samedi 24 avril 2010
3421
POINT DE PRESSE DE MME PAULINE MAROIS, CHEF DE L'OPPOSITION OFFICIELLE.
Le jeudi 15 avril 2010, 11 h 30
http://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/conferences-points-presse/ConferencePointPresse-4979.html
Salle Bernard-Lalonde (1.131), Hôtel du Parlement
(Onze heures trente-sept minutes)
Mme Marois: Alors, oui, je vais commencer. Je vous faisais la remarque : «Quelle semaine!», je ne crois pas que c'est une semaine très heureuse pour les Québécois et les Québécoises. On en est rendus à une situation où le gouvernement libéral de Jean Charest s'enlise jour après jour dans les scandales de tout genre. Et il y a un seul fil conducteur, c'est le financement du Parti libéral du Québec sous la gouverne de Jean Charest.
D'abord, il y a eu, depuis de longs moments, de multiples allégations de collusion, de corruption dans le secteur de la construction, des dénonciations, des enquêtes qui ont été faites par les médias, des enquêtes faites par le Vérificateur général. Trois ministres sont actuellement sous enquête par le Directeur général des élections pour des lapsus révélateurs concernant le fait que des entreprises puissent financer le Parti libéral du Québec: Mme Boulet, Mme Courchesne et M. MacMillan. On a appris par la voix de M. MacMillan que chaque ministre avait un quota à rencontrer. Ils devaient donc recueillir chaque année 100 000 $ de financement pour le Parti libéral du Québec. C'est se mettre ainsi à risque, on en conviendra.
Il y a maintenant, depuis quelques jours, depuis une semaine, les allégations de Me Bellemare sur de l'argent comptant qui circulerait au Parti libéral du Québec, sur le fait que certains feraient du trafic d'influence pour faire nommer des personnes, certains contributeurs du Parti libéral feraient du trafic d'influence pour nommer des personnes dans différentes fonctions, dont, entre autres, au niveau de fonctions judiciaires, ce qui vient miner particulièrement, évidemment, la crédibilité de nos institutions, une institution qui est absolument essentielle au fonctionnement de notre démocratie. Je vous rappelle simplement le financement des garderies à but lucratif, des garderies privées à but lucratif, où des donateurs du Parti libéral ont obtenu des permis et ont particulièrement été généreux après avoir reçu les permis auprès du ministre, M. Tomassi, et du Parti libéral du Québec.
Je l'ai dit, je le répète, cette nomination d'une commission d'enquête sur le processus de nomination des juges est essentiellement une diversion. La seule enquête dont le Québec ait vraiment besoin, c'est une commission d'enquête sur la collusion et la corruption dans l'industrie de la construction et sur le financement du Parti libéral du Québec. D'ailleurs, le gouvernement aurait la chance déjà d'envoyer des signaux particulièrement intéressants à la population québécoise, puisque nous sommes en train d'étudier un projet de loi concernant le financement des partis politiques, le projet de loi n° 93. Déjà il y a quelques semaines, j'ai proposé des changements majeurs au financement des partis politiques. Moi, je crois que la population québécois est particulièrement outrée de ce qui se passe. Elle est inquiète par rapport à ses institutions et elle est, je vous dirais, elle est choquée de la façon dont répond le gouvernement actuel à ses inquiétudes.
On sait qu'une très grande majorité de la population souhaite qu'il y ait cette enquête, mais je crois aussi qu'il faut aller plus loin maintenant, et il faut changer drastiquement les règles de financement des partis politiques. Nous avons proposé et nous réitérons, nous avons proposé et nous réitérons que le plafond de financement par personne devrait être descendu drastiquement, à 500 $ par personne. Évidemment, on sait qu'avec le crédit d'impôt à 400 $, ça veut dire que dans le fond une personne ne donne réellement que 200 $, ce qui veut dire que c'est raisonnable, c'est accessible pour une partie importante de nos concitoyens et concitoyennes. Et nous avons plusieurs autres mesures que nous proposons, mais une deuxième mesure qui nous apparaît importante, c'est que ce soit le DGE qui octroie le crédit d'impôt à l'électeur qui a contribué à une formation politique, de telle sorte que ce soit une personne qui, au niveau institutionnel, est au-dessus des autres processus administratifs, si on veut, donc ce qui permettrait de vérifier si les dons sont conformes, respectent à loi, et, à ce moment-là, ça nous éloignerait de ce qui semble se dégager du côté du Parti libéral et qui fait très mal à nos institutions.
Et, si j'ai commencé en vous disant que c'était une mauvaise semaine pour les Québécois et les Québécoises, c'est que j'en suis profondément convaincue. Hier, j'ai eu une rencontre avec mon caucus, comme je l'ai régulièrement, et il y avait un certain désarroi chez nous parce qu'on ne peut pas comprendre que le premier ministre du Québec ne soit pas sensible à toutes ces allégations et qu'il ne pose pas les gestes qu'il devrait poser à ce moment-ci et qui seraient tout à son honneur, et c'est de déclencher une véritable commission d'enquête.
Nous lui avons en plus fourni une idée, qui nous apparaît particulièrement pertinente, à savoir que le mandat de cette commission, que les membres de cette commission puissent être choisis par des personnes indépendantes, au-dessus de tout soupçon. Nous avons pensé au juge Gomery et nous avons pensé au Vérificateur général du Québec. Pas pour présider cette commission, pour en définir le contenu, le mandat et pour en reconnaître les... en nommer les membres. Alors, c'est probablement... c'est-à-dire, c'est complètement désolant, ce qui se passe, et les citoyens du Québec ne sont pas dupes. Moi, je crois qu'actuellement, leur réaction, on l'a vu dans les sondages ce matin, c'est qu'ils sont complètement outrés de la façon dont fonctionne ce gouvernement, et ils ont l'impression de se faire flouer.
M. Chartrand (Yves): Monsieur... Mme Marois, je ne comprends pas comment vous n'allez pas au bout de toute la logique. Vous parlez d'un gouvernement qui est en crise de confiance, qui n'a plus aucune crédibilité, qu'attendez-vous pour réclamer des élections?
Mme Marois: Vous savez, quand on veut demander... quand on demande quelque chose, il faut avoir un espoir de pouvoir réussir à l'obtenir, et actuellement j'ai l'impression qu'il y a tellement de déni de la part du gouvernement qu'il n'est même pas prêt à procéder à une enquête, quand ce ne serait qu'une enquête plus complète sur les allégations de M. Bellemare, sans même aller là où on veut. Alors, moi, je crois que le gouvernement a encore une chance de se reprendre en... Je fais appel au sens de l'honneur du premier ministre. Il a une responsabilité, il est le chef de l'État du Québec, il a une responsabilité quant au respect de l'intégrité de nos institutions.
M. Chartrand (Yves): Mais... une autre question que je trouve importante...
Mme Marois: Oui.
M. Chartrand (Yves): ...que vous preniez le pouvoir à un moment ou à un autre, est-ce que, vous, vous allez déclencher une enquête publique sur ce... tous ceux...
Mme Marois: Nous pensons qu'il faudra déclencher une enquête publique.
M. Chartrand (Yves): Peu importe... Parce que, là, évidemment on parle surtout du financement du Parti libéral. Vous pourriez prendre le pouvoir dans trois ans, quatre ans, là, selon l'échéancier normal.
Mme Marois: C'est ça. Évidemment, écoutez, là, on verra où en est la conjoncture, au sens...
M. Chartrand (Yves): Oui. Mais...
Mme Marois: ...ou s'il y a eu des enquêtes, s'il y a eu des procès, ou quoi que ce soit, là. Tu sais, il ne faut quand même pas...
M. Chartrand (Yves): Mais vous ne dites pas non, qu'une fois au pouvoir vous pourriez le faire, cette enquête?
Mme Marois: On ne dit pas non, pas du tout, pas du tout. Bien sûr qu'on pourrait le faire, bien sûr.
M. Duchesne (Pierre): Mme Marois, l'ancien juge Bastarache a coprésidé la campagne du Oui lors du référendum de Charlottetown, 1992. Ça suscite quoi comme questionnement chez vous?
Mme Marois: Écoutez, vous avez vu comment le premier ministre, ce matin, à chaque fois qu'on se lève pour oser critiquer ses positions, pour oser questionner ses demi-vérités et ses affirmations un peu... très peu claires, hein, nous accuse de vouloir faire de la basse politique. Alors, M. Bastarache a un mandat, le juge Bastarache a un mandat... Je ne veux pas critiquer les qualités du juge Bastarache. Il a aussi un passé. J'imagine que ça a dû aider pour qu'il le choisisse. Mais, au-delà de ça, ça reste une personne compétente. Et je veux rester sur le fond des choses, je vous le dis, là.
M. Ouellet (Martin): Sur la nomination des juges...
Mme Marois: Oui.
M. Ouellet (Martin): ...vous ne croyez pas M. Charest quand il dit que les règles n'ont pas changé et que les listes ne sont pas accessibles aux membres du conseil...
Mme Marois: Les règles peuvent... Les règles peuvent ne pas avoir été changées, mais la façon de les appliquer, oui, par exemple. Et, ce matin, je sais que j'ai insisté, mais jamais la ministre de la Justice n'a démenti son attachée de presse, jamais le premier ministre n'a dit: Nos attachés politiques vous ont menti.
Mme Thibeault (Josée): Qu'est-ce que vous croyez? Vous croyez... est-ce qu'il y a une liste qui circule ou simplement les noms...
Journaliste: ...des noms qui sont connus?
Mme Marois: Je ne le sais pas.
Mme Thibeault (Josée): Mais pensez-vous que...
Mme Marois: Je ne le sais pas, mais tout est possible. Le premier ministre a, au moins sur ça, dit qu'il n'y avait pas de liste, mais pas une liste et... qu'un ministre puisse poser une question... Je vais vous donner un exemple : ...pose la question: Est-ce qu'il y avait d'autres candidatures? Oui. Quelles sont-elles? Est-ce que d'avoir une liste et de connaître les noms de cette façon-là ou par une liste, ça ne donne pas le même résultat? Voyons!
M. Ouellet (Martin): Est-ce que vous affirmez que les noms sont connus, les noms de la «short list» sont connus au Conseil des ministres?
Mme Marois: Bien, écoutez, moi, je pose la question parce que c'est l'affirmation que fait M. Bellemare. Et les attachés politiques des ministres nous disent en noir sur blanc ce matin que, oui, on connaît la liste de ceux qui sont... qui sont... qui ont les capacités d'être nommés juges, c'est-à-dire qu'ils ont été jugés éligibles. Alors, moi, je crois ce qui est écrit là.
M. Ouellet (Martin): Alors, M. Charest ment à la population? Mme Weil ment aussi?
Mme Marois: Bien, ils font... c'est souvent la technique de M. Charest, hein? C'est comme des demi-vérités. Il n'y a pas de liste qui circule. Bon, d'accord. Il peut ne pas y avoir de liste qui circule, mais, si je lève la main puis je demande qui sont les noms, puis que je connais les noms? Alors, en ce sens-là, c'est la tactique la plus, je dirais, la plus communément utilisée par M. Charest.
M. Boivin (Mathieu): Comment on pourrait se prémunir contre ce genre d'indiscrétions là? Est-ce n'est pas de la nature humaine, ça, le téléphone arabe, un moment donné?
Mme Marois: C'est-à-dire que, oui, c'est toujours de nature... c'est toujours possible, mais, quand les processus sont parfaitement respectés, que les personnes en autorité assument pleinement leurs responsabilités en toute intégrité, je peux vous dire qu'avec les ministres de la Justice que nous avons eus il n'y avait pas d'influence pour nommer des juges, au Conseil des ministres.
M. Dutrisac (Robert): Mais croyez-vous que Mme Weil, qui est quand même une ministre qui vient d'arriver, là, qui n'a pas nécessairement beaucoup d'expérience, a la stature qu'il faut justement pour rester totalement insensible aux pressions qu'elle pourrait subir?
Mme Marois: D'abord, moi, je crois que c'est une femme, au plan personnel, au plan humain, une femme de grande qualité. Elle a peu d'expérience, et actuellement son attitude est en train de la disqualifier. Parce que ma collègue Véronique Hivon, députée de Joliette, a très bien campé, dans ses questions, la responsabilité qu'avait une Procureur général et une ministre de la Justice, qui devait, dans le fond, agir en dépit et envers son premier ministre s'il le fallait pour corriger des situations qui lui apparaissaient inacceptables ou pour prendre des décisions qui relevaient de sa responsabilité. Et qu'un premier ministre nomme le juge qui va enquêter sur des allégations qui concernent le premier ministre lui-même n'est pas acceptable, et la ministre de la Justice, à cet égard-là, aurait dû agir. Donc, est-ce son manque d'expérience? C'est difficile, être ministre de la Justice dans un gouvernement. J'en ai vu quelques-uns dans notre propre gouvernement, c'est exigeant et c'est un lourd travail à accomplir.
Journaliste: Dans le cas de M. MacMillan, est-ce que vous croyez sa version des faits? Il dit qu'il n'y a pas eu de pressions indues, qu'il n'a fait que mentionner le nom d'un juriste qui ferait un bon juge.
Mme Marois: Bien, écoutez, M. MacMillan dit pas mal de choses, alors on en prend puis on en laisse, là, mais généralement, je veux dire, quand il intervient, il n'intervient pas de façon... en disant: S'il vous plaît, est-ce que vous ne pourriez pas imaginer que peut-être quelqu'un pourrait être juge... Vous connaissez M. MacMillan comme moi, là?
M. Lessard (Denis): ...avez-vous déjà mentionné des noms à votre collègue Bégin, par exemple, un tel, un tel...
Mme Marois: Je ne me souviens pas d'avoir mentionné de noms.
M. Lessard (Denis): Comme M. Therrien, dont on a parlé, qui était venu vous voir, puis... bon.
Mme Marois: Non, mais c'est ça, oui on en a parlé. Non, même pas, parce que, quand... M. Therrien était avocat à Longueuil, et, moi, j'étais députée de Taillon; il a demandé un rendez-vous, il est venu me voir à mon bureau. Je ne connaissais pas M. Therrien auparavant, si ce n'est, là, qu'il avait des... il était parmi les noms des avocats qui siégeaient à Longueuil. Il est venu me voir et il m'a dit: Je souhaite présenter ma candidature. Bien, je lui ai dit: Écoutez, vous pouvez très bien présenter votre candidature, et dans le fond c'est à vous de vous... de devenir éligible, si on veut, c'est à vous à faire la preuve, moi, je n'interviens pas dans les processus. À partir de là, ça se termine.
M. Lessard (Denis): Mais, en dehors de ça, vous n'avez jamais parlé de quoi que ce soit à M. Bégin en disant: Bon, bien, untel semble-t-il, serait intéressé?
Mme Marois: Non. Non.
M. Lessard (Denis): Il y a une différence à en parler puis à faire pression puis...
Mme Marois: Oui, oui, je suis d'accord. Mais, de toute façon, ça a vraiment toujours été le ministre de la Justice qui a décidé, qui est venu présenter... Moi, je ne me souviens pas d'avoir fait ça. De toute façon, je ne viens pas, non plus, de cet univers, je n'ai pas de connaissances...
M. Lessard (Denis): ...non plus, là, puis.
Mme Marois: Non, mais on a des comportements différents puis des règles de morale différentes.
M. Grant (John): When you were in Cabinet, did you know who was on the short list to be a judge?
Mme Marois: No. We didn't know. Anybody in the Council or Ministers was informed, were informed about the names on the list, on the short list. The Minister of Justice arrived at the Council of Ministers and said: I recommend this person. And that's all. The only think we could do is if we think there is a problem with this people because something has not been known, but that's all.
Mme Montgomery (Angelica): What do you make of the fact that... what's happening with Norm MacMillan, the fact that he admits to having approached or having been approached by...
Mme Marois: No. He said to us it was possible to influence the process, to influence the nomination of the judges. That is always what he... that is all what he is saying.
Le Modérateur: Une dernière en anglais.
Mme Montgomery (Angelica): When its comes to the polls and how people are seeming to say that they trust Mr. Bellemare more than Charest, why do you thing that that is?
Mme Marois: Because Mr. Charest, for the last months, didn't say all the truth to the population. And, if you have a look on the... the manifestation during the last weekend on the... on the «pancartes», there was a word: «M. Charest est un menteur», and, I think, the population now thinks that Mr. Charest is... didn't... didn't say... doesn't say the truth. So, when Mr. Bellemare says something, they think Mr. Bellemare is right.
Des voix: ...
Le Modérateur: Caroline.
Mme Marois: Pardon?
Mme Plante (Caroline): One more question in English. ...maintained that they're not doing anything wrong, the process is clean. What is about their answers that you don't believe?
Mme Marois: I don't believe because they say only half of the truth. They use some words and not other. They say: No, there is no list. OK, there is no list, but, if somebody asks to the Minister of Justice: Do you have other names except this one? You have no list, but you can know who is on the short list. So, it is why we have some problems with the words of Mr. Charest and with the words of his Minister of Justice. And she didn't, never... «contredire»?
Une voix: Contradict.
Mme Marois: ...contradict his press attachée.
Une voix: Merci.
Mme Marois: Merci.
M. Boivin (Mathieu): Madame, réclamez-vous un remaniement? Il y a des ministres, là-dedans, qui pourraient...
Mme Marois: Qu'en pensez-vous?
M. Boivin (Mathieu): Bien, le réclamez-vous?
Une voix: Merci.
(Fin à 11 h 53)
Le jeudi 15 avril 2010, 11 h 30
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Salle Bernard-Lalonde (1.131), Hôtel du Parlement
(Onze heures trente-sept minutes)
Mme Marois: Alors, oui, je vais commencer. Je vous faisais la remarque : «Quelle semaine!», je ne crois pas que c'est une semaine très heureuse pour les Québécois et les Québécoises. On en est rendus à une situation où le gouvernement libéral de Jean Charest s'enlise jour après jour dans les scandales de tout genre. Et il y a un seul fil conducteur, c'est le financement du Parti libéral du Québec sous la gouverne de Jean Charest.
D'abord, il y a eu, depuis de longs moments, de multiples allégations de collusion, de corruption dans le secteur de la construction, des dénonciations, des enquêtes qui ont été faites par les médias, des enquêtes faites par le Vérificateur général. Trois ministres sont actuellement sous enquête par le Directeur général des élections pour des lapsus révélateurs concernant le fait que des entreprises puissent financer le Parti libéral du Québec: Mme Boulet, Mme Courchesne et M. MacMillan. On a appris par la voix de M. MacMillan que chaque ministre avait un quota à rencontrer. Ils devaient donc recueillir chaque année 100 000 $ de financement pour le Parti libéral du Québec. C'est se mettre ainsi à risque, on en conviendra.
Il y a maintenant, depuis quelques jours, depuis une semaine, les allégations de Me Bellemare sur de l'argent comptant qui circulerait au Parti libéral du Québec, sur le fait que certains feraient du trafic d'influence pour faire nommer des personnes, certains contributeurs du Parti libéral feraient du trafic d'influence pour nommer des personnes dans différentes fonctions, dont, entre autres, au niveau de fonctions judiciaires, ce qui vient miner particulièrement, évidemment, la crédibilité de nos institutions, une institution qui est absolument essentielle au fonctionnement de notre démocratie. Je vous rappelle simplement le financement des garderies à but lucratif, des garderies privées à but lucratif, où des donateurs du Parti libéral ont obtenu des permis et ont particulièrement été généreux après avoir reçu les permis auprès du ministre, M. Tomassi, et du Parti libéral du Québec.
Je l'ai dit, je le répète, cette nomination d'une commission d'enquête sur le processus de nomination des juges est essentiellement une diversion. La seule enquête dont le Québec ait vraiment besoin, c'est une commission d'enquête sur la collusion et la corruption dans l'industrie de la construction et sur le financement du Parti libéral du Québec. D'ailleurs, le gouvernement aurait la chance déjà d'envoyer des signaux particulièrement intéressants à la population québécoise, puisque nous sommes en train d'étudier un projet de loi concernant le financement des partis politiques, le projet de loi n° 93. Déjà il y a quelques semaines, j'ai proposé des changements majeurs au financement des partis politiques. Moi, je crois que la population québécois est particulièrement outrée de ce qui se passe. Elle est inquiète par rapport à ses institutions et elle est, je vous dirais, elle est choquée de la façon dont répond le gouvernement actuel à ses inquiétudes.
On sait qu'une très grande majorité de la population souhaite qu'il y ait cette enquête, mais je crois aussi qu'il faut aller plus loin maintenant, et il faut changer drastiquement les règles de financement des partis politiques. Nous avons proposé et nous réitérons, nous avons proposé et nous réitérons que le plafond de financement par personne devrait être descendu drastiquement, à 500 $ par personne. Évidemment, on sait qu'avec le crédit d'impôt à 400 $, ça veut dire que dans le fond une personne ne donne réellement que 200 $, ce qui veut dire que c'est raisonnable, c'est accessible pour une partie importante de nos concitoyens et concitoyennes. Et nous avons plusieurs autres mesures que nous proposons, mais une deuxième mesure qui nous apparaît importante, c'est que ce soit le DGE qui octroie le crédit d'impôt à l'électeur qui a contribué à une formation politique, de telle sorte que ce soit une personne qui, au niveau institutionnel, est au-dessus des autres processus administratifs, si on veut, donc ce qui permettrait de vérifier si les dons sont conformes, respectent à loi, et, à ce moment-là, ça nous éloignerait de ce qui semble se dégager du côté du Parti libéral et qui fait très mal à nos institutions.
Et, si j'ai commencé en vous disant que c'était une mauvaise semaine pour les Québécois et les Québécoises, c'est que j'en suis profondément convaincue. Hier, j'ai eu une rencontre avec mon caucus, comme je l'ai régulièrement, et il y avait un certain désarroi chez nous parce qu'on ne peut pas comprendre que le premier ministre du Québec ne soit pas sensible à toutes ces allégations et qu'il ne pose pas les gestes qu'il devrait poser à ce moment-ci et qui seraient tout à son honneur, et c'est de déclencher une véritable commission d'enquête.
Nous lui avons en plus fourni une idée, qui nous apparaît particulièrement pertinente, à savoir que le mandat de cette commission, que les membres de cette commission puissent être choisis par des personnes indépendantes, au-dessus de tout soupçon. Nous avons pensé au juge Gomery et nous avons pensé au Vérificateur général du Québec. Pas pour présider cette commission, pour en définir le contenu, le mandat et pour en reconnaître les... en nommer les membres. Alors, c'est probablement... c'est-à-dire, c'est complètement désolant, ce qui se passe, et les citoyens du Québec ne sont pas dupes. Moi, je crois qu'actuellement, leur réaction, on l'a vu dans les sondages ce matin, c'est qu'ils sont complètement outrés de la façon dont fonctionne ce gouvernement, et ils ont l'impression de se faire flouer.
M. Chartrand (Yves): Monsieur... Mme Marois, je ne comprends pas comment vous n'allez pas au bout de toute la logique. Vous parlez d'un gouvernement qui est en crise de confiance, qui n'a plus aucune crédibilité, qu'attendez-vous pour réclamer des élections?
Mme Marois: Vous savez, quand on veut demander... quand on demande quelque chose, il faut avoir un espoir de pouvoir réussir à l'obtenir, et actuellement j'ai l'impression qu'il y a tellement de déni de la part du gouvernement qu'il n'est même pas prêt à procéder à une enquête, quand ce ne serait qu'une enquête plus complète sur les allégations de M. Bellemare, sans même aller là où on veut. Alors, moi, je crois que le gouvernement a encore une chance de se reprendre en... Je fais appel au sens de l'honneur du premier ministre. Il a une responsabilité, il est le chef de l'État du Québec, il a une responsabilité quant au respect de l'intégrité de nos institutions.
M. Chartrand (Yves): Mais... une autre question que je trouve importante...
Mme Marois: Oui.
M. Chartrand (Yves): ...que vous preniez le pouvoir à un moment ou à un autre, est-ce que, vous, vous allez déclencher une enquête publique sur ce... tous ceux...
Mme Marois: Nous pensons qu'il faudra déclencher une enquête publique.
M. Chartrand (Yves): Peu importe... Parce que, là, évidemment on parle surtout du financement du Parti libéral. Vous pourriez prendre le pouvoir dans trois ans, quatre ans, là, selon l'échéancier normal.
Mme Marois: C'est ça. Évidemment, écoutez, là, on verra où en est la conjoncture, au sens...
M. Chartrand (Yves): Oui. Mais...
Mme Marois: ...ou s'il y a eu des enquêtes, s'il y a eu des procès, ou quoi que ce soit, là. Tu sais, il ne faut quand même pas...
M. Chartrand (Yves): Mais vous ne dites pas non, qu'une fois au pouvoir vous pourriez le faire, cette enquête?
Mme Marois: On ne dit pas non, pas du tout, pas du tout. Bien sûr qu'on pourrait le faire, bien sûr.
M. Duchesne (Pierre): Mme Marois, l'ancien juge Bastarache a coprésidé la campagne du Oui lors du référendum de Charlottetown, 1992. Ça suscite quoi comme questionnement chez vous?
Mme Marois: Écoutez, vous avez vu comment le premier ministre, ce matin, à chaque fois qu'on se lève pour oser critiquer ses positions, pour oser questionner ses demi-vérités et ses affirmations un peu... très peu claires, hein, nous accuse de vouloir faire de la basse politique. Alors, M. Bastarache a un mandat, le juge Bastarache a un mandat... Je ne veux pas critiquer les qualités du juge Bastarache. Il a aussi un passé. J'imagine que ça a dû aider pour qu'il le choisisse. Mais, au-delà de ça, ça reste une personne compétente. Et je veux rester sur le fond des choses, je vous le dis, là.
M. Ouellet (Martin): Sur la nomination des juges...
Mme Marois: Oui.
M. Ouellet (Martin): ...vous ne croyez pas M. Charest quand il dit que les règles n'ont pas changé et que les listes ne sont pas accessibles aux membres du conseil...
Mme Marois: Les règles peuvent... Les règles peuvent ne pas avoir été changées, mais la façon de les appliquer, oui, par exemple. Et, ce matin, je sais que j'ai insisté, mais jamais la ministre de la Justice n'a démenti son attachée de presse, jamais le premier ministre n'a dit: Nos attachés politiques vous ont menti.
Mme Thibeault (Josée): Qu'est-ce que vous croyez? Vous croyez... est-ce qu'il y a une liste qui circule ou simplement les noms...
Journaliste: ...des noms qui sont connus?
Mme Marois: Je ne le sais pas.
Mme Thibeault (Josée): Mais pensez-vous que...
Mme Marois: Je ne le sais pas, mais tout est possible. Le premier ministre a, au moins sur ça, dit qu'il n'y avait pas de liste, mais pas une liste et... qu'un ministre puisse poser une question... Je vais vous donner un exemple : ...pose la question: Est-ce qu'il y avait d'autres candidatures? Oui. Quelles sont-elles? Est-ce que d'avoir une liste et de connaître les noms de cette façon-là ou par une liste, ça ne donne pas le même résultat? Voyons!
M. Ouellet (Martin): Est-ce que vous affirmez que les noms sont connus, les noms de la «short list» sont connus au Conseil des ministres?
Mme Marois: Bien, écoutez, moi, je pose la question parce que c'est l'affirmation que fait M. Bellemare. Et les attachés politiques des ministres nous disent en noir sur blanc ce matin que, oui, on connaît la liste de ceux qui sont... qui sont... qui ont les capacités d'être nommés juges, c'est-à-dire qu'ils ont été jugés éligibles. Alors, moi, je crois ce qui est écrit là.
M. Ouellet (Martin): Alors, M. Charest ment à la population? Mme Weil ment aussi?
Mme Marois: Bien, ils font... c'est souvent la technique de M. Charest, hein? C'est comme des demi-vérités. Il n'y a pas de liste qui circule. Bon, d'accord. Il peut ne pas y avoir de liste qui circule, mais, si je lève la main puis je demande qui sont les noms, puis que je connais les noms? Alors, en ce sens-là, c'est la tactique la plus, je dirais, la plus communément utilisée par M. Charest.
M. Boivin (Mathieu): Comment on pourrait se prémunir contre ce genre d'indiscrétions là? Est-ce n'est pas de la nature humaine, ça, le téléphone arabe, un moment donné?
Mme Marois: C'est-à-dire que, oui, c'est toujours de nature... c'est toujours possible, mais, quand les processus sont parfaitement respectés, que les personnes en autorité assument pleinement leurs responsabilités en toute intégrité, je peux vous dire qu'avec les ministres de la Justice que nous avons eus il n'y avait pas d'influence pour nommer des juges, au Conseil des ministres.
M. Dutrisac (Robert): Mais croyez-vous que Mme Weil, qui est quand même une ministre qui vient d'arriver, là, qui n'a pas nécessairement beaucoup d'expérience, a la stature qu'il faut justement pour rester totalement insensible aux pressions qu'elle pourrait subir?
Mme Marois: D'abord, moi, je crois que c'est une femme, au plan personnel, au plan humain, une femme de grande qualité. Elle a peu d'expérience, et actuellement son attitude est en train de la disqualifier. Parce que ma collègue Véronique Hivon, députée de Joliette, a très bien campé, dans ses questions, la responsabilité qu'avait une Procureur général et une ministre de la Justice, qui devait, dans le fond, agir en dépit et envers son premier ministre s'il le fallait pour corriger des situations qui lui apparaissaient inacceptables ou pour prendre des décisions qui relevaient de sa responsabilité. Et qu'un premier ministre nomme le juge qui va enquêter sur des allégations qui concernent le premier ministre lui-même n'est pas acceptable, et la ministre de la Justice, à cet égard-là, aurait dû agir. Donc, est-ce son manque d'expérience? C'est difficile, être ministre de la Justice dans un gouvernement. J'en ai vu quelques-uns dans notre propre gouvernement, c'est exigeant et c'est un lourd travail à accomplir.
Journaliste: Dans le cas de M. MacMillan, est-ce que vous croyez sa version des faits? Il dit qu'il n'y a pas eu de pressions indues, qu'il n'a fait que mentionner le nom d'un juriste qui ferait un bon juge.
Mme Marois: Bien, écoutez, M. MacMillan dit pas mal de choses, alors on en prend puis on en laisse, là, mais généralement, je veux dire, quand il intervient, il n'intervient pas de façon... en disant: S'il vous plaît, est-ce que vous ne pourriez pas imaginer que peut-être quelqu'un pourrait être juge... Vous connaissez M. MacMillan comme moi, là?
M. Lessard (Denis): ...avez-vous déjà mentionné des noms à votre collègue Bégin, par exemple, un tel, un tel...
Mme Marois: Je ne me souviens pas d'avoir mentionné de noms.
M. Lessard (Denis): Comme M. Therrien, dont on a parlé, qui était venu vous voir, puis... bon.
Mme Marois: Non, mais c'est ça, oui on en a parlé. Non, même pas, parce que, quand... M. Therrien était avocat à Longueuil, et, moi, j'étais députée de Taillon; il a demandé un rendez-vous, il est venu me voir à mon bureau. Je ne connaissais pas M. Therrien auparavant, si ce n'est, là, qu'il avait des... il était parmi les noms des avocats qui siégeaient à Longueuil. Il est venu me voir et il m'a dit: Je souhaite présenter ma candidature. Bien, je lui ai dit: Écoutez, vous pouvez très bien présenter votre candidature, et dans le fond c'est à vous de vous... de devenir éligible, si on veut, c'est à vous à faire la preuve, moi, je n'interviens pas dans les processus. À partir de là, ça se termine.
M. Lessard (Denis): Mais, en dehors de ça, vous n'avez jamais parlé de quoi que ce soit à M. Bégin en disant: Bon, bien, untel semble-t-il, serait intéressé?
Mme Marois: Non. Non.
M. Lessard (Denis): Il y a une différence à en parler puis à faire pression puis...
Mme Marois: Oui, oui, je suis d'accord. Mais, de toute façon, ça a vraiment toujours été le ministre de la Justice qui a décidé, qui est venu présenter... Moi, je ne me souviens pas d'avoir fait ça. De toute façon, je ne viens pas, non plus, de cet univers, je n'ai pas de connaissances...
M. Lessard (Denis): ...non plus, là, puis.
Mme Marois: Non, mais on a des comportements différents puis des règles de morale différentes.
M. Grant (John): When you were in Cabinet, did you know who was on the short list to be a judge?
Mme Marois: No. We didn't know. Anybody in the Council or Ministers was informed, were informed about the names on the list, on the short list. The Minister of Justice arrived at the Council of Ministers and said: I recommend this person. And that's all. The only think we could do is if we think there is a problem with this people because something has not been known, but that's all.
Mme Montgomery (Angelica): What do you make of the fact that... what's happening with Norm MacMillan, the fact that he admits to having approached or having been approached by...
Mme Marois: No. He said to us it was possible to influence the process, to influence the nomination of the judges. That is always what he... that is all what he is saying.
Le Modérateur: Une dernière en anglais.
Mme Montgomery (Angelica): When its comes to the polls and how people are seeming to say that they trust Mr. Bellemare more than Charest, why do you thing that that is?
Mme Marois: Because Mr. Charest, for the last months, didn't say all the truth to the population. And, if you have a look on the... the manifestation during the last weekend on the... on the «pancartes», there was a word: «M. Charest est un menteur», and, I think, the population now thinks that Mr. Charest is... didn't... didn't say... doesn't say the truth. So, when Mr. Bellemare says something, they think Mr. Bellemare is right.
Des voix: ...
Le Modérateur: Caroline.
Mme Marois: Pardon?
Mme Plante (Caroline): One more question in English. ...maintained that they're not doing anything wrong, the process is clean. What is about their answers that you don't believe?
Mme Marois: I don't believe because they say only half of the truth. They use some words and not other. They say: No, there is no list. OK, there is no list, but, if somebody asks to the Minister of Justice: Do you have other names except this one? You have no list, but you can know who is on the short list. So, it is why we have some problems with the words of Mr. Charest and with the words of his Minister of Justice. And she didn't, never... «contredire»?
Une voix: Contradict.
Mme Marois: ...contradict his press attachée.
Une voix: Merci.
Mme Marois: Merci.
M. Boivin (Mathieu): Madame, réclamez-vous un remaniement? Il y a des ministres, là-dedans, qui pourraient...
Mme Marois: Qu'en pensez-vous?
M. Boivin (Mathieu): Bien, le réclamez-vous?
Une voix: Merci.
(Fin à 11 h 53)
DOUTEUR. PROFESSEUR BULLE. HENRY DICKSON
Députée Pauline Marois