mercredi 26 mai 2010
3746
L'ÉTRANGE MARTYRE DU CARDINAL
Jean- Simon Gagné
21 mai 2010
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/opinions/chroniqueurs/201005/20/01-4282518-letrange-martyre-du-cardinal.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_lire_aussi_4283101_article_POS2
(Québec) Même en essayant très fort, je n'arrive pas à comprendre la commotion suscitée par les récentes déclarations de Mgr Ouellet sur l'avortement. Quoi? Il existe encore des gens qui s'étonnent lorsque le cardinal raconte des âneries? Des gens renversés d'apprendre que l'Église condamne l'avortement en toutes circonstances, même lorsqu'une femme a été violée?
Comprenez-moi bien. Je ne cherche pas d'excuses au cardinal. Mgr Ouellet est parfaitement capable de se mettre les pieds dans les plats tout seul. Mais on s'attend à quoi? À ce qu'il fasse preuve de courage en prenant ses distances avec Rome? À ce qu'il avale son calot?
Pourquoi pas lui réclamer un petit numéro de danse à claquettes, tant qu'à y être?
L'indignation des uns et des autres me semble aussi vaine que celle d'une dame qui avait aperçu un ours en train de tuer un chevreuil, au zoo de Saint-Félicien.
- Faites quelque chose! s'est mise à hurler la dame, en direction d'un gardien.
Le gars a dû expliquer que dans la nature, les ours ne sont pas tous gentils comme Winnie l'ourson. Ils mangent parfois les chevreuils. Ça fait partie de l'ordre des choses. Les gros bouffent les petits. Les truites gobent les moustiques. Et les cardinaux abusent de leur autorité en condamnant l'avortement, la contraception et parfois même Harry Potter.
Non, attendez. Dans le cas de Harry Potter, cela peut s'expliquer par la crainte de la concurrence. Jadis, il n'y avait que la Bible qui racontait des tours de magie...
Lorsque vous vous retrouvez au fond d'un trou, il est fortement conseillé d'arrêter de creuser. Or, Mgr Ouellet et ses collègues vêtus de pourpre ne cessent de réclamer de nouvelles pelles...
L'an dernier, l'histoire d'une fillette brésilienne, violée par son beau-père, leur donnait pourtant l'occasion d'en sortir de manière honorable.
Mais c'était trop espérer. Autant demander à un fossile de se mettre à chanter du hip hop...
La fillette, âgée de neuf ans, se faisait agresser depuis des années. Elle avait fini par devenir enceinte de jumeaux. Sur les conseils de sa mère, elle s'était fait avorter, ce que permettait la loi brésilienne, dans le cas d'un viol.
Alerté, l'archevêque de Recife a excommunié la mère et les médecins qui avaient pratiqué l'intervention. Notons que le violeur n'a pas été exclu de l'Église. «Le viol constitue un péché moins grave que l'avortement», a décrété l'évêque, avec toute la crédibilité de l'aveugle qui s'improvise agent de la circulation.
L'affaire a provoqué une énorme vague d'indignation au sein de l'Église. Même Mgr Ouellet s'en est ému, jugeant les excommunications exagérées.
Mais sur le fond des choses, la position de l'Église est demeurée inchangée. De quoi sympathiser avec tous les catholiques sincères, qui ne peuvent pas s'écrier : «Dieu merci, je suis athée!»
Aujourd'hui, la controverse sur l'avortement arrive à point nommé pour le cardinal Ouellet. Attention. Je ne dis pas qu'il l'a fait exprès. Mais ça change du scandale des prêtres pédophiles, qu'il «gère» avec toute l'habileté d'un poisson conduisant une bicyclette.
Grâce à la controverse, Mgr Ouellet peut jouer son rôle favori : celui de la victime. Celui du libre-penseur persécuté par un Québec moderne qu'il accuse de «s'autodétruire» et de «cultiver la mort». Des fois, on dirait qu'il emprunte son script à certains albums de heavy metal, mais c'est une autre histoire...
«Il faut répondre à la haine par l'amour et répondre à la persécution par la patience et même le martyre», a déclaré Mgr Ouellet le jour de Pâques. En entendant ces paroles, un visiteur aurait pu croire que le Québec était plongé dans la guerre civile. Au fond, il importe peu que le plus grand danger qui guette le cardinal, c'est encore celui de se couvrir de ridicule. Si la vérité n'est pas de ce monde, pourquoi devrait-il résister à la tentation de raconter n'importe quoi, je vous le
demande?
Il ne reste qu'à conclure en empruntant la formule de politesse du dessinateur Scott Adams. «Sans vouloir vous manquer de respect, Monsieur, je refuse l'invitation à partager vos hallucinations.»
Jean- Simon Gagné
21 mai 2010
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/opinions/chroniqueurs/201005/20/01-4282518-letrange-martyre-du-cardinal.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_lire_aussi_4283101_article_POS2
(Québec) Même en essayant très fort, je n'arrive pas à comprendre la commotion suscitée par les récentes déclarations de Mgr Ouellet sur l'avortement. Quoi? Il existe encore des gens qui s'étonnent lorsque le cardinal raconte des âneries? Des gens renversés d'apprendre que l'Église condamne l'avortement en toutes circonstances, même lorsqu'une femme a été violée?
Comprenez-moi bien. Je ne cherche pas d'excuses au cardinal. Mgr Ouellet est parfaitement capable de se mettre les pieds dans les plats tout seul. Mais on s'attend à quoi? À ce qu'il fasse preuve de courage en prenant ses distances avec Rome? À ce qu'il avale son calot?
Pourquoi pas lui réclamer un petit numéro de danse à claquettes, tant qu'à y être?
L'indignation des uns et des autres me semble aussi vaine que celle d'une dame qui avait aperçu un ours en train de tuer un chevreuil, au zoo de Saint-Félicien.
- Faites quelque chose! s'est mise à hurler la dame, en direction d'un gardien.
Le gars a dû expliquer que dans la nature, les ours ne sont pas tous gentils comme Winnie l'ourson. Ils mangent parfois les chevreuils. Ça fait partie de l'ordre des choses. Les gros bouffent les petits. Les truites gobent les moustiques. Et les cardinaux abusent de leur autorité en condamnant l'avortement, la contraception et parfois même Harry Potter.
Non, attendez. Dans le cas de Harry Potter, cela peut s'expliquer par la crainte de la concurrence. Jadis, il n'y avait que la Bible qui racontait des tours de magie...
Lorsque vous vous retrouvez au fond d'un trou, il est fortement conseillé d'arrêter de creuser. Or, Mgr Ouellet et ses collègues vêtus de pourpre ne cessent de réclamer de nouvelles pelles...
L'an dernier, l'histoire d'une fillette brésilienne, violée par son beau-père, leur donnait pourtant l'occasion d'en sortir de manière honorable.
Mais c'était trop espérer. Autant demander à un fossile de se mettre à chanter du hip hop...
La fillette, âgée de neuf ans, se faisait agresser depuis des années. Elle avait fini par devenir enceinte de jumeaux. Sur les conseils de sa mère, elle s'était fait avorter, ce que permettait la loi brésilienne, dans le cas d'un viol.
Alerté, l'archevêque de Recife a excommunié la mère et les médecins qui avaient pratiqué l'intervention. Notons que le violeur n'a pas été exclu de l'Église. «Le viol constitue un péché moins grave que l'avortement», a décrété l'évêque, avec toute la crédibilité de l'aveugle qui s'improvise agent de la circulation.
L'affaire a provoqué une énorme vague d'indignation au sein de l'Église. Même Mgr Ouellet s'en est ému, jugeant les excommunications exagérées.
Mais sur le fond des choses, la position de l'Église est demeurée inchangée. De quoi sympathiser avec tous les catholiques sincères, qui ne peuvent pas s'écrier : «Dieu merci, je suis athée!»
Aujourd'hui, la controverse sur l'avortement arrive à point nommé pour le cardinal Ouellet. Attention. Je ne dis pas qu'il l'a fait exprès. Mais ça change du scandale des prêtres pédophiles, qu'il «gère» avec toute l'habileté d'un poisson conduisant une bicyclette.
Grâce à la controverse, Mgr Ouellet peut jouer son rôle favori : celui de la victime. Celui du libre-penseur persécuté par un Québec moderne qu'il accuse de «s'autodétruire» et de «cultiver la mort». Des fois, on dirait qu'il emprunte son script à certains albums de heavy metal, mais c'est une autre histoire...
«Il faut répondre à la haine par l'amour et répondre à la persécution par la patience et même le martyre», a déclaré Mgr Ouellet le jour de Pâques. En entendant ces paroles, un visiteur aurait pu croire que le Québec était plongé dans la guerre civile. Au fond, il importe peu que le plus grand danger qui guette le cardinal, c'est encore celui de se couvrir de ridicule. Si la vérité n'est pas de ce monde, pourquoi devrait-il résister à la tentation de raconter n'importe quoi, je vous le
demande?
Il ne reste qu'à conclure en empruntant la formule de politesse du dessinateur Scott Adams. «Sans vouloir vous manquer de respect, Monsieur, je refuse l'invitation à partager vos hallucinations.»