, très pointue. Et rien de moins que trois ministères impliqués. On est venus rapidement avec une solution, qui semblait la seule solution dans les circonstances, donc d'assujettir les écoles anglaises non subventionnées à l'application de la Charte de la langue française.
Et les mois passent, le temps passe, et tout ce qu'on entend du côté du gouvernement, c'est qu'il faut du temps, il faut analyser, tout est sur la table. Alors, moi, je veux bien le «tout est sur la table» peut-être pendant une semaine, pendant deux semaines, mais là ce n'est pas quelque chose qui est tombé du ciel le 22 octobre avec la décision de la Cour suprême. C'est quelque chose, comme je le dis souvent, qui est débattu depuis plus de six ans devant les tribunaux. Donc, ça veut dire qu'il y a des procureurs qui ont monté les dossiers, qui ont plaidé la cause. Il y a des légistes qui ont regardé ça. Il y a des spécialistes au... responsables de l'application de la Charte de la langue française qui ont regardé ça. Donc, il faudrait être un peu naïfs pour penser que tous ces gens-là n'ont pas pensé à des solutions qui pourraient être mises en place si la décision qu'on ne souhaitait pas de la Cour suprême en venait à se produire. Or, c'est ça qui est arrivé, et on continue à nous dire qu'on analyse, qu'on étudie.
Donc, de ce côté-ci, je dois vous dire qu'on est très perplexes et qu'on a du mal à comprendre ce qu'on analyse et ce qu'on étudie tant que ça, pendant des mois et des mois, quand on sait que cette décision-là... quand on savait que cette décision-là devait aboutir. Alors, c'est pour ça qu'on a déposé une deuxième motion. Et cette motion-là, c'était précisément pour voir justement si cette solution-là d'appliquer donc la Charte de la langue française aux écoles non subventionnées pouvait être acceptée par le gouvernement. Encore une fois, on n'a pas eu de réponse. On nous a dit qu'on analysait la situation.
Mais, depuis ce débat, il est arrivé un fait assez important, et mon collègue le député de Borduas en a parlé, c'est que le Conseil supérieur de la langue française a rendu un avis, et un avis non sollicité, et qui va exactement dans le sens que nous disions, qu'il faut assujettir les écoles anglaises non subventionnées à la Charte de la langue française. Alors là, on commence à trouver que peut-être que les gens d'en face devraient commencer à accréditer ce qu'on suggérait depuis des mois comme solution. Alors, si, nous, on ne veut pas nous écouter, c'est une chose, mais peut-être que ce serait bien d'écouter et de lire comme il faut l'avis du Conseil supérieur de la langue française.
Et je voudrais juste reprendre quelques extraits, je pense, qui sont assez importants. Parce que, tout d'abord, l'avis revient sur la démarche de l'Assemblée en 2002 en disant qu'«il est indéniable que la démarche du législateur, en 2002, visait à contrer, de bonne foi et de façon démocratique, les effets de ce que tout le monde, y compris la Cour suprême du Canada, voit comme une illégalité, un subterfuge». Ce n'est pas rien!
Parce qu'on sait que le développement des écoles passerelles, c'est une manière de faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. C'est une manière de dire: En payant quelques milliers de dollars pour une année, même des fois pour moins qu'une année, en décidant d'envoyer un enfant qui n'y aurait pas droit autrement, à l'école anglaise non subventionnée, on s'achète par la suite un droit pour que cet enfant-là, et ses frères et soeurs, et toute sa descendance puissent par la suite fréquenter l'école anglaise subventionnée. Alors, effectivement, je pense qu'on peut qualifier ça de subterfuge qui s'est développé au fil du temps. C'est ce que reconnaît le Conseil supérieur de la langue française.
Alors, il dit: «La réponse législative unanime apportée en 2002 a été jugée -- donc par la Cour suprême -- comme une réponse -- et j'ouvre les guillemets -- "radicale" à ce phénomène de subterfuge, de détournement de la loi et de primes données à ceux et celles qui estiment qu'on peut acheter un droit constitutionnel. Constatons également que les moyens pris en 2002 étaient simples et que leur application n'ouvrait la porte à aucune subjectivité, et pour cause.
«[...]les dispositions de 2002 évitaient en effet les débats sans fin sur des situations particulières et aussi une iniquité qui venait du fait que des citoyens fortunés pouvaient acheter un droit, ce que n'étaient pas en mesure de faire des citoyens moins fortunés.»
Ça, je pense que c'est très important, parce que, si on reste dans le cas-par-cas, si on reste dans l'appréciation subjective, qu'est-ce qui nous dit que l'équité va être respectée? Et je pense qu'on va tous s'entendre ici pour dire que l'équité, c'est un principe fondamental dans notre démocratie puis qu'on ne voudrait justement jamais que des gens qui ont moins de moyens puissent avoir plus de droits que des gens qui ont des moyens. Alors, l'avis du Conseil supérieur vient exactement dire ça.
Et, dans sa recommandation clé, je vous dirais, qui vient appuyer la recommandation qu'on faisait et qu'on aimerait beaucoup que le gouvernement écoute... dit que... Donc, il «recommande de soumettre les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française». Et là il dit: «En appliquant cette mesure, il sera désormais clair que, au Québec, les francophones vont à l'école française publique ou privée subventionnée ou non subventionnée; les immigrants ou enfants d'immigrants vont à l'école française publique ou privée subventionnée ou non subventionnée; les anglophones québécois et les anglophones canadiens qui satisfont aux critères des articles 23 et 73 peuvent aller à l'école anglaise -- il n'y a rien qui change en ce qui a trait à ça -- publique ou privée subventionnée ou non subventionnée. Peuvent s'ajouter à ces derniers les enfants des résidents temporaires auxquels les personnes désignées par la ministre en donnent l'autorisation, ainsi que les enfants qui bénéficient d'une exemption spéciale de la ministre fondée sur une situation grave d'ordre familial[...].
«Si les règles sont claires, elles respectent aussi les principes mis de l'avant par le conseil.»
**(16 heures)**
Le problème est: Pourquoi on est encore ici à débattre d'une motion aujourd'hui? Et je vais relire la motion, la motion qui dit: «Qu'à la suite de l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême du Canada, [...]l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école française d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée.»
Puis pourquoi c'est important d'en débattre encore aujourd'hui? C'est parce qu'on n'a pas de réponse, puis on a très peur, de ce côté-ci de la Chambre, on a très peur du cas-par-cas, on a très peur de critères subjectifs qui vont être appliqués au fil du temps en risquant des solutions un peu alambiquées, pas de constance, des situations d'exception. Nous, on pense que c'est tellement important, au Québec, la fréquentation de l'école française, et que ça soit clair, et que l'équité est une réalité tellement importante, une valeur tellement importante qu'on ne peut pas se permettre du cas-par-cas, et que la seule solution qui s'impose, c'est vraiment la solution d'assujettir les écoles anglaises non subventionnées à la Charte de la langue française et d'y inclure tout de suite la clause dérogatoire.
Pourquoi la clause dérogatoire? Mon collègue de Lac-Saint-Jean l'a dit, parce qu'effectivement la clause dérogatoire, là, c'est un mécanisme qui est tout à fait prévu législativement. Pourquoi? Parce qu'effectivement il y a une séparation entre le judiciaire et le législatif. Le judiciaire a le droit de prendre des décisions judiciaires dans sa sphère d'activité, le législatif adopte les projets de loi qui lui semblent être les bons projets de loi pour sa population. Mais, dans des cas, depuis l'avènement de la charte, où on peut estimer qu'il y a des décisions du judiciaire qui ne conviennent pas au bien supérieur de la population, cette clause-là existe. Alors, ce qu'on se dit, c'est que, oui, c'est une bonne chose d'y avoir recours en partant pour justement éviter toute l'incertitude de dire: Est-ce qu'on va devoir attendre des contestations judiciaires? Est-ce qu'il va y avoir des contestations judiciaires? Est-ce que les gens vont engager des sommes pour des contestations judiciaires?
Nous, ce qu'on prône, c'est une solution claire, et je vous dirais qu'effectivement, dans le débat qui a cours en ce moment sur le projet de loi n° 94 sur les accommodements raisonnables, c'est aussi ce qu'on dit, il ne faut pas faire l'économie d'aller au fond des choses et d'avoir des solutions globales. Le cas-par-cas, en matière d'accommodements raisonnables, je ne pense pas que c'est ce qui est souhaité, et c'est malheureusement ce qu'on retrouve dans le projet de loi n° 94, qui ne fait que codifier l'état de la jurisprudence.
Et là, si on suit ce qu'on a peur qu'il se produise du fait qu'on voit que les semaines passent, que les mois passent et qu'il n'y a toujours pas de dépôt de projet de loi de la part du gouvernement pour répondre à la décision de la Cour suprême, on a peur, encore une fois, qu'on y aille dans le cas-par-cas, dans la subjectivité, dans l'application de critères de manière potentiellement non constante, non cohérente, par des mécanismes, je dirais, qui ne soient pas formels.
Alors, aujourd'hui, on demande une autre fois, en espérant d'être entendus -- surtout que notre position est soutenue par le Conseil supérieur de la langue française dans un avis non sollicité -- on demande au gouvernement d'écouter ce qu'on dit et de mettre en place la seule solution qui s'impose, soit d'assujettir les écoles anglaises non subventionnées à la Charte de la langue française en y incluant d'emblée le recours à la clause dérogatoire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la députée de Joliette. J'inviterais maintenant M. le député de Chambly à prendre la parole.
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: Merci, M. le Président. M. le Président, on me permettra d'intervenir brièvement sur cette importante motion qui porte sur un sujet qui est au coeur de l'existence même de notre nation en Amérique du Nord, le dossier linguistique, la question linguistique.
M. le Président, vous le savez, vous êtes un parlementaire d'expérience, vous savez que le premier débat qui a eu lieu ici en 1792 -- effectivement, on le voit au-dessus de vous, sur ce tableau -- le premier débat qui a eu lieu en 1792 au Parlement du Bas-Canada, c'était un débat qui portait sur le même sujet qu'aujourd'hui, qui portait sur les questions linguistiques. On s'interrogeait alors sur la langue qui allait être parlée dans ce Parlement du Bas-Canada, qui est l'ancêtre de notre Assemblée nationale d'aujourd'hui. Pourquoi, M. le Président? Parce que c'est au coeur, je vous le disais, c'est au coeur de notre nation minoritaire en Amérique du Nord. Et toutes ces questions dont on débat aujourd'hui encore une fois, pour la ixième fois de notre histoire, c'est majeur parce qu'en bout de ligne, M. le Président, si on ne s'en préoccupe pas, bien la nation québécoise de langue française, elle va disparaître à terme. Alors, c'est lié à notre existence comme peuple depuis que nos ancêtres ont fait leurs premiers pas sur ce territoire.
Évidemment, M. le Président, au XIXe, au XXe siècle, c'était moins préoccupant parce qu'on a tous lu que c'étaient des familles de 15, de 20, de 22 enfants qui... Donc, il n'y avait pas ce problème existentiel. Certains disaient même, M. le Président, qu'à la fin des temps il n'y aurait que des Chinois et des Québécois de langue française tellement nous faisions d'enfants au Québec à cette époque-là. Le problème a commencé à se poser au XXe siècle, M. le Président, avec notamment l'arrivée de nouveaux arrivants. Et vous vous rappelez, dans les années soixante, M. le Président, le gouvernement de l'époque, le gouvernement Bertrand, avait présenté la loi 63, qui disait... qui faisait état... qui faisait en sorte... qui donnait le libre choix de la langue d'enseignement, donc toute personne pouvait envoyer ses enfants à une école autre que de langue française.
Évidemment, il y a eu un tollé à l'époque. Et ça s'est passé en cette Chambre, je vois, j'imagine, M. le Président, Jean-Jacques Bertrand, qui est de l'autre côté, le ministre de l'Éducation, Jean-Guy Cardinal, il y a eu tout un tollé. Il y a eu des manifestations de 50 000 personnes ici, devant le parlement. C'est une des plus importantes manifestations qu'il n'y a jamais eu, dans l'histoire de ce Parlement, devant le parlement parce que les Québécois se rendaient compte que d'avoir le libre choix de la langue d'enseignement, ça permettait à tous ces nouveaux arrivants d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, et, à terme, eh bien la nation québécoise de langue française allait disparaître. Alors, il y a eu un tollé, M. le Président, à cette époque.
Et Robert Bourassa, qui a pris le pouvoir par la suite, l'Union nationale disparaissant le 29 avril 1970, après ces débats de 1969 sur la loi 63, Robert Bourassa, vous l'avez connu, M. le Président, qui était un nationaliste profondément québécois, qui croyait au Canada mais qui était nationaliste québécois, Robert Bourassa a bien compris, lui aussi, le problème, et qu'à terme ça pouvait mettre en jeu notre existence comme peuple. Et là il est allé avec... il a fait une tentative malheureuse -- je pense que l'histoire le dit -- la loi 22, qui, par certains aspects, était intéressante... D'ailleurs, certains de ses aspects ont été repris dans la loi 101 en 1977, mais, sur la question linguistique, il avait inventé, si on peut dire, ces fameux tests linguistiques. Il avait dit: On va faire passer des tests aux enfants pour savoir s'ils peuvent avoir le droit d'aller à l'école en... Cafouillis total. Je vois encore, M. le Président... Là, je m'en rappelle -- ça va dévoiler mon âge -- je vois encore le ministre de l'Éducation, M. Bienvenue, qui est futur juge à la cour, Jean Bienvenue, député de Matane... François Cloutier dans un premier temps, mais, à la toute fin, M. le Président, vous vous rappellerez que le ministre de l'Éducation était M. Bienvenue, et je le vois encore, M. le Président -- c'était le 11 novembre 1976 -- au cégep Ahuntsic tentant de défendre l'indéfendable qu'étaient ces fameux tests linguistiques.
Et, quand le Parti québécois est arrivé, il a pris le dossier à bras-le-corps, et, dans un débat d'une intensité importante ici, en cette Chambre, le premier ministre René Lévesque, le ministre au Développement culturel et ancien député de Bourget, Camille Laurin, ont présenté aux parlementaires ce qui était, dans un premier temps, la loi 1, qui est devenue par la suite la loi 101, la Charte de la langue française, et cette charte a été adoptée malgré l'opposition acharnée des gens qui étaient ici dans l'opposition, des gens du Parti libéral, M. le Président, qui se sont acharnés à démolir ce projet de la loi 101.
**(16 h 10)**
Malgré tout, René Lévesque, Camille Laurin ont maintenu le cap et ont fait adopter cette charte, faisant en sorte, M. le Président... je vous épargne les débats de la clause Québec et de la clause Canada, mais faisant en sorte que, dorénavant, les gens qui viennent au Québec, leurs enfants doivent aller à l'école française. En fait, après tous ces débats entre la clause Québec et la clause Canada -- j'épargne ces débats -- la Charte de la langue française prévoit maintenant que seuls les enfants dont un des parents a fréquenté l'école anglaise au Canada pendant son primaire peuvent aller à l'école anglaise.
Le problème, M. le Président, c'est que, par la suite, la loi 101, oui, elle a été adoptée en août 1977 malgré l'opposition du Parti libéral, mais elle a ensuite été contestée devant les tribunaux, et c'est ça qui est... Et plein de chapitres de la loi 101 ont été contestés. Je pense au chapitre sur la langue des tribunaux, la langue du Parlement a été contestée, et des pans entiers de la Charte de la langue française ont été déclarés inconstitutionnels par la Cour suprême. Et c'est ça, le problème, M. le Président, de notre nation, c'est qu'en bout de ligne c'est qui qui décide? Ce n'est pas les élus du peuple, les 125 qui sont dans cette salle. En bout de ligne, M. le Président, c'est la Cour suprême du Canada. Et, la Cour suprême du Canada, on y retrouve neuf juges, mais seulement trois sont originaires du Québec. C'est donc un tribunal à majorité composé de gens d'une autre nation qui décide si les lois adoptées ici, à l'Assemblée nationale, par les 125 élus du peuple sont conformes à la Constitution, Et c'est ça qui est terrible, c'est que constamment cette Cour suprême... Et souvent, dans des domaines qui touchent au coeur même de notre nation, le domaine linguistique, dont on parle aujourd'hui, mais aussi le domaine des communications, le domaine de la culture, souvent dans des domaines essentiels à l'existence de notre nation, imaginez, M. le Président, c'est un tribunal composé de gens d'une majorité d'une autre nation qui décide sur ces questions.
Et c'est ça qui est dramatique, M. le Président, qui nous amène, nous, de ce côté-ci, à souhaiter qu'un jour le Québec se prenne en main et décide de devenir un pays. Le jour où on sera un pays, M. le Président, nous adopterons nos lois ici, nous aurons une constitution conforme à ce que nous sommes, à nos valeurs, et le tribunal suprême, la Cour suprême du Québec, elle sera composée exclusivement de Québécois, et ce seront eux qui décideront de la conformité des lois que nous faisons ici à la constitution du Québec plutôt que de s'en remettre à un autre tribunal qui, comme le disait Maurice Duplessis, M. le Président, dans les années cinquante, est comme la tour de Pise, penche toujours du même bord, et pas du bord du Québec, M. le Président.
Alors, M. le Président -- je sens l'enthousiasme de mes collègues, M. le Président -- vous voyez que... Et c'est ça qui est arrivé encore récemment, M. le Président, dans le dossier dont on parle aujourd'hui, c'est que la Cour suprême du Canada, composée d'une majorité de juges d'une autre nation, a décidé, le 22 octobre 2009, d'invalider une loi, la loi n° 104, qui a été adoptée à l'unanimité des gens élus ici, à l'Assemblée nationale, par le peuple québécois, et là on se retrouve dans une situation... Et la Cour suprême nous a dit... Dans le jugement, M. le Président, du 22 octobre dernier, la Cour suprême nous a dit qu'elle donnait un an au gouvernement du Québec... Elle a d'abord déclaré que les alinéas 2° et 3° de l'article 73 de la Charte de la langue française sont invalides, sont inconstitutionnels et elle donne un an au gouvernement du Québec, à partir du 22 octobre 2009, pour faire les changements. Alors, c'est la Cour suprême du Canada, une cour suprême composée d'une majorité de juges d'une autre nation, qui a décidé que la loi adoptée ici, à l'Assemblée nationale, était inconstitutionnelle, demandant au gouvernement de changer ça.
M. le Président, je pourrais continuer encore longtemps, mais... M. le Président, je pourrais continuer longtemps. Je vois le député de Châteauguay, qui aimerait bien m'entendre davantage, on aura l'occasion de se reprendre. Mais, M. le Président, nous allons voter en faveur de cette motion, bien entendu. Nous allons voter en faveur de cette motion, M. le Président, qui exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée.
Parce que j'aurais pu vous expliquer plus longuement, M. le Président, qu'effectivement, malgré le fait qu'une loi a été adoptée ici unanimement, il y a des gens qui ont tenté de contourner cette loi-là d'une manière particulière. Mais, en bout de ligne, M. le Président, ce cas est, encore une fois -- et je conclus là-dessus -- un autre exemple de la nécessité pour le peuple québécois, pour les Québécois, de se doter d'un pays conforme à leurs valeurs, conforme à ce qu'ils sont, pour que les lois qui sont adoptées ici, à l'Assemblée nationale du Québec, ce soient ces lois-là qui s'appliquent sur notre territoire et que ce ne soit pas un tribunal étranger, M. le Président, composé d'une majorité de gens d'une autre nation, qui ont d'autres valeurs que les nôtres... Il faut se le dire, des gens très respectables, très respectables mais qui, dans bien des domaines, que ce soit en matière d'environnement, que ce soit en matière de jeunes contrevenants, que ce soit en matière... les domaines sont multiples. Ce sont des gens très respectables, mais ce sont des gens qui n'ont pas les mêmes valeurs que nous.
Quand, M. le Président, allons-nous enfin décider, comme peuple, de se doter d'un pays avec une constitution conforme à ce que nous sommes et dire: Non, on n'accepte plus que ce soit une cour suprême nommée avec une majorité de juges d'une autre nation qui décide de choses aussi essentielles que les questions linguistiques au Québec, M. le Président? Alors, nous allons voter en faveur de cette motion de mon collègue le député de Borduas. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Chambly. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. MARTIN LEMAY
M. Lemay: Quelques minutes, M. le Président. Je vais faire un petit peu d'histoire. Comme Montréalais moi-même et comme député montréalais tout comme vous, nous pouvons quotidiennement constater l'avancée de la langue anglaise, M. le Président. Et, surtout au centre-ville, ce centre-ville que nous partageons tous les deux, on voit les enquêtes presque hebdomadairement nous indiquer la difficulté de se faire servir en français au centre-ville de Montréal et dans de plus en plus de quartiers, et je crois que nous devons être sensibles à cette situation-là. Donc, M. le Président, je prendrai seulement quelques minutes pour parler un peu de Montréal. Je ferai un certain historique. Je vais partir, comme mon collègue de Chambly... un petit peu d'histoire quand même, parce qu'il y a des raisons qui expliquent la situation actuelle.
En Nouvelle-France, Montréal est un comptoir, un comptoir d'échange entre les Français et les Amérindiens de l'époque. Alors, c'est tout simplement un comptoir, un millier d'habitants tout au plus, M. le Président, mais les gens comprennent bien vite que Montréal, c'est l'accès à l'intérieur du continent, que Montréal est l'accès privilégié pour se rendre dans les Grands Lacs. Donc, les Français, nos ancêtres, ont compris ça très, très, très rapidement.
Cette année, M. le Président, vous le savez, on va fêter le 250e anniversaire de la capitulation de Montréal. Parce que, suite à la conquête de Québec, Montréal, presque un an après, a capitulé face aux forces anglaises. Donc, Montréal est devenue «Montreal», une ville anglaise. M. le Président, je ne joue pas au misérable, je ne me plains pas, c'est l'histoire. On peut vérifier, évidemment, toutes ces informations-là. Donc, Montréal est devenue une ville anglaise. En 1760, tous les postes de commande à Montréal, que ce soit pour la traite des fourrures, que ce soit pour le bois, que ce soit pour l'agriculture, ont été entre les mains d'anglophones, de Britanniques, d'Écossais et, dans une moindre mesure mais quand même, d'Irlandais.
Donc, M. le Président, pendant 100 ans -- et ça, on a tendance à l'oublier -- de 1760 à 1860, Montréal a été une ville essentiellement, sinon majoritairement anglophone. Mais, en 1860, comme mon collègue l'a souligné tout à l'heure, les grandes, les très grandes familles venant de la campagne pour se rendre en ville pour travailler dans les usines, M. le Président, fait en sorte qu'il y a un revirement total de l'histoire.
**(16 h 20)**
En 1860, Montréal, pour la deuxième fois, redevient une ville majoritairement francophone. Et, M. le Président, les familles, les très grandes familles, malheureusement... Et ça, c'est probablement une des périodes les plus... je ne dirais pas les plus sombres, mais peut-être un des événements les plus négatifs de notre histoire, c'est que, M. le Président, non seulement ces grandes familles canadiennes-françaises, comme on les appelait à l'époque, ne se sont plus arrêtées à Montréal, mais ont continué vers le Nord-Est américain. M. le Président, c'est des centaines de milliers de Canadiens français qui ont quitté le Québec, qui ont quitté les grandes plaines du Saint-Laurent pour se rendre dans les usines à coton de la Nouvelle-Angleterre. Par centaines de milliers de personnes. Ce fut, M. le Président, une des plus grandes hémorragies démographiques de notre histoire.
M. le Président, 100 ans plus tard, 1860, Montréal redevient une ville majoritairement française à cause des grandes familles qui viennent de la campagne pour peupler, entre autres, le quartier de notre collègue du Sud-Ouest, mon quartier également, le Centre-Sud, pour venir travailler dans les usines.
Après la Deuxième Guerre mondiale, M. le Président, on voit deux phénomènes, 1950, 1960, deux phénomènes qui s'accélèrent à une vitesse foudroyante. D'abord, ce qu'on a appelé la... la... -- j'ai beaucoup de difficultés avec ce mot-là, M. le Président -- la désindustrialisation, voilà. Alors, les quartiers le long du fleuve Saint-Laurent où il y avait des dizaines et des dizaines de milliers de travailleurs, ces usines ont fermé en l'espace de, quoi, 10 ou 20 ans. Donc, premier phénomène après la Deuxième Guerre mondiale, la fermeture de la Vickers, les shops Angus, ce qu'on appelait les shops Angus, et toutes ces petites usines qui étaient dans le Sud-Ouest de Montréal, dans le centre-ville et dans le Centre-Sud, ça a fermé, c'est des dizaines de milliers... Le long du canal Lachine effectivement, des dizaines de milliers d'emplois qui se sont perdus. Premier phénomène. Vous comprendrez, M. le Président, comme député montréalais et comme ce problème est particulièrement vécu à Montréal, c'est la raison pour laquelle je vais me limiter à Montréal.
Mais deuxième phénomène... Et celui-là, dans le débat actuel, on en parle un peu moins, mais notre collègue de Borduas en a parlé à quelques reprises, donc le deuxième phénomène, c'est l'étalement urbain. Alors, en même temps que ces usines fermaient, les classes moyennes francophones, à partir de 1960... Et c'est les classes moyennes francophones, M. le Président. Il ne faut pas être gêné aujourd'hui, dans ce monde politiquement correct, de nommer les choses, quand même. Donc, la classe moyenne francophone a quitté l'île de Montréal pour la banlieue. Ce phénomène que l'on peut observer partout dans les grandes villes nord-américaines, mais Montréal a aussi vécu ce phénomène d'étalement urbain, et phénomène... M. le Président, si la désindustrialisation a cessé parce qu'à un moment donné il n'y a plus d'usines à fermer, littéralement, il demeure que l'étalement urbain, ce phénomène-là, lui, est demeuré de 1960 à aujourd'hui, ce qui fait, M. le Président -- et vous pourrez vérifier les chiffres -- que la population de Montréal, depuis 1960, est restée la même. Il n'y a pas beaucoup de grandes villes... Il y en a quelques-unes, mais, de façon générale, il n'y a pas beaucoup de grandes villes en Amérique du Nord dont la population n'a pas au moins augmenté un peu. Mais, si vous regardez les statistiques depuis 1960, la population de Montréal est demeurée la même.
Donc, il y a un troisième phénomène qui arrive avec l'étalement urbain, la fermeture des usines, c'est le niveau d'immigration qui augmente. Et, M. le Président, je ne le dis pas pour le condamner, je ne le dis pas, je ne parle pas de ça parce que ce n'est pas bien, je le dis parce que c'est la réalité. Vous regardez les chiffres, la démographie, ça le prouve. Je ne le dénonce pas, je le constate.
Donc, tous ces phénomènes font en sorte qu'aujourd'hui, M. le Président, Montréal a une démographie particulière, qu'en termes de démographie, que ce soit aujourd'hui, ou dans 20 ans, ou dans 30 ans, je vais... Moi, j'ai une crainte, M. le Président, je vais vous le dire très honnêtement, que Montréal, en termes de démographie, se coupe littéralement du reste du Québec. Et ça, c'est une crainte que j'ai comme Montréalais et comme Québécois, que Montréal soit tellement différente du reste qu'à un moment donné il n'y ait plus... Et Montréal est la métropole du Québec, ce n'est pas... Montréal ne vit pas seule, ce n'est pas une mégalopole, là, qui vit toute seule sur son propre continent, Montréal est la métropole du Québec. Mais, avec tous ces changements démographiques, si on projette sur 20 ans, 30 ans, 40 ans, je pense qu'il y a raison, M. le Président, de se poser la question.
Donc, devant tous ces phénomènes, en 1977, c'est la loi 101 -- je n'en parlerai pas très, très longtemps, nos collègues l'ont fait avec beaucoup de talent -- et on découvre en 2002 qu'il y a une brèche dans la loi 101, c'est la loi n° 104, encore une fois un projet de loi voté à l'unanimité en cette Chambre. Mais, M. le Président, ce qu'il ne faut pas oublier en termes... À un moment donné, quand on voit une nouvelle, cette nouvelle-là laisse des traces dans ce qu'on pourrait appeler l'imaginaire collectif, et je crois que la nouvelle qui est tombée, il y a, je crois, deux ans, pour la première fois depuis 1860, ce qui n'est quand même pas rien, M. le Président, ça fait 150 ans, ça, depuis... Au recensement de 2001, pour la première fois depuis 1860, les citoyens et citoyennes de Montréal de langue française sont minoritaires sur l'île, à 49 % ou à peu près. Ce chiffre-là, moi, M. le Président, il m'a marqué, et je sais qu'il a marqué beaucoup de personnes également.
Donc, dans le contexte qui est le nôtre, 2 % de l'Amérique du Nord, M. le Président, est-ce qu'il n'y a pas raison d'être inquiet? Est-ce qu'il n'y a pas raison, comme notre collègue de Borduas l'a fait, de faire une étude, de dire aux gens: Écoutez, il y a une situation qui est préoccupante non seulement pour l'avenir de Montréal, mais pour l'avenir du Québec et l'avenir de la langue française? Je crois que ces questions-là sont légitimes, M. le Président, et il faut se les poser.
Donc, nous, M. le Président, nous pensons, pour revenir à la loi n° 104, qu'il y a des solutions. Nous en avons proposé, le Conseil supérieur de la langue française en a proposé. Certainement qu'il y a une batterie de fonctionnaires qui travaillent sur ce dossier-là depuis plusieurs mois, certainement qu'ils ont des tableaux d'analyse, mais, M. le Président, c'est là qu'on va voir de ce gouvernement si l'intérêt public est vraiment le coeur de leur action ou l'intérêt partisan, l'intérêt d'une clientèle électorale. C'est là qu'on va voir, au dépôt de la stratégie, M. le Président, que ce gouvernement-là va vraisemblablement nous proposer cet automne. C'est là, c'est là, on va voir est-ce que c'est l'intérêt public, est-ce que c'est l'avenir du Québec qui les tient à coeur ou c'est l'intérêt partisan immédiat d'une clientèle électorale. Là, on va pouvoir deviner, M. le Président. Remarquez qu'on devine déjà pas mal, mais, au dépôt de la stratégie du gouvernement concernant la loi n° 104, nous allons pouvoir vraiment confirmer à cet égard-là.
Donc, M. le Président, je termine en disant qu'évidemment, comme tous mes collègues, je vais appuyer cette motion. Nous aurions souhaité que le gouvernement semble plus... Pour les raisons que tous mes collègues ont décrites et vont décrire et toutes les raisons que notre collègue de Borduas commente depuis longtemps, M. le Président, nous aurions aimé que ce gouvernement-là soit plus à son affaire, qu'il dise: Effectivement, c'est une brèche. Un, c'est une brèche à la loi 101. Et, comme si ce n'était pas assez, bien là c'est les riches qui ont accès à cette brèche-là en plus. En plus, M. le Président. Nous aurions souhaité ne pas avoir, je crois, à déposer cette motion, que le dossier aurait été réglé comme il aurait dû l'être. Malheureusement, ce n'est pas le cas, on est obligés de revenir avec une motion, motion que nous allons... que je vais appuyer évidemment. Mais je crois que, malheureusement -- et je termine là-dessus -- le gouvernement n'est pas inquiet, n'est pas sensible à ce qui se passe, M. le Président. Malheureusement, je suis obligé de le dire, c'est la raison pour laquelle je vais voter pour la motion qui est proposée. Merci, M. le Président.
**(16 h 30)**
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques. Nous allons maintenant entendre Mme la députée de Lotbinière.
MME SYLVIE ROY
Mme Roy: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole au nom de l'Action démocratique du Québec dans cette enceinte pour appuyer cette motion.
M. le Président, tous les députés, tous les parlementaires, toutes les assemblées ont leurs valeurs, et tous les députés ont une responsabilité importante à l'égard de leur population, mais les députés ici, en cette Chambre, ont une responsabilité différente de celles de d'autres législations, M. le Président, de d'autres provinces, parce que nous représentons un peuple francophone dans un ensemble anglophone, un peuple francophone en Amérique du Nord, M. le Président, et puis il est de notre devoir de tout faire pour préserver notre identité, puis cette identité-là, ça passe par le maintien de notre langue.
C'est dans cet esprit que la loi 101 avait eu lieu. Et sans préservation, et ça, c'est insidieux, M. le Président, on peut perdre notre langue, on peut perdre notre identité de façon... comme la marée ramène du sable toujours un petit peu plus, puis finalement, bien, on a perdu la plage. Écoutez, l'érosion du français, c'est important. L'érosion du français au Québec, c'est important et c'est un enjeu primordial pour les Québécois puis pour les députés qui sont dans cette Chambre. Donc, je pense qu'ici, là, ce pourvoi-là de la Cour suprême qui nous est arrivé, ça ne fait pas... ce n'est pas d'hier que c'est plaidé. Avant de se rendre à la Cour suprême, ça a pris des années. Je suis bien étonnée qu'on n'ait pas trouvé de solution. Il me semble qu'on va être ici unanimes à vouloir préserver le français. Comment ça qu'on n'a pas l'ébauche du début d'une ombre d'une solution à cette question-là qui est une des questions importantes? Je me désole souvent, M. le Président. Je ne suis pas vieille... pas si vieille que ça, admettons, mais, quand j'ai commencé à m'intéresser à la politique, on parlait de rapatriement de la Constitution, accord du lac Meech, il y avait des référendums, puis là bien je peux vous dire que ce qu'on parle en Chambre, c'est d'un tout autre ordre.
Ça, c'est un enjeu ici qui est noble, qui est important. J'aimerais donc qu'on arrête de parler de commission de la construction en appelant cette commission publique puis qu'on parle de ces enjeux-là, qui sont primordiaux pour nos enfants, pour le Québec puis pour l'identité du Québec.
Donc, M. le Président, je vais appuyer cette motion, ainsi que mes collègues, et je vais encourager et offrir ma collaboration pour trouver la solution législative à cet arrêt jurisprudentiel de la Cour suprême afin que l'esprit et la loi... l'esprit de la loi 101 soit respecté, soit la protection du fait français ici par l'admission des enfants dans des écoles francophones. Cela ne veut pas dire que je dénigre pour autant le fait d'être bilingue. Ça n'a rien à voir, M. le Président, on a souvent tendance à mêler les genres, mais ce n'est pas parce qu'on envoie nos enfants dans les écoles francophones qu'on dénigre le bilinguisme. Pour moi, le bilinguisme, c'est tout aussi important pour nos enfants, pour leur avenir, mais pour leur identité, pour leur personnalité, pour le Québec le français est primordial. Merci.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie. Je vous remercie, Mme la députée de Lotbinière, pour votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant Mme la députée d'Iberville pour son intervention. Mme la députée, à vous la parole.
MME MARIE BOUILLÉ
Mme Bouillé: Merci, M. le Président. Merci de me permettre d'intervenir sur cette importante motion, motion qui touche l'essence même de notre identité en tant que nation francophone.
Comment, tout d'abord, en sommes-nous arrivés à devoir débattre d'une telle motion aujourd'hui? Rappelons que, le 22 octobre 2009, la Cour suprême du Canada a invalidé des dispositions législatives visant à restreindre l'accès à l'école anglaise adoptées par le gouvernement péquiste en 2002 pour mettre fin au phénomène des écoles que nous appelons... dites passerelles. Il y avait deux dossiers qui étaient analysés. Et le plus haut tribunal du Canada a décidé de suspendre la décision pour une période de un an afin de laisser au gouvernement du Québec le temps de s'adapter à cette situation. Le juge Louis LeBel, qui a rédigé la décision, a noté que le choix politique de Québec d'obliger tous les élèves, sauf exception, à étudier en français dans la province était toutefois valide. Il a toutefois jugé contraire à la Charte canadienne des droits et libertés la règle ajoutée à loi 101 en 2002, selon laquelle le gouvernement ne tiendrait pas compte du temps passé par un élève dans une école privée non subventionnée afin de déterminer si les études en anglais correspondaient à la majeure partie de leur éducation dans cette langue.
Rappelons les événements sans toutefois retourner au début de la Nouvelle-France, comme l'a si bien fait mon collègue de Sainte-Marie--Saint-Jacques il y a quelques minutes. Rappelons quand même que c'est un long combat au Québec. Et, entre autres, le... On va repartir du 1er avril 1977. Le gouvernement péquiste d'alors a publié un livre blanc annonçant une charte de la langue française qui devait contribuer à renforcer la place du français au Québec. Par la suite, en août 1977, il y a eu le rejet de la proposition du Québec sur la réciprocité dans l'enseignement offert aux minorités linguistiques. Neuf provinces du Canada autres que le Québec ont rejeté une proposition du gouvernement du Parti québécois qui offrait l'enseignement en anglais à tout jeune Canadien originaire d'une province qui s'est engagée à donner un service semblable aux membres de sa minorité francophone.
En août, le même mois d'août 1977, le gouvernement du Parti québécois a fait adopter la loi 101 par l'Assemblée nationale. Cette loi, qu'on appelle aussi la Charte de la langue française, visait à assurer la primauté du français au Québec à la fois dans l'affichage, l'enseignement et en milieu de travail.
Par la suite, en janvier 1979, il y a eu l'adoption de mesures de francisation pour les entreprises. Donc, deux ans après l'adoption de la Charte de la langue française, le gouvernement du Parti québécois a fait adopter deux nouvelles mesures visant à renforcer la place du français en milieu de travail. Et là coup d'éclat: le 13 décembre 1979, invalidation par la Cour suprême de sept articles de la loi 101. La Cour suprême a alors déclaré inconstitutionnels sept articles de la loi 101 qu'avait fait adopter, en 1977, le gouvernement du Parti québécois. Était notamment attaquée par le plus haut tribunal du Canada la décision du gouvernement québécois de faire du français la seule langue en usage devant les tribunaux et à l'Assemblée nationale. Le 8 septembre 1982, la Cour supérieure du Québec a déclaré inconstitutionnelle la clause Québec de la loi 101 portant sur l'admissibilité aux écoles anglaises. En janvier 1985, après le jugement de la Cour supérieure du Québec invalidant les articles de la loi 101 interdisant l'affichage bilingue au Québec, le ministre des Relations internationales et du Commerce extérieur d'alors a annoncé que le gouvernement du Québec ira en appel, et, le 9 avril 1986, le président du Conseil de la langue française s'inquiétait, entre autres, du grand nombre d'accrocs à la loi 101 en matière d'affichage commercial, surtout chez les petits commerçants.
Donc, le 13 novembre 1986, la ministre libérale d'alors a présenté le projet de loi 140, qui prévoyait la fusion partielle des divers organismes créés par la loi 101 en août 1977, et le projet de loi 142, qui visait à élargir les services de santé et les services sociaux offerts aux anglophones dans leur langue. Le 22 décembre 1986, dans un jugement unanime, la Cour d'appel a déclaré inopérantes les dispositions de la loi 101 relatives au maintien de l'affichage unilingue français. Le 26 février 1987, le ministre de la Justice annonçait que le gouvernement du Québec en appellerait à la Cour suprême du jugement invalidant les dispositions de la loi 101 en matière d'affichage. La Cour suprême du Canada a ensuite déclaré, le 15 décembre 1988, inconstitutionnelles les dispositions de la Charte de la langue française interdisant l'usage d'une autre langue que le français dans l'affichage commercial. Et, toujours au mois de décembre 1988, il y a eu la décision du gouvernement québécois de recourir à la clause «nonobstant» dans l'affichage commercial. Donc, quelques jours après l'annonce du jugement de la Cour suprême désavouant l'usage exclusif du français dans l'affichage commercial, le premier ministre du Québec précisait la position que son gouvernement adopterait dans ce domaine, qui permettrait l'affichage bilingue à l'intérieur des commerces et permettrait le recours à la clause «nonobstant» pour que l'unilinguisme français soit toléré à l'extérieur.
Nous nous retrouvons donc, toujours avec l'appui unanime de l'Assemblée nationale, avec un gouvernement péquiste qui modifie, en 2002, l'article 73 de la langue française, et c'étaient des amendements amenés par la loi n° 104, qui étaient alors contestés par les parents d'élèves qui avaient choisi d'utiliser la voie des écoles passerelles, ce qui a entraîné une autre longue procédure judiciaire. Ces parents ont vu leur demande déboutée par le Tribunal administratif du Québec, la Cour supérieure avant que la Cour d'appel du Québec ne leur donne raison en 2007.
**(16 h 40)**
Déçu du jugement rendu par la Cour suprême le 22 octobre 2009, le premier ministre d'alors a alors déclaré que, et je cite, «"le gouvernement va prendre le temps qu'il lui faut pour étudier ce jugement[...]. On va travailler avec tous les parlementaires pour arriver à une solution qui est le reflet de nos valeurs québécoises. Ça inclut, au premier rang, la primauté du français."» Et je termine cette citation. L'une des solutions qui étaient envisagées était d'assujettir à la loi 101 les écoles anglophones privées non subventionnées. C'était un moyen d'éliminer le recours à ces écoles passerelles pour contourner la loi et obtenir le droit d'accéder au réseau anglophone financé par l'État. La ministre responsable de la Charte de la langue française a confirmé, dès le 22 octobre 2009, que ce scénario était à l'étude, sans toutefois préciser quels étaient les autres scénarios à l'étude.
Le 4 mars 2010, le Conseil supérieur de la langue française a rendu à la ministre un avis non sollicité sur l'accès à l'école anglaise, suite au jugement de la Cour suprême. Dans cet avis, le Conseil supérieur de la langue française recommandait d'assujettir les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française et a appelé le législateur à prendre ses responsabilités politiques dans ce dossier, une position notamment qui est également celle du Parti québécois. La ministre a alors dit prendre acte de cet avis. Et d'ailleurs, le 9 mars 2010, la ministre a déclaré que le gouvernement envisageait de recourir à la clause dérogatoire en se servant de certaines dispositions de la Charte de la langue française pour assujettir les écoles privées non subventionnées, à la charte.
Nous voilà donc aujourd'hui où l'opposition officielle présente cette importante motion via notre collègue de Borduas, qui demande donc «qu'à la suite de l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême du Canada, que l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée». Et vous pouvez être assuré, M. le Président, que je voterai en faveur de cette motion.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée, de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat sur cette motion à temps limité, je cède maintenant la parole à M. le député de Gouin.
M. NICOLAS GIRARD
M. Girard: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour d'intervenir sur la motion qui a été présentée un peu plus tôt par mon collègue le député de Borduas.
Cette motion, M. le Président, est sur un enjeu qui est un élément, disons-le, central, un élément incontournable pour la défense de nos valeurs, pour la défense et la protection de la langue française au Québec et même, et même, M. le Président, de la nation québécoise. Et j'ai d'ailleurs eu l'occasion, comme député de la circonscription de Gouin... j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs citoyens de Rosemont et de La Petite-Patrie qui m'ont interpellé sur cet enjeu, et qui, tout comme bien des Québécois de toutes les régions du Québec, ont des attentes à l'endroit du gouvernement libéral sur cette question, et qui souhaitent que le gouvernement libéral suive les recommandations du conseil qui a émis un avis sur cette question, également suive les recommandations émises par l'opposition officielle sur ce dossier.
Mais, avant d'expliquer un peu mon point de vue sur cette question, M. le Président, j'aimerais rappeler et relire la motion qu'a présentée le député de Borduas:
«Qu'à la suite de l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême du Canada, [...]l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée.» Cette motion-là, M. le Président, elle a l'appui d'une très grande majorité de Québécois. Et je pense qu'il est important, M. le Président, quand on aborde une question aussi fondamentale, aussi importante pour l'avenir de notre langue française, comme l'a si précisément décrite mon collègue le député de Borduas, il est important de se rappeler les événements qui nous ont menés à déposer une telle motion aujourd'hui à l'Assemblée nationale du Québec.
Rappelons-nous, M. le Président, que la Charte de la langue française prévoit que seuls les enfants dont un des parents a fréquenté l'école anglaise au Canada pendant son primaire peuvent aller à l'école anglaise, ce qui exclut de fait les francophones et les immigrants. Toutefois, M. le Président, on s'en rappellera, un certain nombre de parents ont contourné cette loi en envoyant leurs enfants dans des écoles anglaises privées non subventionnées par le ministère de l'Éducation pendant une brève période afin, M. le Président, de pouvoir revendiquer le droit constitutionnel à l'enseignement en anglais dans le réseau public ou privé subventionné.
M. le Président, on se rappellera qu'au départ ce phénomène était relativement marginal, mais qu'il a eu tendance à s'accroître dans les années quatre-vingt-dix et s'est accentué par la suite, comme l'ont rappelé un certain nombre de mes collègues. Rappelons-nous qu'avec l'appui unanime de l'Assemblée nationale un gouvernement du Parti québécois a modifié, en 2002, l'article 73 de la Charte de la langue française afin d'exclure ce cas de figure. Ces amendements amenés par la loi n° 104 ont été contestés par les parents de 25 élèves qui avaient choisi d'utiliser la voie des écoles passerelles, ce qui a entraîné, M. le Président, rappelons-nous, une longue procédure judiciaire. Il faut se rappeler que la loi n° 104, bien elle comportait deux objectifs principaux: d'une part, elle visait à régler le problème des écoles passerelles et de l'élargissement des catégories ayants droit qui entraîneraient des inscriptions d'élèves dans ces institutions; d'autre part, et de façon plus générale, elle cherchait aussi à protéger la langue française au Québec et à favoriser son épanouissement.
M. le Président, c'est important de se rappeler que, bien que la législature québécoise doive exécuter ses obligations constitutionnelles relatives au droit à l'instruction dans la langue de la minorité sur son territoire, la règle fondamentale relative à la langue d'enseignement au Québec demeure.
Alors, M. le Président, je pense que, et j'ai eu l'occasion de le dire à quelques reprises, ce n'est pas la première fois que la Cour suprême invalide des articles de la Charte de la langue française. Ça a été le cas. Et c'est ce qui nous amène aujourd'hui à déposer cette motion. Et nous croyons, comme je l'ai indiqué au plus tôt... un peu plus tôt, que le gouvernement doit agir dès maintenant en déposant un projet... en redéposant un projet de loi. Et nous croyons qu'il doit recourir à la clause «nonobstant» sur cette question. Nous croyons que c'est une solution qui va régler définitivement le problème sur cette question, qui est fondamentale pour l'avenir du peuple québécois, pour l'avenir de la langue française, pour l'avenir de la nation québécoise.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Gouin, de votre intervention. Nous en sommes rendus à la réplique du porteur de cette motion, M. le député de Borduas, à vous, pour votre droit de réplique de 10 minutes, maximum. À vous.
M. Pierre Curzi (réplique)
M. Curzi: Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris mon collègue le député de Verdun, le gouvernement va appuyer cette motion. On ne peut que s'en réjouir. Maintenant, évidemment, on attend le dépôt d'un projet de loi. Si on s'en fie à l'esprit de l'avis du Conseil supérieur de la langue française, l'autre solution serait celle que nous recommandons depuis le début, c'est-à-dire l'application de la loi 101, l'article 73, ce qui aurait pour effet de clore cette question.
Mais on peut parler de cette question-là, puis j'aimerais vous parler, M. le Président, un petit peu des chiffres. Lorsqu'en 2002 la loi n° 104 a été adoptée, il y avait 1 379 élèves qui utilisaient des écoles passerelles, et ce qu'on nous dit, c'est qu'entre 1998 et 2002, donc avant que l'Assemblée nationale unanimement décide d'adopter la loi n° 104, il y avait au-delà de 4 000 élèves qui avaient utilisé des écoles passerelles pour se prévaloir donc du droit de fréquenter le système d'écoles publiques de langue anglaise. Il faut se souvenir que, dans tous ces cas-là, il s'agit non seulement d'un droit qui prévaut pour la personne qui en quelque sorte s'achète ce droit, mais elle prévaut également pour ses frères, ses soeurs et pour toute la descendance. Ce n'est pas banal.
**(16 h 50)**
Et, quand on regarde ce chiffre de 1 379, on peut se demander: Mais enfin pourquoi tout le monde s'est-il tant préoccupé de ce qui apparaît comme un petit nombre? Mais par ailleurs M. Robert... M. Maheu, qui est un démagogue... un démagogue, excusez mon erreur, c'est un lapsus, un démographe qui a été longuement et... qui a été à l'emploi de... Non, M. Robert Maheu, je tiens à le spécifier, c'est vraiment un démographe de renom qui a travaillé au ministre de l'Éducation, qui était un spécialiste donc de la démographie et de son application dans le système de l'éducation. C'est donc quelqu'un dont la compétence est sans faille, et je m'excuse de cette... d'avoir glissé cette contraction involontaire.
M. Maheu a calculé, lui, et avec beaucoup de rigueur et avec beaucoup de conservatisme, ce que ça signifiait que 1 379 élèves. Parce que la réalité, c'est que, quand 1 379 élèves utilisent les écoles passerelles pour avoir accès au système d'enseignement public en langue anglaise, ce sont ceux qui transitent pendant une certaine période de temps. Si on imagine que ces élèves-là vont faire en moyenne, disons, le primaire et le secondaire donc dans la langue anglaise, c'est-à-dire en principe six plus cinq, donc ils vont faire 11 ans. Mais soyons conservateurs, et son chiffre était conservateur. Il calculait que, si ces élèves faisaient huit années d'études dans le système, là on parlait d'une cohorte de 11 000 personnes. Vous voyez qu'on commence à parler de d'autres chiffres que 1 379. 11 000, comme cohorte, et là c'est sans compter évidemment les frères, les soeurs et les descendants, on est dans ces chiffres-là. Et ces chiffres-là, comparativement à l'ensemble des chiffres au niveau de l'éducation, ce sont des chiffres modestes, mais ils jouent.
Je voudrais vous parler de d'autres chiffres. Tantôt, mon collègue de Sainte-Marie--Saint-Jacques parlait de l'anglicisation de Montréal. Ce qu'on a découvert dans le dernier recensement de Statistique Canada, c'est que, dans ce qu'on appelle le dernier lustre, les dernières cinq années de recensement, c'est que, sur l'île de Montréal, la population était devenue... de langue maternelle française était tombée sous la barre des 50 %. Et, quand on regarde la composition, le visage de l'île de Montréal, on se rend compte qu'il y a trois groupes qu'on distingue par langue maternelle. La langue maternelle, c'est la première langue que l'on apprend à la maison, c'est la langue qu'on risque de parler à la maison tout le temps, vous le savez. Donc, il y a trois groupes sur l'île de Montréal. Il y a le groupe des gens de langue maternelle anglaise, qui sont grosso modo 300 000. Il y a ceux qui sont de langue maternelle autre, de multiples langues maternelles, qu'on appelle les allophones, et c'est... ça distingue ceux dont la langue maternelle est autre. Ils sont environ 600 000. Et il y a environ 900 000 francophones de langue maternelle française. Donc, il y a un rapport qui sur l'île, normalement, devrait être de... Ce n'est pas trois pour un, dans les faits c'est 2,83 francophones de langue maternelle française pour un de langue maternelle anglaise. Donc, on a un rapport de trois pour un, grosso modo.
Mais, quand on regarde la langue d'usage public... Et ça, la langue d'usage public, il faut se comprendre, quand on utilise ce terme-là, on veut dire: La langue qui est parlée dans la vie de tous les jours, la langue qu'on utilise dans les commerces, qu'on utilise avec ses voisins, qu'on utilise avec ses amis, la langue des réseaux, la langue qu'on utilise aussi... pas toujours mais aussi, au travail. Et cette langue d'usage public là, quand on regarde le vrai portrait de Montréal... Et ça ne veut pas dire que les gens sont unilingues, hein, on se comprend bien, puisqu'il y en a dont la langue maternelle est le français et qui parlent l'anglais, il y en a dont la langue maternelle est allophone, est autre et qui parlent soit le français soit l'anglais et il y en a dont la langue maternelle est l'anglais qui parlent aussi le français. Donc, on est dans... Quand on regarde ces chiffres-là, on se rend compte que le rapport, cette fois-là, il est de deux pour un, c'est-à-dire qu'il y a deux personnes dont la langue d'usage public est le français pour une personne dont la langue d'usage public est l'anglais.
Et c'est cette disproportion entre la langue maternelle et la langue d'usage qui est le premier indicateur qu'il y a, sur l'île de Montréal, une réalité qui est en train de bouger.
Si on va plus loin et si on regarde, juste au niveau des chiffres, ce qui s'est passé entre 2001 et 2006, on va constater, et c'est les deux derniers chiffres que je vais utiliser, qu'il y a eu ce qu'on appelle transfert linguistique, c'est-à-dire abandon de sa langue maternelle pour adopter une langue d'usage public. Et ça, c'est un phénomène qui appartient à la fois aux francophones... On constate qu'il y a eu 20 000 francophones qui, en 2006, avaient en quelque sorte migré vers la langue d'usage anglaise et qu'il y avait 118 000 allophones, gens qui avaient migré vers la langue d'usage public, alors que, du côté francophone, il y en avait 81 000 de moins. 138 000 moins 81 000, environ 57 000, et c'est cette disproportion en chiffres objectifs.
Comment expliquer que, dans une ville où il y a trois fois plus de gens de langue maternelle française qu'anglaise, deux fois plus de gens de langue d'usage public française qu'anglaise, comment expliquer qu'il y ait un tel phénomène d'attirance vers une langue et une culture et que ça se retrouve dans des chiffres clairs? Quand on regarde cette réalité-là, on commence à s'interroger sur les raisons qui nous ont menées à cet état de fait. Et ça, ce sont des chiffres que tout le monde peut vérifier, qui ont... qui sont établis par Statistique Canada et qui sont incontestés et incontestables. À force de réfléchir sur ces chiffres-là, on a découvert que la réalité donnait à l'anglais, sur l'île de Montréal, un avantage et un attrait considérables et on a créé un indice qui la rend cinq fois plus attirante que le français. Il y a donc là, sur l'île, une question de statut de la langue, et sur l'île de Montréal le statut de la langue française commence à être en déséquilibre... est dans un déséquilibre profond, par rapport au statut de la langue anglaise, comme celle qui peut attirer le plus de gens.
C'est ce déséquilibre-là qui nous alerte, parce que ce qui se passe sur l'île de Montréal et dans la grande couronne, dans la région métropolitaine de recensement, aura inévitablement un effet sur le reste du Québec. Et c'est quand on additionne ces phénomènes-là, qui sont des phénomènes très bien décrits et très justement décrits par les démographes, et par les mathématiciens, et par des gens qui ont été et qui sont encore à l'emploi du ministère, de l'Office québécois de la langue française, qui travaillent pour le Conseil supérieur de la langue... c'est quand on examine et qu'on étudie avec soin cette réalité qu'on se dit: Oh, il faut agir et il faut agir de multiples façons: sur la langue de l'administration, c'est-à-dire la langue du gouvernement avec les citoyens, sur la langue de travail, parce qu'il y a de plus en plus un glissement de l'esprit de la Charte de la langue française pour tout ce qui touche la langue de travail. Et c'est vrai dans les grandes, dans les moyennes et dans les petites entreprises.
Et, quand on regarde tous ces phénomènes-là, on se rend compte de l'absolue nécessité d'adopter, face aux écoles passerelles, une législation qui soit hermétique. Et, dans ce cas-ci, heureusement, il y a l'outil privilégié de la Charte de la langue française, qui nous permet, en soumettant les gens qui fréquentent les écoles privées non subventionnées à l'article 73, à la fois de respecter la Charte canadienne des droits, l'article 23 et en même temps de nous assurer qu'on vient de colmater, d'une façon efficace, cette brèche dans l'esprit même de la loi 101 et dans l'esprit même de la Charte de la langue française. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Borduas. Je vais maintenant mettre aux voix la motion de M. le député de Borduas, qui se lit comme suit:
«Qu'à la suite de l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême du Canada, [...]l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privé non subventionnée.»
Est-ce que cette motion est adoptée?
M. Gautrin: ...nominal, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, le vote par appel nominal étant demandé, que l'on appelle les députés. Les travaux sont suspendus pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 59)
(Reprise à 17 h 9)
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, chers collègues.
Mise aux voix
Comme je l'ai indiqué tantôt, nous allons maintenant mettre aux voix la motion suivante:
«Qu'à la suite de l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême du Canada, [...]l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée.»
Alors, nous sommes prêts à procéder au vote. Que ceux qui sont d'accord avec cette motion veuillent bien se lever.
**(17 h 10)**
(…)
Le Vice-Président (M. Gendron): Y a-t-il des députés contre cette motion? Il n'y en a pas.
Est-ce qu'il y a des abstentions? Il n'y en a pas. Alors, M. le secrétaire général.
Le Secrétaire: Pour: 97
Contre: 0
Abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, cette motion est adoptée à l'unanimité. Et, pour la poursuite de nos travaux, je cède maintenant la parole à M. le leader adjoint du gouvernement. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gautrin: ...Président...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): On va attendre un petit peu, là. S'il vous plaît, on quitte dans le silence, parce qu'on n'a pas fini.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît, là, on va suspendre les travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 13)
(Reprise à 17 h 18)
(…)
Ajournement
M. Gautrin: ...ajourner nos travaux à jeudi le 20 mai, à 9 h 45.
Le Vice-Président (M. Gendron): Nos travaux sont... Est-ce que cette motion est adoptée? Adoptée. Ainsi, nos travaux sont ajournés à demain, jeudi, 9 h 45.
(Fin de la séance à 17 h 31)
39e législature, 1re session
(début : 13 janvier 2009)
Le mercredi 19 mai 2010
http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/39-1/journal-debats/20100519/17555.html
- Vol. 41 N° 119
(…)
(Neuf heures quarante-cinq minutes)
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Mmes et MM. les députés, bonjour. Veuillez vous asseoir.
AFFAIRES COURANTES
DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
Nous sommes aux affaires courantes, à la rubrique des déclarations de députés. Je cède la parole à M. le député de Laurier-Dorion.
SOULIGNER LA JOURNÉE MONDIALE CONTRE L'HÉPATITE
(…)
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie. Je vous remercie, (…). Je cède maintenant la parole à M. le député de Jean-Lesage, M. André Drolet
SOULIGNER LE 25E ANNIVERSAIRE DU GROUPE « LA MOISSON D'OR » , CLUB DE L'ÂGE D'OR DE LA CIRCONSCRIPTION DE JEAN-LESAGE
(…)
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie (…) Alors, ceci met fin à la rubrique des déclarations des députés. Je suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 9 h 56)
(Reprise à 10 h 11)
Le Président: Alors, bonne journée, chers collègues.
DIRECTIVE DE LA PRÉSIDENCE CONCERNANT LE MAINTIEN DU DÉCORUM DE L'ASSEMBLÉE
Alors, avant de passer à la minute de recueillement, je demanderais aux députés qui portent actuellement un foulard blanc de bien vouloir s'en départir.
En septembre 2009, je faisais part à tous mes collègues de cette Assemblée de certaines directives concernant le décorum, et j'indiquais que, si le port d'un macaron et d'une épinglette est permis, les députés doivent éviter de porter tout vêtement ou accessoire au soutien d'une cause qui pourrait porter atteinte au décorum de l'Assemblée ou nuire à l'expression d'autrui.
Alors, je vous demanderais votre collaboration pour que ce signe que vous portez puisse être éliminé pour que nous puissions par la suite passer à la minute de recueillement.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: ...
Le Président: M. le leader du gouvernement... de l'opposition? Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition.
M. Bédard: M. le Président, j'aimerais simplement... On va faire notre minute de recueillement. Je pense que c'est la première chose qu'on doit faire. Et, après ça, nous ferons...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: Ah non, à l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, tous mes prédécesseurs, dans le passé, ont exigé ce genre de... C'est des exigences que pose notre décorum à cette Assemblée. C'est moi qui préside cette Assemblée. Je vous dis qu'avant qu'on débute les travaux... Nous sommes réunis maintenant, la présidence préside, je vous demande de retirer le foulard que vous portez. Nous pourrons procéder par la suite immédiatement à la minute de recueillement.
Une voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle, c'est une décision de la présidence. S'il vous plaît, là!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Alors, c'est une décision de la présidence, je vous demande d'obtempérer.
Une voix: ...
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.
M. Bédard: ...vous faites référence, à laquelle vous faites référence...
Des voix: ...
M. Bédard: Bon, je crois qu'il y a d'autres collègues qui veulent parler là-dessus. Ça va me faire plaisir de les entendre. Vous faisiez...
Des voix: ...
M. Bédard: Pourquoi? Il y a un député qui demande pourquoi j'ai le micro. Il est étonné...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! J'ai accordé la parole au leader de l'opposition, il l'a. Allez-y, M. le leader de l'opposition, rapidement.
M. Bédard: Merci, M. le Président. Alors, la décision à laquelle vous faites référence, M. le Président, il y a une décision de même nature en 1990, de Jean-Pierre Saintonge, qui fait référence justement au port d'un écusson ou d'une marque distinctive. Et effectivement ce symbole ne peut... être porté que si le message qui est véhiculé est contraire à notre règlement. Et c'est ce qui est le coeur et l'esprit de la décision rendue en 1990, comme celle que vous me faites mention aujourd'hui.
Ce que je comprends, moi, du port, que nous avons aujourd'hui, du foulard, il n'indique strictement que notre appui à une commission d'enquête publique.
À la lecture de la décision, M. le Président, je ne vois rien, je ne vois rien, dans ce qu'on porte aujourd'hui, qui va à l'encontre du règlement. Pourquoi? Parce que ce signe n'est pas une insulte à l'Assemblée. Au contraire, c'est plutôt une façon, de notre formation politique et des autres qui sont ici représentées, de démontrer notre attachement aux valeurs démocratiques.
Alors, M. le Président, je vous inviterais, comme vous le faites pour les écussons, comme vous le faites pour les petites fleurs que nous avons, des fois, vous le savez, à quel point, des fois, assez... assez visibles, de faire en sorte que nous puissions...
Des voix: ...
M. Bédard: Voilà. Avec un signe...
Des voix: ...
M. Bédard: ...avec un signe très distinctif, de ne pas...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! On doit aller rapidement.
M. Bédard: Non, mais je vais terminer sur une chose...
Le Président: Terminez rapidement.
M. Bédard: Je vais terminer, je vais terminer parce que c'est important. Et pourquoi c'est important, M. le Président? C'est que, comme le mentionne M. Saintonge...
Des voix: ...
Le Président: On peut s'asseoir, oui, le temps qu'on écoute M. le leader de l'opposition.
M. Bédard: Je suis content, la ministre de l'Immigration m'entend, elle m'écoute.
Des voix: ...
Le Président: Oui, j'y arrive, j'y arrive. C'est terminé? M. le leader de l'opposition officielle, c'est terminé?
M. Bédard: ...parce que, comme le mentionne M. Saintonge... le président Saintonge, «le fait, pour un député, de pouvoir afficher son appui à une cause ou à un mouvement humanitaire...»
Des voix: ...
Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, j'ai une question de règlement sur la vôtre.
M. Bédard: Je vais terminer. Je vais terminer.
Le Président: J'ai une question de règlement sur la vôtre.
Des voix: ...
Le Président: Je termine et j'y reviens. Très rapidement, M. le leader de... Rapidement, M. le leader de l'opposition. Rapidement.
M. Bédard: Alors, je lis: «Le fait, pour un député, de pouvoir afficher son appui à une cause ou à un mouvement humanitaire, social ou politique est un attribut important de la liberté d'expression.» Et là je vous cite Jean-Pierre Saintonge, député libéral, président de...
Des voix: ...
M. Bédard: Mais, M. le Président...
Le Président: Président de l'Assemblée nationale.
M. Bédard: Vous êtes peut-être pressé, mais, nous autres, on n'est pas pressés. Ce que je vous dis: C'est notre liberté d'expression qui est en cause. Nous croyons que ce signe est quand même...
Des voix: ...
M. Bédard: On aurait pu porter un macaron, on a préféré porter quelque chose justement qui ne dérange pas le décorum. Et le message qui est véhiculé n'est pas à l'encontre de nos institutions, M. le Président, je tiens à vous en aviser, et ça va prendre une décision écrite pour m'indiquer le contraire.
Le Président: Alors, merci, M. le leader de l'opposition officielle. Sur la même question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: Un certain nombre de choses à dire. D'abord, M. le Président, j'ai fait vérifier et j'ai compris, moi... et j'ai compris, moi, que le décorum...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît, évitez les interpellations, la parole est au leader du gouvernement. S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, je veux vous entendre.
M. Dupuis: D'abord une première question, M. le Président. J'ai fait vérifier, et je comprends que c'est vous qui êtes responsable du décorum à l'Assemblée nationale, d'une part, lorsque vous êtes debout, j'ai compris que la caméra est sur vous. Or, pendant tout le temps où le leader de l'opposition officielle faisait son argumentation, la caméra était sur le leader de l'opposition officielle, malgré le fait que vous ayez été debout. Je pense que ça, M. le Président, non seulement c'est une règle, mais c'est une procédure, à l'Assemblée nationale, pour des raisons qui sont évidentes: quand vous êtes debout, la caméra vous donne le micro et vous donne... et vous donne l'image. Et je pense, M. le Président, que ça devrait être... ça devrait continuer comme ça. Et je vous demande de rendre une décision précise là-dessus.
Deuxièmement, il s'est malheureusement développé, à l'Assemblée nationale, depuis un certain nombre de semaines, M. le Président, deux... deux attitudes, de la part de l'opposition officielle, que je souhaite dénoncer, M. le Président, et que je vous demande de prendre en considération.
Premièrement, quand vous rendez des décisions... et vous en avez rendu une ce matin, dès l'ouverture de nos débats, lorsque vous avez dit, avant la minute de recueillement: Je demande à l'opposition officielle de retirer ce qu'ils arboraient en début de période de questions. Et le leader de l'opposition officielle a contesté votre décision. C'est une décision que vous avez rendue. Malheureusement, M. le Président, leur attitude, c'est de contester vos décisions de façon systématique. On abrie ça sous des questions de règlement, on abrie ça sous des questions de directive. Mais, M. le Président, vous ne pouvez continuer à permettre ce genre d'attitude de la part de l'opposition officielle.
Deuxièmement, il s'est également développé une attitude, M. le Président, de la part du leader de l'opposition officielle, qui, une fois qu'il a terminé son argument, au moment où il s'assoit, vous fait une menace à chaque fois. Il vous menace, M. le Président, à chaque fois...
Des voix: ...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Je vous demande de...
Une voix: ...
Le Président: Un instant! On va se calmer un peu.
Une voix: ...
Le Président: Quelle est votre question de privilège?
M. Bédard: ...a employé le terme «menace». S'il y a une chose qu'on ne fait pas en cette Assemblée mais qu'on peut être victime...
Des voix: ...
M. Bédard: ...c'est bien ça. J'inviterais le député à retirer ses propos et je vous dis, pour la suite: Je vais retirer mon foulard. Je vous invite à rendre une décision. Et nous allons, de consentement, parce qu'on a droit à une période des questions, retirer le foulard, et je...
Le Président: Sur votre question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: ...de façon systématique, M. le Président, vous l'avez entendu, nous l'avons entendu, c'est évident, à chaque fois, de l'intimidation qui est faite auprès de la présidence. Je vais vous demander...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Vous êtes sur une question de règlement? M. le leader de l'opposition, vous êtes sur une question de règlement?
**(10 h 20)**
M. Bédard: ...M. le Président, je fais mes questions de règlement dans le respect du règlement. Le leader... bien, il y en a qui ne sont pas capables de comprendre ça, je l'invite à le faire. Je n'implique pas de motif indigne, comme le fait mon collègue. Je pense que jouer à la victime au moment où on se déroule actuellement est le pire des scénarios. Notre règlement, il est clair, je vous ai dit qu'on allait retirer, mais je n'accepterai pas de me faire dire que j'intimide quelqu'un, surtout...
Le Président: C'est bien. M. le leader du gouvernement, en terminant rapidement la...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Rapidement. Je suis prêt à passer à une autre étape.
M. Dupuis: Non, je comprends, M. le Président, que vous êtes... Je comprends ça. Moi aussi, je veux passer à la prochaine étape. La prochaine étape, c'est la question... c'est la période des questions, puis la prochaine étape, c'est les affaires courantes, M. le Président. Moi aussi, je veux faire ça. Mais vous l'avez laissé argumenter; je vais argumenter, moi aussi.
Vous êtes responsable, M. le Président, en vertu de l'article 2 du règlement, vous êtes responsable de l'ordre et du maintien de l'ordre et vous pouvez exercer tous les pouvoirs à cette fin, et je vous demande de les exercer et de ne plus tolérer, M. le Président, de ne plus tolérer des atteintes à votre autorité.
Le Président: Alors, je veux simplement vous indiquer que le droit de parole en cette Assemblée sera toujours protégé par celui qui vous parle. Par ailleurs, je constate que la directive que j'ai rendue vient de s'appliquer, c'est-à-dire que les foulards ont été retirés. Je vous demande de vous lever pour une minute de recueillement.
Des voix: ...
Le Président: Alors, collègues, je vous invite à une minute de recueillement.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Alors, avant d'aller aux... avant d'aller aux affaires courantes, je veux signaler la... M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.
M. Dupuis: M. le Président, je vais vous demander, je vais vous demander, toujours en vertu de l'article 2... Le député de Nicolet, M. le Président, doit absolument respecter votre décision.
Le Président: ...M. le député de Nicolet, je vous prie d'enlever ce qui est sur votre microphone. Très bien.
Alors, avant de passer aux affaires courantes...
Des voix: ...
(…)
DÉPÔT DE PÉTITIONS
Et toujours... aux pétitions cependant, dépôt de pétitions, M. le député de Matane.
ABOLIR LE POSTE DE LIEUTENANT-GOUVERNEUR
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 38 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens de la circonscription de Matane.
«Les faits invoqués sont les suivants:
«Considérant que la fonction de lieutenant-gouverneur symbolise un pouvoir colonial archaïque et désuet;
«Considérant qu'il en coûte plus de 1 million de dollars par année aux Québécois et Québécoises pour financer cette fonction;
«Considérant que cet argent pourrait être investi ailleurs dans les missions essentielles à l'État québécois;
«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale de prendre les dispositions requises pour que soit aboli le poste de lieutenant-gouverneur.»
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.
Le Président: Cet extrait de pétition est déposé. Et toujours à l'item Pétitions, M. le député de Matane.
TENIR UNE ENQUÊTE PUBLIQUE SUR L'INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 162 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du Québec.
«Les faits invoqués sont les suivants:
«Considérant que de sérieuses allégations concernant l'ensemble de l'industrie de la construction ont été soulevées au cours des derniers mois;
«Considérant de sérieuses allégations dans le processus d'octroi des contrats publics au Québec;
«Considérant les limites des enquêtes policières;
«Considérant que seule une commission d'enquête peut faire toute la lumière sur cette situation et recommander les correctifs nécessaires;
«Considérant que le gouvernement s'entête à refuser de déclencher une enquête publique;
«Considérant que ce refus contribue à miner la confiance des citoyens envers les institutions;
«Considérant que cette situation exceptionnelle nécessite des mesures exceptionnelles;
«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«C'est pourquoi les soussignés, citoyens et citoyennes du Québec, demandent à l'Assemblée nationale d'exiger du gouvernement du Québec la tenue d'une commission d'enquête publique et indépendante sur l'industrie de la construction.»
Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.
Le Président: Alors, cette pétition, telle que libellée, était non conforme. Est-ce qu'il y avait consentement pour qu'elle soit déposée? Il y avait consentement. Très bien. Alors, cette pétition... cet extrait est donc déposé.
Toujours aux pétitions, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. M. le Président, je demande le consentement de cette Assemblée pour déposer l'extrait d'une pétition non conforme.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement.
(…)
Questions et réponses orales
Et nous en sommes donc maintenant à la période de questions et de réponses orales des députés. Et je cède la parole à Mme la chef de l'opposition officielle.
TENUE D'UNE ENQUÊTE PUBLIQUE SUR L'INDUSTRIE DE LA CONSTRUCTION
MME PAULINE MAROIS
Mme Marois: Merci, M. le Président. Depuis des mois, le Québec vit une crise de confiance sans précédent à l'égard de son gouvernement. Jour après jour, l'Action démocratique, Québec solidaire, les députés indépendants, le Parti québécois réclament une commission d'enquête publique et indépendante. Les procureurs de la couronne, les policiers, les architectes, les ingénieurs réclament une enquête. Les Québécois demandent à leur premier ministre la création d'une commission d'enquête. Le premier ministre refuse, de peur que le Parti libéral ne soit éclaboussé. Il faut avoir bien peur des révélations pour penser qu'une commission d'enquête ferait plus de tort au Parti libéral que le tort que lui cause le refus de déclencher cette enquête.
Encore ce matin, nouvelle révélation, le vérificateur de la ville de Montréal se questionne sur la répartition des contrats sur le territoire de la ville, exactement le phénomène que dénonçait le fonctionnaire du ministère des Transports à l'émission Enquête, il y a maintenant sept mois, le 15 octobre 2009.
Le Québec est actuellement paralysé par les allégations de collusion et de corruption. Le Parti libéral protège un système par son refus obstiné de tenir une enquête. Le premier ministre ne peut plus se défiler. Il doit assumer ses responsabilités, ce pour quoi les Québécois le paient, pas ce pour quoi le Parti libéral le paie.
Est-ce que le premier ministre choisit la population québécoise, qui veut une enquête, ou le Parti libéral, qui n'en veut pas?
**(10 h 30)**
Le Président: Simplement rappeler à Mme la chef de l'opposition de faire attention à la teneur des propos qui sont tenus. Quand on parle de «système» ou autre, alors il ne faut pas imputer de motifs à qui que ce soit, ni à un groupe parlementaire ni à un député. M. le leader du gouvernement et ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: À quoi pense-t-elle, la chef de l'opposition, M. le Président, lorsqu'en fin de semaine elle dit qu'elle veut renverser un gouvernement démocratiquement élu par la population du Québec? Pense-t-elle à son intérêt ou pense-t-elle à l'intérêt public?
La réponse à sa question, elle est claire. L'objectif du gouvernement n'est que l'intérêt public. L'objectif du gouvernement, M. le Président, c'est de, oui, faire cesser des comportements qui seraient illégaux. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous avons accompli les gestes, les gestes, dès qu'il y a eu des allégations de corruption ou de collusion, nous avons accompli des gestes. Je les répète, M. le Président: six ministres qui ont resserré les règles d'attribution des contrats; un budget pour permettre que 40 policiers, que 40 policiers fassent des enquêtes complètes, M. le Président, pour, s'il y a des preuves, amener des individus devant les tribunaux. D'ailleurs, ces enquêtes ont déjà donné quelque chose.
Ce que je lis dans les journaux, ce matin, au sujet de l'attribution des contrats dans certains arrondissements à Montréal, ça fait partie du mandat que l'opération Marteau a, M. le Président: toute allégation de collusion, de corruption. Pourquoi on fait ça de cette façon-là, M. le Président?
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: Parce que non seulement faut-il faire la lumière sur ces agissements illégaux...
Le Président: En complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.
MME PAULINE MAROIS
Mme Marois: Merci, M. le Président. Même les policiers indiquent que ce n'est pas suffisant, ce qui se fait actuellement. Je dois comprendre cependant que le premier ministre a décidé de ne pas répondre à la population du Québec de peur que des faits soient exposés au grand jour, et je comprends donc que le premier ministre ne veut pas connaître la vérité et la dire, surtout, aux Québécoises et aux Québécois.
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: Je ne peux pas accepter ça, M. le Président. Voyons donc! C'est une injure à l'intelligence, ce que la chef de l'opposition vient de dire. D'abord, elle le sait très bien, M. le Président, le gouvernement ne parle que par une seule voix. Ces décisions qui ont été prises de confier à des ministres le soin de resserrer les règles d'attribution des contrats, cette décision-là qui a été prise d'octroyer à la Sûreté du Québec des ressources financières qui permettraient que 40 policiers fassent des enquêtes complètes, M. le Président, et traduisent, s'il y a lieu, des individus devant les tribunaux, c'est une décision gouvernementale, M. le Président, d'une part.
D'autre part, pourquoi, M. le Président...
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: ...agir de cette façon-là? Parce que, M. le Président... pour empêcher des gens d'avoir la tentation d'accomplir ce genre de gestes là pour...
Le Président: En deuxième complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.
MME PAULINE MAROIS
Mme Marois: M. le Président, j'invite le premier ministre à se ressaisir, à écouter la population québécoise, à écouter ses policiers, à écouter les procureurs, à écouter les ordres professionnels. Plus de 180 municipalités ont signé et adopté des résolutions demandant cette commission d'enquête publique. Même les policiers ont dit que l'enquête actuelle servait de parapluie pour le gouvernement.
M. le Président, je veux que le premier ministre réponde à la population du Québec. C'est ça, ma question: Pourquoi pas une...
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: M. le Président, il y a une question de logique qui est fort simple, là-dedans. Peu importe la voie suivie, là, il faut des preuves, il faut des faits puis il faut aller chercher de l'information quand il s'agit d'agir sur ces questions-là. C'est simple, là, ce n'est pas compliqué, c'est ça.
Alors, quand le gouvernement lance une opération comme l'opération Marteau, l'objectif, c'est de faire exactement ça. Quand on fait la loi n° 73 puis on resserre l'attribution des contrats au niveau municipal, c'est justement pour s'assurer que les règles soient suivies. Quand on fait la même chose avec la loi n° 76, M. le Président, c'est la même chose. On a voté des lois, on a resserré les règles d'attribution des contrats puis on a posé des gestes très concrets, parce qu'en bout de ligne, M. le Président, pour les gens qui nous écoutent, là, ce n'est pas sorcier, cette affaire-là, ce n'est pas compliqué, là: ça prend des faits, ça prend du monde qui vont chercher cette information-là pour qu'on puisse agir là où on doit agir. C'est ça, le sens de l'action...
Le Président: En troisième complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.
MME PAULINE MAROIS
Mme Marois: Merci, M. le Président. La défense du premier ministre ne tient pas. Quand on entend des procureurs, des policiers nous dire qu'effectivement le gouvernement se sert de toutes les opérations qu'il a mises en place comme d'un parapluie pour éviter... pour se protéger lui-même, pas pour protéger l'intérêt des Québécois et des Québécoises, pas pour défendre leur intérêt, pour se protéger eux-mêmes...
Je demande au premier ministre de répondre à la population québécoise, parce que c'est de la population québécoise dont je me fais...
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: Elle avait de la misère, en fin de semaine, à être la porte-parole de son propre parti, M. le Président, là. Il ne faut pas exagérer, quand même, là. Je veux dire, on ne va pas se faire charrier, là. C'est assez, là. M. le Président, ce qu'elle a dit dans sa question est une insulte, M. le Président, aux 40 policiers qui travaillent soir... qui travaillent à tous les jours, M. le Président, pour... qui travaillent à tous les jours sur les allégations qui sont faites de corruption, de collusion, M. le Président... qui a déjà donné des résultats. Ces gens-là sont commis, ils ont un mandat clair de la part du gouvernement. On ne tolère pas, M. le Président, nous ne tolérons pas les agissements illégaux, les agissements...
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: ...qui contournent les règles, et c'est pour ça, M. le Président, que nous avons pris ces mesures avec les ministres...
Le Président: En question principale, M. le député de Chambly.
ENQUÊTE SUR L'ATTRIBUTION DE CONTRATS À LA VILLE DE MONTRÉAL
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, hier, le vérificateur général de la ville de Montréal a mis au jour ce qui a toutes les apparences d'un système organisé de collusion dans l'attribution des contrats de construction. En fait, on a la nette impression que les compagnies se divisent le territoire en fonction des arrondissements. Par exemple, et là ce sont des faits, M. le Président, ce n'est pas des allégations, dans l'arrondissement de Verdun, une entreprise, Catcan, propriété de la famille Catania qui a contribué à plus de 120 000 $ à la caisse électorale du Parti libéral au cours des dernières années, Catcan a obtenu 100 % des contrats, 26 contrats sur 26, 100 % des contrats de l'arrondissement de Verdun. Dans Anjou, M. le Président, Constructions Louisbourg a obtenu 100 % des contrats, cinq contrats sur cinq. Ça, c'est la compagnie, M. le Président, de Tony Accurso.
M. le Président, je ne sais plus, nous ne savons plus sur quel ton le demander: Est-ce que le premier ministre va cesser de rire des Québécois et enfin déclencher cette commission d'enquête qui, elle seule, fera la lumière sur tout?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: M. le Président, lorsqu'il y a eu des allégations de la nature de celles dont parle le député de Chambly -- ce n'est pas ce matin, là, la première fois qu'il y a des allégations de cette nature-là, il y a eu des allégations de cette nature-là il y a plusieurs semaines -- j'ai spécifiquement demandé à la Sûreté du Québec d'enquêter ces allégations, M. le Président. C'est bien évident, M. le Président, qu'on ne peut pas accepter qu'il y ait un... qu'il y ait des gens qui s'entendent entre eux pour contourner les règles qui sont des règles à la fois légales et qui sont des règles à la fois morales, M. le Président.
Alors, c'est évident, M. le Président, que ce dont... ce à quoi fait allusion le député de Chambly, c'est un mandat que la Sûreté du Québec a, c'est un mandat général, M. le Président, d'enquêter sur toute allégation de... toute allégation de collusion ou de corruption. La collusion, c'est ce dont il parle ce matin. Ce n'est pas acceptable, M. le Président. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a mis des moyens pour empêcher que ça se passe, pour punir les gens qui seraient coupables de le faire et pour empêcher que des gens qui seraient tentés de le faire à l'avenir soient empêchés de le faire. M. le Président, c'est...
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: M. le Président, dans une société démocratique, il faut croire aux institutions, il faut croire à l'institution judiciaire, il faut croire...
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chambly.
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, l'éditorialiste François Cardinal écrit ce matin dans La Presse: «Le rapport du vérificateur général de Montréal contient 400 pages, mais un seul message: les fonds publics sont gérés comme un vaste buffet à volonté, dans lequel l'entreprise privée pige en toute impunité.» M. le Président, c'est ça, la réalité.
Pendant combien de temps le premier ministre va-t-il laisser ces gens profiter de l'argent public? Pourquoi le premier ministre se fait le protecteur de ceux qui manifestement corrompent le système?
**(10 h 40)**
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: M. le Président, nous avons été clairs: quelque contrat qui soit donné par quelque autorité que ce soit, que ce soit, par exemple... Je veux l'exemple du ministère des Transports, M. le Président, où la ministre des Transports annonce des contrats pour une valeur importante et où en... où en même temps elle met sur pied une unité anticollusion, avec une personne qui est au-dessus de tout soupçon pour la présider, M. le Président. Les contrats dont parle le député de Chambly sont des contrats qui sont donnés par la ville de Montréal, M. le Président. Le vérificateur général, M. Bergeron, s'est penché sur ces contrats-là, il a transmis le rapport à la Sûreté du Québec.
Savez-vous quoi, M. le Président? La bonne nouvelle depuis quelques jours, là, c'est que tous les gens s'entendent, M. le Président: quand on... quand on tombe sur des allégations de cette nature-là...
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: ...on transmet les dossiers à la police. C'est ça qu'il faut faire.
Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de Chambly.
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, est-ce que le ministre va arrêter de se péter les bretelles avec l'opération Marteau? L'opération Marteau, c'est sept arrestations en sept mois, la plupart portant sur des enquêtes qui remontent à un an ou à deux ans, et, M. le Président, bien avant, donc, Marteau. Et c'est sept arrestations qui concernent la tonte de pelouse à Saint-Léonard ou le bar à scotch du maire d'Outremont.
M. le Président, quand est-ce que vous allez déclencher cette commission d'enquête qui, elle seule, peut aller au fond des choses et faire toute la lumière sur ce dossier?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.
M. JACQUES P. DUPUIS
M. Dupuis: Je ne peux pas... je ne peux pas accepter, M. le Président, que le député de Chambly... que le député de Chambly catalogue des comportements qui seraient... -- j'emploie le conditionnel à escient, parce qu'évidemment ces gens-là n'ont pas été condamnés -- mais catalogue des comportements selon la gravité des comportements. On parle... on parle, M. le Président, dans certains cas... dans certains cas, de titulaires de charge publique, dans certains autres cas, de gens qui font affaire avec des titulaires de charge publique. Il n'y a pas de... je vais employer l'expression «de petits crimes», M. le Président. Il y a des enquêtes qui se font...
Le Président: En terminant.
M. Dupuis: ...certaines de ces enquêtes-là sont plus rapides que d'autres. Je suis aussi impatient que tout le monde, mais la limite des actions policières, dont il parlait ce matin, c'est simplement, M. le Président, le...
Le Président: En question principale, M. le député de Chambly.
ATTRIBUTION D'UNE SUBVENTION À LA FIRME DE SÉCURITÉ BCIA DANS LE CADRE DU PROGRAMME RENFORT
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, je rappellerai que, jusqu'à maintenant, on est loin des vraies affaires. Et je cite Michèle Ouimet, dans La Presse: «On est loin des vraies affaires, c'est-à-dire des liens troubles entre des entrepreneurs et des municipalités, des appels d'offres trafiqués, des coûts de construction qui explosent et de la corruption.» On est loin des affaires... des vraies affaires jusqu'à maintenant.
M. le Président, hier, le ministre du Développement économique affirmait qu'il n'y a pas de problème avec BCIA, il n'y a pas d'irrégularité concernant les millions de dollars d'argent public qui sont disparus, qui sont perdus. Or, ce matin, il est contredit par Investissement Québec qui envisage d'intenter des poursuites contre BCIA. Il est contredit par la Sûreté du Québec qui développe... qui débloque de nouvelles enquêtes sur BCIA. Il est aussi, M. le Président, je le signale... BCIA est aussi sous enquête du DGE.
Le ministre du Développement économique se cache derrière une analyse du dossier qui a été faite par Desjardins. Mais le porte-parole de Desjardins lui-même l'a dit: Ça fait partie des questions qu'on se pose. Ils ne peuvent expliquer la descente aux enfers de BCIA.
Ma question est simple: Où sont rendus les millions d'argent public qui étaient dans BCIA?
Le Président: M. le Ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.
M. CLÉMENT GIGNAC
M. Gignac: M. le Président, ça va me faire plaisir de répondre au dynamique député de Chambly sur la question de BCIA. Au même titre que j'avais demandé, dans le dossier des FIER, de laisser le Vérificateur général faire son travail, qui n'avait trouvé aucun cas de fraude ou malversation, au même titre, ce matin, je vais lui demander de laisser faire le syndic son travail. C'est le travail du syndic, et, s'il y a fraude ou malversation, il a l'obligation, le syndic, de le dévoiler aux créanciers.
M. le Président, on ne peut pas présumer à ce stade-ci qu'il y a eu fraude ou malversation. D'ailleurs, si Desjardins a avancé le dossier à Investissement Québec au mois d'août, c'est parce qu'ils avaient confiance dans le plan d'affaires de l'entreprise. Et je répéterai ce que j'ai mentionné ici et déposé ici voilà deux semaines, que, dans le cas de BCIA, on respectait tous les critères de Renfort.
M. le Président, s'il veut refaire le travail du VG, c'est libre à lui. S'il veut faire le travail du syndic, c'est libre à lui. Mais je ferais attention de répéter certains propos qu'il tient en cette Chambre, et allégations, en dehors de la Chambre, M. le Président.
Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chambly.
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, je rappellerai au ministre qu'il est ministre du gouvernement... du gouvernement du Québec. Il est responsable de l'argent public, et il nous dit: Tout va bien. Or, M. le Président, Investissement Québec nous dit: Ça ne va pas si bien que ça, on envisage des poursuites contre BCIA. Et Desjardins nous dit: On se pose plein de questions, on ne comprend pas comment ça se fait qu'après avoir mis tant d'argent, cinq mois après, on a des chèques sans provision, puis l'entreprise se met sous la protection de la Loi sur la faillite.
M. le ministre, où est rendu l'argent? Ça devrait vous préoccuper comme ministre de ce gouvernement.
Le Président: Alors, pour la bonne conduite des débats, j'invite le député de Chambly de s'adresser à la présidence quand il pose ses questions. M. le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.
M. CLÉMENT GIGNAC
M. Gignac: M. le Président, ce qui me préoccupe, c'est la déformation des faits du député de Chambly. On a ici une compagnie, qui s'appelle BCIA, qui dans le fond a eu un prêt de l'ordre de 10 millions du Mouvement Desjardins, qui est venue cogner à la poste d'Investissement Québec, et un plan d'affaires qui respectait les critères de Renfort. Et on parle ici d'une compagnie, au niveau de BCIA, une compagnie de transfert de valeurs, et, à ce stade-ci, on n'a aucune évidence qu'il y a eu fraude ou malversation.
Ceci dit, c'est moi-même qui ai parlé hier à Investissement Québec, en fin de journée, et je les ai mandatés pour que, si jamais le syndic trouve une malversation, une fraude, on va intenter des poursuites, parce que, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président...
Le Président: En terminant.
M. Gignac: ...notre priorité, ce n'est pas la souveraineté, c'est l'économie et les fonds publics des contribuables, M. le Président.
Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de Chambly.
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: M. le Président, quand on freine votre gaspillage de fonds publics, de ce côté-ci de la Chambre, on s'occupe d'économie. Et, M. le Président, quand on veut faire le ménage dans la corruption et dans la collusion pour sauver des milliards de dollars d'argent public, on s'occupe aussi d'économie, M. le ministre.
Le Président: M. le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.
M. CLÉMENT GIGNAC
M. Gignac: Mais, M. le Président, quand on regarde la feuille de route du Parti québécois, avec des dossiers comme la Gaspésia, la SGF, une perte de 1 milliard de dollars, M. le Président, le ministère de la...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, le temps s'écoule. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, il vous reste quelque 30 secondes.
M. Gignac: M. le Président, quand je regarde la feuille de route du parti de l'opposition officielle, avec des dossiers comme la Gaspésia, SGF ou les pertes de 1 milliard, c'est des investissements qu'ils ont faits...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée de Matapédia, je vous rappelle à l'ordre.
J'ai une question de règlement de la part du député de Mercier. Question de règlement.
M. Khadir: M. le Président, en vertu du règlement 79, le ministre est tenu de répondre brièvement à la question qui a été posée, qui concerne... La question qui a été posée concerne le lien entre l'économie et le fonds d'investissement en région. Le ministre, avec ce genre de réponse, déconsidère lui-même et le Parlement. Vous avez parlé de décorum...
Le Président: S'il vous plaît. Alors, M. le ministre, en réponse à la question posée, en quelques secondes.
M. Gignac: M. le Président, je pense qu'on n'a pas de leçons à recevoir, en termes de décorum, quand je sais que le conjoint de la chef de l'opposition officielle a une pension à vie, avec qu'est-ce qu'on a eu, les pertes de la SGF. Donc, je pense qu'en termes de feuille de route on doit faire bien attention.
Et, M. le Président, quand on commence à remettre en question le jugement de Desjardins, c'est 4 millions de Québécois qui sont membres d'une institution financière. Je ferais attention, parce que ça se peut qu'en fin de semaine qui vient ils se fassent désavouer par les membres de Desjardins et les membres de leur propre...
**(10 h 50)**
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Matane, s'il vous plaît! M. le député de Beauharnois! La parole est au chef du deuxième groupe d'opposition.
MANDAT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LE PROCESSUS DE NOMINATION DES JUGES
M. GÉRARD DELTELL
M. Deltell: Merci, M. le Président. M. le Président, instituer une commission d'enquête publique est un geste très important qui vise essentiellement à rassurer la population et lui redonner confiance en ses institutions.
Malheureusement, la commission Bastarache n'est pas encore commencée que déjà la confiance des citoyens est émiettée. Doit-on s'en surprendre? Pas vraiment, M. le Président, si on regarde la genèse de ces événements-là.
Tout d'abord, sur un coup de colère, le premier ministre veut régler ses comptes personnels avec Marc Bellemare et décide d'instituer une enquête publique. Alors que ça aurait été du ressort de la ministre de la Justice, c'est le ministre de la Sécurité publique qui, lui-même, prend contact avec Me Bastarache pour le convaincre d'accepter ce mandat-là. Par la suite, la ministre de la Justice n'est confinée qu'au triste rôle que de faire lecture d'un texte écrit par Dieu ne sait qui, mais le diable s'en doute.
Et voilà, M. le Président, que la ministre de la Justice, dans un élan de lucidité, affirme ce que tout le monde souhaite au Québec, c'est-à-dire élargir ce mandat-là. Mais c'était avant que le malheur ne la frappe, c'est-à-dire que le gouvernement dise: Taisez-vous et partez en fin de semaine de congé, et non: Assistez au congrès du Parti libéral. Voilà donc la situation.
Des voix: ...
M. Deltell: Mais ce n'est pas fini, M. le Président. Voilà qu'on nomme un procureur en chef, Me Pierre Cimon, qui est un ancien donateur du Parti libéral, et, une semaine plus tard, décide de claquer la porte parce qu'il en a assez. Comment expliquer un tel gâchis? Comment expliquer un tel déraillement?
M. le Président, le premier ministre peut-il être conscient que la commission Bastarache, qui vise essentiellement à rétablir la confiance des citoyens, est émiettée, est égrainée, et que le premier ministre doit se ressaisir et élargir le mandat de la commission Bastarache?
Des voix: ...
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: M. le Président, M. le Président, la commission Bastarache a été mise sur pied parce qu'il y a eu des allégations de faites sur la probité du système judiciaire par un ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare.
Maintenant, je constate, depuis le début de ces déclarations, que l'opposition officielle du Parti québécois a choisi d'adhérer totalement aux déclarations de Marc Bellemare. Je le note au passage. Je pense, c'est important qu'aujourd'hui on puisse le noter, en prendre acte.
Je constate que le chef de la deuxième opposition fait la même chose, là. Alors, lui, il tient pour acquis que tout ce que M. Bellemare a dit, là, c'est vrai, c'est de la vérité, et donc...
Des voix: ...
M. Charest: Bien, je veux... je veux que ce soit noté aujourd'hui, M. le Président, parce qu'un jour on fera le compte de tout ça.
Cela étant dit, M. le Président, une fois qu'une commission est nommée, elle est totalement indépendante. C'était vrai pour la commission Bouchard-Taylor, par exemple: une fois que la commission Bouchard-Taylor a été nommée, ils étaient libres d'exécuter leur mandat de la façon dont ils le voyaient. D'ailleurs, ils ont décidé de faire des tournées régionales, c'était leur choix à eux. La même chose est vraie pour la commission Bastarache.
Cela étant dit, M. le Président, il faut regretter le fait qu'il y a un abus, je pense, de l'immunité parlementaire puis d'acharnement sur certaines personnes. Je vais vous donner un exemple. La députée de Joliette aurait préféré que Me Cimon donne de l'argent au PQ...
Des voix: ...
M. Charest: ...et en même temps au Parti libéral du Québec. Il faut le faire...
Des voix: ...
Le Président: Sur une question de règlement! Question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.
M. Bédard: Encore une fois, M. le Président, le premier ministre n'est pas à la hauteur de sa fonction. Il impute...
Des voix: ...
M. Bédard: ...il impute des propos...
Le Président: Allez à votre question de règlement.
Des voix: ...
Le Président: Alors... Bien, en...
Des voix: ...
Le Président: Un instant, monsieur... Quelle est votre question de règlement?
Des voix: ...
Le Président: Votre question de règlement! Allez à votre question de règlement.
M. Bédard: ...et la réponse...
Le Président: Oui!
M. Bédard: ...vous auriez constaté, comme ultime défense, que le premier ministre tente de donner... de mettre des paroles dans la bouche de quelqu'un qui ne les a pas prononcées.
On connaît ces tactiques du premier ministre. Je l'invite, lui qui parle d'abus, de...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît, qu'on puisse terminer la question de règlement. Je vous entends immédiatement. Rapidement, à votre question de règlement, en terminant.
M. Bédard: Voilà! J'invite le premier ministre à respecter le règlement.
Il y a une chose qu'on ne peut pas faire dans cette Assemblée: on ne peut pas dire à quelqu'un qu'il ment, mais, en contrepartie, la personne ne peut pas dire des propos qui n'ont pas été prononcés. J'invite le...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le leader de l'opposition officielle, je vous ai entendu, je vous ai entendu.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Il arrive fréquemment que des députés aient des opinions qui sont contradictoires en cette Chambre, je vous le rappelle, des opinions qui sont contradictoires. Alors, ceci étant dit, M. le premier ministre...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Un instant. Vous êtes sur une question de règlement? Laquelle?
M. Bédard: M. le Président, qu'on ait des opinions différentes, c'est normal, c'est un bel exemple aujourd'hui. Par contre, qu'on répète des propos qui n'ont jamais été dits, autrement dit qu'on dise le contraire de la vérité en Chambre, le règlement nous l'empêche. J'invite... Les parlementaires ont le droit à la vérité. Ma collègue n'a jamais prononcé les propos que le premier ministre tente de lui mettre dans la bouche. Alors, le chef de... le chef du gouvernement -- malheureusement, oui! -- je souhaite qu'il se rétracte, au moins qu'il se conforme à notre règlement.
Le Président: Oui, oui. Sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: Sur la question de règlement strictement, M. le Président. Les paroles sont citées entre guillemets. Alors, M. le Président, c'est tout ce que le premier ministre a fait, les paroles sont citées entre guillemets.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Très bien, très bien, très bien. C'est bien. Alors, vous comprendrez que la présidence peut difficilement contrôler le contenu des propos qui sont tenus, c'est de s'assurer qu'ils sont conformes à notre règlement. Alors, il faut s'ajuster aussi, quand on... quand on est parlementaire, s'assurer de la justesse des propos que nous tenons en cette Assemblée.
Alors, M. le premier ministre n'avait pas terminé sur la réponse à la question posée par le deuxième chef du groupe d'opposition.
M. Charest: ...M. le Président, que c'est assez grossier, à l'Assemblée, que le leader de l'opposition se lève aujourd'hui pour demander que ceux qui déclarent des choses à l'Assemblée soient des choses qui sont vérifiées, qui sont vraies, alors que, depuis le début de ce mandat, le Parti québécois et son chef en premier ne font que faire des allégations, des insinuations qui ne sont fondées sur aucun fait.
Le Président: Alors, M. le chef du deuxième groupe d'opposition, vous êtes en question complémentaire.
M. GÉRARD DELTELL
M. Deltell: Oui, merci, M. le Président. M. le Président, j'invite le premier ministre à se ressaisir. Il y a actuellement une crise de confiance au Québec. La commission Bastarache visait à rétablir la confiance sur un aspect précis, et tout le monde le sait: pour régler les comptes personnels du premier ministre.
Mais pourquoi ne pas saisir cette occasion-là pour demander à Me Bastarache d'élargir son mandat et d'accueillir ainsi ce que tous les Québécois désirent, ce que nous, à l'ADQ, réclamons depuis 13 mois, c'est-à-dire une commission d'enquête publique élargie sur la situation de la construction?
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: Monsieur... M. le Président, c'est quand même assez incroyable, sachant tout ce qu'on sait, que le chef de la deuxième opposition se lève aujourd'hui puis prétend que, nous, on cherche à régler des comptes personnels. Il sait très bien de qui elles viennent, ces déclarations-là. Il sait très bien qui a lancé le débat. Si M. Bellemare a choisi de lancer le débat, c'est son choix à lui. Je n'irai pas plus loin, parce qu'il y aura une commission d'enquête sur ce qu'il a déclaré. Mais prétendre à l'Assemblée nationale aujourd'hui que c'est ce que nous recherchons, franchement, c'est aller... c'est aller loin. C'est aller très loin, M. le Président, c'est aller trop loin, M. le Président.
On a demandé à Me Bastarache, un ancien juge à la Cour suprême, de faire son travail. Est-ce qu'on pourrait le laisser faire son travail? Est-ce qu'on pourrait avoir de la part des oppositions un minimum de respect...
Le Président: En terminant.
M. Charest: ...pour nos institutions et pour les Québécois...
Le Président: En deuxième complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
M. GÉRARD DELTELL
M. Deltell: M. le Président, nous avons toute notre confiance au très honorable Bastarache, nous avons toute notre confiance au très honorable Bastarache, nous aimerions justement qu'il puisse faire son travail, mais le problème, mais le problème: voilà que son procureur en chef a décidé de claquer la porte parce que justement il n'est pas à l'aise dans le mandat qui lui a été confié.
M. le Président, pourquoi le premier ministre, qui...
Des voix: ...
Le Président: Un instant. À l'ordre, s'il vous plaît! Collègues, je dénote que, dans la question posée par le chef du deuxième groupe d'opposition, il n'y a rien qui est contraire à notre règlement, alors je vous demande d'écouter la question qui est posée. M. le chef du deuxième groupe d'opposition.
**(11 heures)**
M. Deltell: M. le Président, nous avons offert, il y a plus d'un mois, l'opportunité au premier ministre d'entendre en commission parlementaire Me Bellemare, mais le Parti libéral a refusé cette occasion unique de faire la lumière sur la situation entre parlementaires.
M. le Président, est-ce que le premier ministre va enfin comprendre ce que tous les Québécois veulent: une commission d'enquête élargie sur la construction au Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: M. le Président, ça vaut la peine de revenir brièvement sur ce que... Moi, en tout cas, j'ai vu dans l'affaire de Me Cimon... Me Cimon, il dit quoi finalement? Il a fait 42 ans de pratique de droit. C'est un homme dont l'intégrité est reconnue par tous ceux et celles qui l'ont côtoyé. C'est un homme honnête. C'est un homme qui, oui, a fait des contributions à un parti politique, pas parce qu'il cherchait quelque chose en retour, mais comme tous ceux qui donnent parce qu'il veut contribuer à la démocratie. Parce qu'on a le droit d'exister. Me Cimon a le droit d'exister sans être sali délibérément par du monde qui n'ont que des objectifs politiques personnels, malgré tout le vide de leur propre discours, pour pouvoir mieux cacher le fait qu'ils sont renversés par leurs propres militants. Puis ils n'ont rien à dire, ils aiment mieux attaquer les autres. Les Québécois...
Le Président: En terminant.
M. Charest: ...en ont ras le bol de ces comportements.
Le Président: En question...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition.
M. Bédard: J'aimerais savoir si ça lui fait du bien d'insulter la chef de l'opposition.
Le Président: Alors, il ne s'agissait pas d'une question de règlement.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! En principale, Mme la députée de Rosemont.
PROJET DE LOI N° 94 ÉTABLISSANT LES BALISES ENCADRANT LES DEMANDES D'ACCOMMODEMENT DANS L'ADMINISTRATION GOUVERNEMENTALE ET DANS CERTAINS ÉTABLISSEMENTS
MME LOUISE BEAUDOIN
Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Il y a un mois, le premier ministre, entouré de deux ministres, annonçait en grande pompe le dépôt du projet de loi n° 94. Le gouvernement revenait ainsi à la charge pour une troisième fois, après l'échec de la loi n° 63 à régler quoi que ce soit en matière d'accommodements et après l'enterrement du projet de loi n° 16. Et que fait-il, le gouvernement, avec le projet de loi n° 94? Il légifère le statu quo. C'est exactement ce que le Barreau est venu dire hier en commission parlementaire. Ce projet de loi n'a qu'une valeur pédagogique et ne fait que codifier la situation existante. Le gouvernement se satisfait donc de la gestion à la pièce, au cas-par-cas. Ce qui a fait dire à la CSQ que le gouvernement doit retirer ce projet de loi, car c'est une coquille vide qui ne règle rien.
M. le Président, le gouvernement a décidé de suspendre nos travaux dès jeudi jusqu'à la mi-août, alors que c'était si urgent il y a un mois.
Le ministère... la ministre va-t-elle au moins profiter de l'ajournement pour revoir sa copie?
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: M. le Président, je note au passage que le projet de loi n° 94 a reçu un accueil généralement favorable. Ça ne peut pas être unanime, puis ce ne le sera jamais parce que c'est un sujet... c'est un sujet qui, on le sait, est déjà assez complexe. D'ailleurs, on n'est pas les seuls à traiter ce sujet-là. En France, en Belgique, partout dans les pays... certains pays, on traite ce sujet-là avec le même contexte.
Mais j'en profite parce que la députée de Rosemont est debout aujourd'hui, M. le Président, dans la revue MacLean's le 6 juillet dernier, elle disait que le Parti québécois, à la première occasion, voulait présenter un projet de loi qui faisait deux catégories de citoyens au Québec: ceux qui avaient le droit de vote, ceux qui n'avaient pas le droit de vote, M. le Président. Je veux savoir de la part de la députée de Rosemont et de la chef de l'opposition officielle, aujourd'hui, si, oui ou non, le PQ a encore l'intention de faire de la ségrégation au Québec envers les citoyens du Québec, M. le Président.
Le Président: En question complémentaire.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: Bien. En question complémentaire, Mme la députée de Rosemont.
MME LOUISE BEAUDOIN
Mme Beaudoin (Rosemont): Hier, en commission parlementaire, M. le Président, tous les groupes qui sont venus nous ont dit que ça ne réglait rien, que ce projet de loi était soit inutile soit dangereux. Si c'était urgent il y a un mois, aujourd'hui on apprend que le gouvernement veut suspendre nos travaux jusqu'à la mi-août.
Je repose ma question à la ministre: Est-ce qu'elle va au moins en profiter pour revoir sa copie et nous présenter un projet de loi qui va enfin régler quelque chose?
Le Président: M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: Bien, M. le Président, la mauvaise nouvelle pour la députée de Rosemont puis la chef de l'opposition officielle, M. le Président, c'est qu'on n'est pas un colloque du PQ ici. On n'est pas un colloque du PQ. Il va falloir que vous disiez des vraies choses et que vous preniez des positions. Puis je comprends que la chef de l'opposition officielle a été renversée par ses propres militants, qui l'ont rejetée, M. le Président, qu'ils ont jeté, comme un papier à la poubelle, ce qu'elle leur proposait. Mais aujourd'hui, M. le Président, la chef de l'opposition officielle doit dire aux Québécois si, oui ou non, elle propose encore un projet de loi qui va faire de la ségrégation envers les citoyens du Québec, ceux qui ont le droit de vote puis ceux qui n'ont pas le droit de vote, M. le Président, oui ou non.
Le Président: En question principale, M. le député de Lac-Saint-Jean.
SUITE DE LA CONSULTATION SUR LE PROJET DE LOI N° 94 ÉTABLISSANT LES BALISES ENCADRANT
LES DEMANDES D'ACCOMMODEMENT DANS L'ADMINISTRATION GOUVERNEMENTALE ET DANS CERTAINS ÉTABLISSEMENTS
M. ALEXANDRE CLOUTIER
M. Cloutier: M. le Président, ça fait des mois que les Québécois veulent savoir à quoi s'en tenir sur la question des accommodements raisonnables. Au lieu d'arriver avec un projet de loi pour dire des règles claires, des règles précises, on légifère le même statu quo, le même immobilisme, les mêmes règles, au cas-par-cas. On se tourne encore vers les tribunaux. Vous avez un choix à faire: réécrire un quatrième projet de loi ou bonifier celui-là et répondre aux attentes des Québécois.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît. Alors, nous étions donc en question complémentaire. M. le premier ministre.
M. JEAN CHAREST
M. Charest: M. le Président, on va... on va en faire, des choix, aujourd'hui: la chef de l'opposition officielle a le choix de rester assise ou de se lever debout pour répondre à une vraie question, parce qu'on n'est pas à un colloque du PQ aujourd'hui, ce n'est pas vrai qu'elle peut juste...
Des voix: ...
M. Charest: ...elle peut juste présenter des choses à être rejetées. Est-ce que, oui ou non, elle est d'accord avec ce projet de loi qui présente un choix de ségrégation des députés, citoyens du Québec, ou est-ce qu'elle est d'accord avec Lucien Bouchard qui disait, au mois de février dernier: Le PQ a l'air de vouloir remplacer l'ADQ dans la niche du radicalisme, disait Lucien Bouchard, M. le Président.
Le Président: En question principale...
Des voix: ...
Le Président: Alors, nous en sommes à une question principale, M. le... en question... en question complémentaire sur la principale qui était posée par le député du Lac-Saint-Jean. M. le leader de l'opposition officielle.
M. STÉPHANE BÉDARD
M. Bédard: Et, simplement, le premier ministre, le premier ministre est formidable dans l'art de la diversion. Mais là ça fait tellement longtemps qu'il n'y a plus personne qui tombe dans le piège, il n'y a plus aucun journaliste, il n'y a personne ici qui tombe dans le piège.
Ce qu'on veut savoir, il y a un projet de loi... il y en a quelques-uns, je rappelle au premier ministre, qui sont devant les commissions. Il y en a un qui était d'urgence, qui a été appelé d'urgence, et là il est reporté à l'automne.
Ce qu'on veut savoir de la ministre, un, pourquoi le reporter à l'automne alors que c'était urgent? Et, deux, est-ce qu'elle s'engage à réécrire le projet de loi?
Des voix: ...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Jean Charest
M. Charest: Alors, le leader de l'opposition officielle parle maintenant au nom de la Tribune de la presse, M. le Président. On est habitués de le voir, avec sa tête de slinky, regarder la Tribune de la presse à tous les jours. M. le Président...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À ma droite, à l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: ...
Le Président: Monsieur...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
**(11 h 10)**
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Collègues!
Des voix: ...
Le Président: Collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Collègues, à l'ordre, s'il vous plaît! Pour les gens qui nous écoutent. MM. les députés, Mmes les députées, pour les gens qui nous écoutent, je vous demande qu'on puisse travailler. Quand on s'interpelle en continu comme ça... Il s'agit d'une question de respect entre nous et ultimement du respect de l'institution. Je vous demande de faire attention.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.
M. Bédard: J'espère que ça a fait du bien au premier ministre d'insulter le physique des gens. Je pense que, quand on est rendu là dans ses manigances... Je pense qu'il n'a qu'à lui à s'en prendre actuellement. Ce que je vous invite, M. le Président... Il sera pris avec ce qu'il dit aujourd'hui, il vivra avec ses insultes personnelles, ses insultes physiques. Il est prêt à toutes les diversions, il est prêt à faire rire ses gens. Regardez qui rit, M. le Président. Beau spectacle!
M. le Président, ce que je demande, c'est le respect minimal, parce que, dans cette Assemblée, vous le voyez à quel point je questionne durement les...
Des voix: ...
Le Président: Franchement! S'il vous plaît! je requiers votre attention. Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle. Je veux qu'on l'entende.
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle, en question de règlement.
M. Bédard: J'espère sincèrement que ça lui a fait du bien d'insulter les gens. Par contre, notre règlement, M. le Président, demande... Et je vous exige le respect du règlement. Il y a une chose qu'on ne peut pas faire, il y a une chose qu'on ne peut pas faire, c'est insulter le physique des gens. Alors, moi, j'ai toujours gardé ce respect-là du règlement, sauf...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Nous en sommes à une question de règlement, j'ai reconnu M. le leader de l'opposition. En terminant là-dessus. Je vais passer à autre chose par la suite.
M. Bédard: Il manie bien l'insulte personnelle, mais je ne le laisserai pas faire, M. le Président. Je lui demande de retirer chacun des mots qu'il a prononcés à mon égard, M. le Président, avant que la période des questions finisse.
Le Président: Sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: Sur la question de règlement. Très... très respectueusement à l'endroit du leader de l'opposition officielle, M. le Président, je pense sincèrement que tous les observateurs de la période de questions à l'Assemblée nationale vont en venir aux mêmes conclusions que celles que je vais vous proposer. Si le leader de l'opposition officielle pouvait prendre quelques instants, après la période de questions, pour repenser à sa propre... à sa propre...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Continuez. M. le leader du gouvernement, continuez.
M. Dupuis: Pour repenser, M. le Président, à tête... pour repenser à tête reposée à sa...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Vous allez entendre la question de règlement du leader du gouvernement, puis je vais vous revenir par la suite. M. le leader du gouvernement.
M. Dupuis: Pour repenser, M. le Président, à tête reposée à sa propre attitude, à sa propre attitude à la période des questions. Je l'invite à le faire, M. le Président. Quand on...
Des voix: ...
Le Président: S'il vous plaît! Vous avez terminé, M. le leader du gouvernement? Rapidement, sur votre question de règlement.
M. Dupuis: Vous l'avez laissé parler, vous allez me laisser parler, là. Un instant!
Le Président: Bien, allez-y, terminez, terminez.
M. Dupuis: Je pense, M. le Président, que, s'il le faisait, il s'apercevrait que, pour la... Pour le minimum de sérénité dans nos débats mais surtout pour l'information correcte de la population du Québec, il devrait modifier son attitude, redevenir respectueux envers, d'abord, la présidence, puis envers les collègues, d'autre part.
Le Président: Je vous rappelle que l'article 35 de notre règlement dit très clairement qu'on ne peut pas utiliser des propos qui sont blessants envers quiconque. Alors, je demande la collaboration du premier ministre pour retirer les propos qui ont été tenus à l'endroit du leader de l'opposition officielle.
Une voix: ...
Le Président: Ces termes sont retirés. Et nous en étions à la fin de votre réponse, M. le premier ministre.
M. Charest: Deux choses, M. le Président. Premièrement, je constate que, pour une fois qu'on tombe sur une question de contenu, la chef de l'opposition officielle n'a rien à dire.
Des voix: ...
M. Charest: Renversée par ses propres militants, elle voulait renverser le gouvernement, imaginez-vous.
L'autre chose que je veux dire au chef de l'opposition... le leader, c'est qu'en 25 ans de politique je n'ai jamais vu un leader manquer autant de respect envers ses collègues...
Des voix: ...
Le Président: Alors, ceci met fin à cette période de questions et de réponses orales des députés.
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, nous sommes...
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix: ...
Votes reportés
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci de votre collaboration. Nous sommes à la rubrique des votes reportés.
Des voix: ...
(…)
MOTIONS SANS PRÉAVIS
Nous sommes maintenant à la rubrique des motions sans préavis. Nous sommes à la rubrique des motions sans préavis, et, en fonction de nos règles et de l'ordre de présentation des motions sans préavis, je reconnais maintenant un député de l'opposition officielle. M. le député de Marie-Victorin.
M. Drainville: Mme la Présidente, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée... de cette Assemblée, dis-je bien, afin de présenter, conjointement avec la députée de Lotbinière, le député de Mercier, le député de La Peltrie et le député des Chutes-de-la-Chaudière, la motion suivante:
«Que l'Assemblée nationale du Québec exhorte les députés d'Arthabaska, de Rouyn-Noranda--Témiscamingue, de Montmorency, de Huntingdon, de Chapleau, de Mille-Îles, des Îles-de-la-Madeleine, de Rivière-du-Loup, de Maskinongé, de Jean-Lesage, de Viau, de Hull, de Mégantic-Compton, de Vanier, de Jacques-Cartier, de Pontiac, de Lévis, de Gaspé, de Vaudreuil, de Robert-Baldwin, de Portneuf, de Montmagny-L'Islet, de Chomedey, de Marquette, de Laval-des-Rapides, de Brome-Missisquoi, de Charlesbourg, d'Orford, de Jeanne-Manche--Viser -- de Jeanne-Mance--Viger, dis-je bien -- de Laurier-Dorion, de Trois-Rivières, de Gatineau, d'écouter le peuple du Québec et qu'ils exigent du premier ministre et des membres du Conseil des ministres la tenue d'une enquête publique sur l'ensemble des allégations liées à la l'industrie de la construction, l'octroi des contrats gouvernementaux ainsi que sur le financement des partis politiques.»
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?
M. Gautrin: Mme la Présidente, il n'y a pas de consentement.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Pas de consentement.
Nous sommes toujours aux motions sans préavis, et je reconnais maintenant la ministre de la Justice. Mme la ministre de la Justice.
Des voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît. J'invite les députés qui doivent vaquer à d'autres occupations de le faire dans l'ordre et maintenant, s'il vous plaît.
Mme la ministre de la Justice, vous avez la parole.
SOULIGNER LA JOURNÉE INTERNATIONALE DE LUTTE CONTRE L'HOMOPHOBIE
(…)
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, je reconnais M. le député de La Peltrie. Nous sommes... Est-ce que vous êtes à la motion sans préavis?
M. Caire: Motion sans préavis, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, allez-y, M. le député.
FÉLICITER MME MARIE COYEA D'AVOIR CONVAINCU L'ASTRONAUTE PIERS SELLERS
D'EMBARQUER À BORD DE LA NAVETTE SPATIALE ATLANTIS LA BANNIÈRE DE LA FONDATION
DE LA RECHERCHE SUR LE DIABÈTE JUVÉNILE
(…)
AFFAIRES DU JOUR
La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. Auriez-vous l'amabilité d'appeler l'article 10 du feuilleton, s'il vous plaît?
PROJET DE LOI N° 100
ADOPTION DU PRINCIPE
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'article 10 du feuilleton, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 100, Loi mettant en oeuvre certaines dispositions du discours sur le budget du 30 mars 2010 et visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et la réduction de la dette. Y a-t-il des interventions? M. le ministre des Finances.
M. RAYMOND BACHAND
M. Bachand (Outremont): Merci, Mme la Présidente. L'évolution récente de la situation économique et financière internationale nous rappelle à quel point il est important de contrôler les finances publiques, de résorber le déficit, de revenir à l'équilibre budgétaire et d'entreprendre la réduction de la dette. Ce n'est pas pour rien que le budget d'ailleurs s'appelait Pour rester maîtres de nos choix, pour que, nous, les Québécois, nous soyons toujours maîtres de nos choix et que ce ne soient pas les gens de l'extérieur qui le font. Et c'est pour ça, Mme la Présidente, qu'il faut absolument revenir à l'équilibre budgétaire et réduire, contrôler la dette publique tout en assurant le financement de la santé.
Voilà pourquoi nous abordons maintenant, Mme la Présidente, l'adoption du principe du projet de loi n° 100, loi qui met en oeuvre certaines dispositions du discours du budget du 31 mars et visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et la réduction de la dette. Le budget 2010-2011, que j'ai déposé le 30 mars et qui a été adopté par cette Assemblée, répond aux besoins à court terme en assurant la relance de l'économie et la poursuite du plan d'action économique. Il s'attaque au défi à moyen terme avec le retour à l'équilibre budgétaire, et à long terme nous agissons pour réduire le poids de la dette. En particulier, l'atteinte de l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et les objectifs de réduction de la dette en 2026 nécessitent la mise en oeuvre d'un ensemble de mesures qui s'appliquent de manière graduelle et sur plusieurs années. Les mesures annoncées par le gouvernement constituent donc un tout indissociable, qui doivent être adoptées pour une mise en oeuvre très rapide.
M. le Président, le gouvernement... Mme la Présidente -- pardon, Mme la Présidente -- le gouvernement s'est engagé à réaliser -- il n'y a pas de confusion possible, Mme la Présidente -- à réaliser 62 % des efforts de retour à l'équilibre budgétaire d'ici 2013-2014, 62 % des efforts par le gouvernement, soutenir les dépenses de santé à hauteur de 5 % par an, sur cette période, tout en améliorant l'efficacité du système de santé, et réduire significativement l'endettement du Québec d'ici 2026. L'adoption, dans ce projet de loi, de l'ensemble des modifications législatives donnant suite aux mesures du budget est nécessaire pour réaliser le plan d'action et le plan budgétaire 2010-2011, nécessaire pour montrer à la population, comme parlementaires, notre engagement et notre détermination à les mettre en oeuvre, nécessaire pour donner suite à l'engagement de l'Assemblée nationale, lors de l'adoption du projet de loi n° 40, à l'automne dernier, de retourner à l'équilibre budgétaire d'ici 2013-2014.
M. le Président, ce projet de loi vise à répondre aux... Mme la Présidente, ce projet de loi vise à répondre aux objectifs suivants. Prévoir des dispositions visant à limiter l'augmentation des dépenses du gouvernement en ce qui concerne notamment la rémunération du personnel, l'embauche, le versement de primes et de bonis et les dépenses de fonctionnement, les dépenses de formation, les dépenses de publicité, les dépenses de déplacement. L'ensemble du contrôle des dépenses est un projet très important du projet de loi, Mme la Présidente.
Deuxièmement, établir des mesures relatives au financement des services publics, parce qu'on fait ce retour à l'équilibre budgétaire, on contrôle nos dépenses, mais on a des objectifs de servir le public: instaurer le Fonds de financement des établissements de santé et des services sociaux, dans lequel sera versée la contribution de santé afin de financer les établissements de santé en fonction de leur productivité et de leurs résultats; mettre en place le Fonds des infrastructures routières et de transport en commun, dans lequel sera versé l'essentiel des taxes sur les carburants, de même que les droits et les permis de conduire et d'immatriculation. Enfin, on saura que l'argent qui est versé par les automobilistes serve aux autoroutes, au Fonds routier et au transport en commun.
Troisièmement, prévoir un mécanisme d'indexation des tarifs à compter de janvier 2011, à l'exception des tarifs des services de garde. Prévoir aussi, Mme la Présidente, des mesures qui vont contribuer à réduire la poids de la dette; modifier donc, dans ce projet de loi, la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations afin de réviser les concepts de dette et leurs cibles de réduction, cibles qui devront être atteintes en 2025-2026. Modifier la Loi sur la Régie de l'énergie afin de permettre, à compter de 2014, l'augmentation progressive du coût de fourniture de l'électricité patrimoniale, 0,01 $ sur la période 2014-2018 et, au terme d'une période de cinq ans, l'indexation de ce coût. Modifier la Loi sur Hydro-Québec afin de prévoir le versement annuel au Fonds des générations, du dividende qu'elle verse au gouvernement... d'une partie du dividende, celui additionnel qui sera généré par l'augmentation du bloc patrimonial, jusqu'à concurrence de 1 575 000 000 $ par année pour réduire la dette.
Le projet de loi prévoit d'autres mesures, Mme la Présidente, notamment modifier la Loi sur le ministère du Revenu afin d'augmenter certaines des peines d'emprisonnement pour les infractions fiscales majeures; prévoir l'augmentation de la partie des revenus de la taxe sur le tabac qui sera versée au Fonds pour le développement du sport et de l'activité physique; prévoir l'augmentation des fonds sociaux respectifs de la Société générale de financement et de la SEPAQ, la Société des établissements de plein air du Québec. Voilà un résumé, Mme la Présidente, du projet de loi.
D'abord, le contrôle des dépenses. Lors du budget du 30 mars dernier, le gouvernement annonçait la mise en place d'un plan de contrôle des dépenses qui va permettre de réduire la croissance des dépenses de programmes à 2,2 % à compter de 2011-2012 et jusqu'au retour à l'équilibre budgétaire. Nous allons atteindre ces cibles de dépenses. Pour y arriver, nous mettons en place une culture de contrôle des dépenses énoncée dans le plan d'action de ma collègue la présidente du Conseil du trésor. Ce plan d'action contient une série de mesures concrètes qui nous permettront d'atteindre nos objectifs en matière de contrôle des dépenses. Le premier ministre s'est personnellement engagé à livrer les économies prévues au budget. Plus fondamentalement, l'action du gouvernement pour le contrôle des dépenses va s'articuler autour de trois axes principaux: la rémunération du personnel, l'organisation de l'État et l'amélioration continue de l'efficacité.
Tel qu'annoncé le 30 mars dernier, l'offre salariale du gouvernement formulée à ses employés est désormais étendue à l'ensemble du personnel de direction et d'encadrement des ministères et des organismes publics, parapublics, soit 29 400 personnes de plus, ce qui représentera pour eux une augmentation des taux d'échelle et de traitement de 5 % sur cinq ans, donc une offre qui touche presque 600 000 personnes, Mme la Présidente.
Le projet de loi n° 100 prévoit aussi la suspension des primes au rendement, pour les années 2010-2011 et 2011-2012, à l'ensemble des cadres et des gestionnaires de l'État plutôt qu'aux seuls hauts dirigeants des organismes publics. Cette suspension vise donc, maintenant, l'ensemble des cadres des ministères et des organismes, dont ceux du réseau de la santé et des services sociaux, du réseau de l'éducation, des universités, de la Société de l'assurance automobile du Québec. Les économies à ce chapitre s'élèveront à 34 millions de dollars annuellement, soit 68 millions de dollars pour les deux prochaines années, et toucheront un peu plus de 14 000 gestionnaires. La mesure vise également, avec des adaptations, les cadres des sociétés d'État à vocations commerciale et financière: Hydro-Québec, Société des alcools du Québec, Loto-Québec, Société générale de financement, Investissement Québec. Le projet de loi prévoit que ces sociétés devront exiger de leur personnel de direction et d'encadrement un effort comparable de réduction de la rémunération additionnelle fondée sur le rendement à celui exigé du personnel de direction et d'encadrement des autres organismes.
Au total, plus de 2 300 personnes seront ainsi visées, en plus des 14 000 de tout à l'heure, ce qui va générer des économies de près de 9 millions de dollars annuellement, soit 18 millions de dollars sur deux ans, qui s'ajoutent, Mme la Présidente, aux 68 millions de dollars d'économie. Les bonifications des hauts dirigeants de ces sociétés seront réduites de l'équivalent de 10 % de leur salaire de base, un gros sacrifice qu'on leur demande, alors que pour les autres cadres les bonifications seront réduites globalement de 30 %. La Caisse de dépôt et placement du Québec, quant à elle, a déjà procédé à une révision importante de son système de rémunération incitative qu'elle accorde à ses gestionnaires, elle n'est donc pas visée par le présent projet de loi.
Mme la Présidente, le projet de loi n° 100 prévoit également une réduction des dépenses de formation, dépenses de publicité, dépenses de déplacement de 25 % dès cette année 2010-2011. Cette mesure permettra des économies de 34 millions de dollars cette année.
**(11 h 40)**
Toujours dans la continuité des annonces du dernier budget, le projet de loi n° 100 prévoit une réduction de 10 % des dépenses de fonctionnement de nature administrative en 2013-2014. Cette mesure permettra, à terme, des économies de 229 millions de dollars en cette année. Le gouvernement annonce également l'élargissement de la mesure au réseau de la santé et au réseau de l'éducation, ce qui va procurer des économies additionnelles, à terme, de 110 millions de dollars. C'est donc dire qu'en 2013-1014 les économies réalisées à ce chapitre de réduction des dépenses de fonctionnement de nature administrative s'élèveront à 373 millions de dollars.
Enfin, au chapitre du contrôle des dépenses, le projet de loi n° 100 prévoit également le gel du salaire du premier ministre, des ministres et des députés pour les deux prochaines années, la réduction des effectifs du personnel d'encadrement et administratif des organismes des réseaux de la santé et des services sociaux et de l'éducation ainsi que des universités selon des règles similaires à celles appliquées par le Conseil du trésor pour réduire les effectifs de la fonction publique suite aux départs à la retraite.
Premier grand chapitre, Mme la Présidente, le contrôle de nos dépenses, le 62 % de ce retour à l'équilibre budgétaire qui sera fait par le gouvernement, et ses employés, et l'ensemble des dirigeants.
Deuxièmement, Mme la Présidente, le financement des services publics. Le projet de loi n° 100 établit également des mesures très importantes relatives au financement des services publics, notamment pour la santé, priorité de tous les Québécois, et pour les infrastructures de transport. Nous voulons un système de santé financé et performant. Ce n'est pas d'hier que le sujet préoccupe les Québécois. Plusieurs comités d'experts se sont penchés sur la question. Il y a eu le rapport Clair, le rapport Ménard et plus récemment le rapport Castonguay. Chacun de ces rapports proposait des approches concrètes pour solutionner le problème du financement de la santé. Depuis 2003, le système de santé public s'est vu attribuer plus de 50 % des nouvelles dépenses du gouvernement. La part de la santé dans les dépenses de programmes est passée de 31 % en 1980 à 45 % cette année, en 2010. Dans le contexte où l'écart entre la croissance des revenus de l'État et la hausse des coûts de la santé ne cesse de croître, les coûts de la santé montent plus vite que les revenus de l'État, il est impossible de maintenir des finances publiques saines et de réduire le fardeau de la dette sans s'attaquer au défi que pose le financement de notre système public de santé.
C'est un défi d'envergure. Il faut assurer un financement stable du système de santé sans compromettre les autres missions de l'État, et cela, en gardant la perspective de retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et le maintien de l'équilibre budgétaire de façon durable pour les années qui suivent. L'introduction de nouvelles sources de revenus vont permettre de maintenir à 5 % par année la croissance des dépenses totales de santé, 1,6 milliard de dollars par année, Mme la Présidente, et ce rythme va assurer à la fois des services de santé de qualité et le maintien des autres missions essentielles de l'État. Parce que l'État, ce n'est pas juste qu'un gigantesque hôpital et qu'un gigantesque réseau de système de santé, l'ensemble de la population du Québec profite des soins offerts par notre système de santé, l'ensemble de la population participera à son financement à la hauteur de ses moyens.
Aujourd'hui, Mme la Présidente, le gouvernement confirme, par le biais du projet de loi, la mise en place d'une contribution générale pour la santé dès le 1er juillet 2010. Cette contribution santé vise tous les adultes québécois, à l'exception des clientèles à faibles revenus. Elle sera de 25 $ par adulte en 2010, 100 $ en 2011, 200 $ en 2012. Ne perdons pas de vue que 1,4 million de contribuables seront exemptés de la contribution santé et que des dizaines de milliers d'autres additionnels seront compensés par le crédit d'impôt pour la solidarité que nous mettons en place, et bien sûr les parents du 1,5 million de Québécois de moins de 18 ans n'auront pas à payer pour leurs enfants. Ces revenus seront versés dans un fonds dédié pour financer directement les établissements de santé en fonction de leur productivité et de leurs résultats.
Le présent projet de loi institue plus particulièrement le Fonds de financement des établissements de santé et de services sociaux dans lequel sera versée la contribution santé. Il prévoit que le ministre de la Santé et des Services sociaux devra déposer annuellement les comptes de la santé contenant les renseignements nécessaires pour expliquer aux citoyens la situation financière et la performance du système de santé et des services sociaux.
Enfin, le projet de loi modifie la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec pour y ajouter les dispositions relatives à la perception de cette contribution santé.
Au-delà de la santé, Mme la Présidente, il faut parler du transport en commun et des infrastructures routières. Et, en octobre 2007, vous le savez, le gouvernement lançait un vaste plan pour le renouvellement de nos infrastructures, principalement dans les secteurs de la santé et des services sociaux, de l'éducation, du transport et de la culture. Et le plan d'infrastructures globalement a joué un rôle majeur pour soutenir l'économie puisqu'il fait travailler près de 100 000 Québécois dans toutes les régions du Québec. Le plan permet la remise à niveau et le développement des routes, des autoroutes, la rénovation et l'amélioration des écoles, des hôpitaux, et ce qui nous permettra de laisser à nos enfants des infrastructures modernes, de qualité, une condition d'ailleurs essentielle au développement économique, le député de Rousseau en conviendra sûrement. D'importants travaux sont en cours pour améliorer l'état de notre réseau routier et accroître l'offre de services de transport en commun. Actuellement, les contributions prélevées auprès des automobilistes ne sont pas directement affectées aux infrastructures de transport, elles sont... qui sont plutôt financées à même les impôts et les taxes.
Les citoyens nous ont dit qu'ils voulaient savoir où va leur argent. Conformément à ce principe d'utilisateur-payeur, nous mettons aujourd'hui sur pied les assises légales du Fonds des infrastructures routières et de transport en commun. L'essentiel des revenus, la taxe sur les carburants ainsi que les droits sur les permis de conduire et sur les immatriculations seront versés à ce nouveau fonds. Le projet de loi prévoit également que les activités du Fonds pour la vente de biens et services du ministère des Transports, du Fonds des partenariats en matière d'infrastructures du transport, non encore en activité, et du Fonds des contributions des automobilistes au transport en commun seront intégrées à ce fonds.
Troisième chapitre, si on veut, Mme la Présidente, des services publics. On sait que la tarification, c'est une façon efficace de financer certains services publics et des services publics de qualité, et ça permet au gouvernement de disposer de revenus suffisants pour financer les services fournis. Par exemple, en 2008-2009, les revenus de tarification représentaient 11,7 % du coût de l'ensemble des services du gouvernement. La tarification efficace a deux avantages: d'une part, celui qui consomme le service assume une partie des coûts, et ça évite le gaspillage, incite à consommer de façon rationnelle les services fournis par l'État, mais, d'autre part, la tarification permet l'amélioration et le maintien de services de qualité. C'est pourquoi le projet de loi prévoit l'indexation des tarifs, qui ne le sont pas déjà, à compter du 1er janvier 2011, à l'exception du tarif pour les services de garde.
Parlons maintenant, Mme la Présidente, du troisième grand pilier, au fond, de ce budget, qui est tellement important pour nos générations futures mais pour les parents de ces générations-là, le poids de la dette publique. Et c'est une condition essentielle, pour garantir un avenir prospère pour le Québec, que nous réduisions le poids de la dette. Le gouvernement est préoccupé depuis longtemps par l'endettement élevé du Québec. Nous avons, en 2006, mis sur pied le Fonds des générations pour s'assurer que nos enfants et nos petits-enfants n'assumeraient que leur juste part de la dette contractée par leurs grands-parents et leurs parents. Notre taux d'endettement est le plus élevé de toutes les provinces canadiennes, et on voit aujourd'hui ce qui se passe sur la planète. C'est un problème qu'il faut régler, Mme la Présidente, et qu'il faut régler aujourd'hui, qu'il faut régler pour les générations futures, qu'on ne peut pas laisser traîner. Et, même si une partie de cet endettement correspond à des actifs de qualité, la situation me préoccupe comme ministre des Finances, me préoccupe comme parent et nous préoccupe comme gouvernement. Nous devons alléger le fardeau des Québécois qui nous suivront.
Mme la Présidente, le projet de loi n° 100 prévoit donc des mesures qui contribueront à réduire le poids de la dette. D'abord, il y aura une modification de la Loi sur la réduction de la dette, qui a institué le Fonds des générations, pour réviser les concepts de dette, les définitions sont désuètes suite à la réforme comptable, et les cibles de réduction qui devront être atteintes en 2025-2026, même année qui était l'année ciblée par le Fonds des générations. L'objectif sera que la dette associée au déficit cumulé représente 17 % du produit intérieur brut en 2026, ce qui sera une réduction de moitié du poids du déficit cumulé qu'atteindra dans quelques années... et que la dette brute représente moins de 45 % du produit intérieur brut au même moment. La révision est donc nécessaire d'abord en raison de la réforme comptable, comme je le disais, mais aussi des déficits accumulés pendant la récession, parce que, pendant la récession, nous avons accepté de faire des déficits pour soutenir l'économie et maintenir les services publics, contrairement à ce que nos opposants faisaient dans les années précédentes.
**(11 h 50)**
Afin d'atteindre nos objectifs de réduction du poids de la dette, nous devrons donc consacrer de nouvelles sources de financement au Fonds des générations à compter de 2014, lorsque l'équilibre des finances publiques sera rétabli.
On sait que les Québécois sont fiers du développement hydroélectrique du Québec. C'est notre actif collectif majeur. Ça joue un rôle majeur dans le développement de l'économie de nos régions, de notre société. C'est une richesse sur laquelle nous allons tabler pour réduire notre dette. Les Québécois paient leur électricité moins cher qu'à peu près partout ailleurs en Amérique du Nord. Une modification sera donc apportée à la Loi sur la Régie de l'énergie afin de permettre, à compter de 2014, l'augmentation progressive du coût de fourniture de l'électricité patrimoniale puis, au terme d'une période de cinq ans, l'indexation de ce coût. La hausse du prix de l'électricité ne s'appliquera pas à la clientèle industrielle de grande puissance, qui gère des entreprises tellement importantes pour l'emploi et les économies de nos régions. À terme, en 2018, cette hausse du prix de l'électricité du bloc patrimonial de 0,01 $ globalement sur la période représentera 1,6 milliard de dollars par année de revenus additionnels qui seront entièrement versés au Fonds des générations pour réduire la dette.
Mme la Présidente, avec ce projet de loi, avec ce mécanisme, nous réglons fondamentalement le problème de la dette du Québec pour les générations futures.
Il y a d'autres dispositions dans ce projet de loi parce que l'ensemble du budget est un tout qui est intimement lié. Par exemple, dans la lutte à l'évasion fiscale, qui est un des morceaux importants par lesquels nous allons revenir à l'équilibre budgétaire mais qui est aussi une question de justice sociale entre les citoyens et les entreprises, l'État doit percevoir, on le sait, tous les revenus qui lui sont dus. Ni l'évasion fiscale ni l'évitement fiscal ne sauraient être tolérés. Chaque dollar dû et non perçu s'ajoute au fardeau des contribuables de bonne foi. Nous avons, depuis 2005, déployé de nombreux efforts en ce sens. Le 30 mars dernier, j'annonçais dans le budget la création de l'Agence du revenu du Québec qui se substituera à Revenu Québec à compter du 1er avril 2011. Elle sera une entité autonome, imputable, chargée de percevoir les revenus du gouvernement. La nouvelle approche qu'adoptera l'Agence du revenu du Québec s'inspirera des meilleures pratiques internationales. D'une part, ses pratiques consisteront à faciliter la réalisation des obligations fiscales des contribuables notamment par une prestation électronique évoluée intégrant un contrôle fiscal interactif. D'autre part, ses pratiques viseront à sanctionner très sévèrement les fraudeurs et à publiciser les actions prises, l'effet dissuasif étant recherché.
Par le présent projet de loi, je confirme donc que la peine d'emprisonnement maximale pour évasion fiscale, qui est présentement d'au plus deux ans, passera à cinq ans moins un jour, comme c'est le cas pour les infractions économiques majeures.
Nous devons, Mme la Présidente, également investir dans la modernisation de nos infrastructures sportives. Le projet de loi prévoit donc que le Fonds pour le développement du sport et de l'activité physique sera doté d'une enveloppe additionnelle de 209 millions de dollars, parce qu'il faut continuer à bâtir l'avenir du Québec afin de permettre le financement du remplacement des systèmes de réfrigération au fréon dans nos arénas, la création de l'institut national du sport et le financement d'autres projets, comme celui du Stade Saputo, que nous avons annoncé récemment. Ainsi, tel que le prévoira la loi à compter de 2010-2011 jusqu'en 2022-2023, le prélèvement annuel à même la taxe sur le tabac, actuellement de 30 millions de dollars par année, sera augmenté de 19 millions de dollars supplémentaires qui seront injectés dans ce fonds.
Le projet de loi, Mme la Présidente, comprend aussi une modification à la Loi sur la Société des établissements de plein air du Québec, la SEPAQ, pour augmenter son capital-actions autorisé de 35 millions de dollars, ce qui permettra à la SEPAQ de compléter le financement d'un plan d'investissement dans les projets à rendement financier et de créer de nombreux emplois en région.
Enfin, le projet de loi modifiera la Loi sur la Société générale de financement pour augmenter de 300 millions de dollars le fonds social autorisé de la société pour donner suite aux engagements annoncés dans le cadre du plan de retour à l'équilibre budgétaire. Le projet de loi prévoira également le dépôt des prévisions financières annuelles au ministre des Finances et au ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation.
En conclusion, Mme la Présidente, le projet de loi pose des jalons pour l'avenir du Québec tout en nous permettant de relever des défis immédiats. Il pare au court terme, il pense au moyen terme et il pense au long terme. Il permet la mise en place de solutions concrètes, immédiates pour redresser les finances publiques et assurer le maintien des services publics offerts par l'État. Le projet de loi prévoit des dispositions visant à limiter l'augmentation des dépenses du gouvernement, établit les mesures qui contribuent au financement des services publics notamment pour la santé mais aussi pour les infrastructures de transport et prévoit des mesures essentielles pour réduire le poids de la dette.
J'en appelle donc, Mme la Présidente, à la collaboration de l'opposition pour faciliter l'adoption et la mise en oeuvre rapides de ce projet de loi afin de respecter le budget 2010-2011 déjà voté par l'Assemblée nationale, contribuer au retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014, tel que le prévoit la Loi sur l'équilibre budgétaire, qui est une loi au Québec, et pour que les gestes nécessaires à la réduction de la dette du Québec soient posés. Nos enfants nous en serons reconnaissants, Mme la Présidente. Merci beaucoup.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le ministre des Finances. Je reconnais maintenant M. le député de Rousseau, porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances publiques. M. le député.
M. NICOLAS MARCEAU
M. Marceau: Merci, Mme la Présidente. Le projet de loi n° 100 a pour objet de mettre en oeuvre le budget 2010-2011 du gouvernement. À l'occasion du débat qui a suivi le dépôt du budget, j'ai exprimé clairement mon désaccord avec ce budget. Je crois que ce budget est mauvais pour le Québec, qu'il est mauvais pour les Québécois, qu'il ne constitue pas ce dont le Québec a besoin. Les Québécois vont payer très cher pour la mauvaise gestion libérale. J'aurai l'occasion d'y revenir. Toujours est-il que, parce que ce budget est un mauvais budget, mes collègues de l'opposition officielle et moi-même avons voté contre ce budget. Et il va de soi qu'étant opposé au budget je suis également opposé au projet de loi le mettant en oeuvre. Je suis donc opposé au principe du projet de loi n° 100 et je prendrai le temps, dans les prochaines minutes, d'expliquer pourquoi.
Permettez-moi tout d'abord de rappeler l'énorme déficit de légitimité du gouvernement libéral. Ce déficit de légitimité a ses origines dans la campagne électorale qui a conduit à l'élection du gouvernement libéral. Il faut le rappeler, il y a tout juste 17 mois et alors que les marchés financiers s'effondraient, ce gouvernement a été élu en disant aux Québécois qu'il n'y aurait pas de déficit, pas de perte à la Caisse de dépôt et placement, pas de hausse de taxes, de tarifs et d'impôt. Ce gouvernement a, dans les semaines et mois qui ont suivi son élection, violé les promesses fondamentales sur la base desquelles il avait été élu. Et, dans le budget 2010-2011, le gouvernement libéral a récidivé en annonçant des hausses de taxes et de tarifs totalisant 6,5 milliards de dollars. Aujourd'hui, les Québécois se souviennent et ils sont en colère. La légitimité de ce gouvernement est aujourd'hui réduite à néant, et le taux d'insatisfaction à l'égard du gouvernement atteint des niveaux stratosphériques. Mme la Présidente. Le gouvernement n'a que lui-même à blâmer. Et qu'on ne vienne pas dire que les contribuables sont des éternels insatisfaits ou encore qu'ils ne comprennent rien à la complexe réalité des finances publiques.
Au contraire, les Québécois ont depuis longtemps montré leur adhésion à un État impliqué économiquement et socialement, mais, pour maintenir leur adhésion, ils exigent un État performant, dirigé par un gouvernement qui donne l'exemple et qui gère avec le plus grand soin chacun des deniers qui lui est confié. Le gouvernement libéral actuel ne satisfait d'aucune manière ces exigences tout à fait légitimes des citoyens.
Mme la Présidente, dans le budget on nous dit que le gouvernement et les contribuables doivent chacun faire leur part pour permettre le retour à l'équilibre budgétaire. Or, la part des contribuables, je l'ai déjà dit, c'est du béton, c'est de l'ordre de la certitude. Les Québécois savent qu'ils doivent commencer à économiser maintenant, car ils vont passer à la caisse dans les prochaines années. D'ailleurs, le projet de loi n° 100 prévoit la législation requise pour que le gouvernement puisse aller piger encore plus profondément dans les poches des Québécois. En fait, tous les éléments de législation permettant d'accroître les taxes et les tarifs sont clairs et nets dans le projet de loi n° 100. De toute évidence, les contribuables n'y échapperont pas. Ils sont pris dans la toile d'araignée fiscale et tarifaire que ce gouvernement a méticuleusement tissée.
Par ailleurs, la part du gouvernement, elle, elle est hautement incertaine, elle est hypothétique. Il s'agit essentiellement de voeux pieux. Le passé nous enseigne que cette part ne se matérialisera pas, que les annonces du gouvernement ne sont pas crédibles. D'ailleurs, et même si le projet de loi n° 100 contient quelques éléments pouvant donner l'illusion qu'un meilleur contrôle des dépenses s'exercera, on constate à la lecture du projet de loi n° 100 que le gouvernement récidive avec des phrases molles et des concepts flous. Surtout, on se rend rapidement compte que les sommes qui seront économisées par l'application du projet de loi n° 100 ne correspondent tout simplement pas aux efforts de réduction de dépenses annoncés par ce gouvernement.
**(12 heures)**
Mme la Présidente, le projet de loi n° 100, c'est la confirmation du deux poids, deux mesures du gouvernement libéral. C'est la confirmation que ce gouvernement est très sérieux quand il s'agit d'accroître le fardeau fiscal des Québécois, mais incroyablement laxiste quand il s'agit d'exercer un contrôle serré des dépenses.
Mme la Présidente, il faut rappeler les hausses de taxes et de tarifs que ce gouvernement libéral a annoncées dans son budget 2010-2011. Les Québécois le savent, le budget annonce des hausses de contribution qui, à terme, totaliseront 6,5 milliards de dollars. Je rappelle de quoi il s'agit.
Premièrement, une hausse de un point supplémentaire à la TVQ. À la hausse donc de 1 % en janvier 2011 s'ajoute maintenant une hausse de 1 % en janvier 2012. Le total s'élèvera à 2 815 000 000 $.
Deuxièmement, il y a la hausse de la taxe sur l'essence de 0,01 $ depuis le 1er avril dernier et une hausse de 0,01 $ supplémentaire le 1er avril 2011, le 1er avril 2012 et le 1er avril 2013, pour une somme totale de 480 millions à terme.
Troisièmement, il y a la nouvelle taxe santé du premier ministre, la contribution santé, qui permettra de récolter 945 millions de dollars à terme.
Quatrièmement, il y a un ticket modérateur aux usagers du système de santé, une mesure non détaillée pour le moment, mais qui apparaît néanmoins dans le cadre financier du gouvernement à hauteur de 500 millions de dollars en 2013-2014.
Cinquièmement, il y a l'augmentation de tous les tarifs non indexés. On parle de 195 millions de dollars en 2013-2014.
Sixièmement, il y a la hausse des tarifs de l'électricité provenant du bloc patrimonial de 2014 à 2018, ce qui permettra de récolter 1,6 milliard à terme.
Septièmement, on nous annonce une hausse des frais de scolarité à partir de septembre 2012, à la suite d'un sommet. Le montant de la hausse n'est pas, à ce stade-ci, déterminé.
Et finalement il y a, huitièmement, une hausse de la taxe compensatoire sur les institutions financières.
Mme la Présidente, parmi ces hausses de taxes et de tarifs, certaines étaient à la portée du gouvernement sans nouvelle législation. C'est, par exemple, le cas de la hausse supplémentaire de la TVQ ou de la hausse de la taxe compensatoire sur les institutions financières, mais, pour toutes les autres hausses de taxes et de tarifs, le gouvernement ne pouvait faire passer les Québécois à la caisse sans nouvelle législation. Le projet de loi n° 100 remédie à ce problème du gouvernement libéral, au grand désarroi des Québécois. Le projet de loi contient donc les éléments de législation qui permettront au gouvernement d'accroître le fardeau fiscal des Québécois. Plus précisément, il rendra possible la hausse de la taxe sur l'essence de cette année et des prochaines années, il rendra possible la mise en place de la nouvelle et inique taxe santé du premier ministre, il rendra possible l'augmentation de tous les tarifs non indexés et la hausse des tarifs d'électricité provenant du bloc patrimonial de 2014 à 2018. Est-il nécessaire, Mme la Présidente, de dire que ces éléments sont au coeur de notre opposition au principe du projet de loi n° 100?
Mme la Présidente, le gouvernement a annoncé qu'il prendra des mesures qui lui permettront de mieux contrôler les dépenses. Ainsi, il prévoit une augmentation des dépenses de programmes de 3,2 % en 2010-2011 et de 2,8 % par la suite, jusqu'au retour à l'équilibre budgétaire. Ces annonces ne sont tout simplement pas crédibles. J'ai eu l'occasion de le dire, le gouvernement libéral n'est jamais parvenu à contrôler ses dépenses dans le passé, même lorsque le salaire des employés de l'État était gelé. Pour l'année qui s'est terminée le 31 mars 2009, la croissance des dépenses de programmes a été de 6,8 %, et, pour les deux années précédentes, la croissance fut respectivement de 6 % et de 5,1 %.
Je l'ai dit plus tôt, et, même si le projet de loi contient quelques éléments pouvant donner l'illusion d'un meilleur contrôle des... qu'un meilleur contrôle des dépenses s'exercera, on constate, à la lecture du projet de loi n° 100, que le gouvernement récidive avec des phrases molles et des concepts flous. On dit qu'un exemple vaut mille mots. Attardons-nous donc quelques minutes à l'article 9 du projet de loi, si vous le voulez bien. Alors, je vous lis l'article 9: «Les sociétés d'État doivent exiger de leur personnel de direction et d'encadrement un effort de réduction de la rémunération additionnelle fondée sur le rendement, dont le résultat serait comparable à celui [...] de l'effort qui est exigé du personnel de direction et d'encadrement des organismes du gouvernement.»
Mme la Présidente, le concept de résultat comparable, vous en conviendrez, se prête à bien des interprétations. On imagine sans problème le sprinter au 100 mètres terminant dernier dans une course relevée avec un chrono de 10,1 secondes, alors que les trois premiers sprinters ont terminé sous les 9,9 secondes. 9,9 secondes et 10,1 secondes, sont-ce bien là des résultats comparables, qui pourtant se traduisent par un podium pour certains coureurs et par une dernière place pour l'autre? Est-ce là le sens du concept mou choisi par ce gouvernement dans le projet de loi n° 100? Comment jugera-t-on qu'un résultat comparable a été atteint? Quels critères seront utilisés pour en juger? Dira-t-on que des résultats comparables ont été atteints lorsque les primes auront été complètement éliminées, ou lorsqu'elles auront été réduites d'un même pourcentage, ou encore lorsque les montants de réduction en dollars seront équivalents? Tiendra-t-on compte de ce qu'une réduction de salaire de 10 % n'a pas le même impact sur une personne gagnant 75 000 $ ou sur une personne gagnant 300 000 $? Mme la Présidente, voilà autant de questions sans réponse qui montrent le manque de sérieux du gouvernement libéral.
Par ailleurs, je l'ai déjà dit, on se rend rapidement compte que les sommes qui seront économisées par l'application du projet de loi n° 100 ne correspondent tout simplement pas aux efforts de réduction des dépenses annoncées par ce gouvernement. On est très loin de ce qu'il faudra pour limiter la croissance des dépenses à 3,2 % cette année et 2,8 % les prochaines années. Quand ce gouvernement libéral nous annoncera-t-il les moyens concrets qu'il entend mettre en oeuvre pour atteindre ses cibles?
Mme la Présidente, la crédibilité n'y est pas. Le geste significatif qui aurait pu être posé pour redonner un minimum de crédibilité au gouvernement est absent du budget et du projet de loi n° 100. Ce geste significatif, j'ai eu l'occasion de le dire, aurait été d'annoncer la tenue d'une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction, sur l'octroi des contrats gouvernementaux et sur le financement des partis politiques. Je le répète, le budget n'en faisait pas mention, le projet de loi n° 100 est silencieux à ce sujet.
Mme la Présidente, j'ai déjà eu l'occasion de dire que le meilleur indicateur de la mauvaise gestion libérale est la hausse vertigineuse de notre endettement et son corollaire, la hausse du service de la dette. Quant à l'endettement, je rappelle qu'il y avait effectivement quelque chose d'historique dans le budget de cette année: jamais un premier ministre, jamais un ministre des Finances n'avaient autant augmenté la dette. Je rappelle le discours inaugural du premier ministre, en 2003, dans lequel il avait reproché au Parti québécois d'avoir accru la dette de 11 milliards entre 1998 et 2003. Le premier ministre et son ministre des Finances font désormais ça en un an. Pire, notre dette brute s'accroîtra de 20 milliards de dollars en deux ans et elle se sera accrue de 42 milliards de dollars entre 2003 et 2011.
Mme la Présidente, il faut également rappeler que le service de la dette a augmenté et augmentera à un rythme spectaculaire dans les prochaines années. De 6,1 milliards aujourd'hui, le service de la dette s'établira à 9,6 milliards de dollars en 2013-2014. En fait, le service de la dette, je l'ai déjà dit, c'est autant de ressources qui ne pourront pas être utilisées pour livrer des services à la population.
Mme la Présidente, une chose est claire, ce gouvernement libéral a complètement perdu le contrôle de la dette et du service de la dette. Et malheureusement le projet de loi n° 100 n'apporte rien qui permettrait d'espérer une quelconque reprise de contrôle de la dette. Selon mes calculs, le gouvernement ratera par rien de moins que 25 milliards de dollars la cible de dette totale prévue pour 2013 dans la loi instituant le Fonds des générations, en 2006. 25 milliards de dollars en plus que prévus en sept ans seulement, c'est ça, le résultat de la gestion à la petite semaine du gouvernement libéral.
Or, le projet de loi n° 100 vient modifier la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations. Mais qu'y trouve-t-on? On n'y trouve que des cibles de réduction de la dette pour -- tenez-vous bien, Mme la Présidente -- 2025. Vous avez bien entendu, ce gouvernement libéral nous fait des promesses pour 2025. Je vous rappelle qu'en quelques mois à peine, après l'élection de 2008, le gouvernement libéral avait violé les promesses les plus importantes. Alors, quelle crédibilité doit-on accorder à des promesses pour 2025?
Mme la Présidente, le projet de loi n° 100 ne prévoit aucune cible intérimaire, telles qu'on en trouvait dans le projet de loi... dans la loi de 2006, pardon. Donc, donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que ce gouvernement n'aura pour seule contrainte que l'atteinte d'une cible en 2025. Aussi bien dire que ce gouvernement se donne les moyens de continuer à endetter les Québécois sans contrainte, qu'il veut pouvoir continuer à dépenser sans compter. Le gouvernement libéral, champion de la dette, veut s'assurer qu'il conservera son titre pour de nombreuses années encore. Dois-je vous dire, Mme la Présidente, que je ne m'explique pas qu'un gouvernement fasse preuve d'autant de légèreté face à un problème aussi fondamental de nos finances publiques?
**(12 h 10)**
Mme la Présidente, un dernier mot sur ce projet... cette portion du projet de loi n° 100. Dans le projet de loi, on prévoit que les revenus supplémentaires découlant des hausses des tarifs d'électricité provenant du bloc patrimonial entre 2014 et 2018 seront versés au Fonds des générations. Il est important que je rappelle que, dans l'état actuel des arrangements financiers au Canada les paiements... pardon, les paiements de péréquation du Québec seront réduits de la moitié des revenus supplémentaires que récoltera Hydro-Québec. J'aimerais bien que le ministre des Finances explique à la famille québécoise moyenne que les 265 $ de plus qu'elle paiera pour son électricité... que, de ces 265 $ de plus qu'elle paiera, la moitié, soit 133 $, ira aux gouvernements des autres provinces canadiennes. Peut-être se rendra-t-il compte que la hausse des tarifs d'électricité n'a pas de sens dans un tel contexte.
Mme la Présidente, je conclus. Le projet de loi n° 100 a pour objet de mettre en oeuvre le budget 2010-2011 du gouvernement. Or, je crois que ce budget est mauvais pour les Québécois et qu'il est mauvais pour le Québec. Il va de soi qu'étant opposé au budget je suis également opposé au projet de loi le mettant en oeuvre. Je suis donc opposé au principe du projet de loi n° 100. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Rousseau. Je reconnais maintenant M. le député de Viau et adjoint parlementaire au ministre des Finances.
M. EMMANUEL DUBOURG
M. Dubourg: Merci beaucoup, Mme la Présidente. En effet, à titre d'adjoint parlementaire au ministre des Finances, j'ai le plaisir de prendre la parole dans le cadre de l'adoption du projet de loi n° 100 pour la mise en oeuvre du budget que mon collègue a déposé le 30 mars dernier. Et j'en profite encore une fois pour le féliciter, parce que, comme vous le savez, Mme la Présidente, nous avons pris bien soin d'écouter les gens, nous avons fait des consultations élargies. Et le ministre des Finances... nous avons présenté, comme vous le savez, un budget courageux.
Nous avons osé, Mme la Présidente, avec ce budget, faire les gestes nécessaires pour assurer l'avenir des Québécois et du Québec, pour rester maîtres de nos choix. À court terme, nous complétons notre plan de relance, nous appuyons les initiatives ciblées. À moyen terme, nous mettons en place des solutions concrètes pour redresser les finances publiques et assurer le maintien des services publics. Nous assurons le financement de la santé et des universités, tout en permettant à l'État de maintenir l'ensemble de ses autres missions. À long terme, nous plaçons les jalons qui feront de notre économie une économie prospère, productive, innovante et verte. Et nous agissons pour réduire le poids de la dette.
Nous ne nions pas que ce budget soit exigeant. Il est exigeant pour vous et pour moi, et il est exigeant pour l'ensemble des citoyens du Québec. Les services offerts par l'État, auxquels nous tenons, ne sont pas gratuits. Ils ont un coût qui doit être payé. Le budget est également exigeant pour le gouvernement, sur qui repose la plus grande partie de l'effort nécessaire pour revenir à l'équilibre budgétaire. L'appareil gouvernemental devra devenir plus efficient et plus productif. Il devra s'interroger sur la moindre de ses dépenses afin d'atteindre les objectifs exigeants que nous nous sommes fixés.
Le présent budget, Mme la Présidente, confirme notre volonté d'aller de l'avant avec les investissements de la deuxième année de notre plan de relance. Nous avons réussi à traverser la crise, nous allons également faire en sorte de réussir la reprise.
Ce budget est également l'occasion de tracer le chemin que nous allons suivre pour revenir à l'équilibre budgétaire. Devant la conjoncture de la dernière année, nous avons choisi de soutenir l'économie, de maintenir les services pour limiter les dommages à la récession. Nous avons réussi. Maintenant, nous passons à l'étape suivante, le redressement de nos finances publiques.
Ce redressement requiert des efforts importants. Si on ne s'attaquait pas de front à cet enjeu majeur, le déficit atteindrait, en 2013-2014, 12,3 milliards de dollars. Ce serait irresponsable. Avec ce budget, nous avons désormais identifié plus de 90 % des actions requises pour retrouver l'équilibre budgétaire.
Le gouvernement fera la plus grande partie de l'effort consenti, soit 62 %. Nous allons atteindre ces cibles de dépenses. Et, pour y arriver, nous mettons en place une culture de contrôle des dépenses énoncée dans le plan d'action de la présidente du Conseil du trésor. Ce plan d'action contient une série de mesures concrètes qui nous permettront d'atteindre nos objectifs en matière de contrôle des dépenses.
De plus, Mme la Présidente, nous intensifierons davantage nos activités de lutte contre l'évasion fiscale. Plus que jamais, tous doivent payer leur juste part d'impôt et de taxes.
Et tous ces efforts, quoique importants, ne suffiront pas à retrouver l'équilibre budgétaire. Les Québécois et les entreprises devront aussi contribuer 38 % de l'effort. Les hausses auxquelles les Québécois devront faire face entreront en vigueur de façon graduelle. On pourra s'y préparer. En 2010, l'effet est très faible, puisque seule la hausse de taxe sur les carburants est en vigueur. La contribution santé de 25 $ ne sera payable que lors de la préparation du rapport d'impôt au printemps 2011. Du côté de l'effort requis par les entreprises, nous avons notamment révisé le régime des droits miniers pour retirer une plus juste compensation pour l'exploitation de nos ressources naturelles, en fait 250 millions de plus sur cinq ans. Nous avons de plus augmenté temporairement la taxe compensatoire des institutions financières et des banques afin que ces dernières contribuent au retour à l'équilibre budgétaire. C'est donc dire... C'est près de 500 millions de dollars sur cinq ans que nous allons chercher.
Le retour à l'équilibre budgétaire, Mme la Présidente, est une condition essentielle au développement et à la prospérité du Québec. Nous devons nous y attaquer sans tarder en raison notamment des autres défis qui nous attendent, dont celui de la démographie. En effet, le bassin de travailleurs potentiels au Québec diminuera à compter de 2014. Pour limiter les effets de cette diminution sur notre économie, nous devons faire en sorte que le nombre de personnes qui travaillent augmente. Particulièrement, nous devons pouvoir compter sur les Québécois d'expérience. Nous devons les inciter, s'ils le veulent, bien sûr, à demeurer plus longtemps sur le marché du travail. Cela implique un changement de culture profond.
Une autre condition essentielle pour garantir un avenir prospère pour le Québec est la réduction de la dette. Le gouvernement est préoccupé depuis fort longtemps par son endettement élevé. En 2006, la création du Fonds des générations était un premier geste concret pour la réduction du poids de la dette. Des revenus dédiés, provenant principalement des redevances hydrauliques des producteurs d'électricité, sont versés au Fonds des générations. Malheureusement, les déficits que nous connaissons ont eu pour effet d'augmenter notre dette. De plus, la réforme comptable de 2007 a élargi le périmètre comptable du gouvernement de sorte que les cibles initialement prévues ne reflètent plus la situation réelle.
Malgré les difficultés des finances publiques, nous avons décidé, l'an dernier, de maintenir les versements au Fonds des générations, et nous avions annoncé à ce moment que nous nous donnions jusqu'au budget 2011-2012 pour cibler... pour fixer de préférence de nouvelles cibles. Nous avons décidé de ne pas attendre. Nous avons dédié des sources de revenus additionnelles au Fonds des générations. Nous avons décidé d'augmenter progressivement le prix de l'électricité provenant du bloc patrimonial à compter de 2014 jusqu'en 2018 et de verser au Fonds des générations les revenus additionnels ainsi récoltés. Toutefois, le crédit d'impôt pour la solidarité sera ajusté pour protéger les plus démunis de cette hausse de tarifs d'électricité.
Les Québécois bénéficient d'une électricité bon marché, puisque c'est parmi les moins chers en Amérique du Nord. Le coût de l'électricité ne reflète pas la valeur réelle de la ressource et n'incite pas les Québécois à l'utiliser de façon raisonnable. Mais l'hydroélectricité, c'est une grande richesse du Québec, c'est notre plus grande richesse. En payant légèrement plus cher pour notre électricité, les Québécois vont contribuer à la prospérité des générations futures en leur léguant un endettement moins lourd.
**(12 h 20)**
Le budget déposé est un budget qui fait un portrait réaliste de la situation. C'est un budget franc et courageux, qui met en place les initiatives nécessaires à court, moyen et à long terme pour que le Québec puisse demeurer maître de ses choix. Le budget met en place les conditions nécessaires à la création de richesse. Vous le savez, Mme la Présidente, c'est une de nos valeurs. Il répond également aux valeurs d'équité et de justice sociale du gouvernement et des Québécois. Et, si nous ne créons pas de richesse, malheureusement nous ne pourrions pas la partager. Nous avons tracé la voie à suivre pour affronter les enjeux les plus pressants du Québec. Nous mettons en oeuvre un plan de retour à l'équilibre budgétaire où le gouvernement est responsable de 62 % de l'effort et les Québécois et les entreprises pour 38 %, tout en protégeant normalement les plus démunis. Nous amenons des solutions au financement de la santé et au financement des universités. Nous posons des gestes concrets pour réduire notre dette et nous poursuivons le renouvellement de nos infrastructures.
En conclusion, notre budget 2010-2011, ce n'est pas un exercice comptable, c'est un exercice stratégique, Mme la Présidente. Je dirais même qu'il constitue l'amorce d'une transformation de notre État et de son rapport avec les citoyens.
Ce budget comporte trois temps stratégiques. Le premier consiste à consolider la relance, c'est-à-dire assurer que l'économie du Québec fonctionne à son plein potentiel. C'est la base de tout développement.
Le deuxième temps consiste à redonner au gouvernement sa marge de manoeuvre en rétablissant l'équilibre budgétaire, à assurer un financement durable des services publics. Mais, plus encore, il consiste à opérer un véritable changement de culture au gouvernement comme chez les citoyens consommateurs de services.
Et le troisième temps consiste à accroître le potentiel de croissance de notre économie par une participation accrue des travailleurs d'expérience à l'économie, par l'éclosion d'une économie axée sur l'éducation, l'innovation, sur la culture.
Ce budget permettra aux Québécois de conserver les valeurs auxquelles ils tiennent tant. Enfin, Mme la Présidente, le gouvernement du Québec a fait des choix responsables pour l'avenir afin d'assurer la prospérité du Québec, mais aussi d'assurer la justice sociale, d'assurer des finances publiques saines pour protéger nos valeurs, celles des Québécois d'aujourd'hui et celles de demain. Merci, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député de Viau. Je reconnais maintenant M. le député de Shefford, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de finances publiques. M. le député.
M. FRANÇOIS BONNARDEL
M. Bonnardel: Merci, Mme la Présidente. Je suis très heureux d'intervenir ce midi, au nom de ma formation politique, sur le projet de loi n° 100 qui se lit comme suit: Loi mettant en oeuvre certaines dispositions du discours sur le budget du 30 mars 2010 et visant le retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014 et la réduction de la dette.
Mme la Présidente, je pense qu'on en a parlé énormément, depuis le 30 mars, de ce budget, et, comme vous le savez, vous connaissez notre position du côté de notre formation politique, l'Action démocratique du Québec, je crois que c'est important que les Québécois ou moi-même, qu'on revienne un peu en arrière puis qu'on réexplique un petit peu aux gens -- ils le savent encore très bien, mais qu'on revienne un peu avec de la pédagogie -- à savoir comment ce gouvernement a pu dire aux Québécois que, cet effort de 62 %, c'est eux-mêmes qui le faisaient, et que les entreprises, les contribuables, les pères, les mères de famille allaient contribuer à peu près à hauteur de 30 %.
Si on revient au début, Mme la Présidente, vous le savez, un retour à l'équilibre budgétaire, je l'ai dit maintes et maintes fois que nous étions prêts à accompagner le gouvernement dans ce processus, processus qui est un retour à l'équilibre où, veux veux pas, s'il manque des sous, il faut être capables... il faut être capables de voir où on peut aller chercher ces argents, mais toujours dans un effort où il faut démontrer à la population du Québec que, si on leur demande de se serrer la ceinture d'un trou et deux trous, le gouvernement aussi va faire ce même effort.
Allons avec, donc, les revenus, parce qu'un budget, Mme la Présidente, c'est fort simple, ce sont des revenus, ce sont des dépenses, et, en dessous, on fait ou ne fait pas de l'argent. Si on va, donc, dans les revenus, ce que les Québécois, Mme la Présidente, vont absorber comme coûts additionnels d'ici au retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014, il y a énormément, énormément de milliards qu'on va aller chercher directement dans les poches des contribuables.
On va commencer par celle qui cause le plus de remous, c'est certainement cet impôt... cet impôt santé. Cet impôt santé, les Québécois le savent, dès cette année, 2010-2011, ça va être 25 $ qu'on va leur... qu'on va rajouter sur leur impôt l'an prochain par adulte, donc 50 $ par famille, pour leur dire que le système de santé va aller mieux l'année prochaine. Alors, 2011-2012, on augmente ça à 100 $, 100 $ par adulte, donc 200 $ pour la famille au complet, en leur disant encore une fois: Ne vous inquiétez pas, le système de santé va aller encore mieux. Pour la troisième année, ça va être 200 $ qu'on va aller chercher dans les poches des contribuables, des pères, des mères de famille, donc 400 $ par famille dans trois ans. Ça, Mme la Présidente, c'est 2,6 milliards de dollars qu'on va aller chercher dans les poches des contribuables pour leur dire: Notre système de santé va mieux se porter.
Les gens qui nous écoutent doivent savoir que, sur chaque dollar d'impôt, chaque dollar d'impôt qu'on envoie, à chaque jeudi ou vendredi, à Québec, sur notre paie, il y a 0,45 $ qui va déjà à la santé, il y a 0,24 $ qui va au système d'éducation et il y a près de 0,10 $ qui va pas à la dette directe, mais aux intérêts sur la dette. Donc, si on fait un calcul assez rapide, on est près de 0,80 $ sur 1 $ qui va à trois postes budgétaires.
Mais, Mme la Présidente, les Québécois se disent: Bon, O.K., 25 $, 100 $, 200 $, c'est pas mal de sous, mais de l'autre côté est-ce que la situation va vraiment mieux? Je vous pose la question, Mme la Présidente. Vous allez débourser 25 $ cette année, 100 $ l'an prochain, et Mme Tremblay, qui nous écoute à la télévision, elle se questionne puis elle se dit: Y a-tu un médecin de famille qui va apparaître si je donne 100 $? Est-ce que je vais attendre moins à l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont parce que j'ai donné 200 $ dans trois ans? Est-ce que le système de santé va mieux ou va aller mieux?
Moi, je n'ai pas vu aucune mesure spécifique, Mme la Présidente, surtout, surtout, surtout quand j'ai montré un organigramme de la Santé, que vous avez sûrement vu, vous aussi, Mme la Présidente, un organigramme de la Santé où c'est le plus gros ministère au Québec, le ministère de la Santé, 16 agences réparties un peu partout au Québec, 16 agences, vous avez 95 CSSS en dessous de ça, Mme la Présidente, et 301, si je me souviens bien, autres conseils d'administration qui sont liés à ces systèmes, au dédoublement.
Et M. le ministre des Finances avait engagé une équipe d'économistes où ils ont sorti un, deux, trois fascicules, dont le fascicule n° 2, où on parlait justement du dédoublement, du dédoublement de postes entre les agences de santé, les CSSS et même directement du ministère, où il y avait une économie qui pouvait aller jusqu'à 600 millions de dollars.
Mme la Présidente, je me pose la question fort simple: Si, les Québécois, on leur demande de débourser 2,6 milliards pour les trois prochaines années, et que, dans un organigramme du ministère de la Santé il y a 19 % plus de cadres depuis l'arrivée du Parti libéral du Québec en 2003, et qu'il y a 1 300 infirmières de moins dans le système public, Mme Tremblay qui m'écoute va sûrement se dire: Il y a quelque chose qui ne marche pas, là. Moi, je vais débourser 2,6 milliards, 25 $ cette année, mon voisin aussi, 100 $ l'an prochain, 200 $ dans trois ans, puis vous me dites que le système de santé ne fonctionne pas mieux, qu'il n'y a pas de différence?
Le gouvernement va dire: Vous ne proposez rien. Bien, contrairement au Parti québécois, Mme la Présidente, moi, je vais vous en donner une, solution. Et le ministre des Finances, quand on était en débat avec le porte-parole de Nicolet... pas Nicolet-Yamaska, mais le porte-parole de... le député de Rousseau... on s'est dit: On fait quoi avec le système de santé, Mme la Présidente? Une solution, une première solution: le paiement à l'acte, Mme la Présidente. Fini, les budgets récurrents dans les hôpitaux! Voyons maintenant le patient pas comme une dépense, mais comme un revenu.
Et j'ai dit exactement ça à l'émission du Match des élus, avec M. Simon Durivage, avec le ministre des Finances et le député de Rousseau, et le ministre des Finances a dit: M. le député de Shefford, je suis d'accord avec vous. Première solution, Mme la Présidente, revoir, revoir le mode de financement des hôpitaux. Ça, c'était une des premières solutions.
La deuxième, la mixité, Mme la Présidente. Permettre aux médecins... Protéger le système public, pour notre formation politique, c'est important. On n'a jamais mis en doute, Mme la Présidente, jamais mis en doute le système public au Québec. Maintenant, les médecins qui opèrent dans le système public, qui ont droit... ils ont un quota, je vous dis ça comme ça, je ne suis pas un spécialiste de la santé, mais qui font sept, huit ou 10 opérations pour une semaine et qui se croisent les doigts, après ces 10 opérations, parce qu'ils les ont terminées soit le mercredi ou le jeudi, et qui se disent: Je peux en faire plus, bien, permettre la mixité, Mme la Présidente, c'est aussi dire à ce médecin de prendre la liste d'attente, de rappeler Mme Tremblay et de lui dire: Mme Tremblay, je pourrais vous opérer si vous le voulez. Parce que le Québec me donne tant pour une opération au coude, je peux vous en charger... pas «je peux», je vous charge le même montant.
**(12 h 30)**
Et qu'est-ce que le docteur fait? Bien, il appelle le bloc opératoire qui ne fonctionne pas 24 sur 24 à l'Hôpital de Granby, il dit à la direction: Vous me réservez le bloc opératoire pour telle et telle heure, j'ai besoin d'une clinicienne, d'une infirmière, peu importe ce que ça prend, ça coûte tant, je paie l'hôpital, et c'est des revenus additionnels aussi qui rentrent dans les hôpitaux, Mme la Présidente.
Ça, c'est des solutions directes, directes auxquelles le gouvernement en place, le Parti libéral, n'a pas voulu écouter. La seule chose qu'on a trouvé à faire, c'est de prendre une solution facile, aller chercher encore une fois sur un impôt, une taxe santé, appelez ça comme vous voulez, une contribution santé, et dire aux gens: Bien, c'est facile, ça, on va vous prendre un peu de sous, mais le système de santé ne changera pas demain matin.
Et encore pire, Mme la Présidente, encore pire, juste pour cette contribution santé, on a voulu dire aux Québécois et leur faire croire, lors du dépôt du budget, le 30 mars dernier... Et je ne l'ai pas inventé, Mme la Présidente, c'est dans les communiqués de presse du 30 mars, je l'ai mis en jaune, à la page 4. Ça se lit comme suit: «En tenant compte de l'introduction d'une contribution dédiée au financement de la santé, la croissance des dépenses de programmes sera en fait de 2,9 % en 2010-2011 et de 2,2 % en 2011-2012.» La contribution santé, Mme la Présidente, ce que ça dit, c'est que, pour le gouvernement, c'est un effort aux dépenses. On dit aux gens: Donnez-nous de l'argent, puis, avec cet effort-là, cette contribution, on va vous faire croire qu'on fait un effort pour baisser nos dépenses. Ça, c'est écrit noir sur blanc, Mme la Présidente, dans les communiqués de presse du gouvernement.
Mme la Présidente, ça, donc, c'est le premier point: 2,6 milliards qu'on va chercher pour une contribution santé.
L'explosion de la taxe sur l'essence, Mme la Présidente, c'est une autre chose, 1,4 milliard. Un sou cette année, un sou à partir de l'an prochain et pour les deux autres prochaines années, c'est près de 1,4 milliard qu'on va aller chercher, encore une fois, dans les poches des contribuables, et on a permis aussi aux municipalités d'augmenter de 0,015 $ dans les grandes métropoles. Montréal a décidé de le faire, alors c'est 0,015 $ additionnel pour cette taxe sur l'essence.
La TVQ, tous les Québécois le savent qu'à partir de janvier 2011 il y aura un point additionnel de TVQ et un point additionnel au 1er janvier 2012. Ça, c'est près de 8,3 milliards si on prend la période de quatre ans. Les Québécois vont payer sur leurs achats à gauche et à droite.
L'indexation des tarifs, Mme la Présidente, c'est 500 millions. Permis de pêche, peu importe ce que ça peut être comme augmentation, c'est quand même des montants qui vont être augmentés.
Si on fait le topo, le topo global, Mme la Présidente, on est à près de 12 milliards, 12 milliards de dollars de coûts, de revenus additionnels que les Québécois vont absorber sur une période de quatre ans pour amener le retour à l'équilibre budgétaire. Ça, c'est le sacrifice imposant qu'on demande aux Québécois. La façon facile, on se dit: Bien oui, il faut que les Québécois paient plus, on vit au-dessus de nos moyens, on va en chercher, les Québécois paient. Mais, de l'autre côté, Mme la Présidente, vous avez eu un grand spectacle, un grand spectacle dans les jours suivant le dépôt du budget, où le gouvernement, soudainement, soudainement, a dit aux Québécois: Bon, on va calculer ça d'une façon assez simple, on va leur montrer. On va leur dire que, nous-mêmes, on a compris le message puis on va réduire nos dépenses. On va essayer de leur expliquer que, l'effort aux dépenses, on en absorbe presque les deux tiers. Et c'est là, Mme la Présidente, que le bât blesse.
Quand on regarde, quand on regarde vraiment ce que le gouvernement libéral, et le Parti libéral, et le ministre des Finances ont voulu faire, je pense que tout le monde se souvient de ces superbes pleines pages dans La Presse, il y en a eu dans Le Devoir, il y en a eu dans LeJournal de Montréal, où on voyait en gros ce 62 % très populaire où, le député de Viau vient de le dire: Nous ferons l'effort de 62 % pour montrer aux Québécois qu'on a compris. C'est nous, c'est nous qui faisons l'effort maximal. Le député de Huntingdon me regarde, il est fier que je la ressorte, cette page où on démontre encore une fois que le 62 %... Je vais vous l'expliquer, Mme la Présidente, on va faire... on va faire...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Shefford, je vous invite à vous adresser à la présidence et de ne pas interpeller les députés en cette Chambre.
M. Bonnardel: Je m'y efforce, Mme la Présidente, je m'y efforce. Alors, Mme la Présidente, vous aviez donc, vous aviez donc, dans ce journal, dans ces pages qui ont été mises dans les différents journaux du Québec, qui ont sûrement coûté des centaines de milliers de dollars aux Québécois, vous aviez à peu près 10 mesures. Je pense que ça vaut la peine qu'on refasse un peu de pédagogie pour que les gens comprennent, encore une fois, là.
Les revenus. Les Québécois vont absorber près de 12 milliards de dollars de revenus additionnels. Pour eux, c'est quand même une dépense, mais c'est un revenu qui va venir, donc, dans les poches du gouvernement. Et, si on revient au début... Parce qu'initialement le gouvernement a déposé, donc, un programme, un effort, des grands flaflas dans le budget. Puis là, comme opposition, bien, on dit: On va aller voir; on va aller voir, peut-être que vraiment il y a une volonté de démontrer aux gens que cet effort-là va être... va être vraiment vrai.
Puis là il y avait 10 mesures. Première chose qu'on fait, bien, on va lire ça puis on se dit: On va quantifier. Bien, non, rien de quantifié. Un beau chiffre, 62 % sur 100 %. Tu dis: Wow! Wow! Ça va être vraiment intense, là, comme effort. La première, c'est la réduction graduelle de 10 % des dépenses de nature administrative d'ici 2013-2014. Et là je vous ramène, Mme la Présidente, voilà quatre, cinq semaines où il n'y avait aucun chiffre. Aucun. Il a fallu, en étude de crédits, tout de suite après le dépôt du budget, avec la ministre du... la présidente du Conseil du trésor, que je pose des questions -- où elle ne s'attendait sûrement pas qu'on le fasse, mais on l'a fait -- à savoir: Pouvez-vous, Mme la ministre, nous quantifier ces montants d'argent là? Parce qu'il faut comprendre, le 62 %, comment vous l'avez bâti.
Alors, la réduction graduelle de 10 % des dépenses, elle nous a dit: 229 millions -- 229 millions; la réduction de 25 % des budgets de formation, de publicité, de déplacement, 34 millions; le gel de la masse salariale de la fonction publique -- là, je vous les nomme en ligne -- 240 millions; la suspension pour deux ans du versement des primes au rendement aux hauts dirigeants, 9 millions; le maintien du remplacement de seulement un départ sur deux à la retraite, 110 millions; le gel pour deux ans du salaire du premier ministre et de nous-mêmes, 300 000 $; fusion ou abolition de 28 fonds et organismes, 4 millions. Là, il en reste trois: la révision systématique de tous les programmes, aucun programme automatiquement renouvelé -- et le député de La Peltrie avait posé une excellente question en Chambre là-dessus: Est-ce qu'il y avait des programmes avec des dates d'échéance? Ça, je m'en souviens, il n'y avait pas eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de réponses sur cette question du député de La Peltrie -- et tous les nouveaux programmes autofinancés s'il y en a. Ça, ça fait au grand total 625 millions de dollars, de ce que j'ai pu avoir comme réponses où quantifier ces mesures. 12 milliards, 12 milliards de revenus additionnels dans les poches des contribuables. 625 millions.
Et je ne peux pas m'empêcher de juste faire un petit bémol quand on parle de fusion ou abolition de 28 fonds et organismes, Mme la Présidente. Quand on regarde que, ces 28 fonds, il y en avait deux... On en a aboli deux sur 28: la Société nationale de l'amiante, que le Parti libéral du Québec avait déjà abolie -- peut-être qu'il ne s'en souvenait plus, mais il l'avait abolie en 2005 -- et la société sur les courses de chevaux. Donc, il y en a un sur deux qu'ils avaient déjà aboli une fois, puis ils se sont rendu compte qu'ils ne l'avaient pas aboli, puis là on va le réabolir. Et, les 26 autres, bien, on les a pris dans le tiroir A pour changer de nom, puis on les a mis dans le tiroir B pour leur dire: Bien, ne vous inquiétez pas, on vous remet l'autre côté, on change de nom. Cette économie va être de 4 millions de dollars. Ça, c'est supposément, Mme la Présidente, cet effort aux dépenses qui va être équivalent à 62 %.
Mme la Présidente, quand on regarde depuis l'arrivée du Parti libéral du Québec, en 2003, au gouvernement et que... Parce que c'est important de comprendre que... Les dépenses, maintenant ça coûte à peu près 65, 66 milliards de dollars de dépenses aux Québécois par année, hein, pour supporter tous nos acquis sociaux à gauche et à droite. Le gouvernement dit: Bien, cette année, nos dépenses vont augmenter, cette année. Avec la contribution santé, hein? On va chercher de l'argent dans les poches des contribuables puis on leur dit.... Cet effort-là, on l'amène à 2,9 %, puis, l'an prochain, à 2,2 %.
Mme la Présidente, permettez-moi juste de revenir un peu en arrière puis de vous expliquer comment ce gouvernement n'a jamais atteint -- jamais atteint -- cette croissance réelle des dépenses qu'eux souhaitaient. Juste pour revenir en arrière, Mme la Présidente, 2004-2005, la première fois qu'ils ont déposé le budget pour 2004-2005, ils prévoyaient une augmentation de dépenses de 1 %, Mme la Présidente. 1 %. Savez-vous à combien ça a fini à la fin de l'année? À 5,09 %. 5,09 %. On prévoyait, au début, début du budget, 1 % de croissance des dépenses.
**(12 h 40)**
J'en ai une autre. On était à 3,1 % pour le budget de 2007-2008. Ça s'est terminé à 6,76 %, Mme la Présidente. 6,76 %. La moyenne des dépenses du gouvernement a été de 5,5 % pour les sept dernières années, et vous voulez, Mme la Présidente, que, moi-même, j'aie confiance à ce gouvernement quand il nous dit qu'il fera vraiment les efforts pour ramener ça à 2,9 % ou à 2,2 %?
Et je ne peux pas m'empêcher de citer, Mme la Présidente, Nathalie Elgrably, qui disait ceci, le 8 avril 2010, tout de suite après le dépôt du budget: «Dans le document intitulé Plan d'action pour la réduction et le contrôle des dépenses: 2010-2014-- et je vous répète, c'est elle-même qui le dit -- on peut lire que la mise en place de la nouvelle "contribution santé" permet de réduire la croissance des dépenses de programmes de 3,2 % à 2,9 %. Si l'information contenue dans le document est exacte, cela signifie qu'on a simplement ajouté une source de financement direct sans réelle diminution de dépenses. Est-ce là l'effort du gouvernement?» Et là je ne vous lirai pas le dernier paragraphe parce que vous allez me faire retirer des mots que Mme Elgrably a dits.
Alors, je m'étais peut-être trompé au début quand j'ai vu ça, moi aussi. Je m'étais peut-être trompé, je me suis dit: Peut-être que je le lis mal ou que le sens de la... le sens du paragraphe n'est pas ce que je lis. Mais je pense que l'économiste senior de l'Institut économique de Montréal a vu la même chose que moi: on a, encore une fois, essayé de faire croire aux Québécois, Mme la Présidente, qu'on faisait vraiment un effort aux dépenses. Puis il faut bien comprendre, là, l'effort n'est pas de zéro, là. On n'a pas dit, là: Les dépenses sont à zéro cette année. On augmente les dépenses de 2,9 % l'an prochain, avec une contribution santé qu'on va chercher directement dans les poches des gens, et on souhaite ramener ça à 2,2 % dans deux ans.
Et là, Mme la Présidente, c'est là qu'il est quand même, encore une fois, intéressant parce que l'effort aux dépenses, on se dit: Bon, là, on a des mesures, 625 millions, qui sont quantifiées, 12 milliards de revenus additionnels qu'on va chercher dans les poches des contribuables. Si on fait une équation, ça ne balance pas bien, bien le 62 %. Or, c'est là que le gouvernement a utilisé beaucoup d'astuces aussi pour nous faire croire et nous dire que l'effort à l'évasion fiscale -- et ça, c'est dans le budget 2010-2011, à la page 36 -- ...
Une lutte à l'évasion fiscale, Mme la Présidente, c'est des gens, au ministère du Revenu, qui appellent les mauvais payeurs de taxes et d'impôt et qui ramènent ces sous-là... si ces sous-là reviennent, parce que les gens payent leur impôt. Ne pas payer, ça va nécessairement dans la colonne des revenus, parce que c'est des revenus. Les gens envoient... ils font un chèque: Je n'ai pas payé mes impôts. On les renvoie à Québec, ça rentre dans la colonne des revenus.
Mais, à la page A.36, Mme la Présidente, l'effort pour retrouver l'équilibre budgétaire, on a mis la lutte à l'évasion fiscale dans un effort de redressement du gouvernement, Mme la Présidente. Vraiment, je pensais qu'on pouvait utiliser toutes les astuces possibles pour essayer de dire aux gens: L'effort de 62 %, on y croit. Mais on ne peut pas prendre les gens pour des valises, Mme la Présidente: un effort de redressement du gouvernement, ce n'est pas une lutte à l'évasion fiscale, ce sont des revenus qu'on ramène au gouvernement du Québec. Et on ne peut pas dire aux gens que les sous qu'on va chercher dans leurs poches parce qu'ils n'ont pas payé leur impôt, c'est un effort aux dépenses. Ça, c'est faux.
Et, Mme la Présidente, j'ai posé une question fort simple... Et là on est un petit peu plus précis dans ce que je vous amène, c'est à la page A.35, Mme la Présidente. Parce qu'à la page A.35, quand on parle du solde budgétaire avec le maintien de la croissance des dépenses de programmes, on a mis ce pourcentage à 4,8 %. Et la réponse que j'ai eue, de la part du ministre des Finances et de la présidente du Conseil du trésor, c'était la moyenne... la moyenne de croissance des dépenses des 10 dernières années.
Il faut quand même que je vous fasse mention, Mme la Présidente, que, l'an dernier, au dépôt du budget 2009-2010, ce même paragraphe, qui se lit comme suit encore une fois: Ce solde budgétaire avec maintien de la croissance des dépenses de programmes, on l'avait mis savez-vous à quoi? à 3,2 %. 3,2 %, parce que ça, c'était l'objectif de cette année. Quand je vous ai parlé tantôt qu'on avait amené de 3,2 % à 2,9 %, parce que la contribution santé permettait de baisser cet effort aux dépenses, on l'avait mis à 3,2 %; ça, c'était beau, parce qu'à 3,2 % l'effort était quand même important. Puis on disait aux gens: 3,2 %, on y croit. C'était l'objectif de cette année et c'est ce qu'on avait mis donc dans le budget de l'an dernier.
Subitement, lorsqu'on a fait la mise à jour budgétaire d'octobre dernier, woups! le solde budgétaire, avec la croissance des dépenses de programmes, Mme la Présidente, on est passés, en l'espace de huit mois, de 3,2 % à 4,6 %. Voyons, pourquoi 4,6 %? Et là, six mois plus tard, on a ramené ça à 4,8 %. Et là j'ai posé la question, encore une fois, au ministre des Finances, je lui ai demandé: Si on passe de 3,2 une année à 4,8 l'an prochain, est-ce que l'effort aux dépenses va être plus grand, selon vos chiffres? Parce qu'en réalité on essaie de faire croire aux Québécois, Mme la Présidente, et c'est ce qu'on a à la page A.35, que le solde budgétaire des programmes à 4,8, comme on l'a mis, c'est l'effort moyen des 10 dernières années, versus le 3,2 de l'an dernier, bien, c'est un chiffre qui grandit parce que, si on l'avait laissé à 3,2 comme c'était, comme l'an dernier, vous n'auriez jamais eu un effort aux dépenses aussi fort qu'on a à la page A.35.
Je sais que c'est difficile d'essayer de comprendre parce qu'on n'a pas tous les clés dans les mains, Mme la Présidente, mais encore une fois on a joué une mathématique comptable irréaliste vis-à-vis des Québécois, Mme la Présidente, et c'est là, c'est là qu'on est en porte-à-faux sur ce 62 % qui n'existe pas, Mme la Présidente, ce 62 % n'existe pas. Ce n'est pas vrai que le gouvernement du Québec fait un effort de 62 % comparativement à ce que les Québécois vont payer qui est près de 12 milliards de dollars pour les quatre prochaines années.
Et là, Mme la Présidente, on a des revenus et des dépenses. On sait, aujourd'hui, ce que le gouvernement veut faire. Je vous démontre, Mme la Présidente, que ce que le gouvernement nous dit, ce n'est pas vrai, là-dessus. Et là vous avez des mesures comme le Fonds des générations, le Fonds des générations que le gouvernement a créé en 2006, où le député de Viau a vanté ses mérites, où le ministre des Finances, le premier ministre étaient là: Nous allons prendre soin de nos plus jeunes. On va s'assurer que la dette soit baissée dans les prochaines années. Un objectif de 36 % du PIB au 31 mars 2013, ce qui est encore une fois faux parce qu'on va être obligé d'abroger ce projet de loi. C'était l'article 1 du Fonds des générations. Ça, je l'avais dit déjà l'an dernier, mais là, déjà, on va le changer. Mais, Mme la Présidente, ces sous viennent d'où, le Fonds des générations? Ils viennent des redevances hydrauliques d'Hydro-Québec puis une partie du fonds consolidé. On a mis près de 1,9 milliard de dollars, 1,9 milliard de dollars dans le Fonds des générations sur trois ans. Le Vérificateur général l'a vérifié, on a perdu 340 millions de dollars, Mme la Présidente, dans ce Fonds des générations depuis trois ans.
Ça, c'est quoi, vous allez me dire? C'est un effet de levier. C'est quoi, un effet de levier, Mme la Présidente? C'est moi qui prends de l'argent sur ma carte de crédit pour dire à mon fils: Nico, je prends de l'argent qui est à 18 % sur ma carte, je vais aller le placer à la Bourse ou à la banque puis je vais espérer faire du 22 % ou du 24 % de profit, ce que vous allez trouver peut-être difficile à faire. Alors, ce que le gouvernement a fait, avec cet effet de levier, c'est de prendre de l'argent, de l'envoyer à la Caisse de dépôt, peu importe où mais c'est principalement à la caisse, et d'espérer que la caisse fasse des revenus... pas des revenus, mais un pourcentage d'intérêt additionnel meilleur que ce que la banque nous donne comme taux d'intérêt, et c'est là que ça n'a pas fonctionné, Mme la Présidente.
Et qu'est-ce que nous disions, comme formation politique? Nous étions les seuls, nous étions les seuls à avoir voté contre ce Fonds des générations. C'est de prendre cet argent direct, prendre cet argent si on en a, si on veut le prendre sur les dividendes d'Hydro-Québec, «fine», mais de le mettre directement sur la dette du Québec, sur le déficit cumulé, peu importe, déficit cumulé qui, soit dit en passant, est passé, depuis 2003, d'à peu près 90 milliards de dollars à près de 101 ou 102 milliards de dollars. Ça, c'est la dette d'épicerie. Mais, je le répète, Mme la Présidente, encore une fois, aujourd'hui, abolissons ce Fonds des générations, prenons directement ces sous pour les mettre directement sur la dette du Québec. Parce que la dette du Québec, Mme la Présidente, la dette du Québec va... parce que c'est important que les Québécois le sachent, la croissance des dépenses la plus forte d'ici trois ans, ça ne sera pas... ça ne sera pas la santé, ça ne sera pas l'éducation, ça va être le service de la dette, ça va être les intérêts sur la dette. Les intérêts sur la dette vont passer de près de 6,2, 6,3 milliards cette année à près de 10 milliards dans quatre ans, 10 milliards dans quatre ans.
Arrêtons, Mme la Présidente, de jouer avec l'argent de nos enfants. Prenons ces sous et mettons-les, comme tout bon père ou mère de famille, directement sur une dette que l'on a pour la faire baisser, pour que le taux d'intérêt puisse baisser, parce que le capital va nécessairement baisser aussi. Ça, c'est de la gestion rigoureuse et de ne pas essayer de faire des effets de levier et de faire croire aux gens que, dans 25 ans, l'argent qu'on va mettre cette année, bien, ça va nous rapporter. C'est maintenant, c'est maintenant, Mme la Présidente, qu'il faut faire ces efforts et mettre ces argents directement où ils doivent aller, sur la dette du Québec.
**(12 h 50)**
Mme la Présidente, je vais faire une équation fort simple, pour terminer. On a un taux de natalité au Québec qui est à 1,7 %. Pour assurer une démographie qui est saine, un renouvellement, si on peut appeler ça comme ça, avoir autant de travailleurs jeunes que de personnes qui partent à la retraite, à 1,7 %... ça doit être à 2,1 %. On est un État, une nation qui est beaucoup, beaucoup plus... notre taux de natalité est le plus bas comparativement à pas mal toutes les provinces en Amérique du Nord ou les États aux États-Unis, un taux de décrochage à près de 30 %, Mme la Présidente. On fait une équation, là: 1,7 % de taux de natalité, 30 % de taux de décrochage, un fléau social important pour le Québec, où le parti au pouvoir, le Parti libéral du Québec, ne prend pas assez conscience de cette problématique, où il n'y a aucun objectif précis donné aux commissions scolaires ou aux écoles pour être capable d'en arriver à baisser ou de trouver des situations qui vont être concrètes, concrètes, maintenant, pour l'avenir de demain, et vous avez une équation démographique, encore une fois, pour finaliser tout ça, qui est encore catastrophique: huit travailleurs, en 1970, pour supporter un retraité, huit travailleurs qui payaient des taxes et des impôts, pour un retraité. En 2013-2014, Mme la Présidente, il va y avoir trois travailleurs, au Québec, trois travailleurs, au Québec, pour un retraité. Ça va être extrêmement difficile, Mme la Présidente, quand on fait l'équation de ces trois choses-là, pour nos enfants, pour ceux qui travaillent présentement très fort.
Et, Mme la Présidente, je ne peux pas voir rien de très heureux dans ce budget, quand je vous ai démontré, Mme la Présidente, qu'on a, encore une fois, on a tombé dans la facilité, dans ce budget, en allant chercher énormément de sous dans les poches des contribuables, en ne faisant pas les efforts auxquels les Québécois s'attendaient, leur démontrer vraiment, mais vraiment, qu'on avait compris. Et ça, cette réforme que nous souhaitons, autant en santé qu'en éducation ou dans la gestion des finances publiques...
Ça m'a bien fait rigoler, ce week-end, quand j'ai vu le Parti québécois en arriver soudainement à mettre le clignotant à droite, et de partir, et de se dire: Bon, bien, coudon, la clientèle québécoise s'attend à ce que, nous aussi, on ait ce même discours que l'Action démocratique du Québec puis d'en arriver, nous aussi, à comprendre que c'est ce que les Québécois veulent, et de voir la chef du Parti québécois, ce dimanche, au vote, se rendre compte que finalement la générale n'avait plus de soldat en arrière d'elle. Un clignotant à droite, mais un virage à gauche qui est resté le même pour le Parti québécois, un parti autant... comme le Parti libéral du Québec, qui souhaite le statu quo pour que le Québec reste exactement où il est aujourd'hui.
Alors, Mme la Présidente, vous comprendrez certainement qu'avec l'adoption de principe sur ce projet de loi n° 100 je voterai contre aujourd'hui. Merci.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député de Shefford. Y a-t-il d'autres intervenants? Monsieur le...
Une voix: ...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui.
M. Gautrin: ...question à poser, si vous me permettez, à mon collègue de La Peltrie. Est-ce qu'il compte...
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): En vertu... en vertu...
M. Gautrin: ...compte tenu du temps, avant de... Je comprends qu'il a une intervention et je ne voudrais pas qu'il puisse couper son intervention. Je vous demanderais, à ce moment-là, d'ajourner nos travaux à 15 heures, de manière qu'il puisse pouvoir faire son intervention complètement.
La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, j'ai le consentement? Consentement. Alors donc, j'ajourne les travaux sur... jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 54)
(…)
(Reprise à 15 h 3)
Le Vice-Président (M. Chagnon): Bon après-midi, chers collègues. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
AFFAIRES INSCRITES PAR LES DÉPUTÉS DE L'OPPOSITION MOTION PROPOSANT QU'À LA SUITE DU JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME L'ASSEMBLÉE EXIGE DU GOUVERNEMENT QU'IL REJETTE TOUTE SOLUTION PERMETTANT À DES ENFANTS D'ACCÉDER À L'ÉCOLE ANGLAISE EN PASSANT PAR UNE ÉCOLE PRIVÉE NON SUBVENTIONNÉE
Alors, nous sommes aux affaires inscrites par les députés d'opposition. Alors, à l'article 47 du feuilleton, en vertu de l'article 97 du règlement, M. le député de Borduas présente la motion suivante:
«Qu'à la suite de l'invalidation de la loi 104 par la Cour suprême du Canada, [...]l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée.»
Le débat restreint sur la motion inscrite par le député de Borduas s'effectuera comme suit, c'est-à-dire que 10 minutes sont réservées à l'auteur de la motion pour sa réplique, cinq minutes sont allouées au député de Mercier, 3 min 15 s sont allouées aux deux autres députés indépendants, 7 min 45 s sont allouées au deuxième groupe d'opposition. Le reste du temps sera partagé également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle.
Dans ce cadre, le temps non utilisé par les députés indépendants ou par les députés du deuxième groupe d'opposition sera redistribué également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, et le temps non utilisé par le groupe parlementaire formant le gouvernement ira au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, et vice versa. Enfin, les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.
Et donc, évidemment, à partir de ce moment-ci, je vais céder la parole à M. le député de Borduas.
M. PIERRE CURZI
M. Curzi: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer, M. le Président, par une citation. En parlant du gouvernement du Québec, quelqu'un a dit: «Il pourrait tout simplement obliger les écoles privées à suivre la loi 101, ce qui mettrait fin à tout le problème.» La personne qui a fait cette déclaration, M. le Président, c'est Julius Grey. Elle proviendrait de n'importe qui qu'elle serait une citation relativement banale, mais, de la part de Julius Grey, je pense qu'on a là l'avis de quelqu'un dont la défense des intérêts de son groupe linguistique a toujours été extrêmement sérieuse et fondée, et la défense des intérêts des gens en général et de la justice et de l'équité. Je pense que, dans cette... cette citation-là reflète très exactement le consensus général qui existe quant à la loi... quant au projet de loi n° 104.
Il est important de faire une espèce d'historique de ce projet de loi là. Au moment de la création de la loi 101, M. Camille Laurin et le gouvernement ont décrété un certain nombre de principes qui, à plusieurs égards, ont été attaqués par la Cour suprême au fil du temps. Cependant, ce qui n'avait pas été couvert, et je n'en connais pas la véritable raison, mais on peut imaginer que des écoles privées non subventionnées, au moment où cela... Est-ce qu'elles existaient? Combien étaient-elles? Quelle était la situation? Je ne saurais le dire avec exactitude, mais ce que je sais, c'est qu'unanimement l'Assemblée nationale, en l'an 2002, a décidé d'adopter un projet de loi pour contrer un effet pervers de notre... de l'application de la loi 101. On le sait, dans le cas de la loi 101, les francophones et les allophones sont tenus de faire leurs études au primaire et au secondaire, et, grâce à cette loi 101 et particulièrement à cette mesure-là, nous avons réussi à maintenir au Québec, et à Montréal, et partout une sorte d'équilibre, de paix linguistique qui a été extrêmement profitable pour non seulement le climat social, mais aussi pour les relations que les groupes linguistiques entretiennent entre eux au Québec, et ça nous apparaît être fondamental. Mais il est apparu, dans ce système-là intelligent et dans cette loi intelligente, il est apparu une fissure. Cette fissure-là, c'était de permettre à des francophones et à des allophones d'échapper à la loi et d'accéder à l'instruction publique gratuite en anglais après que leurs enfants eussent fréquenté une école privée non subventionnée pendant une certaine période de temps.
Face à cette situation-là, l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale avaient décidé d'adopter une loi qui s'est appelée la loi n° 104. La loi n° 104 avait comme mérite d'en quelque sorte combler cette fissure-là et de s'assurer que, devant la loi, tous étaient égaux, étant donné que cette loi avait... cette loi 101 avait subi... malgré les nombreuses attaques qu'elle a dû subir, avait quand même traversé une période de temps suffisante et montré à quel point, malgré tout le respect qu'on peut avoir pour les droits individuels, à quel point la défense de la langue et les mesures exceptionnelles qu'on pouvait y appliquer étaient quelque chose de raisonnable en l'État du Québec.
**(15 h 10)**
Évidemment, cette unanimité de l'Assemblée, elle est assez exceptionnelle, surtout dans un domaine qui est aussi délicat et aussi clair, et un enjeu aussi délicat, je dirais, constamment délicat, constamment remis en question, constamment l'objet de différentes humeurs, de différents préjugés, d'une valse-hésitation entre un droit légitime affirmé et reconnu par tous puis en même temps l'importance de respecter les autres dans toutes leurs différences et dans tous leurs droits. Le jugement de la Cour suprême est venu défaire cet équilibre-là, est venu remettre en question non pas la légitimité de la loi, et ça, c'est fondamental, c'est important et ça a été très clairement reconnu, en particulier dans l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, est venu non pas remettre en question la légitimité de la loi 101, mais a voulu atténuer ce que la Cour suprême a jugé comme étant des mesures excessives. Personne n'a été surpris de ce jugement de la Cour suprême qui, systématiquement, a toujours penché contre la loi 101 et qui a su être la... la pointe d'une attaque perpétuelle pour sabrer dans des droits fondamentaux et légitimement entérinés par l'ensemble des Québécoises et des Québécois de toute origine, et de toute langue, et de toute confession.
Nous avions donc obtenu une sorte de paix linguistique, qui n'est qu'une paix linguistique en apparence, et je pourrai y revenir, parce que, cette paix linguistique, on voit bien qu'actuellement elle est menacée. Elle est menacée à deux égards. Elle est menacée par cette rumeur qui court qui voudrait que le gouvernement en place refuse d'appliquer la loi 101 à cet... pour contrer le jugement de la Cour suprême.
Et, soyons clairs, si le gouvernement avait voulu appliquer la loi 101, il devait le faire, enfin, avant la fin de cette session-ci. Il devait le faire la semaine dernière. Il aurait dû le faire la semaine dernière, déposer un projet de loi. Puisqu'il ne l'a pas fait, cela signifie deux choses qui sont absolument claires: soit le gouvernement désire appliquer la loi 101 pour contrer le jugement de la Cour suprême... Et, s'il décidait de le faire, nous serions d'accord et nous pourrions passer outre le dépôt requis avant la fin de la session pour qu'un projet de loi soit adopté. Mais, comme cela ne semble pas être l'objet de la volonté du gouvernement, nous devons en conclure que c'est l'autre option qui sera recommandée, si tant est qu'on recommande quelque chose avant la fin de cette session-ci.
Et, si on recommande quelque chose avant la fin de cette session-ci, ma courte expérience parlementaire me fait croire que ce serait sous l'ordre d'un décret ou... donc non pas nécessairement une loi, mais un décret qui aurait pour objet de définir, selon les termes recommandés par la Cour suprême, de quelle façon on créerait une société où il y a deux conditions qui s'appliquent aux gens. Certaines personnes francophones allophones doivent respecter la loi 101. Un certain nombre de ces personnes, selon des conditions particulières, pourraient y échapper grâce particulièrement au fait qu'elles ont les moyens de payer à leurs enfants des études dans des écoles privées non subventionnées. Et ça, ce phénomène de deux poids, deux mesures, il est totalement inacceptable, et il est inacceptable par tout le monde. Il n'y a pas personne qui croit que ce principe-là est légitime actuellement, d'une part.
D'autre part, ça aurait, ce décret, pour effet de définir, je ne sais pas de quelle façon, mais selon des façons qui sont visiblement arbitraires et extrêmement attaquables... Cela aurait pour effet de dire que le parcours scolaire authentique doit être défini et devra être jugé selon des critères qui sont absolument nébuleux ou, à tout le moins, très personnels. Donc, nous nous retrouverions dans une situation où on doit juger chacun des cas au cas-par-cas et que c'est remis entre les mains de je ne sais pas qui, je ne sais pas quel fonctionnaire, j'imagine des fonctionnaires du ministère de l'Éducation où... Et ces gens seraient... pris, obligés, engagés à définir selon des critères, encore inconnus, et juger au cas-par-cas de l'admissibilité d'un enfant à fréquenter le système scolaire public après avoir passé une certaine période de temps, encore indéfinie, dans les écoles privées non subventionnées.
Et c'est clairement ouvrir une porte toute grande à des attaques, des attaques qui se feront nécessairement sentir, puisque chacun aura le droit et se sentira obligé de défendre le droit personnel, son droit individuel d'attaquer une décision qui, par définition, reposera sur un système inéquitable et sur des critères subjectifs. La subjectivité, c'est la porte grande ouverte à une foule de poursuites, et de jugements, et d'appels qui inévitablement aussi aboutiront à la Cour suprême tôt ou tard.
Donc, on se voit confrontés à une décision qui est relativement simple. Et très franchement, aujourd'hui, je me dis: Mais qu'allons-nous dire de neuf, qu'allons-nous dire de plus que ce que nous répétons sans cesse? La seule solution logique pour combler cette décision-là de la Cour suprême, ce jugement, c'est d'appliquer clairement la loi 101 de telle sorte que l'article 73, s'appliquant à l'ensemble des francophones, l'ensemble des allophones, définira clairement le même système pour tous. Vouloir imaginer qu'on y échappe de quelque façon que ce soit va nous amener dans des complications et risque d'entraîner -- et ça, le Conseil supérieur de la langue l'a bien fait apparaître -- ...risque de nous ramener tranquillement dans des débats dont nous croyions avoir été exclus, que nous croyions avoir... auxquels nous croyions avoir apporté des solutions durables. Et ces débats, ils risquent d'être, et on le voit déjà actuellement, même dans l'opinion publique, des... on voit apparaître des opinions un peu acrimonieuses. On voit qu'il y a une levée de boucliers, on voit qu'on est en train de se redéfinir dans un rapport de force linguistique qui est très loin de refléter la réalité, où tout à coup une communauté se sent victimisée et en sachant parfaitement, parce qu'elle est logique, qu'elle n'a pas de raison concrète de se sentir... de se sentir victimisée puisque, dans les faits, leurs droits sont parfaitement reconnus et parfaitement protégés.
À cet égard, cette motion est comme une mise en garde ultime, en faisant appel au gouvernement pour qu'il adopte la seule solution vraiment forte et vraiment claire. Et je voudrais à cet égard vous lire juste quelques passages tirés de l'avis non sollicité du Conseil supérieur de la langue française. C'est important de dire que cet avis est non sollicité, parce qu'aucune des ministres touchées par ce dossier, ministre responsable de l'application de la charte, ministre de la Justice, ministre de l'Éducation, personne n'a demandé au Conseil supérieur de la langue française son avis sur une question aussi cruciale.
C'est donc un avis non sollicité qui dit clairement: Voici quels sont les principes auxquels le conseil... sur lesquels le conseil attire l'attention du gouvernement. D'abord:
1° le principe de l'égalité des chances pour tous les citoyens doit être pris en compte;
2° l'école doit être au coeur de la cohésion sociale, particulièrement lorsqu'il s'agit d'enfants d'immigrants; et
3° l'utilisation de subterfuges ou d'illégalités pour contourner la loi est inacceptable, tout autant que la mise sur pied d'institutions visant ce contournement.
On ne peut pas être plus clair, M. le Président. Et cet avis non sollicité du Conseil supérieur de la langue, après avoir établi clairement les principes sur lesquels doivent se fonder ces recommandations... En fait, trois. La première, c'est que la volonté du Québec de vivre en... Ha! Ha! Ha! Excusez-moi. Je reprends. Excusez-moi, M. le Président, c'était...
Le Vice-Président (M. Chagnon): ...tous rire en même temps que vous.
M. Curzi: Non, non, non. Mais j'aimerais ça, vous faire rire, mais bon, disons que ce sera dans une autre occasion.
Alors donc, la première recommandation, c'est que... c'est... reflète «la volonté du Québec de vivre en français ainsi que le bien-fondé et la légitimité de cette volonté». Donc, le Conseil supérieur, tout comme la Cour suprême, tout comme l'ensemble des membres de cette Assemblée, reconnaît... Tous, nous reconnaissons le bien-fondé et la légitimité de vivre en français au Québec.
Et, puisque j'ai un peu de temps, M. le Président, j'essaierai de faire une très brève démonstration que cette légitimité, pour être partagée par tous, ne reflète néanmoins pas tout à fait exactement la réalité de ce qui est en train de se passer particulièrement sur l'île de Montréal, où nous sommes confrontés à une anglicisation dont on peut imaginer qu'elle ne sera pas sans conséquence sur le climat social.
La recommandation n° 2 du Conseil supérieur de la langue française: «Le Conseil recommande de ne pas s'engager dans la solution administrative d'analyse individuelle qualitative du parcours scolaire de chaque enfant.»
J'aurais pu me contenter, M. le Président, de lire cette phrase et, dans le fond, de lire de grands paragraphes de cet avis du conseil qui exprime très justement, en pesant chacun des mots, en pesant chacun des mots, le dilemme dans lequel... pas le dilemme, la solution vers laquelle nous devons aller. Donc, une «solution administrative d'analyse individuelle qualitative du parcours scolaire de chaque enfant», c'est ce que nous craignons. C'est ce que nous craignons. C'est ce que nous craignons qu'il soit recommandé, et ça nous apparaît être la pire des recommandations.
**(15 h 20)**
Et on dit: «Dans la mesure où les voies juridiques semblent avoir donné le maximum de ce qu'on peut en attendre et qu'elles en arrivent à proposer des solutions instables, le Conseil supérieur de la langue française est d'avis qu'il faut redonner au politique la place qu'il devrait avoir.»
Et c'est la raison qui justifie notre présence ici. Que je sache, nous sommes le politique et nous sommes confrontés à une situation où le juridique est allé au bout de sa démarche. Et nous sommes maintenant devant une décision politique, une décision politique que nous avons eu le courage, collectivement, d'adopter, en 2002. Et la demande que nous faisons par cette motion, c'est de redire: Ayons le même courage politique aujourd'hui. Malgré le climat, ayons le même courage politique d'adopter de nouveau une position claire qui va faciliter la vie de tous.
La troisième recommandation. Le Conseil supérieur de la langue française recommande de soumettre les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française. Voilà la recommandation qui recoupe très exactement celle que nous avons faite depuis le début de notre connaissance de cet avis de la Cour suprême. Et j'ajoute que nous y avions joint et nous continuons d'y joindre l'idée que la clause dérogatoire fasse aussi partie de cette proposition: pour la simple et unique raison qu'en y incluant, dès la formulation, la clause dérogatoire, nous éviterons ainsi une contestation qu'on sait d'avance inévitable. Nous éviterons ainsi une contestation de la part de gens qui voudraient aller à l'encontre de ce principe. Nous pourrions donc très légitimement avoir de nouveau recréé, du moins dans cet espace-là, qui est un espace fondamental, avoir recréé les conditions d'une paix linguistique valable ici.
Je termine en vous disant, lentement, que la situation du français au Québec, malgré les apparences, demeure une situation extrêmement préoccupante. Dans l'étude que nous avons menée, qui s'appelle l'Esquisse du vrai visage du français au Québec, notre constat très clair, c'est que, loin d'être en déclin, la langue anglaise, sur l'île de Montréal et de plus en plus dans la région métropolitaine de recensement, est terriblement plus séduisante et attrayante que la langue française. Et ce déséquilibre n'est pas quelque chose de sain dans notre société dont la majorité est francophone. Il n'est pas sain que, dans le coeur de ce qui est le moteur de la vie économique, culturelle, sociale, de la vie même politique du Québec, que, dans le coeur de cette vie-là, il se reproduise de nouveau un déséquilibre que nous avons combattu fièrement et collectivement et même au-delà des partis politiques, que nous avons combattu, en tout cas, comme Parti québécois, avec ardeur.
Et nous avions réussi, avons-nous cru, à rétablir un équilibre, à redonner au français toute sa fierté, toute sa place, toute son importance, toute sa prédominance, dans un univers qui est largement dominé par une culture que nous respectons, que nous connaissons et dont nous partageons la langue, qui est la culture anglaise américaine, qui est la culture d'inspiration anglophone. Et, malgré que nous ayons combattu fièrement pour établir cet équilibre-là, le temps nous montre que nous sommes toujours dans une situation, sur l'île de Montréal, qui est relativement en péril. Et cette situation-là, un des remèdes est, forcément, nécessairement, de s'assurer qu'au moins ceux qui sont définis par l'article 73 de la loi 101 -- de la Charte de la langue française -- soient pleinement tributaires et responsables de l'esprit même de cette charte-là qui les empêchera d'utiliser des subterfuges pour échapper à la loi.
Nous avons un devoir fondamental d'essayer de redonner au français, particulièrement sur l'île de Montréal, toute sa force, toute sa présence, toute sa prédominance, de refaire de la langue la langue de la réussite dans tous les domaines et de rétablir un équilibre qui, à ce que je sache, au cours des 30 dernières années, a toujours bien servi à la fois les deux communautés qui coexistent sur cette île particulièrement. Ne nous laissons pas entraîner dans une dérive qu'un manque de courage politique dans ce cas-là pourrait amener et avoir comme conséquence. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Borduas. M. le député de Verdun, leader adjoint du gouvernement, nous vous écoutons.
M. HENRI-FRANÇOIS GAUTRIN
M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Je commencerai par remercier le député de Borduas d'avoir eu l'amabilité de soulever cette question en Chambre, qui est indubitablement une question importante. Je voudrais quand même rappeler que la résolution qui est devant nous parle des enfants qui utilisent des passerelles, en quelque sorte, pour avoir droit à l'école anglaise, et c'est... que je vais parler de la proposition, sans nécessairement adhérer au discours complet de mon collègue de Borduas.
Cette question des écoles passerelles, M. le Président, le gouvernement a annoncé qu'il allait déposer un projet de loi avant l'ajournement de cette Chambre pour les vacances d'été. Dans ces conditions, cette Chambre sera informée en temps et lieu des positions et des solutions que le gouvernement aura choisies pour régler le problème. Et je ne nie pas l'importance du problème que le député de Borduas a soulevé.
Compte tenu du fait qu'un projet de loi va être déposé, M. le Président, vous comprendrez sans peine que toute intervention d'un parlementaire ministériel, d'une manière ou d'une autre, aurait pour effet de dévoiler, au moins en partie, les contenus de ce projet de loi. En conséquence, ça me fait plaisir d'annoncer à mon collègue le député de Borduas et aux membres de cette Chambre que les parlementaires ministériels vont s'abstenir d'intervenir dans le débat aujourd'hui, compte tenu du fait que le débat sera repris lorsque le projet de loi sera déposé par le ministre concerné.
Néanmoins, je voudrais informer cette Chambre que les parlementaires ministériels ont l'intention de voter en faveur de la motion qui est présentée par le député de Borduas. Donc, nous allons participer au vote et voter en faveur de la motion, sans nécessairement participer au débat, compte tenu qu'on ne veut pas révéler actuellement le contenu de la solution. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Verdun. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Lac-Saint-Jean, nous vous écoutons.
M. ALEXANDRE CLOUTIER
M. Cloutier: Merci. Merci, M. le Président. Un peu surpris, quand même, des propos de nos collègues. Ce n'est pas la première fois qu'on interpelle le gouvernement du Québec sur le projet de loi... pas le projet de loi, mais la décision de la Cour suprême. Ce qui nous surprend plus, par contre, M. le Président, c'est de voir que, malgré que nous sommes à quelques jours maintenant de la fin de ces travaux parlementaires, le gouvernement du Québec soit toujours en réflexion d'une éventuelle proposition qu'il va faire pour colmater la brèche des écoles passerelles. On déplore le fait que le gouvernement du Québec prenne autant de temps à proposer une solution aux Québécois, alors que la solution du Parti québécois, elle, n'a pris que quelques heures avant d'être soumise au gouvernement du Québec.
**(15 h 30)**
M. le Président, pour les gens qui nous écoutent, là, ce qui est... les gens ne doivent pas comprendre. Comment se fait-il que l'Assemblée nationale se fait dire par des juges de la Cour suprême qu'on ne peut pas décider, nous, comme Québécois, nos pleins contrôles en matière de langue? Comment se fait-il qu'on partage les pouvoirs en matière de langue, alors que c'est directement lié à notre culture, à notre identité? Comment se fait-il qu'ici, à Québec, à l'Assemblée nationale, ce soient des juges de la Cour suprême qui nous dictent la façon dont on doit prévoir, par exemple, ceux qui ont accès à l'école française ou à l'école anglaise ici, à l'intérieur des limites du Québec? Comment se fait-il qu'en 1867, lorsqu'on a fait partie de ce projet de fédération canadienne, des gens comme Cartier avaient dit aux Québécois que toutes les questions liées à la langue, à la culture, à l'identité seraient décidées à Québec, à l'Assemblée nationale, toutes les questions liées à la religion, aux lois civiques, elles seraient décidées à l'Assemblée nationale?
Comment se fait-il alors que maintenant, en 2010... -- et évidemment ça a commencé bien avant ça, mais le dernier exemple en règle est cette décision de la Cour suprême dans l'affaire Nguyen -- on se fait dire par des juges de la Cour suprême que la loi pour colmater la brèche, donc pour interdire de contourner la loi pour avoir accès à l'école anglaise, la démarche que les députés de l'Assemblée nationale ont accepté de faire à l'unanimité, cette loi-là soit inconstitutionnelle? Qu'est-ce qui s'est passé entre 1867, au moment où on avait juré aux Québécois que les questions de langue seraient décidées à l'Assemblée nationale, et maintenant?
Il y a un petit épisode, M. le Président, qui s'appelle le rapatriement de la Constitution. Pour ceux qui ne se souviennent pas ce qu'est le rapatriement de la Constitution, M. le Président, essentiellement c'est des modifications unilatérales que le gouvernement fédéral, sous l'égide du premier ministre du Canada Pierre Elliott Trudeau, a apportées au pacte initial, à celui de 1867. Qu'est-ce qu'on a apporté de façon unilatérale, sans le consentement des provinces, et surtout sans le consentement du Québec? On a, entre autres, créé cette clause Canada. On a amendé la Constitution pour réduire les pouvoirs de l'Assemblée nationale, partager ses pouvoirs avec le reste du Canada, mais surtout et désormais avec les juges de la Cour suprême. On a réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale en y incluant ce qu'on a appelé maintenant la fameuse clause Canada.
La clause Canada donne des droits à tout Canadien qui a eu son... reçu son instruction dans la langue anglaise, peu importe où sur le territoire du Canada: lorsqu'il vient au Québec, lui et sa famille proche ont droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. C'est essentiellement... En fait, c'est directement à partir de cet article 23 de la Constitution canadienne, article qui a été directement imposé au Québec, que la Cour suprême, récemment, dans l'affaire Nguyen, l'affaire dont on discute présentement, est venue déclarer inconstitutionnelle la loi de l'Assemblée nationale du Québec, qui pourtant avait été décidée à l'unanimité, tous les députés de l'Assemblée nationale avaient voté en faveur de cette loi.
Alors là, les gens se demandent: Mais, mon Dieu! donnez-nous donc des exemples concrets du rapatriement de la Constitution. Les souverainistes, vous chialez, là, vous n'êtes jamais capables de nous donner des exemples concrets du rapatriement de la Constitution. Alors, je vous en donne un, M. le Président, une situation bien concrète où, de façon unanime, les parlementaires de l'Assemblée nationale ont adopté une loi pour protéger l'enseignement du français au Québec et que, malgré cette unanimité, neuf... les juges de la Cour suprême du Canada, sous la plume du juge Lebel, ont décidé une interprétation pour le moins douteuse de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. On est venu dire que dorénavant ce n'était plus une approche quantitative qu'on devait... avec laquelle on devait analyser l'article 23, mais on devait plutôt avoir une approche qualitative -- ah bon! qualitative, «qualitative» -- définie, semble-t-il, dans l'affaire Solski, qui donne une grande discrétion maintenant aux juges. Mais ce qu'on dit, c'est qu'on doit tenir compte de plusieurs facteurs pour déterminer si, oui ou non, ça respecte ce test de la qualité de l'enseignement reçu.
Alors là, évidemment, M. le Président, vous comprendrez que la Cour suprême nous invite au cas-par-cas. Ça me fait presque penser au débat qu'on a actuellement sur les accommodements raisonnables, où le gouvernement du Québec nous dit: On va régler chacune des situations, mais devant les tribunaux. Quand vous ne serez pas d'accord, ce n'est pas grave, ce n'est pas grave si vous n'êtes pas d'accord sur l'application du gouvernement, parce que vous demanderez au... vous demanderez au tribunal de rectifier le tir. C'est ce qu'on appelle l'approche du cas-par-cas.
Mais cette approche qui nous est imposée... Je le répète, c'est une décision de la Cour suprême qui est imposée aux législateurs québécois, les... le Québec n'a plus la marge de... Il doit essayer maintenant soit la mise en oeuvre de ce jugement-là de la cour ou d'utiliser la clause dérogatoire pour se soustraire justement de l'application directe de ce jugement. Alors là, d'un côté, si le gouvernement du Québec se tourne vers l'application concrète du jugement de la Cour suprême, c'est une façon de faire qui est complètement contraire à la bonne et saine administration de l'État québécois. C'est un exemple concret, je pense, où les Québécois ne toléreraient pas qu'essentiellement, dans une même situation, tout dépendamment que l'enfant en cause soit bien représenté ou non, ses droits varient en fonction de sa capacité à convaincre les fonctionnaires qui, au cas-par-cas, auront à mettre en oeuvre l'application de sa loi. Alors, évidemment, M. le Président, non seulement les juges de la Cour suprême ouvrent la porte grande ouverte à ce qu'il y ait plus de jeunes au Québec qui aient une instruction en anglais, mais en plus ça amène une situation, au niveau... administrative qui est complètement ingérable.
Alors, c'est pour ça, M. le Président, et essentiellement pour des raisons évidemment de protection de la langue française, que notre formation politique a demandé au gouvernement du Québec, bien, simplement d'appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées. C'est assez simple: appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées. Proposition qui est... qui nous a pris, quoi, quelques heures à déterminer. Au pire, 24, 48... on peut aller peut-être jusqu'à 72 heures, mais je suis à peu près convaincu que ça n'a pas pris 72 heures à ce qu'on en vienne à faire cette proposition au gouvernement du Québec. Et là...
Bien, nous, on a fait nos devoirs. On est l'opposition officielle, on est là, oui, pour critiquer, mais évidemment on est là aussi pour apporter des solutions. Et c'est là un bel exemple où on a joué notre rôle de critique, mais aussi on a fait un pas de plus, on a dit: Voici ce que, nous, on ferait... Si on était à votre place, voici ce que, nous, on ferait, et on a tendu la main au gouvernement du Québec.
Bon, on peut comprendre, le gouvernement du Québec a une batterie de fonctionnaires, a des gens à consulter. On peut comprendre, là, que ça peut prendre plus que 72 heures. Bon, on est bon joueur, on laisse passer une semaine, à la limite deux semaines, trois semaines. Là, M. le Président, là, le temps s'écoule, le jugement a été rendu au mois d'octobre, et de toute évidence le gouvernement du Québec, dans les trois prochaines semaines, d'ici la fin de la session parlementaire, il est fort improbable maintenant que le gouvernement du Québec dépose une nouvelle loi pour venir répondre à cette invitation que nous a lancée la Cour suprême de corriger la situation actuelle.
Alors, qu'est-ce que le gouvernement propose de faire? Bien, il choisit le statu quo, choisit d'attendre, choisit l'immobilisme, en se disant probablement qu'il allait... une nouvelle solution qui allait arriver de je ne sais pas où. Parce que, M. le Président, il n'y a pas 100 000 solutions: soit qu'on applique la décision de la Cour suprême, comme les juges nous ont invités à le faire... Chose que, nous, nous refusons, parce que, si on va dans cette voie-là, M. le Président, qu'est-ce qui va arriver? On ouvre la porte grande ouverte à des contestations judiciaires, à des situations de cas-par-cas, à une mauvaise administration des affaires publiques puis, pire encore, à ce qu'il y ait plus de citoyens qui aient accès à l'école anglaise, qui est clairement contraire à l'esprit même de la disposition de l'article 23, qui ne visait pas du tout à ce qu'on utilise cet article 23 de la Constitution pour que certaines personnes, en fonction de leur portefeuille... Parce que là il faut comprendre que ceux qui ont accès à l'école privée non subventionnée, ce sont des gens fortunés, M. le Président. Pourquoi? Parce que ce sont des écoles non subventionnées. Alors, comme elles sont non subventionnées par l'État, nécessairement ça coûte plus cher, avoir accès à ces écoles, et ceux qui y ont accès, bien, l'ont, contraire à ceux qui n'ont pas les revenus pour y aller.
Alors, qu'est-ce qu'on... non seulement, M. le Président, c'est une... c'est contraire à l'esprit de l'article, en plus on a une application... on en fait une application qui dépend de la grosseur du portefeuille qu'a les individus en question. Puis, pire encore, on donne un droit constitutionnel à ces enfants-là que leurs propres enfants à eux vont pouvoir bénéficier de la protection de cette clause Canada, prévue à l'article 23 de la Constitution et qui, je le répète, a été imposée à l'Assemblée nationale.
Alors, M. le Président, depuis 1867 où le Québec devait en principe gérer seul les questions en affaires de langue, il y a eu des modifications importantes qui ont été apportées lors du rapatriement de la Constitution, qu'on a imposées à l'Assemblée nationale, et principalement sur les questions de langue, à deux égards: premièrement, en vertu des articles de la Charte canadienne des droits et libertés, qui, elle aussi, a été imposée avec tout le reste lors du rapatriement de la Constitution; puis, deuxièmement, en fonction aussi de l'article 23 de la Charte canadienne... de la Constitution canadienne.
**(15 h 40)**
Alors, depuis 1977, donc depuis l'adoption de la Charte de la langue française, on a vu au fil du temps s'effriter la Charte de la langue française. Alors, plus le temps s'est écoulé, entre son adoption et aujourd'hui, bien on a vu des modifications importantes apportées à la Charte de la langue française. Par qui ont été apportées ces modifications, M. le Président? Est-ce que ce sont les membres de l'Assemblée nationale qui unanimement ont décidé de modifier la charte? Ma collègue de Joliette me sourit parce qu'elle connaît très bien la réponse. Elle sait pertinemment que ce n'est pas l'Assemblée nationale, M. le Président. Ce sont neuf juges de la Cour suprême qui, dans leur compréhension des choses et de la loi, ont, au fil du temps, jugé invalides plusieurs dispositions de la Charte de la langue française.
L'exemple... un des exemples les plus éloquents, et il faut le dire, et avec lequel le gouvernement libéral de l'époque avait réagi avec énormément de... pas d'intérêt, mais avec beaucoup de préoccupation, je dirais, avec beaucoup de diligence, savez-vous combien de jours qu'avait pris le premier ministre à l'époque, M. Bourassa, pour répondre au jugement de l'affaire Ford qui venait de déclarer inconstitutionnel l'affichage unilingue français? Est-ce qu'il y a un député libéral qui se souvient combien de jours a pris le premier ministre, M. Bourassa, pour répondre à cette décision de la Cour suprême, M. le Président? M. Bourassa avait pris sept jours. Sept jours pour faire quoi? Pour prendre une décision courageuse à l'Assemblée nationale. Il s'est levé ici, en cette Chambre, pour proposer l'utilisation de la clause dérogatoire. Est-ce que c'était facile pour M. Bourassa de faire ça? Bien sûr que non. Est-ce que son caucus de quelques députés anglophones était heureux de cette décision-là? Bien sûr que non. Mais est-ce que M. Bourassa l'a fait quand même? Bien sûr que oui, M. le Président. Savez-vous pourquoi? Parce qu'il a eu le courage, à ce moment-là, de se lever debout puis de regarder ses collègues à l'Assemblée nationale et de dire, et je vais vous le dire, qu'est-ce qu'il a dit, M. Bourassa: «Je suis le seul chef de gouvernement en Amérique du Nord qui avait la justification morale d'agir de la sorte parce que je suis le seul chef en Amérique du Nord qui est à la tête d'une communauté très minoritaire dans l'ensemble du continent. Qui peut le mieux et qui doit le plus défendre, protéger et promouvoir la culture française, si ce n'est le premier ministre du Québec?» M. le Président, voilà ce que M. Bourassa avait à dire lorsqu'il s'est levé ici, à l'Assemblée nationale, et qu'il a dû expliquer à ses collègues qu'il utilisait la clause dérogatoire.
La clause dérogatoire, mais, mon Dieu! c'est... Qu'est-ce que c'est, cette clause dérogatoire, M. le Président? Est-ce que c'est un crime d'utiliser la clause dérogatoire? Est-ce que la clause dérogatoire n'est jamais utilisée par les parlementaires à l'Assemblée nationale? M. le Président, je pense que les parlementaires oublient à quel point l'utilisation de la clause dérogatoire est un privilège que le législateur a voulu laisser aux parlementaires.
Lorsqu'on a adopté et la charte canadienne et la charte québécoise, on était très à l'affût de protéger le plus grand privilège qui soit, celui de laisser aux membres élus le soin de décider librement des dispositions qu'ils jugeaient les plus appropriées, même celles liées aux chartes, aux droits qui sont protégés aux chartes. Pourquoi? Parce que le législateur jugeait qu'il était encore plus important de laisser la totalité des pouvoirs aux parlementaires plutôt que de les partager avec les juges. Évidemment, les juges de la cour ont à mettre en oeuvre les droits et libertés, ont à mettre en oeuvre les chartes, ont à décider de la constitutionnalité des droits, c'est ce qu'on appelle la séparation des pouvoirs, mais le pouvoir ultime, lui, est protégé par nos chartes, par cet article qu'on appelle la clause dérogatoire, qui permet justement de suspendre des droits pour donner la totalité du pouvoir aux membres des assemblées législatives. Et c'est vrai ici pour le Québec, mais c'est évidemment très vrai pour l'Angleterre et c'est vrai pour bien d'autres pays dans le monde, parce que ces clauses dérogatoires, c'est une façon habituelle de s'assurer de la suprématie du pouvoir parlementaire.
Mais ce que j'essaie de vous dire, M. le Président, c'est que la clause dérogatoire est utilisée de façon assez régulière. Et j'essaie de trouver l'exemple le plus récent. Je l'avais apporté avec moi. Mais essentiellement on l'a utilisé dès l'automne dernier et peut-être même plus récemment. Mais, bref, on l'a utilisé au cours de 2010, et c'est une procédure qu'il est assez habituel d'utiliser, la clause dérogatoire. M. Bourassa, qui était premier ministre du Québec, lui, c'est ce qu'il a fait. Il a utilisé la clause dérogatoire dans un contexte d'application de la Charte de la langue française parce qu'il jugeait à ce moment-là que c'était la seule façon.
Alors, évidemment, on pourrait décider juste d'appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées. Puis c'est vrai, hein, on pourrait juste faire ça. Mais pourquoi on se dit: Il faut utiliser aussi la clause dérogatoire? Parce qu'on le sait que ça va être devant les tribunaux. Les adversaires au projet, ils nous l'ont dit. Il dit: Si vous appliquez la loi 101, je vous le dis, là, d'avance, ça va se retrouver devant les tribunaux. Alors là, nous, on a une responsabilité envers les Québécois. Est-ce qu'on se tourne puis on dit aux Québécois: Bien, ce n'est pas grave, écoutez, ça ira devant les tribunaux, puis le tribunal... le juge décidera. Bien, ça pourrait être ça qu'on décide collectivement.
Mais il y a un coût à ça, M. le Président, il y a un coût important qui est lié aux frais d'avocat. Qui va payer ces représentations devant éventuellement des juges, les juges de la Cour supérieure, Cour d'appel et fort probablement de la Cour suprême? Parce qu'on sait que ce genre de décision là se rend habituellement en Cour suprême. Il y a un coût important qui est lié à ça. Alors, à mon avis, ce serait irresponsable de simplement appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées.
Par contre, à court terme, ça, effectivement, corrigerait la situation jusqu'à un jour où peut-être qu'à nouveau la disposition de la nouvelle loi serait, elle aussi, déclarée inconstitutionnelle. Puis là on reviendrait pour une troisième fois, parce que ce serait ça, on reviendrait pour une troisième fois avec l'utilisation de la clause dérogatoire. Ça pourrait faire. J'imagine que ça pourrait faire. Mais, à mon sens, c'est plus responsable de carrément utiliser d'avance la clause dérogatoire.
Alors, voilà, M. le Président, essentiellement l'objet de mes propos aujourd'hui, simplement pour vous rappeler que notre formation politique a fait ce que, je pense, les Québécois s'attendent de l'opposition, c'est-à-dire non seulement jouer un rôle de critique, mais en plus avoir l'intelligence, mais aussi mettre l'effort de soumettre des propositions, et c'est ce que notre formation a fait de façon très rapide. Alors, voilà, M. le Président. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Mme la députée de Joliette, nous vous écoutons.
MME VÉRONIQUE HIVON
Mme Hivon: Merci, M. le Président. Alors, comme l'ont dit mes deux collègues qui m'ont précédée, oui, en fait on est devant une troisième motion en quelques mois sur cet important sujet. Et pourquoi on en est aujourd'hui à présenter une troisième motion? Eh bien, c'est parce que, malgré toutes nos demandes, malgré toutes les demandes de la population, malgré le débat qui fait rage, malgré l'avis du Conseil supérieur de la langue française, toujours pas de réponse du gouvernement.
Alors, on se rappelle que la décision a été rendue en octobre. Ça fait maintenant sept mois. Ça fait plus de six ans que cette affaire est débattue devant les tribunaux. Alors, dès que la décision a été rendue par la Cour suprême, vous comprendrez, M. le Président, qu'on a été excessivement déçus, voire choqués, de cette décision-là qui venait contredire, qui venait annuler l'effet d'une loi qui avait été votée à l'unanimité en 2002 par cette Assemblée, sereinement, parce qu'à la suite du développement de la réalité des écoles passerelles ça nous était apparu à tous comme la solution qui devait être mise de l'avant, collectivement, démocratiquement, la solution qui s'imposait.
**(15 h 50)**
Et là ce qu'on apprend en octobre, à la suite évidemment de tout le cheminement judiciaire de la contestation qui a été celle de cette loi, et qu'on s'est rendu devant la Cour suprême, on apprend donc que la Cour suprême renverse cette décision-là, en quelque sorte, unanime des parlementaires québécois pour venir dire que cette loi n'est pas justifiée, que les objectifs... Parce que, dans sa grandeur d'âme, la Cour suprême, et on lui en est reconnaissant, vient quand même dire que l'objectif de vouloir préserver la langue française est un objectif important au Québec. Mais, comme elle le fait souvent, après elle vient dire que les moyens qui ont été mis de l'avant par l'Assemblée nationale du Québec sont disproportionnés par rapport à l'objectif.
Alors, nous, dès le mois d'octobre, dès que la décision a été rendue, oui, on a voulu débattre ici, dans cette Chambre. On a voulu questionner le gouvernement, comprendre comment ils allaient se positionner à la suite de ce jugement fort décevant pour le Québec, et pour la préservation de la langue française et de la fréquentation de l'école française au Québec. Et on avait dénoncé, et je pense que ce n'est pas sans raison... Puis on avait déposé notre motion de vouloir dénoncer cette décision-là. Et j'avais dit à l'époque qu'il fallait la dénoncer, oui, parce que ça remettait en cause une décision unanime de l'Assemblée.
Et, vous savez -- mon collègue de Lac-Saint-Jean y a fait référence -- la séparation des pouvoirs, c'est un principe, oui, qui est fondamental. Donc, on avait, nous, comme législateurs, décidé de la solution législative qui devait s'appliquer. Or, la Cour suprême est venue dire, du haut de l'exercice du pouvoir judiciaire, que ça ne passait pas le test de la charte. Donc, c'était une chose, je dirais, d'encaisser le coup, mais on était tout à fait en droit de dénoncer ce qui advenait de cette décision prise à l'unanimité par l'Assemblée nationale et surtout de tenter d'avoir des réponses quant à ce que le gouvernement, la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, la ministre de la Justice, la ministre de l'Éducation... d'essayer de comprendre ce qu'ils allaient faire à la suite de cette décision-là. Donc, on dénonçait tout d'abord pour ça.
Mais on dénonçait aussi... Parce que je pense que c'est important, en matière de langue, de préservation de la langue française au Québec, de sortir du déni qui des fois semble habiter certains au Québec, parce que c'est très fragile, nos acquis. Il y a toutes sortes de luttes au Québec, il y a toutes sortes de lois qui ont été adoptées pour des raisons fondamentales, et on sait que la loi 101... on sait que la Charte de la langue française, s'il en est une qui est fondamentale pour notre nation, pour notre identité, pour notre culture, pour la préservation de qui nous sommes, c'est bien celle-là.
Alors, je pense que, dès le mois d'octobre, c'était important d'interpeller le gouvernement et de dénoncer ce qui venait d'arriver. Mais on a été excessivement déçus parce que, dans les semaines qui ont suivi, malgré le fait que rapidement, comme mes collègues le rappelaient, on a mis de l'avant... On ne s'est pas contentés que de critiquer, on a mis de l'avant une solution qui était donc d'assujettir les écoles anglophones non subventionnées à la Charte de la langue française. On a mis ça de l'avant très rapidement. On a même fait une interpellation de deux heures pendant laquelle on a discuté de cette position-là avec la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. Et, pendant ces deux heures, on n'a pas pu avoir le début du commencement d'une réponse à savoir ce que le gouvernement entendait faire.
Donc là, on était quelques semaines, une semaine ou deux peut-être après la décision, mais là c'est que... Ce qui s'est passé, c'est que ça s'est poursuivi, donc toujours pas de réponse. Les semaines passent, les mois passent, et on nous dit qu'on analyse la situation. Alors, la ministre responsable de la Charte de la langue française nous a dit ça, la ministre responsable de l'Éducation nous a dit ça, la ministre de la Justice ne s'est pas levée en Chambre pour nous le dire, mais elle l'a dit à des journalistes.
Donc, nous, ce qui nous étonne un peu, c'est qu'avec notre équipe de recherchistes, avec nos têtes à nous qui... On est quand même une équipe limitée, on... Je ne pense pas qu'on a le bénéfice d'avoir des fonctionnaires très bien formés, qui connaissent tous ces enjeux-là de manière très, très pointue. Et rien de moins que trois ministères impliqués. On est venus rapidement avec une solution, qui semblait la seule solution dans les circonstances, donc d'assujettir les écoles anglaises non subventionnées à l'application de la Charte de la langue française.
Et les mois passent, le temps passe, et tout ce qu'on entend du côté du gouvernement, c'est qu'il faut du temps, il faut analyser, tout est sur la table. Alors, moi, je veux bien le «tout est sur la table» peut-être pendant une semaine, pendant deux semaines, mais là ce n'est pas quelque chose qui est tombé du ciel le 22 octobre avec la décision de la Cour suprême. C'est quelque chose, comme je le dis souvent, qui est débattu depuis plus de six ans devant les tribunaux. Donc, ça veut dire qu'il y a des procureurs qui ont monté les dossiers, qui ont plaidé la cause. Il y a des légistes qui ont regardé ça. Il y a des spécialistes au... responsables de l'application de la Charte de la langue française qui ont regardé ça. Donc, il faudrait être un peu naïfs pour penser que tous ces gens-là n'ont pas pensé à des solutions qui pourraient être mises en place si la décision qu'on ne souhaitait pas de la Cour suprême en venait à se produire. Or, c'est ça qui est arrivé, et on continue à nous dire qu'on analyse, qu'on étudie.
Donc, de ce côté-ci, je dois vous dire qu'on est très perplexes et qu'on a du mal à comprendre ce qu'on analyse et ce qu'on étudie tant que ça, pendant des mois et des mois, quand on sait que cette décision-là... quand on savait que cette décision-là devait aboutir. Alors, c'est pour ça qu'on a déposé une deuxième motion. Et cette motion-là, c'était précisément pour voir justement si cette solution-là d'appliquer donc la Charte de la langue française aux écoles non subventionnées pouvait être acceptée par le gouvernement. Encore une fois, on n'a pas eu de réponse. On nous a dit qu'on analysait la situation.
Mais, depuis ce débat, il est arrivé un fait assez important, et mon collègue le député de Borduas en a parlé, c'est que le Conseil supérieur de la langue française a rendu un avis, et un avis non sollicité, et qui va exactement dans le sens que nous disions, qu'il faut assujettir les écoles anglaises non subventionnées à la Charte de la langue française. Alors là, on commence à trouver que peut-être que les gens d'en face devraient commencer à accréditer ce qu'on suggérait depuis des mois comme solution. Alors, si, nous, on ne veut pas nous écouter, c'est une chose, mais peut-être que ce serait bien d'écouter et de lire comme il faut l'avis du Conseil supérieur de la langue française.
Et je voudrais juste reprendre quelques extraits, je pense, qui sont assez importants. Parce que, tout d'abord, l'avis revient sur la démarche de l'Assemblée en 2002 en disant qu'«il est indéniable que la démarche du législateur, en 2002, visait à contrer, de bonne foi et de façon démocratique, les effets de ce que tout le monde, y compris la Cour suprême du Canada, voit comme une illégalité, un subterfuge». Ce n'est pas rien!
Parce qu'on sait que le développement des écoles passerelles, c'est une manière de faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. C'est une manière de dire: En payant quelques milliers de dollars pour une année, même des fois pour moins qu'une année, en décidant d'envoyer un enfant qui n'y aurait pas droit autrement, à l'école anglaise non subventionnée, on s'achète par la suite un droit pour que cet enfant-là, et ses frères et soeurs, et toute sa descendance puissent par la suite fréquenter l'école anglaise subventionnée. Alors, effectivement, je pense qu'on peut qualifier ça de subterfuge qui s'est développé au fil du temps. C'est ce que reconnaît le Conseil supérieur de la langue française.
Alors, il dit: «La réponse législative unanime apportée en 2002 a été jugée -- donc par la Cour suprême -- comme une réponse -- et j'ouvre les guillemets -- "radicale" à ce phénomène de subterfuge, de détournement de la loi et de primes données à ceux et celles qui estiment qu'on peut acheter un droit constitutionnel. Constatons également que les moyens pris en 2002 étaient simples et que leur application n'ouvrait la porte à aucune subjectivité, et pour cause.
«[...]les dispositions de 2002 évitaient en effet les débats sans fin sur des situations particulières et aussi une iniquité qui venait du fait que des citoyens fortunés pouvaient acheter un droit, ce que n'étaient pas en mesure de faire des citoyens moins fortunés.»
Ça, je pense que c'est très important, parce que, si on reste dans le cas-par-cas, si on reste dans l'appréciation subjective, qu'est-ce qui nous dit que l'équité va être respectée? Et je pense qu'on va tous s'entendre ici pour dire que l'équité, c'est un principe fondamental dans notre démocratie puis qu'on ne voudrait justement jamais que des gens qui ont moins de moyens puissent avoir plus de droits que des gens qui ont des moyens. Alors, l'avis du Conseil supérieur vient exactement dire ça.
Et, dans sa recommandation clé, je vous dirais, qui vient appuyer la recommandation qu'on faisait et qu'on aimerait beaucoup que le gouvernement écoute... dit que... Donc, il «recommande de soumettre les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française». Et là il dit: «En appliquant cette mesure, il sera désormais clair que, au Québec, les francophones vont à l'école française publique ou privée subventionnée ou non subventionnée; les immigrants ou enfants d'immigrants vont à l'école française publique ou privée subventionnée ou non subventionnée; les anglophones québécois et les anglophones canadiens qui satisfont aux critères des articles 23 et 73 peuvent aller à l'école anglaise -- il n'y a rien qui change en ce qui a trait à ça -- publique ou privée subventionnée ou non subventionnée. Peuvent s'ajouter à ces derniers les enfants des résidents temporaires auxquels les personnes désignées par la ministre en donnent l'autorisation, ainsi que les enfants qui bénéficient d'une exemption spéciale de la ministre fondée sur une situation grave d'ordre familial[...].
«Si les règles sont claires, elles respectent aussi les principes mis de l'avant par le conseil.»
**(16 heures)**
Le problème est: Pourquoi on est encore ici à débattre d'une motion aujourd'hui? Et je vais relire la motion, la motion qui dit: «Qu'à la suite de l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême du Canada, [...]l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école française d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée.»
Puis pourquoi c'est important d'en débattre encore aujourd'hui? C'est parce qu'on n'a pas de réponse, puis on a très peur, de ce côté-ci de la Chambre, on a très peur du cas-par-cas, on a très peur de critères subjectifs qui vont être appliqués au fil du temps en risquant des solutions un peu alambiquées, pas de constance, des situations d'exception. Nous, on pense que c'est tellement important, au Québec, la fréquentation de l'école française, et que ça soit clair, et que l'équité est une réalité tellement importante, une valeur tellement importante qu'on ne peut pas se permettre du cas-par-cas, et que la seule solution qui s'impose, c'est vraiment la solution d'assujettir les écoles anglaises non subventionnées à la Charte de la langue française et d'y inclure tout de suite la clause dérogatoire.
Pourquoi la clause dérogatoire? Mon collègue de Lac-Saint-Jean l'a dit, parce qu'effectivement la clause dérogatoire, là, c'est un mécanisme qui est tout à fait prévu législativement. Pourquoi? Parce qu'effectivement il y a une séparation entre le judiciaire et le législatif. Le judiciaire a le droit de prendre des décisions judiciaires dans sa sphère d'activité, le législatif adopte les projets de loi qui lui semblent être les bons projets de loi pour sa population. Mais, dans des cas, depuis l'avènement de la charte, où on peut estimer qu'il y a des décisions du judiciaire qui ne conviennent pas au bien supérieur de la population, cette clause-là existe. Alors, ce qu'on se dit, c'est que, oui, c'est une bonne chose d'y avoir recours en partant pour justement éviter toute l'incertitude de dire: Est-ce qu'on va devoir attendre des contestations judiciaires? Est-ce qu'il va y avoir des contestations judiciaires? Est-ce que les gens vont engager des sommes pour des contestations judiciaires?
Nous, ce qu'on prône, c'est une solution claire, et je vous dirais qu'effectivement, dans le débat qui a cours en ce moment sur le projet de loi n° 94 sur les accommodements raisonnables, c'est aussi ce qu'on dit, il ne faut pas faire l'économie d'aller au fond des choses et d'avoir des solutions globales. Le cas-par-cas, en matière d'accommodements raisonnables, je ne pense pas que c'est ce qui est souhaité, et c'est malheureusement ce qu'on retrouve dans le projet de loi n° 94, qui ne fait que codifier l'état de la jurisprudence.
Et là, si on suit ce qu'on a peur qu'il se produise du fait qu'on voit que les semaines passent, que les mois passent et qu'il n'y a toujours pas de dépôt de projet de loi de la part du gouvernement pour répondre à la décision de la Cour suprême, on a peur, encore une fois, qu'on y aille dans le cas-par-cas, dans la subjectivité, dans l'application de critères de manière potentiellement non constante, non cohérente, par des mécanismes, je dirais, qui ne soient pas formels.
Alors, aujourd'hui, on demande une autre fois, en espérant d'être entendus -- surtout que notre position est soutenue par le Conseil supérieur de la langue française dans un avis non sollicité -- on demande au gouvernement d'écouter ce qu'on dit et de mettre en place la seule solution qui s'impose, soit d'assujettir les écoles anglaises non subventionnées à la Charte de la langue française en y incluant d'emblée le recours à la clause dérogatoire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la députée de Joliette. J'inviterais maintenant M. le député de Chambly à prendre la parole.
M. BERTRAND ST-ARNAUD
M. St-Arnaud: Merci, M. le Président. M. le Président, on me permettra d'intervenir brièvement sur cette importante motion qui porte sur un sujet qui est au coeur de l'existence même de notre nation en Amérique du Nord, le dossier linguistique, la question linguistique.
M. le Président, vous le savez, vous êtes un parlementaire d'expérience, vous savez que le premier débat qui a eu lieu ici en 1792 -- effectivement, on le voit au-dessus de vous, sur ce tableau -- le premier débat qui a eu lieu en 1792 au Parlement du Bas-Canada, c'était un débat qui portait sur le même sujet qu'aujourd'hui, qui portait sur les questions linguistiques. On s'interrogeait alors sur la langue qui allait être parlée dans ce Parlement du Bas-Canada, qui est l'ancêtre de notre Assemblée nationale d'aujourd'hui. Pourquoi, M. le Président? Parce que c'est au coeur, je vous le disais, c'est au coeur de notre nation minoritaire en Amérique du Nord. Et toutes ces questions dont on débat aujourd'hui encore une fois, pour la ixième fois de notre histoire, c'est majeur parce qu'en bout de ligne, M. le Président, si on ne s'en préoccupe pas, bien la nation québécoise de langue française, elle va disparaître à terme. Alors, c'est lié à notre existence comme peuple depuis que nos ancêtres ont fait leurs premiers pas sur ce territoire.
Évidemment, M. le Président, au XIXe, au XXe siècle, c'était moins préoccupant parce qu'on a tous lu que c'étaient des familles de 15, de 20, de 22 enfants qui... Donc, il n'y avait pas ce problème existentiel. Certains disaient même, M. le Président, qu'à la fin des temps il n'y aurait que des Chinois et des Québécois de langue française tellement nous faisions d'enfants au Québec à cette époque-là. Le problème a commencé à se poser au XXe siècle, M. le Président, avec notamment l'arrivée de nouveaux arrivants. Et vous vous rappelez, dans les années soixante, M. le Président, le gouvernement de l'époque, le gouvernement Bertrand, avait présenté la loi 63, qui disait... qui faisait état... qui faisait en sorte... qui donnait le libre choix de la langue d'enseignement, donc toute personne pouvait envoyer ses enfants à une école autre que de langue française.
Évidemment, il y a eu un tollé à l'époque. Et ça s'est passé en cette Chambre, je vois, j'imagine, M. le Président, Jean-Jacques Bertrand, qui est de l'autre côté, le ministre de l'Éducation, Jean-Guy Cardinal, il y a eu tout un tollé. Il y a eu des manifestations de 50 000 personnes ici, devant le parlement. C'est une des plus importantes manifestations qu'il n'y a jamais eu, dans l'histoire de ce Parlement, devant le parlement parce que les Québécois se rendaient compte que d'avoir le libre choix de la langue d'enseignement, ça permettait à tous ces nouveaux arrivants d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise, et, à terme, eh bien la nation québécoise de langue française allait disparaître. Alors, il y a eu un tollé, M. le Président, à cette époque.
Et Robert Bourassa, qui a pris le pouvoir par la suite, l'Union nationale disparaissant le 29 avril 1970, après ces débats de 1969 sur la loi 63, Robert Bourassa, vous l'avez connu, M. le Président, qui était un nationaliste profondément québécois, qui croyait au Canada mais qui était nationaliste québécois, Robert Bourassa a bien compris, lui aussi, le problème, et qu'à terme ça pouvait mettre en jeu notre existence comme peuple. Et là il est allé avec... il a fait une tentative malheureuse -- je pense que l'histoire le dit -- la loi 22, qui, par certains aspects, était intéressante... D'ailleurs, certains de ses aspects ont été repris dans la loi 101 en 1977, mais, sur la question linguistique, il avait inventé, si on peut dire, ces fameux tests linguistiques. Il avait dit: On va faire passer des tests aux enfants pour savoir s'ils peuvent avoir le droit d'aller à l'école en... Cafouillis total. Je vois encore, M. le Président... Là, je m'en rappelle -- ça va dévoiler mon âge -- je vois encore le ministre de l'Éducation, M. Bienvenue, qui est futur juge à la cour, Jean Bienvenue, député de Matane... François Cloutier dans un premier temps, mais, à la toute fin, M. le Président, vous vous rappellerez que le ministre de l'Éducation était M. Bienvenue, et je le vois encore, M. le Président -- c'était le 11 novembre 1976 -- au cégep Ahuntsic tentant de défendre l'indéfendable qu'étaient ces fameux tests linguistiques.
Et, quand le Parti québécois est arrivé, il a pris le dossier à bras-le-corps, et, dans un débat d'une intensité importante ici, en cette Chambre, le premier ministre René Lévesque, le ministre au Développement culturel et ancien député de Bourget, Camille Laurin, ont présenté aux parlementaires ce qui était, dans un premier temps, la loi 1, qui est devenue par la suite la loi 101, la Charte de la langue française, et cette charte a été adoptée malgré l'opposition acharnée des gens qui étaient ici dans l'opposition, des gens du Parti libéral, M. le Président, qui se sont acharnés à démolir ce projet de la loi 101.
**(16 h 10)**
Malgré tout, René Lévesque, Camille Laurin ont maintenu le cap et ont fait adopter cette charte, faisant en sorte, M. le Président... je vous épargne les débats de la clause Québec et de la clause Canada, mais faisant en sorte que, dorénavant, les gens qui viennent au Québec, leurs enfants doivent aller à l'école française. En fait, après tous ces débats entre la clause Québec et la clause Canada -- j'épargne ces débats -- la Charte de la langue française prévoit maintenant que seuls les enfants dont un des parents a fréquenté l'école anglaise au Canada pendant son primaire peuvent aller à l'école anglaise.
Le problème, M. le Président, c'est que, par la suite, la loi 101, oui, elle a été adoptée en août 1977 malgré l'opposition du Parti libéral, mais elle a ensuite été contestée devant les tribunaux, et c'est ça qui est... Et plein de chapitres de la loi 101 ont été contestés. Je pense au chapitre sur la langue des tribunaux, la langue du Parlement a été contestée, et des pans entiers de la Charte de la langue française ont été déclarés inconstitutionnels par la Cour suprême. Et c'est ça, le problème, M. le Président, de notre nation, c'est qu'en bout de ligne c'est qui qui décide? Ce n'est pas les élus du peuple, les 125 qui sont dans cette salle. En bout de ligne, M. le Président, c'est la Cour suprême du Canada. Et, la Cour suprême du Canada, on y retrouve neuf juges, mais seulement trois sont originaires du Québec. C'est donc un tribunal à majorité composé de gens d'une autre nation qui décide si les lois adoptées ici, à l'Assemblée nationale, par les 125 élus du peuple sont conformes à la Constitution, Et c'est ça qui est terrible, c'est que constamment cette Cour suprême... Et souvent, dans des domaines qui touchent au coeur même de notre nation, le domaine linguistique, dont on parle aujourd'hui, mais aussi le domaine des communications, le domaine de la culture, souvent dans des domaines essentiels à l'existence de notre nation, imaginez, M. le Président, c'est un tribunal composé de gens d'une majorité d'une autre nation qui décide sur ces questions.
Et c'est ça qui est dramatique, M. le Président, qui nous amène, nous, de ce côté-ci, à souhaiter qu'un jour le Québec se prenne en main et décide de devenir un pays. Le jour où on sera un pays, M. le Président, nous adopterons nos lois ici, nous aurons une constitution conforme à ce que nous sommes, à nos valeurs, et le tribunal suprême, la Cour suprême du Québec, elle sera composée exclusivement de Québécois, et ce seront eux qui décideront de la conformité des lois que nous faisons ici à la constitution du Québec plutôt que de s'en remettre à un autre tribunal qui, comme le disait Maurice Duplessis, M. le Président, dans les années cinquante, est comme la tour de Pise, penche toujours du même bord, et pas du bord du Québec, M. le Président.
Alors, M. le Président -- je sens l'enthousiasme de mes collègues, M. le Président -- vous voyez que... Et c'est ça qui est arrivé encore récemment, M. le Président, dans le dossier dont on parle aujourd'hui, c'est que la Cour suprême du Canada, composée d'une majorité de juges d'une autre nation, a décidé, le 22 octobre 2009, d'invalider une loi, la loi n° 104, qui a été adoptée à l'unanimité des gens élus ici, à l'Assemblée nationale, par le peuple québécois, et là on se retrouve dans une situation... Et la Cour suprême nous a dit... Dans le jugement, M. le Président, du 22 octobre dernier, la Cour suprême nous a dit qu'elle donnait un an au gouvernement du Québec... Elle a d'abord déclaré que les alinéas 2° et 3° de l'article 73 de la Charte de la langue française sont invalides, sont inconstitutionnels et elle donne un an au gouvernement du Québec, à partir du 22 octobre 2009, pour faire les changements. Alors, c'est la Cour suprême du Canada, une cour suprême composée d'une majorité de juges d'une autre nation, qui a décidé que la loi adoptée ici, à l'Assemblée nationale, était inconstitutionnelle, demandant au gouvernement de changer ça.
M. le Président, je pourrais continuer encore longtemps, mais... M. le Président, je pourrais continuer longtemps. Je vois le député de Châteauguay, qui aimerait bien m'entendre davantage, on aura l'occasion de se reprendre. Mais, M. le Président, nous allons voter en faveur de cette motion, bien entendu. Nous allons voter en faveur de cette motion, M. le Président, qui exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée.
Parce que j'aurais pu vous expliquer plus longuement, M. le Président, qu'effectivement, malgré le fait qu'une loi a été adoptée ici unanimement, il y a des gens qui ont tenté de contourner cette loi-là d'une manière particulière. Mais, en bout de ligne, M. le Président, ce cas est, encore une fois -- et je conclus là-dessus -- un autre exemple de la nécessité pour le peuple québécois, pour les Québécois, de se doter d'un pays conforme à leurs valeurs, conforme à ce qu'ils sont, pour que les lois qui sont adoptées ici, à l'Assemblée nationale du Québec, ce soient ces lois-là qui s'appliquent sur notre territoire et que ce ne soit pas un tribunal étranger, M. le Président, composé d'une majorité de gens d'une autre nation, qui ont d'autres valeurs que les nôtres... Il faut se le dire, des gens très respectables, très respectables mais qui, dans bien des domaines, que ce soit en matière d'environnement, que ce soit en matière de jeunes contrevenants, que ce soit en matière... les domaines sont multiples. Ce sont des gens très respectables, mais ce sont des gens qui n'ont pas les mêmes valeurs que nous.
Quand, M. le Président, allons-nous enfin décider, comme peuple, de se doter d'un pays avec une constitution conforme à ce que nous sommes et dire: Non, on n'accepte plus que ce soit une cour suprême nommée avec une majorité de juges d'une autre nation qui décide de choses aussi essentielles que les questions linguistiques au Québec, M. le Président? Alors, nous allons voter en faveur de cette motion de mon collègue le député de Borduas. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Chambly. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. MARTIN LEMAY
M. Lemay: Quelques minutes, M. le Président. Je vais faire un petit peu d'histoire. Comme Montréalais moi-même et comme député montréalais tout comme vous, nous pouvons quotidiennement constater l'avancée de la langue anglaise, M. le Président. Et, surtout au centre-ville, ce centre-ville que nous partageons tous les deux, on voit les enquêtes presque hebdomadairement nous indiquer la difficulté de se faire servir en français au centre-ville de Montréal et dans de plus en plus de quartiers, et je crois que nous devons être sensibles à cette situation-là. Donc, M. le Président, je prendrai seulement quelques minutes pour parler un peu de Montréal. Je ferai un certain historique. Je vais partir, comme mon collègue de Chambly... un petit peu d'histoire quand même, parce qu'il y a des raisons qui expliquent la situation actuelle.
En Nouvelle-France, Montréal est un comptoir, un comptoir d'échange entre les Français et les Amérindiens de l'époque. Alors, c'est tout simplement un comptoir, un millier d'habitants tout au plus, M. le Président, mais les gens comprennent bien vite que Montréal, c'est l'accès à l'intérieur du continent, que Montréal est l'accès privilégié pour se rendre dans les Grands Lacs. Donc, les Français, nos ancêtres, ont compris ça très, très, très rapidement.
Cette année, M. le Président, vous le savez, on va fêter le 250e anniversaire de la capitulation de Montréal. Parce que, suite à la conquête de Québec, Montréal, presque un an après, a capitulé face aux forces anglaises. Donc, Montréal est devenue «Montreal», une ville anglaise. M. le Président, je ne joue pas au misérable, je ne me plains pas, c'est l'histoire. On peut vérifier, évidemment, toutes ces informations-là. Donc, Montréal est devenue une ville anglaise. En 1760, tous les postes de commande à Montréal, que ce soit pour la traite des fourrures, que ce soit pour le bois, que ce soit pour l'agriculture, ont été entre les mains d'anglophones, de Britanniques, d'Écossais et, dans une moindre mesure mais quand même, d'Irlandais.
Donc, M. le Président, pendant 100 ans -- et ça, on a tendance à l'oublier -- de 1760 à 1860, Montréal a été une ville essentiellement, sinon majoritairement anglophone. Mais, en 1860, comme mon collègue l'a souligné tout à l'heure, les grandes, les très grandes familles venant de la campagne pour se rendre en ville pour travailler dans les usines, M. le Président, fait en sorte qu'il y a un revirement total de l'histoire.
**(16 h 20)**
En 1860, Montréal, pour la deuxième fois, redevient une ville majoritairement francophone. Et, M. le Président, les familles, les très grandes familles, malheureusement... Et ça, c'est probablement une des périodes les plus... je ne dirais pas les plus sombres, mais peut-être un des événements les plus négatifs de notre histoire, c'est que, M. le Président, non seulement ces grandes familles canadiennes-françaises, comme on les appelait à l'époque, ne se sont plus arrêtées à Montréal, mais ont continué vers le Nord-Est américain. M. le Président, c'est des centaines de milliers de Canadiens français qui ont quitté le Québec, qui ont quitté les grandes plaines du Saint-Laurent pour se rendre dans les usines à coton de la Nouvelle-Angleterre. Par centaines de milliers de personnes. Ce fut, M. le Président, une des plus grandes hémorragies démographiques de notre histoire.
M. le Président, 100 ans plus tard, 1860, Montréal redevient une ville majoritairement française à cause des grandes familles qui viennent de la campagne pour peupler, entre autres, le quartier de notre collègue du Sud-Ouest, mon quartier également, le Centre-Sud, pour venir travailler dans les usines.
Après la Deuxième Guerre mondiale, M. le Président, on voit deux phénomènes, 1950, 1960, deux phénomènes qui s'accélèrent à une vitesse foudroyante. D'abord, ce qu'on a appelé la... la... -- j'ai beaucoup de difficultés avec ce mot-là, M. le Président -- la désindustrialisation, voilà. Alors, les quartiers le long du fleuve Saint-Laurent où il y avait des dizaines et des dizaines de milliers de travailleurs, ces usines ont fermé en l'espace de, quoi, 10 ou 20 ans. Donc, premier phénomène après la Deuxième Guerre mondiale, la fermeture de la Vickers, les shops Angus, ce qu'on appelait les shops Angus, et toutes ces petites usines qui étaient dans le Sud-Ouest de Montréal, dans le centre-ville et dans le Centre-Sud, ça a fermé, c'est des dizaines de milliers... Le long du canal Lachine effectivement, des dizaines de milliers d'emplois qui se sont perdus. Premier phénomène. Vous comprendrez, M. le Président, comme député montréalais et comme ce problème est particulièrement vécu à Montréal, c'est la raison pour laquelle je vais me limiter à Montréal.
Mais deuxième phénomène... Et celui-là, dans le débat actuel, on en parle un peu moins, mais notre collègue de Borduas en a parlé à quelques reprises, donc le deuxième phénomène, c'est l'étalement urbain. Alors, en même temps que ces usines fermaient, les classes moyennes francophones, à partir de 1960... Et c'est les classes moyennes francophones, M. le Président. Il ne faut pas être gêné aujourd'hui, dans ce monde politiquement correct, de nommer les choses, quand même. Donc, la classe moyenne francophone a quitté l'île de Montréal pour la banlieue. Ce phénomène que l'on peut observer partout dans les grandes villes nord-américaines, mais Montréal a aussi vécu ce phénomène d'étalement urbain, et phénomène... M. le Président, si la désindustrialisation a cessé parce qu'à un moment donné il n'y a plus d'usines à fermer, littéralement, il demeure que l'étalement urbain, ce phénomène-là, lui, est demeuré de 1960 à aujourd'hui, ce qui fait, M. le Président -- et vous pourrez vérifier les chiffres -- que la population de Montréal, depuis 1960, est restée la même. Il n'y a pas beaucoup de grandes villes... Il y en a quelques-unes, mais, de façon générale, il n'y a pas beaucoup de grandes villes en Amérique du Nord dont la population n'a pas au moins augmenté un peu. Mais, si vous regardez les statistiques depuis 1960, la population de Montréal est demeurée la même.
Donc, il y a un troisième phénomène qui arrive avec l'étalement urbain, la fermeture des usines, c'est le niveau d'immigration qui augmente. Et, M. le Président, je ne le dis pas pour le condamner, je ne le dis pas, je ne parle pas de ça parce que ce n'est pas bien, je le dis parce que c'est la réalité. Vous regardez les chiffres, la démographie, ça le prouve. Je ne le dénonce pas, je le constate.
Donc, tous ces phénomènes font en sorte qu'aujourd'hui, M. le Président, Montréal a une démographie particulière, qu'en termes de démographie, que ce soit aujourd'hui, ou dans 20 ans, ou dans 30 ans, je vais... Moi, j'ai une crainte, M. le Président, je vais vous le dire très honnêtement, que Montréal, en termes de démographie, se coupe littéralement du reste du Québec. Et ça, c'est une crainte que j'ai comme Montréalais et comme Québécois, que Montréal soit tellement différente du reste qu'à un moment donné il n'y ait plus... Et Montréal est la métropole du Québec, ce n'est pas... Montréal ne vit pas seule, ce n'est pas une mégalopole, là, qui vit toute seule sur son propre continent, Montréal est la métropole du Québec. Mais, avec tous ces changements démographiques, si on projette sur 20 ans, 30 ans, 40 ans, je pense qu'il y a raison, M. le Président, de se poser la question.
Donc, devant tous ces phénomènes, en 1977, c'est la loi 101 -- je n'en parlerai pas très, très longtemps, nos collègues l'ont fait avec beaucoup de talent -- et on découvre en 2002 qu'il y a une brèche dans la loi 101, c'est la loi n° 104, encore une fois un projet de loi voté à l'unanimité en cette Chambre. Mais, M. le Président, ce qu'il ne faut pas oublier en termes... À un moment donné, quand on voit une nouvelle, cette nouvelle-là laisse des traces dans ce qu'on pourrait appeler l'imaginaire collectif, et je crois que la nouvelle qui est tombée, il y a, je crois, deux ans, pour la première fois depuis 1860, ce qui n'est quand même pas rien, M. le Président, ça fait 150 ans, ça, depuis... Au recensement de 2001, pour la première fois depuis 1860, les citoyens et citoyennes de Montréal de langue française sont minoritaires sur l'île, à 49 % ou à peu près. Ce chiffre-là, moi, M. le Président, il m'a marqué, et je sais qu'il a marqué beaucoup de personnes également.
Donc, dans le contexte qui est le nôtre, 2 % de l'Amérique du Nord, M. le Président, est-ce qu'il n'y a pas raison d'être inquiet? Est-ce qu'il n'y a pas raison, comme notre collègue de Borduas l'a fait, de faire une étude, de dire aux gens: Écoutez, il y a une situation qui est préoccupante non seulement pour l'avenir de Montréal, mais pour l'avenir du Québec et l'avenir de la langue française? Je crois que ces questions-là sont légitimes, M. le Président, et il faut se les poser.
Donc, nous, M. le Président, nous pensons, pour revenir à la loi n° 104, qu'il y a des solutions. Nous en avons proposé, le Conseil supérieur de la langue française en a proposé. Certainement qu'il y a une batterie de fonctionnaires qui travaillent sur ce dossier-là depuis plusieurs mois, certainement qu'ils ont des tableaux d'analyse, mais, M. le Président, c'est là qu'on va voir de ce gouvernement si l'intérêt public est vraiment le coeur de leur action ou l'intérêt partisan, l'intérêt d'une clientèle électorale. C'est là qu'on va voir, au dépôt de la stratégie, M. le Président, que ce gouvernement-là va vraisemblablement nous proposer cet automne. C'est là, c'est là, on va voir est-ce que c'est l'intérêt public, est-ce que c'est l'avenir du Québec qui les tient à coeur ou c'est l'intérêt partisan immédiat d'une clientèle électorale. Là, on va pouvoir deviner, M. le Président. Remarquez qu'on devine déjà pas mal, mais, au dépôt de la stratégie du gouvernement concernant la loi n° 104, nous allons pouvoir vraiment confirmer à cet égard-là.
Donc, M. le Président, je termine en disant qu'évidemment, comme tous mes collègues, je vais appuyer cette motion. Nous aurions souhaité que le gouvernement semble plus... Pour les raisons que tous mes collègues ont décrites et vont décrire et toutes les raisons que notre collègue de Borduas commente depuis longtemps, M. le Président, nous aurions aimé que ce gouvernement-là soit plus à son affaire, qu'il dise: Effectivement, c'est une brèche. Un, c'est une brèche à la loi 101. Et, comme si ce n'était pas assez, bien là c'est les riches qui ont accès à cette brèche-là en plus. En plus, M. le Président. Nous aurions souhaité ne pas avoir, je crois, à déposer cette motion, que le dossier aurait été réglé comme il aurait dû l'être. Malheureusement, ce n'est pas le cas, on est obligés de revenir avec une motion, motion que nous allons... que je vais appuyer évidemment. Mais je crois que, malheureusement -- et je termine là-dessus -- le gouvernement n'est pas inquiet, n'est pas sensible à ce qui se passe, M. le Président. Malheureusement, je suis obligé de le dire, c'est la raison pour laquelle je vais voter pour la motion qui est proposée. Merci, M. le Président.
**(16 h 30)**
Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques. Nous allons maintenant entendre Mme la députée de Lotbinière.
MME SYLVIE ROY
Mme Roy: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole au nom de l'Action démocratique du Québec dans cette enceinte pour appuyer cette motion.
M. le Président, tous les députés, tous les parlementaires, toutes les assemblées ont leurs valeurs, et tous les députés ont une responsabilité importante à l'égard de leur population, mais les députés ici, en cette Chambre, ont une responsabilité différente de celles de d'autres législations, M. le Président, de d'autres provinces, parce que nous représentons un peuple francophone dans un ensemble anglophone, un peuple francophone en Amérique du Nord, M. le Président, et puis il est de notre devoir de tout faire pour préserver notre identité, puis cette identité-là, ça passe par le maintien de notre langue.
C'est dans cet esprit que la loi 101 avait eu lieu. Et sans préservation, et ça, c'est insidieux, M. le Président, on peut perdre notre langue, on peut perdre notre identité de façon... comme la marée ramène du sable toujours un petit peu plus, puis finalement, bien, on a perdu la plage. Écoutez, l'érosion du français, c'est important. L'érosion du français au Québec, c'est important et c'est un enjeu primordial pour les Québécois puis pour les députés qui sont dans cette Chambre. Donc, je pense qu'ici, là, ce pourvoi-là de la Cour suprême qui nous est arrivé, ça ne fait pas... ce n'est pas d'hier que c'est plaidé. Avant de se rendre à la Cour suprême, ça a pris des années. Je suis bien étonnée qu'on n'ait pas trouvé de solution. Il me semble qu'on va être ici unanimes à vouloir préserver le français. Comment ça qu'on n'a pas l'ébauche du début d'une ombre d'une solution à cette question-là qui est une des questions importantes? Je me désole souvent, M. le Président. Je ne suis pas vieille... pas si vieille que ça, admettons, mais, quand j'ai commencé à m'intéresser à la politique, on parlait de rapatriement de la Constitution, accord du lac Meech, il y avait des référendums, puis là bien je peux vous dire que ce qu'on parle en Chambre, c'est d'un tout autre ordre.
Ça, c'est un enjeu ici qui est noble, qui est important. J'aimerais donc qu'on arrête de parler de commission de la construction en appelant cette commission publique puis qu'on parle de ces enjeux-là, qui sont primordiaux pour nos enfants, pour le Québec puis pour l'identité du Québec.
Donc, M. le Président, je vais appuyer cette motion, ainsi que mes collègues, et je vais encourager et offrir ma collaboration pour trouver la solution législative à cet arrêt jurisprudentiel de la Cour suprême afin que l'esprit et la loi... l'esprit de la loi 101 soit respecté, soit la protection du fait français ici par l'admission des enfants dans des écoles francophones. Cela ne veut pas dire que je dénigre pour autant le fait d'être bilingue. Ça n'a rien à voir, M. le Président, on a souvent tendance à mêler les genres, mais ce n'est pas parce qu'on envoie nos enfants dans les écoles francophones qu'on dénigre le bilinguisme. Pour moi, le bilinguisme, c'est tout aussi important pour nos enfants, pour leur avenir, mais pour leur identité, pour leur personnalité, pour le Québec le français est primordial. Merci.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie. Je vous remercie, Mme la députée de Lotbinière, pour votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant Mme la députée d'Iberville pour son intervention. Mme la députée, à vous la parole.
MME MARIE BOUILLÉ
Mme Bouillé: Merci, M. le Président. Merci de me permettre d'intervenir sur cette importante motion, motion qui touche l'essence même de notre identité en tant que nation francophone.
Comment, tout d'abord, en sommes-nous arrivés à devoir débattre d'une telle motion aujourd'hui? Rappelons que, le 22 octobre 2009, la Cour suprême du Canada a invalidé des dispositions législatives visant à restreindre l'accès à l'école anglaise adoptées par le gouvernement péquiste en 2002 pour mettre fin au phénomène des écoles que nous appelons... dites passerelles. Il y avait deux dossiers qui étaient analysés. Et le plus haut tribunal du Canada a décidé de suspendre la décision pour une période de un an afin de laisser au gouvernement du Québec le temps de s'adapter à cette situation. Le juge Louis LeBel, qui a rédigé la décision, a noté que le choix politique de Québec d'obliger tous les élèves, sauf exception, à étudier en français dans la province était toutefois valide. Il a toutefois jugé contraire à la Charte canadienne des droits et libertés la règle ajoutée à loi 101 en 2002, selon laquelle le gouvernement ne tiendrait pas compte du temps passé par un élève dans une école privée non subventionnée afin de déterminer si les études en anglais correspondaient à la majeure partie de leur éducation dans cette langue.
Rappelons les événements sans toutefois retourner au début de la Nouvelle-France, comme l'a si bien fait mon collègue de Sainte-Marie--Saint-Jacques il y a quelques minutes. Rappelons quand même que c'est un long combat au Québec. Et, entre autres, le... On va repartir du 1er avril 1977. Le gouvernement péquiste d'alors a publié un livre blanc annonçant une charte de la langue française qui devait contribuer à renforcer la place du français au Québec. Par la suite, en août 1977, il y a eu le rejet de la proposition du Québec sur la réciprocité dans l'enseignement offert aux minorités linguistiques. Neuf provinces du Canada autres que le Québec ont rejeté une proposition du gouvernement du Parti québécois qui offrait l'enseignement en anglais à tout jeune Canadien originaire d'une province qui s'est engagée à donner un service semblable aux membres de sa minorité francophone.
En août, le même mois d'août 1977, le gouvernement du Parti québécois a fait adopter la loi 101 par l'Assemblée nationale. Cette loi, qu'on appelle aussi la Charte de la langue française, visait à assurer la primauté du français au Québec à la fois dans l'affichage, l'enseignement et en milieu de travail.
Par la suite, en janvier 1979, il y a eu l'adoption de mesures de francisation pour les entreprises. Donc, deux ans après l'adoption de la Charte de la langue française, le gouvernement du Parti québécois a fait adopter deux nouvelles mesures visant à renforcer la place du français en milieu de travail. Et là coup d'éclat: le 13 décembre 1979, invalidation par la Cour suprême de sept articles de la loi 101. La Cour suprême a alors déclaré inconstitutionnels sept articles de la loi 101 qu'avait fait adopter, en 1977, le gouvernement du Parti québécois. Était notamment attaquée par le plus haut tribunal du Canada la décision du gouvernement québécois de faire du français la seule langue en usage devant les tribunaux et à l'Assemblée nationale. Le 8 septembre 1982, la Cour supérieure du Québec a déclaré inconstitutionnelle la clause Québec de la loi 101 portant sur l'admissibilité aux écoles anglaises. En janvier 1985, après le jugement de la Cour supérieure du Québec invalidant les articles de la loi 101 interdisant l'affichage bilingue au Québec, le ministre des Relations internationales et du Commerce extérieur d'alors a annoncé que le gouvernement du Québec ira en appel, et, le 9 avril 1986, le président du Conseil de la langue française s'inquiétait, entre autres, du grand nombre d'accrocs à la loi 101 en matière d'affichage commercial, surtout chez les petits commerçants.
Donc, le 13 novembre 1986, la ministre libérale d'alors a présenté le projet de loi 140, qui prévoyait la fusion partielle des divers organismes créés par la loi 101 en août 1977, et le projet de loi 142, qui visait à élargir les services de santé et les services sociaux offerts aux anglophones dans leur langue. Le 22 décembre 1986, dans un jugement unanime, la Cour d'appel a déclaré inopérantes les dispositions de la loi 101 relatives au maintien de l'affichage unilingue français. Le 26 février 1987, le ministre de la Justice annonçait que le gouvernement du Québec en appellerait à la Cour suprême du jugement invalidant les dispositions de la loi 101 en matière d'affichage. La Cour suprême du Canada a ensuite déclaré, le 15 décembre 1988, inconstitutionnelles les dispositions de la Charte de la langue française interdisant l'usage d'une autre langue que le français dans l'affichage commercial. Et, toujours au mois de décembre 1988, il y a eu la décision du gouvernement québécois de recourir à la clause «nonobstant» dans l'affichage commercial. Donc, quelques jours après l'annonce du jugement de la Cour suprême désavouant l'usage exclusif du français dans l'affichage commercial, le premier ministre du Québec précisait la position que son gouvernement adopterait dans ce domaine, qui permettrait l'affichage bilingue à l'intérieur des commerces et permettrait le recours à la clause «nonobstant» pour que l'unilinguisme français soit toléré à l'extérieur.
Nous nous retrouvons donc, toujours avec l'appui unanime de l'Assemblée nationale, avec un gouvernement péquiste qui modifie, en 2002, l'article 73 de la langue française, et c'étaient des amendements amenés par la loi n° 104, qui étaient alors contestés par les parents d'élèves qui avaient choisi d'utiliser la voie des écoles passerelles, ce qui a entraîné une autre longue procédure judiciaire. Ces parents ont vu leur demande déboutée par le Tribunal administratif du Québec, la Cour supérieure avant que la Cour d'appel du Québec ne leur donne raison en 2007.
**(16 h 40)**
Déçu du jugement rendu par la Cour suprême le 22 octobre 2009, le premier ministre d'alors a alors déclaré que, et je cite, «"le gouvernement va prendre le temps qu'il lui faut pour étudier ce jugement[...]. On va travailler avec tous les parlementaires pour arriver à une solution qui est le reflet de nos valeurs québécoises. Ça inclut, au premier rang, la primauté du français."» Et je termine cette citation. L'une des solutions qui étaient envisagées était d'assujettir à la loi 101 les écoles anglophones privées non subventionnées. C'était un moyen d'éliminer le recours à ces écoles passerelles pour contourner la loi et obtenir le droit d'accéder au réseau anglophone financé par l'État. La ministre responsable de la Charte de la langue française a confirmé, dès le 22 octobre 2009, que ce scénario était à l'étude, sans toutefois préciser quels étaient les autres scénarios à l'étude.
Le 4 mars 2010, le Conseil supérieur de la langue française a rendu à la ministre un avis non sollicité sur l'accès à l'école anglaise, suite au jugement de la Cour suprême. Dans cet avis, le Conseil supérieur de la langue française recommandait d'assujettir les écoles privées non subventionnées à la Charte de la langue française et a appelé le législateur à prendre ses responsabilités politiques dans ce dossier, une position notamment qui est également celle du Parti québécois. La ministre a alors dit prendre acte de cet avis. Et d'ailleurs, le 9 mars 2010, la ministre a déclaré que le gouvernement envisageait de recourir à la clause dérogatoire en se servant de certaines dispositions de la Charte de la langue française pour assujettir les écoles privées non subventionnées, à la charte.
Nous voilà donc aujourd'hui où l'opposition officielle présente cette importante motion via notre collègue de Borduas, qui demande donc «qu'à la suite de l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême du Canada, que l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée». Et vous pouvez être assuré, M. le Président, que je voterai en faveur de cette motion.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, Mme la députée, de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat sur cette motion à temps limité, je cède maintenant la parole à M. le député de Gouin.
M. NICOLAS GIRARD
M. Girard: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour d'intervenir sur la motion qui a été présentée un peu plus tôt par mon collègue le député de Borduas.
Cette motion, M. le Président, est sur un enjeu qui est un élément, disons-le, central, un élément incontournable pour la défense de nos valeurs, pour la défense et la protection de la langue française au Québec et même, et même, M. le Président, de la nation québécoise. Et j'ai d'ailleurs eu l'occasion, comme député de la circonscription de Gouin... j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs citoyens de Rosemont et de La Petite-Patrie qui m'ont interpellé sur cet enjeu, et qui, tout comme bien des Québécois de toutes les régions du Québec, ont des attentes à l'endroit du gouvernement libéral sur cette question, et qui souhaitent que le gouvernement libéral suive les recommandations du conseil qui a émis un avis sur cette question, également suive les recommandations émises par l'opposition officielle sur ce dossier.
Mais, avant d'expliquer un peu mon point de vue sur cette question, M. le Président, j'aimerais rappeler et relire la motion qu'a présentée le député de Borduas:
«Qu'à la suite de l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême du Canada, [...]l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée.» Cette motion-là, M. le Président, elle a l'appui d'une très grande majorité de Québécois. Et je pense qu'il est important, M. le Président, quand on aborde une question aussi fondamentale, aussi importante pour l'avenir de notre langue française, comme l'a si précisément décrite mon collègue le député de Borduas, il est important de se rappeler les événements qui nous ont menés à déposer une telle motion aujourd'hui à l'Assemblée nationale du Québec.
Rappelons-nous, M. le Président, que la Charte de la langue française prévoit que seuls les enfants dont un des parents a fréquenté l'école anglaise au Canada pendant son primaire peuvent aller à l'école anglaise, ce qui exclut de fait les francophones et les immigrants. Toutefois, M. le Président, on s'en rappellera, un certain nombre de parents ont contourné cette loi en envoyant leurs enfants dans des écoles anglaises privées non subventionnées par le ministère de l'Éducation pendant une brève période afin, M. le Président, de pouvoir revendiquer le droit constitutionnel à l'enseignement en anglais dans le réseau public ou privé subventionné.
M. le Président, on se rappellera qu'au départ ce phénomène était relativement marginal, mais qu'il a eu tendance à s'accroître dans les années quatre-vingt-dix et s'est accentué par la suite, comme l'ont rappelé un certain nombre de mes collègues. Rappelons-nous qu'avec l'appui unanime de l'Assemblée nationale un gouvernement du Parti québécois a modifié, en 2002, l'article 73 de la Charte de la langue française afin d'exclure ce cas de figure. Ces amendements amenés par la loi n° 104 ont été contestés par les parents de 25 élèves qui avaient choisi d'utiliser la voie des écoles passerelles, ce qui a entraîné, M. le Président, rappelons-nous, une longue procédure judiciaire. Il faut se rappeler que la loi n° 104, bien elle comportait deux objectifs principaux: d'une part, elle visait à régler le problème des écoles passerelles et de l'élargissement des catégories ayants droit qui entraîneraient des inscriptions d'élèves dans ces institutions; d'autre part, et de façon plus générale, elle cherchait aussi à protéger la langue française au Québec et à favoriser son épanouissement.
M. le Président, c'est important de se rappeler que, bien que la législature québécoise doive exécuter ses obligations constitutionnelles relatives au droit à l'instruction dans la langue de la minorité sur son territoire, la règle fondamentale relative à la langue d'enseignement au Québec demeure.
Alors, M. le Président, je pense que, et j'ai eu l'occasion de le dire à quelques reprises, ce n'est pas la première fois que la Cour suprême invalide des articles de la Charte de la langue française. Ça a été le cas. Et c'est ce qui nous amène aujourd'hui à déposer cette motion. Et nous croyons, comme je l'ai indiqué au plus tôt... un peu plus tôt, que le gouvernement doit agir dès maintenant en déposant un projet... en redéposant un projet de loi. Et nous croyons qu'il doit recourir à la clause «nonobstant» sur cette question. Nous croyons que c'est une solution qui va régler définitivement le problème sur cette question, qui est fondamentale pour l'avenir du peuple québécois, pour l'avenir de la langue française, pour l'avenir de la nation québécoise.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Gouin, de votre intervention. Nous en sommes rendus à la réplique du porteur de cette motion, M. le député de Borduas, à vous, pour votre droit de réplique de 10 minutes, maximum. À vous.
M. Pierre Curzi (réplique)
M. Curzi: Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris mon collègue le député de Verdun, le gouvernement va appuyer cette motion. On ne peut que s'en réjouir. Maintenant, évidemment, on attend le dépôt d'un projet de loi. Si on s'en fie à l'esprit de l'avis du Conseil supérieur de la langue française, l'autre solution serait celle que nous recommandons depuis le début, c'est-à-dire l'application de la loi 101, l'article 73, ce qui aurait pour effet de clore cette question.
Mais on peut parler de cette question-là, puis j'aimerais vous parler, M. le Président, un petit peu des chiffres. Lorsqu'en 2002 la loi n° 104 a été adoptée, il y avait 1 379 élèves qui utilisaient des écoles passerelles, et ce qu'on nous dit, c'est qu'entre 1998 et 2002, donc avant que l'Assemblée nationale unanimement décide d'adopter la loi n° 104, il y avait au-delà de 4 000 élèves qui avaient utilisé des écoles passerelles pour se prévaloir donc du droit de fréquenter le système d'écoles publiques de langue anglaise. Il faut se souvenir que, dans tous ces cas-là, il s'agit non seulement d'un droit qui prévaut pour la personne qui en quelque sorte s'achète ce droit, mais elle prévaut également pour ses frères, ses soeurs et pour toute la descendance. Ce n'est pas banal.
**(16 h 50)**
Et, quand on regarde ce chiffre de 1 379, on peut se demander: Mais enfin pourquoi tout le monde s'est-il tant préoccupé de ce qui apparaît comme un petit nombre? Mais par ailleurs M. Robert... M. Maheu, qui est un démagogue... un démagogue, excusez mon erreur, c'est un lapsus, un démographe qui a été longuement et... qui a été à l'emploi de... Non, M. Robert Maheu, je tiens à le spécifier, c'est vraiment un démographe de renom qui a travaillé au ministre de l'Éducation, qui était un spécialiste donc de la démographie et de son application dans le système de l'éducation. C'est donc quelqu'un dont la compétence est sans faille, et je m'excuse de cette... d'avoir glissé cette contraction involontaire.
M. Maheu a calculé, lui, et avec beaucoup de rigueur et avec beaucoup de conservatisme, ce que ça signifiait que 1 379 élèves. Parce que la réalité, c'est que, quand 1 379 élèves utilisent les écoles passerelles pour avoir accès au système d'enseignement public en langue anglaise, ce sont ceux qui transitent pendant une certaine période de temps. Si on imagine que ces élèves-là vont faire en moyenne, disons, le primaire et le secondaire donc dans la langue anglaise, c'est-à-dire en principe six plus cinq, donc ils vont faire 11 ans. Mais soyons conservateurs, et son chiffre était conservateur. Il calculait que, si ces élèves faisaient huit années d'études dans le système, là on parlait d'une cohorte de 11 000 personnes. Vous voyez qu'on commence à parler de d'autres chiffres que 1 379. 11 000, comme cohorte, et là c'est sans compter évidemment les frères, les soeurs et les descendants, on est dans ces chiffres-là. Et ces chiffres-là, comparativement à l'ensemble des chiffres au niveau de l'éducation, ce sont des chiffres modestes, mais ils jouent.
Je voudrais vous parler de d'autres chiffres. Tantôt, mon collègue de Sainte-Marie--Saint-Jacques parlait de l'anglicisation de Montréal. Ce qu'on a découvert dans le dernier recensement de Statistique Canada, c'est que, dans ce qu'on appelle le dernier lustre, les dernières cinq années de recensement, c'est que, sur l'île de Montréal, la population était devenue... de langue maternelle française était tombée sous la barre des 50 %. Et, quand on regarde la composition, le visage de l'île de Montréal, on se rend compte qu'il y a trois groupes qu'on distingue par langue maternelle. La langue maternelle, c'est la première langue que l'on apprend à la maison, c'est la langue qu'on risque de parler à la maison tout le temps, vous le savez. Donc, il y a trois groupes sur l'île de Montréal. Il y a le groupe des gens de langue maternelle anglaise, qui sont grosso modo 300 000. Il y a ceux qui sont de langue maternelle autre, de multiples langues maternelles, qu'on appelle les allophones, et c'est... ça distingue ceux dont la langue maternelle est autre. Ils sont environ 600 000. Et il y a environ 900 000 francophones de langue maternelle française. Donc, il y a un rapport qui sur l'île, normalement, devrait être de... Ce n'est pas trois pour un, dans les faits c'est 2,83 francophones de langue maternelle française pour un de langue maternelle anglaise. Donc, on a un rapport de trois pour un, grosso modo.
Mais, quand on regarde la langue d'usage public... Et ça, la langue d'usage public, il faut se comprendre, quand on utilise ce terme-là, on veut dire: La langue qui est parlée dans la vie de tous les jours, la langue qu'on utilise dans les commerces, qu'on utilise avec ses voisins, qu'on utilise avec ses amis, la langue des réseaux, la langue qu'on utilise aussi... pas toujours mais aussi, au travail. Et cette langue d'usage public là, quand on regarde le vrai portrait de Montréal... Et ça ne veut pas dire que les gens sont unilingues, hein, on se comprend bien, puisqu'il y en a dont la langue maternelle est le français et qui parlent l'anglais, il y en a dont la langue maternelle est allophone, est autre et qui parlent soit le français soit l'anglais et il y en a dont la langue maternelle est l'anglais qui parlent aussi le français. Donc, on est dans... Quand on regarde ces chiffres-là, on se rend compte que le rapport, cette fois-là, il est de deux pour un, c'est-à-dire qu'il y a deux personnes dont la langue d'usage public est le français pour une personne dont la langue d'usage public est l'anglais.
Et c'est cette disproportion entre la langue maternelle et la langue d'usage qui est le premier indicateur qu'il y a, sur l'île de Montréal, une réalité qui est en train de bouger.
Si on va plus loin et si on regarde, juste au niveau des chiffres, ce qui s'est passé entre 2001 et 2006, on va constater, et c'est les deux derniers chiffres que je vais utiliser, qu'il y a eu ce qu'on appelle transfert linguistique, c'est-à-dire abandon de sa langue maternelle pour adopter une langue d'usage public. Et ça, c'est un phénomène qui appartient à la fois aux francophones... On constate qu'il y a eu 20 000 francophones qui, en 2006, avaient en quelque sorte migré vers la langue d'usage anglaise et qu'il y avait 118 000 allophones, gens qui avaient migré vers la langue d'usage public, alors que, du côté francophone, il y en avait 81 000 de moins. 138 000 moins 81 000, environ 57 000, et c'est cette disproportion en chiffres objectifs.
Comment expliquer que, dans une ville où il y a trois fois plus de gens de langue maternelle française qu'anglaise, deux fois plus de gens de langue d'usage public française qu'anglaise, comment expliquer qu'il y ait un tel phénomène d'attirance vers une langue et une culture et que ça se retrouve dans des chiffres clairs? Quand on regarde cette réalité-là, on commence à s'interroger sur les raisons qui nous ont menées à cet état de fait. Et ça, ce sont des chiffres que tout le monde peut vérifier, qui ont... qui sont établis par Statistique Canada et qui sont incontestés et incontestables. À force de réfléchir sur ces chiffres-là, on a découvert que la réalité donnait à l'anglais, sur l'île de Montréal, un avantage et un attrait considérables et on a créé un indice qui la rend cinq fois plus attirante que le français. Il y a donc là, sur l'île, une question de statut de la langue, et sur l'île de Montréal le statut de la langue française commence à être en déséquilibre... est dans un déséquilibre profond, par rapport au statut de la langue anglaise, comme celle qui peut attirer le plus de gens.
C'est ce déséquilibre-là qui nous alerte, parce que ce qui se passe sur l'île de Montréal et dans la grande couronne, dans la région métropolitaine de recensement, aura inévitablement un effet sur le reste du Québec. Et c'est quand on additionne ces phénomènes-là, qui sont des phénomènes très bien décrits et très justement décrits par les démographes, et par les mathématiciens, et par des gens qui ont été et qui sont encore à l'emploi du ministère, de l'Office québécois de la langue française, qui travaillent pour le Conseil supérieur de la langue... c'est quand on examine et qu'on étudie avec soin cette réalité qu'on se dit: Oh, il faut agir et il faut agir de multiples façons: sur la langue de l'administration, c'est-à-dire la langue du gouvernement avec les citoyens, sur la langue de travail, parce qu'il y a de plus en plus un glissement de l'esprit de la Charte de la langue française pour tout ce qui touche la langue de travail. Et c'est vrai dans les grandes, dans les moyennes et dans les petites entreprises.
Et, quand on regarde tous ces phénomènes-là, on se rend compte de l'absolue nécessité d'adopter, face aux écoles passerelles, une législation qui soit hermétique. Et, dans ce cas-ci, heureusement, il y a l'outil privilégié de la Charte de la langue française, qui nous permet, en soumettant les gens qui fréquentent les écoles privées non subventionnées à l'article 73, à la fois de respecter la Charte canadienne des droits, l'article 23 et en même temps de nous assurer qu'on vient de colmater, d'une façon efficace, cette brèche dans l'esprit même de la loi 101 et dans l'esprit même de la Charte de la langue française. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Borduas. Je vais maintenant mettre aux voix la motion de M. le député de Borduas, qui se lit comme suit:
«Qu'à la suite de l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême du Canada, [...]l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privé non subventionnée.»
Est-ce que cette motion est adoptée?
M. Gautrin: ...nominal, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, le vote par appel nominal étant demandé, que l'on appelle les députés. Les travaux sont suspendus pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 59)
(Reprise à 17 h 9)
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, chers collègues.
Mise aux voix
Comme je l'ai indiqué tantôt, nous allons maintenant mettre aux voix la motion suivante:
«Qu'à la suite de l'invalidation de la loi n° 104 par la Cour suprême du Canada, [...]l'Assemblée nationale du Québec exige du gouvernement libéral qu'il rejette toute solution qui aurait pour effet de permettre à des parents d'enfants actuellement non admissibles à l'école anglaise d'acheter pour leurs enfants un droit d'accès à l'école anglaise par le biais d'un passage dans une école privée non subventionnée.»
Alors, nous sommes prêts à procéder au vote. Que ceux qui sont d'accord avec cette motion veuillent bien se lever.
**(17 h 10)**
(…)
Le Vice-Président (M. Gendron): Y a-t-il des députés contre cette motion? Il n'y en a pas.
Est-ce qu'il y a des abstentions? Il n'y en a pas. Alors, M. le secrétaire général.
Le Secrétaire: Pour: 97
Contre: 0
Abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, cette motion est adoptée à l'unanimité. Et, pour la poursuite de nos travaux, je cède maintenant la parole à M. le leader adjoint du gouvernement. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Gautrin: ...Président...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): On va attendre un petit peu, là. S'il vous plaît, on quitte dans le silence, parce qu'on n'a pas fini.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Gendron): S'il vous plaît, là, on va suspendre les travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 13)
(Reprise à 17 h 18)
(…)
Ajournement
M. Gautrin: ...ajourner nos travaux à jeudi le 20 mai, à 9 h 45.
Le Vice-Président (M. Gendron): Nos travaux sont... Est-ce que cette motion est adoptée? Adoptée. Ainsi, nos travaux sont ajournés à demain, jeudi, 9 h 45.
(Fin de la séance à 17 h 31)