David Desjardins
23 février 2011
http://www.voir.ca/blogs/david_desjardins/archive/2011/02/23/la-moronnerie-ambiante.aspx
MORONS DE L'ÉDUCATION
Prenons les conséquences d'une politique qui déraille complètement, et ramenons-la à l'échelle microscopique.
La politique en question, c'est l'imposition aux commissions scolaires par le ministère de l'Éducation d'atteindre des cibles de réussite plus élevées.
Comme ça, tiens-toi. Sans ajout d'orthopédagogues, sans investissement majeur, rien de concret, sauf un petit coup de cravache: allez hue, forcez-vous le cul!
[Et on vient de décider selon les mêmes principes de forcer l'instruction de l'anglais en classe de sixième. Affirmant sans rire que si, hier, il fallait un an pour enseigner les matières obligatoires, aujourd'hui, la moitié de l'année sera suffisante. Le reste étant consacré, comme on vient de le dire, à l'apprentissage de l'anglais et à l'enseignement de cette langue. J'aligne les 2 mots puisqu'il ne s'agit pas de la même chose. Parmi le reste, il y aura, entre autre, le français dont jusqu'hier, on (sans trop savoir qui était au juste ce «on») devaient faire leur matière principale. Émotion! Ravissement! Ces cours devant se donner en anglais comme pour une nation conquise. Heu! C'est le cas! Sans augmentation de troupe ni de $. Et par des profs dont une grande partie ne maîtrise pas cette langue. Nie le français. Ni quoique ce soit d'autre. Étant formé par les mêmes écoles avec les mêmes méthodes ou leurs parents ou cousins (elles changent régulièrement de nom pour éviter qu'on les reconnaisse), il est normal qu'une fois adulte ils fassent profiter de leur science les futures générations. Il y a un raisonnement parmi nos élites qui surprend toujours. Il y a là une logique tout à fait exquise. Le taux d'anal... heu! de «non comprenant» de cette langue parmi la population locale étant... heu! Et on voudrait leur montrer l'anglais aussi. On oubliait que la grande nouvelle planant dans le même univers, également annoncé par notre grand sage municipal et régional l'année dernière était l'apprentissage de l'anglais en première année. Encore une fois par des profs qui n'ont aucune idée de quoi il s'agit. Un tel miracle ne pouvait demeurer isolé. Merci. Merci qui?]
À la base, donc, rien n'a changé. Les élèves proviennent du même endroit, sont issus du même système, et du jour au lendemain, on demande à leurs profs de faire mieux avec la même chose.
Évidemment, ce qui devait arriver arrive: les profs n'y parviennent pas.
Et quand on le constate à la direction de l'école, on freake un peu, on suggère sans vraiment le dire d'avoir le crayon rouge un peu plus leste et le cahier d'autocollants avec des tites étoiles qui sentent bon un peu plus généreux.
C'est ainsi, mesdames et messieurs, que les politiques de réussite scolaire du gouvernement tendent à faire de vos enfants d'adorables analphabètes à la fin du cours primaire.
[Et des incultes à la fin du secondaire! Il ne faut pas que si belles méthodes se perdent.]
Parce qu'elle est là, la véritable tragédie. Pas dans le maquillage du Ministère et des commissions scolaires, mais dans les vies qu'on risque de bousiller pour des motifs politiques.
Une éducation massacrée en secret, sans que personne ne puisse venir à la rescousse, puisque la réalité est éludée.
Comment les parents peuvent-ils entrer en jeu s'ils ignorent que leur enfant échoue?
Comment un prof osera-t-il aller voir des parents pour leur dire: votre fille a la note de passage, mais elle ne comprend rien; je l'ai fait passer pour me conformer aux exigences du Ministère...
Bref, vous ne le saurez jamais, mais votre enfant pourrait tout aussi bien avoir trouvé son diplôme dans une boîte de Cracker Jack.
On vise la réussite, mais la réussite pour qui? Et qu'est-ce que la réussite, au juste?
Est-ce savoir lire et compter,
est-ce obtenir la note de passage?
Les profs qui dénoncent la situation ont raison: la réussite n'est pas un chiffre.
J'ajouterais que c'est l'acquisition de connaissances qui sont autant de conditions au bonheur. Des connaissances qui sont les clés d'une existence sur laquelle on détient un minimum de contrôle parce qu'on a en main les outils qui nous permettent d'envisager le monde avec un peu de recul critique.
Je vous parlais des conséquences à l'échelle microscopique: j'entendais par là qu'il faut peser un par un les destins sacrifiés d'enfants qu'on abandonne pour atteindre des objectifs politiques. Des vies qu'on détourne sur la voie de garage pour sauver la face.
15 commentaires
[Pour voir les ravages des conséquence d’une cause dont on vient de causer. Observer et lire le no. 5098. Voir l’école comme un chaîne de montage de cruches où il faut que le mouvement soit constant et sans entrave (avoir des exigences et détourner du mouvement général du tapis roulant ceux qui sont défectueux le temps de les améliorer prend plus de temps, plus de personne et d’$) fait qu’à la sortie de l’usine, il y a des masses de cruches lisses bonnes à remplir. Pas un peuple. Ni des citoyens. Ni des individus. Mais des consommateurs nerveux, sentimentaux, influençables et sans jugement. Des hystériques névrosés. Ce qui est très bien si c’est ça qu’on veut ou si c’est ce que la société actuelle a besoin (des consommateurs gloutons et dociles) mais pas ce que dans le passé pas si ancien on considérait comme le but de l’éducation. On employait même les mots culture et formation de l’esprit et de la personne ce qui fait louche. ]
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